42 Focus Trends-Tendances 15 novembre 2007
d’ordinateurs ne fabriquent plus d’ordina-
teurs. Cette logique de décentralisation va
s’amplifier. Qui que vous soyez, quelle que
soit votre importance, en vous connectant
avec vos pairs, vous pouvez créer et pro-
duire ce que vous voulez. Ce modèle des
pairs permet désormais à Boeing de déve-
lopper son B787 Dreamliner. L’avionneur
est parti du principe simple que les meil-
leurs esprits et qualifications ne se trou-
vaient pas nécessairement à l’intérieur du
groupe. Mais plus sûrement dans les mil-
liers de cerveaux actifs ailleurs sur la pla-
nète, et chez leurs sous-traitants.
La logique 2.0 est en marche, dites-vous.
Mais qu’est-ce qui vous convainc que nous
ne sommes pas face à une nouvelle bulle ?
Microsoft,par exemple, vient d’injecter 240
millions de dollars pour une acquérir 1,6 %
de Facebook, presque une start-up...
Aujourd’hui, les plus gros investissements
ne vont pas dans les start-up 2.0. C’est une
affaire des grands groupes. Procter & Gam-
ble, par exemple, ouvre de plus en plus ses
processus d’innovation à des tiers. De puis-
sants acteurs économiques ouvrent des Ideagoras.Le groupe minier
Barrick Gold a d’offert 10 millions de dollars a tout qui dans le
monde lui apportera la solution pour accroître les rendements d’un
mine d’argent en Argentine. Les principes de Wikinomics sont en
train de changer la façon d’opérer des services bancaires, par exem-
ple. Regardez les dégâts occasionnés par la récente crise des sub-
primes.Jusqu’à maintenant, chaque banque entretenait jalousement
son propre modèle de gestion de risque. Du coup, les institutions
financières s’échangeaient très peu d’information à ce sujet. Je suis
impliqué à présent dans une initiative visant à promouvoir la philo-
sophie ouverte et participative. Si l’esprit wikinomics était appli-
qué, on pourrait réduire substantiellement les risques cachés dans
l’économie globale.
N’est-il pas paradoxal de parler d’ouverture, de partage,
d’échange d’information sur des matières aussi stratégiques
que l’innovation et les procédures,à l’heure où les entreprises
sont justement sensibilisées aux risque liés à l’espionnage
industriel, d’intelligence économique, à la contrefaçon ?
Le modèle consistant à tout faire soi même n’est plus le meil-
leur.En matièrede protection des droits intellectuels, je ne dis
pas qu’une entreprise doit se dénuder entièrement. Mais elle
doit apprendreàgérer son portefeuille de brevets, de droits intel-
lectuels, etc. comme le fait un fonds d’investissement. Un fonds
équilibre ses actifs entre des risques élevés et modérés, l’Eu-
rope et l’Asie... Dans votre portefeuille de droits intellectuels,
vous aurez des licences ou des brevets que vous protégerez avec
détermination. D’autres que vous partagez partiellement dans
votre réseau d’affaires. D’autres encore que vous partagez plus
loin, avec vos clients, ou avec des tiers ailleurs. Et puis, il y a
votre participation à des projets dénués de droits, développés
au profit de la collectivité. Exemple :le système opérationnel
ouvert Linux (Ndlr, gratuit et concurrent direct du Windows payant
de Microsoft). Le groupe informatique IBM a dépensé des centai-
nes de millions de dollars pour aider à développer Linux au sein
d’un réseau comptant des centaines d’autres contributeurs. Ils ont
utilisé la puissance de l’ensem-
ble pour concurrencer directe-
ment Microsoft. Nous ne
parlons pas ici d’un bel idéal.
Nous parlons de croissance.
Nous cherchons à battre la
concurrence. Evoluer dans ce
nouvel environnement exigera
cependant de la part des
cadres et des directeurs un
nouveau degré de sophistica-
tion dans leur manière de gérer
leur entreprise.
Quelle est la place des PME
dans Wikinomics ?
Crucial. Les PME peuvent
aujourd’hui avoir l’avantage des
grandes entreprises sans leur
grands handicaps : la bureau-
cratie interne, les legs de sys-
tème informatique, les legs de
culture, etc. Pour 100.000 dol-
lars, si vous êtes une petite
entreprise chimique, vous pou-
vez placer une demande sur le
site InnoCentive (Ndlr,website d’appel à idées lancé par le groupe
pharmaceutique Eli Lilly)et trouver une nouvelle molécule. Vous
n’avez plus besoin de réunir 100 millions de dollars avant de
démarrer. Le monde devient votre département de ressources
humaines. Vous pouvez construire votre propre réseau d’affaires.
Vous pouvez en être le chef d’orchestre. Mais vous pouvez aussi
choisir, plus simplement, de vous intégrer dans d’autres réseaux.
Et de participer à des projets au sein de ceux-ci.
Lemonde économique que vous décrivez n’est-il cependant pas
à ce stade un monde très nord-américain ?
Je ne crois pas. Je peux citer plusieurs exemples européens
d’entreprises qui embrassent les principes de Wikinomics.La ban-
que Dresdner Kleinwort, par exemple. Aujourd’hui, ceux-ci utili-
sent abondamment les blogs et les wikis.Ces derniers ont apporté
des améliorations dans le fonctionnement interne, en termes de
fluidité, de décloisonnement des départements. L’impact finan-
cier est difficile à mesurer. Mais des choses se produisent.
Qu’est-ce qu’une entreprise doit faire en premier pour entrer
dans la logique que vous décrivez ?
Je vais vous surprendre. Je crois que il faut commencer par
utiliser soit même des applications Web 2.0. Un cadrebelge
devrait d’abord aller sur Wikipédia et éditer quelque chose. Com-
mencer un blog. Retrouver ses amis de l’université via Facebook.
Télécharger une photo sur un site de partage comme Flickr, en
yajoutant un commentaire. Et fréquenter des
jeunes. Ils ont déjà tout compris.
■
(1) DON TAPSCOTT ET ANTHONY WILLIAMS,WIKINOMICS :
HOW MASS COLLABORATION CHANGES EVERYTHING,
ÉDITIONS ATLANTIC BOOKS, 408 PAGES,25 EUROS.
(TRADUCTION FRANÇAISE WIKINOMICS : WIKIPÉDIA,
LINUX,YOUTUBE...COMMENT L’INTELLIGENCE
COLLABORATIVE BOULEVERSE L’ÉCONOMIE,
ÉDITIONS PEARSON EDUCATION)
(2) WWW.NEWPARADIGM.COM
(Focus) L’interview
PG