Souleman Bachir Diagne – Comment philosopher en islam ? – Ed. Philippe Rey
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Souleymane Bachir Diagne montre dans cet essai limpide que l'univers culturel musulman, à travers
des figures comme Avicenne, Averroès et Ghazali, a établi depuis très longtemps ce dialogue exigeant
entre les données d'une Parole révélée et une raison invitée à l'interpréter librement.
Pour lui, l'idée que le raisonnement rationnel, philosophique est incompatible avec la religion islamique
est un des freins à la connaissance de l'islam
La falsafa en islam
La rencontre entre la philosophie d'inspiration grecque et la pensée islamique se produit aux VIII ème-
IX ème siècle de l'ère chrétienne avec l'affrontement de deux écoles, les mutazilites et les acharites. Le
mutazilisme est important car c'est par ce courant rationaliste que la philosophie d'inspiration grecque
(falsafa) fait son apparition " officielle " dans le champ islamique. Grâce notamment au Calife Abasside Al
Ma'mun (786-833), qui tente d'imposer la " vérité " rationnelle du coran créé. Même s'il échoue dans son
entreprise, Al Ma'mun permet l'émergence et le développement à Bagdad de la falsafa et contribue à
amorcer l'application des notions conceptuelles grecque à un corps de pensée déjà établi.
On notera qu’il y a des similitudes entre certains philosophes musulmans et des penseurs de tradition
européenne dans l'appréhension des idées de Fatalisme, Décret, de Déterminisme, de Providence, de
Liberté, etc. Voilà qui pose la philosophie comme point de départ pour une analyse sans affrontement par
la pensée entre un monde islamique et un monde occidental.
Les falasifa, ou philosophies islamiques, sont donc celles qui interprètent, selon la raison et les
concepts, ce qui apparaît, dans le Coran, comme un récit s’adressant à l’imagination (pour exemple : le
voyage cosmique transposé aux facultés psychologiques humaines). Certains passages du Coran prenant
figures d’allégorie, de même qu’au sein d’une tradition grecque.
Qu’est-ce qu’être islamique pour une philosophie ?
Pour l’auteur, il existe indéniablement une forme d’islamisation de la philosophie qui se traduit par une
appropriation de la pensée grecque qui n’est pas seulement traduite mais véritablement incorporée.
Au-delà de cela, il y a un réel sens à parler de « philosophie islamique » lorsque notamment plusieurs
récits fondateurs de la religion sont interprétés à travers le prisme du raisonnement philosophique de
philosophes comme Platon, Aristote ou encore Plotin. C’est par exemple tout le sens que revêt la
reconstruction philosophique qu’opère le philosophe musulman Avicenne (980-1037) lorsqu’il relate
l’ascension du prophète Mahomet à la rencontre de Dieu : « Cette reconstruction comporte la leçon que
dans le merveilleux, et peut être pour mieux le goûter, il importe de dégager et de lire les significations
rationnelles dont il est l’allégorie ». Pour Diagne, « le résultat est de tirer du récit cette leçon que
l’ascension est aussi le voyage à travers les facultés humaines vers la réalisation de la nature humaine » .