Islam de France: une nouvelle réforme sur les rails. Le mercredi 25 février fut une journée marathon pour le ministre de l’Intérieur français, Bernard Cazeneuve. Une journée entièrement dédiée à la réforme de l’islam de France. Le matin, le ministre était à Paris, en Conseil des ministres où il présentait son éventail de mesures pour réorganiser la seconde religion du pays. L’après-midi, il prenait le train pour Bordeaux pour rencontrer les dignitaires et les fidèles de l’islam girondin. Lors de sa visite, menée au pas de course, à trois mosquées, Bernard Cazneuve a exposé les axes de la nouvelle réforme en même temps qu’il s’est employé à répondre à « l’inquiétude » de ses compatriotes musulmans. Une inquiétude, a-t-il déclaré, qui « « résulte d’abord de la multiplication des violences commises contre les musulmans et leurs lieux de culte: le nombre de ces actes a atteint, au cours du seul mois de janvier, le seuil observé pour l’ensemble de l’année 2014. Des mesures seront très prochainement annoncées, qui concerneront la mobilisation de ressources conjointes de tous les services de l’Etat et de la société civile, le renforcement de la répression, la lutte contre les messages de haine sur Internet et les réseaux sociaux, et enfin l’éducation .» Une « instance de dialogue » Douze ans après la création en 2003 par Nicolas Sarkozy du Conseil Français du Culte musulman (CFCM), le gouvernement français s’attelle donc à une nouvelle réforme de l’islam de France. Les attentats des 7,8 et 9 janvier ont rendu celle-ci d’une extrême urgence à ses yeux. Parmi les mesures présentées en Conseil des ministres par Bernard Cazeneuve, la principale porte sur l’institution d’une « instance de dialogue » entre les gouvernements et les représentants du culte musulman, sur le modèle de celle qui réunit deux fois par an Matignon et l’église catholique. Cette instance sera désormais le lieu où seront discutés des problèmes concrets comme la formation des imams, la place des écoles confessionnelles, l’abattage rituel ou encore les fêtes religieuses. Autant de sujets de préoccupation pour les musulmans selon Cazeneuve qui, pour l’heure ne sont traités nulle part. Cette instance devrait être la plus représentative possible et être ouverte à « tous ceux qui peuvent jouer un rôle pour la consolidation en France d’un Islam fidèle aux valeurs de la République ». Pour le gouvernement français, tout l’enjeu se concentre sur ce point, dans l’adaptabilité de la religion musulmane au contexte français. En cela, le déplacement à Bordeaux, dans la foulée de la présentation en Conseil des ministres de ces mesures de réforme, du ministre de l’Intérieur n’est pas fortuit. Le grand imam de la mosquée El Houda de Bordeaux, Tareq Oubrou représente en effet le prototype des personnalités musulmanes sur l’appui desquels l’Etat français compte pour mener à bien ce travail d’adaptation de l’islam à l’environnement français. 1/2 Islam de France: une nouvelle réforme sur les rails. Connu pour son approche réformatrice, Tareq Oubrou défend l’idée d’une « réinterprétation de l’islam dans un monde qui n’a rien à voir avec celui des textes fondateurs » en insistant sur la nécessité de « désenvelopper l’islam des cultures (d’origine) pour l’acculturer aux cultures de l’Occident ». D’où l’importance de la formation de ceux qui véhiculent le discours religieux à la communauté musulmane, à savoir les imams. Une formation universitaire obligatoire. Parmi les mesures concrètes prises dans le cadre de la nouvelle réforme de l’islam de France, la formation des imams vient au premier plan. Désormais, pour devenir aumônier, le suivi d’une formation universitaire française prend une dimension obligatoire. Les imams qui officient actuellement dans les mosquées de l’Hexagone sont très peu nombreux à en avoir bénéficié. Jusqu’à présent, seuls six diplômes universitaires adaptés à leur profil existent. Ceux-ci devraient être portés à une douzaine d’ici à la fin de l’année et tout aumônier, surtout s’il travaille dans les prisons devra justifier de l’un ou l’autre de ces diplômes. A Bordeaux, Bernard Cazeneuve a longuement évoqué cette question, insistant sur la nécessité pour ces imams de disposer de « connaissances précises concernant nos institutions, les règles de la laïcité, le fait religieux dans notre pays, notre droit ». Tareq Oubrou a abondé dans son sens, estimant que « c’est à la communauté et aux musulmans eux-mêmes de travailler, d’interpréter l’islam, pour lui donner une forme audible,. C’est un travail fondamental qui incombe à nos prédicateurs, nos imams. A nous de faire ce travail, qui est plus important que celle de la représentativité. C’est à l’islam de s’adapter à son environnement, il faut convertir la religion pour créer de la paix dans le monde. Mais, il a toutefois ajouté , il faut d’abord que les musulmans soient apaisés». 2/2