Aberrométrie et film lacrymal 27
de la qualité de vision à une altération qualitative voire quantitative du film
lacrymal, avec ou sans quelques altérations épithéliales cornéennes en périphé-
rie inférieure [2].
Le film lacrymal précornéen constitue la première interface optique entre le milieu
extérieur et le dioptre oculaire. Ainsi, ses caractéristiques conditionnent de façon
importante les propriétés optiques de l'œil du fait de la grande variation d'indice
optique entre l'air et le milieu aqueux. Un amincissement homogène du film
lacrymal a peu d'effets optiques, alors que les défauts d'étalement et les irrégularités
du film nuisent significativement à la qualité de vision. Ainsi, quelle que soit l'origine
de la sécheresse oculaire, l'instabilité pathologique du film lacrymal introduit des
aberrations optiques qui dégradent la qualité de l'image projetée sur la rétine [3–5].
Nécessité de méthodes d'analyse dynamique
La principale difficulté rencontrée au cours de l'évaluation du film lacrymal
repose sur son aspect dynamique. Le film lacrymal passe par plusieurs phases
entre deux clignements des paupières : immédiatement après le clignement
palpébral, un ménisque de larme se forme et se repartit sur la totalité de la
surface cornéenne de façon uniforme, puis il s'amincit progressivement et se
rompt en laissant des zones asséchées sur la cornée qui s'étalent progressi-
vement jusqu'au clignement palpébral suivant. Ces variations temporelles du
film lacrymal rendent difficiles les explorations complémentaires statiques et
nécessitent ainsi le recours à des méthodes d'enregistrement continu ou dis-
continu afin d'en étudier la composante variable et son influence sur la qualité
de vision en temps réel [6–8].
La dynamique lacrymale peut être étudiée selon différentes approches. L'examen
clinique, i.e. le temps de rupture du film lacrymal, fournit peu d'informations sur
la sévérité de l'atteinte, et encore moins sur la dégradation de la qualité de vision.
La topographie et la vidéokératoscopie renseignent sur l'architecture du film
lacrymal – cartographie de l'épaisseur et variations dans le temps – de laquelle il
est possible mathématiquement d'extrapoler certaines propriétés optiques, bien
que cela demeure une mesure indirecte (cf. infra). L'interférométrie, quant à elle,
définit des indices de quantité et de qualité du film lacrymal, mais n'offre pas
d'analyse optique directe.
Le développement de l'aberrométrie, originellement porté par l'essor de la chirur-
gie réfractive, trouve ainsi, depuis peu, une nouvelle application dans l'évaluation
de la qualité de vision au cours de certaines affections comme la sécheresse ocu-
laire [9]. Les aberromètres permettent de quantifier les perturbations visuelles
induites par les aberrations d'ordre élevé telles que celles créées par l'instabilité
lacrymale. Ainsi, les modifications temporelles des aberrations d'ordre élevé après
un clignement palpébral peuvent apparaître comme des éléments caractéris-
tiques de l'instabilité lacrymale liée à la sécheresse oculaire (figure2.1).
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