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lors des séances 2015 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. 
 
 
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« J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de l’Académie de 
la part de son auteur l’ouvrage de Sophie Lefay, 
L’éloquence des pierres. Usages littéraires de l’inscription au 
XVIIIe siècle, Classiques Garnier, 2015, 359 pages. 
Ludovico Magno, abundantia parta, “À Louis le Grand, 
l’abondance est partie” : c’est en citant ce contre-sens riche 
de sens que les modernes du siècle des Lumières prônent 
l’exclusion du latin,  réputé illisible, dans le domaine des 
inscriptions. Pourtant, et malgré le précédent éclatant de la 
Galerie des Glaces, le débat sur la langue n’est pas clos, il se 
poursuivra jusqu’à la veille de la Révolution, puisque se 
rejoue autour des années 1770-80, avec les mêmes 
arguments, opposant Diderot à Voltaire, la querelle 
engagée  quelque cent ans plus tôt entre l’abbé Lucas et 
François Charpentier. Il faudra la Convention, le rapport 
enflammé de l’abbé Grégoire et le décret du 24 nivôse de 
l’an II,  “nouvel édit de Villers-Cotterêts”,  pour que la question paraisse,  un  moment, 
presque réglée.  
L’autre débat, de la simplicité contre l’enflure, est grevé par les déclarations contre le 
style réputé bombastique des inscriptions monarchiques :  on cite avec indignation, 
comme si justement elles  n’avaient pas été  écartées, les inscriptions refusées par 
Louis XIV et l’on veut ignorer que  l’épigraphie de la gloire, telle que la définissent en 
France un  Boileau ou un Pellisson, se définit, contre la démesure italienne, par une 
exigence de sobriété.  Le préjugé n’empêche pas le développement d’une rhétorique 
républicaine, bavarde et lourdement pédagogique, utilisant tous les supports, y compris 
les noms des rues, pour inculquer systématiquement et partout les valeurs de la société 
régénérée. 
Même si est ainsi assuré (par antipéristase) le lien avec l’âge précédent, à qui l’on doit la 
création en 1701 de l’Académie du même nom, l’inscription officielle n’est ni le vrai sujet 
ni l’intérêt principal du livre ; l’enquête s’élargit à son utilisation par les individus : les 
graffitis énigmatiques dont Restif de la Bretonne orne les quais de l’île Saint-Louis (un 
système d’abréviations latines qui n’ont de sens que pour lui), le langage des murs et des 
cachots de la Bastille, les inscriptions versifiées des parcs et des jardins, comme celui de 
Beaumarchais ou le tombeau de Rousseau à Ermenonville, les épitaphes parodiques, 
enfin, comme l’indique le sous-titre, la part de la fiction et de l’imaginaire :  les 
inscriptions en peinture, ou qui ornent la scène ou inondent la littérature romanesque : 
les vers du Tasse et le chiffre de Julie tracés par Saint-Preux sur le rocher, ou ces “voix 
qui sortent de la pierre” dans Paul et Virginie, dans les élégies de Parny, dans Corinne, et 
dans  cent autres, connus, Vivan Denon, Madame de Genlis, et moins connus…,  sans 
parler de messages plus privés encore, gravés sur une chaussure de femme ou avec un 
diamant sur une vitre par une amante de Casanova,  tous mêlant enjeux poétiques  et 
philosophiques et enjeux de la sensibilité. 
Inspirée par Michel Delon, c’est la partie la plus neuve et la plus attachante de cet 
ouvrage foisonnant. J’emploie ce mot à dessein,  pour caractériser un mode de 
composition (quatre chapitres : Signifier, Accomplir, Éterniser, Imprimer) qui, sans en