L`humilité des pères synodaux : imitons-les

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Liberte Politique
L’humilité des pères synodaux : imitons-les !
Article rédigé par Cédric Burgun, le 20 octobre 2015
Le canoniste Cédric Burgun, maître de conférences à la Catho de paris, auteur de La famille, c’est
sacré (Artège), analyse sur son blog les travaux du synode sur la famille. Face aux multiples
commentaires que l’on peut entendre d’un côté ou de l’autre, entre les partisans du changement et les
partisans du statu quo, il invite à une lecture spirituelle de l’événement, qui fasse entrer dans le coeur
de toute la théologie de l’Église.
[Libres propos, 17/10/2015] — Le synode que nous vivons actuellement est un moment, dense et riche
de la vie de l’Église. Sa médiatisation est impressionnante : nous n’en avions pas vraiment l’habitude en
Église ! Pourtant, je me demande parfois si le synode a lieu à Rome ou en dehors … Qui sont les pères
synodaux ? Les évêques ou leurs commentateurs ? À travers cette question, nous sentons bien que de vrais
enjeux sont débattus, que cela tangue quelque peu. Cela ne me gêne pas outre mesure.
Pourtant, je reste surpris, voire interloqué, face au peu d’humilité dont nous pouvons faire preuve ici ou là.
Sur les réseaux sociaux, par exemple, sommes-nous si humbles face à l’autorité de l’Église ? Chacun y
va de sa petite citation qui va dans son sens… est-ce cela le synode ?
La famille dans sa globalité
Pourquoi une telle question ? Parce que les pères synodaux, eux, le sont bien, humbles ! Et nous sommes
invités à les imiter… Depuis quelques jours, court sur les médias ce constat de la part des pères synodaux :
ces sujets abordés, bien au-delà de la seule question conjugale, sont au cœur de toute la théologie de
l’Église. Les pères synodaux reconnaissent que, sur un certain nombre de ces questions, leur expertise doit
aller plus loin, que les seuls « commentaires » réducteurs que l’on peut entendre parfois d’un côté ou de
l’autre, entre les partisans du changement et les partisans du statu quo. Si les pères synodaux ont cette
humilité, pourquoi ne l’aurions-nous pas aussi ?
Après avoir fait un véritable état des lieux de la pastorale familiale, réaliste, concret et vrai, afin d’éviter tout
discours idéalisé et moraliste sur le mariage (comme j’ai pu le dire et l’exprimer dans mon livre, La Famille,
c’est sacré !) – c’était l’enjeu du dernier synode notamment – il s’agit aujourd’hui de prendre la question de
la famille dans sa globalité. Faut-il rappeler que cette question n’est pas d’abord une question de droit à ceci
ou à cela dans l’Église. Cette question est une question théologique bien plus profonde et bien plus large que
tous les commentaires ne sauraient exprimer : par exemple, préparation au mariage trop légère, catéchèse
inexistante sur l’anthropologie chrétienne, politiques familiales internationales, etc.
Voir plus loin…
C’est notamment la question de l’accès à la communion des divorcés remariés qui a fait émerger ce besoin
de recourir à plus d’expertise. Pourquoi ? Là encore, nous ne sommes pas d’abord sur une question de droit
et devoirs. Plus profondément, nous sommes quelque peu « coincés » par une théologie sacramentelle qui
peut sembler binaire.
Pour faire court, et même un peu caricatural, il existe comme deux approches théologiques : l’une considère
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que l’Eucharistie est le pain de la route qui amène à la conversion ; et l’autre qui considèrerait plutôt la
communion comme la « récompense » de cette conversion. Il faudrait être en « état de grâce » pour
communier. Or c’est cette question-là qui est apparue : comment traiter cette vaste question théologique ?
Les personnes divorcées remariées nous interpellent, nous qui pouvons communier. Et sans doute
avons-nous à retrouver une certaine exigence pour nous approcher de l’Eucharistie : à nous confesser et
vivre davantage une certaine cohérence de foi et de vie. À voir la file de communion et la file de
confessions, nous ne pouvons que constater la différence qui devrait être, de fait, une cohérence !
Certes, les personnes divorcées remariées avancent aussi le fait que les prêtres ou les religieux peuvent,
eux, se remarier. C’est vrai qu’il n’y pas d’incompatibilité théologique entre le mariage et le sacrement de
l’ordre reçu. Mais il existe aussi une véritable analogie sacramentelle des vœux religieux, même s’ils ne sont
pas des sacrements. Certes, certains peuvent penser qu’un prêtre est parfois plus aisément relevé de son
engagement qu’un mariage reconnu invalide : cette question a aussi été soulevée au synode ! Je comprends
le « scandale » que peuvent susciter ces « dispenses ». Pourquoi autoriser plus facilement à « divorcer » de
Dieu, se disent-ils ? Les pères synodaux ont donc souhaité que soit mieux traiter cette question, mieux
accompagner et expliquer cette pratique. Au fond, ne faut-il pas la remettre en cause et revenir à une
certaine radicalité de l’engagement et de sa permanence, notamment des vœux religieux ? Là aussi, c’est une
plus vaste question qu’il n’y paraît.
Imiter l’humilité synodale
Ce que je veux dire par là, c’est que certains commentaires et certains avis des uns ou des autres,
parfois, n’ont pas eu ou n’ont pas encore l’humilité des pères synodaux. Une théologie de la spiritualité
conjugale à encore à creuser ; la théologie sacramentaire est à reprendre aussi. Le péché originel n’est pas
qu’un péché individuel : c’est d’abord la communion d’amour de l’homme et de la femme, qui est la
première image de Dieu laissée en notre nature, qui a été blessée. C’est d’ailleurs le premier geste que le
Christ pose, dans l’évangile, au mariage de Cana. Il est venu restaurer cette conjugalité, signe de l’amour de
Dieu, signe de Dieu même !
De la même façon, recevoir les sacrements n’est jamais un pur acte individuel : il irrigue la vie sociale, la
vie de l’Église ; il est « signifiant » pour elle. Le sacrement de mariage est aussi à comprendre comme un
sacrement de « guérison » et de rayonnement de cet amour guéri par la grâce de Dieu. Le sacrement de
mariage n’est pas magique ; il faut aussi accompagner notre nature blessée. C’est toute la mission accomplie
par le Christ ; c’est toute la mission qu’il a confiée à Son Église. C’est évidemment bien plus large que et
c’est cela qui fonde l’humilité actuelle des pères synodaux.
Une théologie prophétique
La théologie conjugale de l’Église est prophétique pour notre monde, je le crois ! Ce n’est pas parce que
la vérité de la foi ne correspond plus aux attentes de la majorité qu’elle doit évoluer : Jésus lui-même n’a pas
d’abord cherché à plaire.
Chacun de nous est appelé à une conversion puisque ce n’est pas à la vérité de se plier à la « réalité » des
choses et de nos vies ; mais bien à nous de nous conformer à la vérité de Dieu et ce qu’il veut pour l’homme
et pour la femme. La miséricorde, en cela, signifie que l’homme peut cheminer vers cette vérité, parfois en
prenant beaucoup de temps, certes … mais en cheminant vers elle quand même ! Par sa théologie conjugale,
l’Église nous montre que notre foi ne peut se vivre de manière désincarnée et combien tout notre corps est
engagé dans notre réponse à Dieu.
Père Cédric +
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La Famille, c'est sacré !
Artège, 2015
172 p., 15 €
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