page 24 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 6
dOSSIER
Sciences Physiques et Ingénierie
Continuité de service… un maître mot pour notre sécurité mais aussi notre
confort en matière d'énergie électrique. La fiabilité sous l'angle des matériaux.
Les matériaux ont la vie dure…Les critères de
rendement et de compacité, l'introduction de
nouvelles formes de signaux, font que les contraintes
(électriques, thermiques, mécaniques…) subies par
les matériaux constituant les composants et
systèmes du génie électrique, de l'électrotechnique
ou de l'électronique de puissance sont de plus en
plus sévères. Et on leur en demande de plus en plus.
Les systèmes se doivent d’être plus disponibles et
plus sûrs, dans de domaines de la vie courante
(transports publics par exemple). Le “ bon
fonctionnement ”, ou sûreté des systèmes fait appel,
dans ses phases de conception ou d'opération,
à des notions de fiabilité, de criticité (maîtrise des
conséquences de défaillances sur le système
environnant), de diagnostic (surveillance), de gestion
et de prise de décision.
Ces questions sont abordées au LEEI-ENSEEIHT qui
s’intéresse aux systèmes, et par deux équipes du
LGET où l'aspect matériau, pour l'isolation
électrique en particulier, est au cœur des
préoccupations. La défaillance type est ici le
claquage en surface ou en volume de l'isolant.
Les recherches visent à développer des outils et
méthodologies permettant d'estimer les contraintes
limites des matériaux, d'évaluer leur capacité à
endurer les contraintes fonctionnelles des systèmes,
ou de diagnostiquer des défauts.
Comprendre la dégradation
Notre rôle est aussi de comprendre comment les
matériaux se comportent et évoluent sous contrainte
électrique et plus généralement environnementale,
afin de déterminer des voies d'amélioration
des performances en orientant la formulation,
les conditions de mise en œuvre, ou le
dimensionnement. Or, on doit admettre que
les phénomènes de dégradation sous contrainte
électrique sont plus difficiles à appréhender que sous
contrainte mécanique ou thermique par exemple.
Il s'agit de phénomènes lents, couplés, sur des
matériaux complexes, où des évolutions ne
représentent pas nécessairement une dégradation en
terme de propriétés fonctionnelles de l'isolant.
Aussi, une partie des recherches porte sur le
développement d'outils expérimentaux
originaux permettant d'identifier les mécanismes
de vieillissement.
Ces activités couvrent un spectre d'applications
large, les projets en cours allant des systèmes de
production d'électricité éoliens (où des problèmes
notoires de fiabilité se posent), aux câbles de
transport d'énergie, à l'environnement des
semiconducteurs de puissance (isolation haute
température/haute tension), et aux commutateurs
micro-ondes (projet régional MemsFiab).
Vieillir dans l’espace
Les phénomènes de claquage électrique ne sont pas
exclusifs aux systèmes alimentés. Citons par exemple
le cas de silos à céréales qui explosent en raison de
charges électrostatiques accumulées par frottement.
Le LGET étudie ainsi, en partenariat avec le CNES et
l'ONERA, les phénomènes de décharges électrostatiques
intervenant dans l'environnement des satellites.
En orbite spatiale, les matériaux de revêtement sont
soumis à l’action de flux importants de particules
chargées (électrons, protons). Cette action a pour
effet, entre autres, de créer une charge électrostatique
à la surface des matériaux ayant un caractère isolant.
Cette charge est évacuée, au moins en partie, par
des décharges qui, par leur front de montée, leur
amplitude et leur fréquence perturbent et parfois
détruisent les équipements électroniques proches et
peuvent ainsi mettre en péril une mission.
Un dispositif de mesure d'implantation de charges
par méthode électroacoustique pulsée a ainsi été
développé et installé dans un équipement
permettant de reproduire le spectre d’électrons
de l’environnement spatial géostationnaire: de
nouvelles informations quantitatives sur la cinétique
d'accumulation et
de dissipation de la charge dans les matériaux
sont ainsi obtenues in situ et viennent compléter
celles issues de méthodes plus conventionnelles. On
pourra ainsi développer des modèles d'implantation
plus rigoureux et prévoir plus finement l'état
de charge de tel ou tel matériau un jour d’orage
magnétique, ou au cours de cycles thermiques,
par exemple.
Vers des systèmes
électriques plus sûrs
>>> Gilbert TEYSSEDRE, Chargé de
recherche CNRS et VINCENT BLEY,
Maître de conférences UPS,
tous les deux chercheurs au Laboratoire
de Génie Electrique de Toulouse
(LGET, Unité mixte UPS/CNRS)