sciences physiques et ingénierie

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SCIENCES PHYSIQUES
ET INGÉNIERIE
La démarche du chercheur
en ingénierie…
Porte ouverte sur l’industrie et l’économie, l’ingénierie se révèle
comme une discipline beaucoup plus vaste que la simple application
industrielle.
>>> Yvan SEGUI, directeur de recherches CNRS,
Laboratoire de Génie Electrique
(LGET, Unité mixte UPS/CNRS).
Les forces à l’UPS
Les recherches sur l’énergie
électrique sont menées au sein
de deux UMR UPS/CNRS, le centre
de Physique des Plasmas et de leurs
Applications de Toulouse (CPAT) et
le Laboratoire de Génie Electrique
de Toulouse (LGET).
Ces laboratoires développent
des collaborations étroites avec
le Laboratoire d’Electrotechnique et
d’Electronique (LEEI, unité mixte
INPT/CNRS), le Laboratoire
d’Energétique (LE, équipe d’accueil
UPS), le CIRIMAT, unité mixte
CNRS/UPS/INPT et le LAAS
(Unité propre CNRS, associée
à l’UPS).
Ce sont au total près de
75 chercheurs et enseignants
chercheurs, 33 ITA/IATOS et
plus de 60 doctorants qui se
consacrent à ce champ d’activité.
Qu’est-ce que l’ingénierie ?. C’est une
démarche qui consiste à analyser,
maîtriser et utiliser des phénomènes
physiques pour que des objets simples
ou complexes remplissent certaines
fonctions. Le dossier présenté dans
ce numéro concerne uniquement le
domaine de l’énergie électrique, mais
le pôle toulousain est très présent aussi
dans les domaines de la mécanique
ou du génie des procédés.
Il est important de préciser la démarche
scientifique spécifique des sciences pour
l’ingénieur. En tout premier lieu, il faut
éradiquer l’idée que « ingénierie » est
assimilable à « application ». On peut
faire de la recherche en ingénierie sans
jamais développer directement des
applications et parallèlement on peut
développer des applications sans avoir
de démarche ingénierie. Les questions
traitées par les laboratoires d’ingénierie
sont souvent formulées par le monde
économique et industriel. Le rôle des
laboratoires est d’abord de traduire
ces questions en problèmes scientifiques
puis de résoudre ces problèmes
strictement scientifiques. Il y a ensuite
un retour éventuel, mais pas
nécessairement pris en charge par les
laboratoires, vers le milieu industriel.
Des nouvelles questions fondamentales
Les exemples présentés dans les pages
suivantes correspondent à des
applications de l’énergie électrique.
Les uns s’appuient sur l’utilisation
des décharges électriques, les autres
sur les recherches dans le domaine
des composants de puissance ou de
la conversion de l’énergie. Les résultats
obtenus dans ces laboratoires doivent
beaucoup aux relations qu’ils
entretiennent avec l’environnement
scientifique toulousain, notamment
l’apport essentiel d’une communauté
de chimistes très active dans le domaine
des matériaux, l’appui technologique de
la plateforme du LAAS, sans oublier les
compétences et les moyens en analyse
de composition et de structure de
matériaux réparties sur bon nombre
de laboratoires du pôle toulousain. Les
retombées de cet effort portent sur deux
plans : il permet au monde académique
de participer à la construction d’une
offre technologique que le milieu
industriel peut exploiter ; mais, il met
également en évidence de nouvelles
questions fondamentales à partir
du questionnement industriel.
Contact : [email protected]
page 20 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 6
dOSSIER
>>> Pascale JOLINAT, Maître de Conférences à
l’UPS, Isabelle SEGUY, Chargée de recherche CNRS,
Pierre DESTRUEL, professeur à l’UPS, tous les trois
chercheurs au Laboratoire de Génie Electrique de
Toulouse (LGET, unité mixte UPS/CNRS)
Sciences Physiques et Ingénierie
L’électronique organique
Les matériaux organiques se retrouvaient jusqu’ici surtout dans les plastiques.
Mais leur capacité à conduire le courant en fait des composants électroniques
révolutionnaires.
Les matériaux organiques (les polymères par exemple)
sont connus pour leurs propriétés isolantes.
Cependant, la chimie organique permet aujourd’hui
de synthétiser une très grande diversité de matériaux
et d'en ajuster finement leurs propriétés physiques.
La mise en œuvre de molécules possédant de
nombreuses doubles liaisons permet notamment
d’obtenir des matériaux semi-conducteurs.
Depuis dix ans, ils sont utilisés pour fabriquer
des composants électroniques comme des afficheurs,
des cellules photovoltaïques ou des transistors
à effet de champ (FET).
Vouloir remplacer le silicium par un autre matériau
ne se justifie que si les avantages obtenus sont
substantiels. Les motivations des chercheurs sont
fondées sur des propriétés inédites propres aux
matériaux organiques que sont la légèreté, la
flexibilité, la très faible épaisseur des composants
obtenus … et sur leur faible coût de fabrication.
Même si certains produits vont arriver
prochainement sur le marché, il ne faut pas oublier
que ces technologies sont émergentes et loin
d'être maîtrisées d’un point de vue scientifique et,
à fortiori, au niveau industriel. Améliorer les
performances des composants de l’électronique
organique est l’un des objectifs de nos recherches.
Les diodes électroluminescentes
organiques (OLED)
>>> Système de dépôt
des couches minces organiques
par évaporation sous vide
Les OLED sont très étudiées depuis 1987, date
à laquelle ont été réalisés les premiers composants
à base de « petites molécules » électroluminescentes.
Cette technologie apporte des perspectives originales
comme la fabrication d'afficheurs souples,
transparents (applicables à l’affichage « tête haute »
dans l'automobile ou l'aéronautique) ou de
panneaux d'éclairage à émission de lumière blanche.
Bien que des afficheurs OLED soient aujourd'hui
commercialisés, la recherche se poursuit en particulier
pour améliorer les performances et la durée de vie
des écrans plats, dans deux directions principales :
La première concerne la mise en œuvre de matériaux
page 21
phosphorescents qui présentent une intense
luminescence à température ambiante. De ce fait,
il est possible d'envisager des rendements
d'électroluminescence quatre fois plus élevés que
ceux couramment obtenus avec des matériaux
fluorescents. La deuxième s’intéresse à une meilleure
compréhension du fonctionnement des structures
multicouches utilisées pour optimiser
les performances des OLED.
Les cellules photoélectriques
organiques (OPV)
De nos jours, les cellules photovoltaïques constituées
de silicium représentent 99% de la production de
photopiles. Malheureusement, le coût de production
de ces cellules conduit à un prix de revient prohibitif
du kilowatt. Au cours des 25 dernières années,
différentes combinaisons de produits proches de
molécules biologiques comme la chlorophylle et de
colorants ou de polymères associés à des fullerènes,
ont été étudiées. Les cellules réalisées possèdent une
structure identique à celle des OLED. Les films
organiques d’environ 50 nanomètres d’épaisseur sont
pris en sandwich entre deux électrodes dont l’une
est transparente pour permettre l’entrée de la
lumière dans les matériaux actifs.
Les travaux en cours cherchent à comprendre et
optimiser chacune des étapes du fonctionnement
de ce type de composant. Nos efforts portent sur
l’amélioration de la mobilité des charges dans les
couches organiques et sur l’augmentation de la
gamme d’absorption des cellules vers l’Infra Rouge.
Nous avons développé une stratégie basée sur
l’organisation moléculaire, qui permet de produire
des films anisotropes dans lesquels la mobilité des
charges est proche de celle du silicium amorphe.
Contacts : [email protected]
[email protected]
[email protected]
dOSSIER
Sciences Physiques et Ingénierie
Les plasmas
sont partout !
La connaissance des plasmas ouvre des perspectives dans des domaines
allant de l’aéronautique à la dépollution en passant par l’éclairage ou la
métallurgie. Petite revue de détail.
>>> Alain GLEIZES, Directeur de recherche CNRS,
directeur du CPAT (Unité mixte UPS/CNRS) et
Patrice RAYNAUD, chargé de recherche CNRS,
au LGET (unité mixte UPS/CNRS)
Nous sommes entourés par les plasmas, ces gaz
partiellement ou fortement ionisés. On estime que
99,8 % de la matière connue de l’univers se compose
de plasmas naturels (étoiles, matière interstellaire,
ionosphère, …). Plus près de nous, les plasmas
« artificiels » comme les tubes fluorescents ou les
écrans plasmas font partie de notre vie quotidienne.
Nous nous intéressons aux plasmas créés par des
décharges électriques dans des gaz. Il n’est pas exagéré
de dire que les plasmas se rencontrent dans quasiment
tous les domaines industriels. Dans ces applications,
on utilise soit les propriétés intrinsèques du plasma
(rayonnement par exemple) soit les échanges entre le
plasma et les matériaux environnants. Des échanges
qui ont lieu du fait de la forte réactivité des gaz ionisés
ou de leur température élevée. Ces recherches permettent
certes de mieux connaître les propriétés de base des
plasmas et les mécanismes internes de dépôt ou de
transfert d’énergie et de particules, ainsi que les
interactions des plasmas et des décharges électriques
avec leur environnement. Mais les motivations
principales sont d’ordre technologique ou sociétal.
Dans le domaine de la santé et de l’environnement,
les applications de ces recherches concernent la
détection d’impuretés, la mise au point de procédés
propres ou moins polluants, le remplacement de
matériaux toxiques ou indésirables (à effet de serre
par exemple), la dépollution, la décontamination et
la stérilisation. Elles conduisent également à optimiser
des procédés et des contraintes technologiques,
par exemple par la miniaturisation ; à inventer
de nouveaux procédés et exploiter de nouveaux
concepts. Voici quelques exemples d’applications
qui sont tous issus des recherches effectuées dans les
laboratoires de l’Université Paul Sabatier, dont les
résultats s’avèrent prometteurs.
a propulsion plasma est basée sur la formation d’une
décharge électrique dans le gaz très raréfié où évolue
le satellite ; les ions du plasma ainsi créé sont accélérés
et éjectés vers l’extérieur par une combinaison du
champ électrique de la décharge et d’un champ
magnétique extérieur.
Eclairage et affichage
Nous travaillons également à des applications dans le
domaine de l’affichage et de l’éclairage. Deux grands
types de dispositifs sont concernés: les écrans à plasma
(coll. avec Thomson) et les lampes à décharges
(coll. avec GE, Thorn, Philips).
Les recherches sur les écrans à plasma ont été
développées intensément depuis 1990 et ont permis
une optimisation des micro-décharges électriques qui
constituent les pixels de base de l’écran. Les travaux
sur les lampes se poursuivent activement et portent
à la fois sur les lampes de faible puissance (tubes
fluorescents) et sur les lampes à arc, en essayant
d’améliorer leurs rendements. En effet, les lampes sont
de grosses consommatrices d’électricité et participent
de ce fait au rejet de gaz carbonique lié à la production
de l’électricité dans des centrales thermiques.
Les recherches portent sur de nouveaux concepts :
lampes à changement de couleur par modification
de leur alimentation électrique, lampes plates (coll.
Avec St Gobain), lampes sans électrodes. L’étude des
systèmes autour des lampes (réseaux d’éclairage) est
Positionnement des satellites
par propulsion plasma
Il s’agit d’une thématique particulièrement adaptée
au contexte toulousain, sur laquelle nous travaillons
en collaboration avec le CNES, la SNECMA et d’autres
laboratoires français dans le cadre d’un groupement
de recherche. Notre contribution se situe surtout dans
la modélisation du fonctionnement du moteur
page 22
>>> Rue de la Berchère à Albi, éclairée par le démonstrateur
du projet européen NumeLite
Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 6
dOSSIER
Sciences Physiques et Ingénierie
également un centre d’intérêt et s’est concrétisée en
2005 par la mise en place
d’un nouveau système d’éclairage urbain à Albi,
résultat d’un projet européen de recherche piloté par
les chercheurs toulousains.
Dépollution et stérilisation
Les villes sont également des gros foyers de pollution.
Or, les plasmas créés par des décharges électriques
sont des milieux gazeux très réactifs chimiquement.
On peut donc les utiliser pour différents procédés
chimiques. Nous développons par exemple depuis de
nombreuses années des recherches sur la dépollution
des gaz d’échappement (coll. avec Satelec) et la
destruction de gaz toxiques. Dans cette même
perspective, des travaux récents ont montré la
capacité des plasmas à détruire des bactéries pour
stériliser des instruments chirurgicaux sans être
obligé d’utiliser des produits corrosifs ou des
températures élevées. Les applications des plasmas
en biologie et en médecine sont extrêmement
prometteuses et suscitent des recherches approfondies.
Métallurgie et systèmes de décharges
à arc électrique
Dans le domaine de la métallurgie, nous développons
des modèles pour comprendre et optimiser les
phénomènes complexes de mouvement et de
disparition d’arcs électriques, et leurs interactions
avec les électrodes et les parois. Les milieux créés
par des arcs ont des températures pouvant dépasser
10000°K et sont adaptés à des procédés à haute
température tels que le soudage et le découpage
par arc (coll. Avec Air Liquide), procédés
traditionnels mais qui induisent une recherche
en vue de leur optimisation. Ce dispositif est
également étudié pour des procédés modernes
à haute technologie tels que la synthèse de nanotubes
de carbone et de fullerènes. Les activités concernent
également l’impact de la foudre sur la voilure
des avions (coll. Avec EADS). Enfin les arcs
interviennent dans les disjoncteurs (coll. Avec Areva,
Schneider) lors de la séparation des contacts.
Dépôts de couches minces et
traitement des matériaux
C’est un domaine d’application vaste et très varié
initié dans les années 80 par l’utilisation de plasmas
pour graver et/ou déposer des couches minces sur le
silicium. Actuellement la fabrication des « puces »
électroniques fait intervenir un très grand nombre
page 23
>>> Procédé de dépôt sur substrat métallique dans un
réacteur plasma micro-ondes basse pression (vue du dessus)
d’étapes (parfois plus de 80) dont 40 à 60% sont
des procédés plasmas. Dans nos laboratoires les
recherches en collaboration avec des sociétés telles
que Air Liquide, Danone, Essilor, France Telecom,
Hutchinson, Saint-Gobain ou encore Snecma et
Valeo dépassent largement le domaine de la
microélectronique et portent sur les traitements de
surfaces au sens large (métaux, semi-conducteurs,
polymères, isolants, tissus, matière vivante, …) et
le dépôt de couches minces sur ces mêmes surfaces
ainsi que sur la maîtrise des procédés de la basse
pression à la pression atmosphérique. Ce savoir-faire
débouche sur des applications dans le domaine
aéronautique et automobile (traitement des surfaces
métalliques pour l’accrochage des peintures, dépôts
durs sur les hublots d’avions, dépôts anticorrosion,
…), de l’emballage alimentaire ou des écrans plats
souples (film barrières aux gaz), du textile,
des polymères et des vitrages (hydrophobie,
superhydrophobie, …), de l’électronique et de
l’optoélectronique (matériaux isolants, transistors
à mémoire volatiles, guides optiques intégrés, …).
Une part de l’activité débouche sur l’élaboration et
la mise au point de réacteurs plasma permettant
de traiter de grandes surfaces ainsi que de procédés
prenant en compte la protection de l’environnement
Il s’agit de remplacer des procédés en phase humide
par des procédés en phase gaz consommant moins
de matière et rejetant moins de déchets.
Les compétences développées dans le domaine du
traitement des matériaux ont permis la mise en place
du laboratoire commun « PixCELL » avec la société
Essilor (voir article plus loin) qui promet de nouvelles
avancées pour l’optique ophtalmique du futur.
Contacts : [email protected] et
[email protected]
dOSSIER
Sciences Physiques et Ingénierie
Vers des systèmes
électriques plus sûrs
Continuité de service… un maître mot pour notre sécurité mais aussi notre
confort en matière d'énergie électrique. La fiabilité sous l'angle des matériaux.
>>> Gilbert TEYSSEDRE, Chargé de
recherche CNRS et VINCENT BLEY,
Maître de conférences UPS,
tous les deux chercheurs au Laboratoire
de Génie Electrique de Toulouse
(LGET, Unité mixte UPS/CNRS)
Les matériaux ont la vie dure…Les critères de
rendement et de compacité, l'introduction de
nouvelles formes de signaux, font que les contraintes
(électriques, thermiques, mécaniques…) subies par
les matériaux constituant les composants et
systèmes du génie électrique, de l'électrotechnique
ou de l'électronique de puissance sont de plus en
plus sévères. Et on leur en demande de plus en plus.
Les systèmes se doivent d’être plus disponibles et
plus sûrs, dans de domaines de la vie courante
(transports publics par exemple). Le “ bon
fonctionnement ”, ou sûreté des systèmes fait appel,
dans ses phases de conception ou d'opération,
à des notions de fiabilité, de criticité (maîtrise des
conséquences de défaillances sur le système
environnant), de diagnostic (surveillance), de gestion
et de prise de décision.
Ces questions sont abordées au LEEI-ENSEEIHT qui
s’intéresse aux systèmes, et par deux équipes du
LGET où l'aspect matériau, pour l'isolation
électrique en particulier, est au cœur des
préoccupations. La défaillance type est ici le
claquage en surface ou en volume de l'isolant.
Les recherches visent à développer des outils et
méthodologies permettant d'estimer les contraintes
limites des matériaux, d'évaluer leur capacité à
endurer les contraintes fonctionnelles des systèmes,
ou de diagnostiquer des défauts.
Comprendre la dégradation
Notre rôle est aussi de comprendre comment les
matériaux se comportent et évoluent sous contrainte
électrique et plus généralement environnementale,
afin de déterminer des voies d'amélioration
des performances en orientant la formulation,
les conditions de mise en œuvre, ou le
dimensionnement. Or, on doit admettre que
les phénomènes de dégradation sous contrainte
électrique sont plus difficiles à appréhender que sous
contrainte mécanique ou thermique par exemple.
Il s'agit de phénomènes lents, couplés, sur des
matériaux complexes, où des évolutions ne
représentent pas nécessairement une dégradation en
terme de propriétés fonctionnelles de l'isolant.
Aussi, une partie des recherches porte sur le
développement d'outils expérimentaux
originaux permettant d'identifier les mécanismes
de vieillissement.
page 24
Ces activités couvrent un spectre d'applications
large, les projets en cours allant des systèmes de
production d'électricité éoliens (où des problèmes
notoires de fiabilité se posent), aux câbles de
transport d'énergie, à l'environnement des
semiconducteurs de puissance (isolation haute
température/haute tension), et aux commutateurs
micro-ondes (projet régional MemsFiab).
Vieillir dans l’espace
Les phénomènes de claquage électrique ne sont pas
exclusifs aux systèmes alimentés. Citons par exemple
le cas de silos à céréales qui explosent en raison de
charges électrostatiques accumulées par frottement.
Le LGET étudie ainsi, en partenariat avec le CNES et
l'ONERA, les phénomènes de décharges électrostatiques
intervenant dans l'environnement des satellites.
En orbite spatiale, les matériaux de revêtement sont
soumis à l’action de flux importants de particules
chargées (électrons, protons). Cette action a pour
effet, entre autres, de créer une charge électrostatique
à la surface des matériaux ayant un caractère isolant.
Cette charge est évacuée, au moins en partie, par
des décharges qui, par leur front de montée, leur
amplitude et leur fréquence perturbent et parfois
détruisent les équipements électroniques proches et
peuvent ainsi mettre en péril une mission.
Un dispositif de mesure d'implantation de charges
par méthode électroacoustique pulsée a ainsi été
développé et installé dans un équipement
permettant de reproduire le spectre d’électrons
de l’environnement spatial géostationnaire: de
nouvelles informations quantitatives sur la cinétique
d'accumulation et
de dissipation de la charge dans les matériaux
sont ainsi obtenues in situ et viennent compléter
celles issues de méthodes plus conventionnelles. On
pourra ainsi développer des modèles d'implantation
plus rigoureux et prévoir plus finement l'état
de charge de tel ou tel matériau un jour d’orage
magnétique, ou au cours de cycles thermiques,
par exemple.
Contacts : [email protected]
[email protected]
Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 6
dOSSIER
Sciences Physiques et Ingénierie
Les matériaux jonglent
avec l’électricité
Notre environnement quotidien est peuplé de systèmes électriques. Or, quel qu'en
soit l'usage, l'énergie électrique est produite, transportée, stockée, convertie et
dissipée par des matériaux, pas toujours visibles, mais incontournables.
>>> Marie-Laure LOCATELLI,
Chargée de recherche CNRS et
Laurent BOUDOU,
Maître de conférences à l’UPS,
tous les deux chercheurs au LGET.
Les propriétés électriques des matériaux sont sollicitées
dans de très nombreux domaines d’applications du génie
électrique, que ce soit pour des dispositifs imposants
gérant des mégaWatts comme les centrales électriques,
ou des systèmes miniaturisés comme les téléphones
portables. Ces propriétés peuvent être utilisées
de deux manières.
La première consiste à exploiter les propriétés électriques
au « cœur » des systèmes en vue de réaliser les fonctions
souhaitées, matérialisées sous forme d’association de
composants discrets et localisés (résistances, inductances,
condensateurs, semi-conducteurs), ou plus récemment,
sous forme d’assemblages hétérogènes multi-couches.
Dans le domaine de l’électronique de puissance, où
l’intégration des systèmes est actuellement un objectif
majeur, les recherches menées (avec le CIRIMAT), portent
sur de nouveaux matériaux diélectriques à très forte
permittivité, ou encore des matériaux d’électrode
à très forte surface spécifique, dans l'objectif d'obtenir
des condensateurs à très forte capacité volumique.
Dans ce cadre, l'idée directrice est la mutualisation
des matériaux et de l’espace, permettant d’assurer
simultanément plusieurs fonctions tout en réduisant
le nombre de constituants.
La deuxième manière d’exploiter les propriétés électriques
des matériaux consiste à les utiliser à la périphérie des
systèmes, ou dans l'environnement proche de certains
constituants d’un même système, afin de protéger
le monde extérieur de certaines nuisances électriques
ou, inversement, afin d' immuniser ces constituants
vis-à-vis de perturbations exogènes. Selon le cas, un
matériau à très forte résistivité électrique et rigidité
diélectrique, ou bien à résistivité électrique optimisée,
sera recherché. Une faible permittivité diélectrique
est alors également souhaitée.
Muti-fonctionnels
La pénétration des systèmes électriques dans un nombre
grandissant d’applications, qui multiplient et durcissent
les conditions environnementales de travail des matériaux
(basse pression / basse température pour certaines
applications de l’aéronautique, haute température
pour d’autres, haute tension pour la distribution
d’énergie électrique, fréquence élevée pour la conversion
d’énergie, intégration pour les systèmes embarqués …),
nécessite de reconsidérer les matériaux de l’isolation
électrique. Des matériaux de l'assemblage (« packaging »)
haute température (céramiques, polyimides) et de
l’isolation des câbles de transport haute tension
(polymères) sont caractérisés et modélisés au LGET.
On demande là aussi de plus en plus fréquemment
à ces matériaux d’assurer plusieurs fonctions. Citons par
exemple les nano-composites à matrice polymère et
renfort conducteur (travaux avec le CIRIMAT et le
CPAT), qui trouvent des applications dans le domaine du
contrôle thermique des satellites. Ces matériaux associent
une faible résistivité, permettant d’éviter des décharges
électrostatiques dangereuses pour
le satellite, et des propriétés thermo-optiques spécifiques.
Comme on peut le constater, les travaux sur les
matériaux à propriétés électriques spécifiques sont
menées en étroite collaboration avec les spécialistes
de la chimie du solide et des procédés plasma (CIRIMAT
et CPAT). L’objectif système pour lesquels ils sont
développés nécessite également des compétences en
électronique de puissance, en énergétique et thermique
(LEEI-ENSEEIHT et LE). Il s’agit donc avant tout
d’une recherche pluridisciplinaire.
Contacts :
Contacts : [email protected]
[email protected]
>>> Exemple de mutualisation de l’espace :
principe d’intégration d’un filtre d’entrée
d’une alimentation électrique à découpage
page 25
dOSSIER
Sciences Physiques et Ingénierie
Deux laboratoires mixtes
avec les industriels…
Le laboratoire PEARL avec Alstom
Face à la crise énergétique et environnementale, l’électricité peut constituer
une solution. A condition de contrôler la forme de l’énergie électrique via
l’électronique de puissance.
>>> Thierry LEBEY,
Directeur de recherches au CNRS, LGET,
et Emmanuel DUTARDE,
Ingénieur Alstom, coordinateur
du programme PEARL2.
>>> Composants de puissance (IGBT et Diodes)
montés de manière spécifique assurant la
possibilité d’un refroidissement double face
pour les applications ferroviaires (PEARL)
L’essor pris par les dispositifs et systèmes
de l'électronique de puissance, durant ces dix
dernières années peut en partie s’expliquer par
la souplesse et l’efficacité avec lesquelles ils
permettent de transformer et de gérer l'énergie
électrique. Leurs domaines d'application se sont
considérablement multipliés allant de quelques
Watt (alimentations pour systèmes nomades,
domotique, automotive,…) jusqu'à plusieurs
dizaines de MW (industrie lourde, traction
ferroviaire, propulsion maritime, etc.).
Dans le domaine des transports une des
applications les plus connues de l’électronique de
puissance est le TGV. Afin de maintenir l’avance
acquise, des recherches pluridisciplinaires doivent
être développées. Elles concernent toutes
l’intégration de puissance. Il s’agit de remplacer
l'essentiel des agencements macroscopiques
discrets par un ensemble d'opérations réalisant
simultanément l'élaboration du plus grand
nombre de composants et leur assemblage.
Cette approche exige des compétences allant
des matériaux aux systèmes et de la thermique
à la physique des composants semi conducteurs.
Pour l’ensemble de ces raisons et pour relever
les défis de demain, la société Alstom Transport,
le CNRS, l’UPS, l’INP et l’ENIT se sont associés
au sein du laboratoire commun PEARL* (Power
Electronics Associated Research Laboratory).
Fondé en 2001 et situé à Tarbes, il est
aujourd’hui composé d’une quarantaine de
chercheurs confirmés (du domaine public ou privé)
et d’étudiants effectuant des thèses de doctorat.
Cette mise en commun des compétences a conduit
à la réalisation d’un démonstrateur de
convertisseur monté dans un train et fonctionnant
de manière fiable. Ce succès a conduit les
différentes autorités de tutelle à pérenniser
son action et à favoriser le développement
de recherches dans le domaine des systèmes
embarqués au sein du pôle de compétitivité
« Aéronautique, Espace et Systèmes Embarqués ».
Laboratoires concernés : le LAAS, le LEEI, le LGET,
le CIRIMAT, le LESIA et le LGP
Contacts : [email protected] et
[email protected]
Le laboratoire PIX-CELL avec ESSILOR
Comment concevoir les lunettes de correction du futur, c’est le défi qui s’est
donné ce nouveau laboratoire mixte..
Né en 2005, PIX-CELL est un laboratoire commun entre
ESSILOR, l’UPS, le CNRS et l’INPT. Il fonctionne avec
4 ingénieurs ESSILOR et 2 techniciens supérieurs à
temps plein, 6 doctorants CIFFRE, 2 post doct.
Son objectif est de concevoir et maîtriser les technologies
qui permettront de réaliser des composants optiques et
verres correcteurs du futur qui seront dotés d’une
matrice de pixels sur substrat polymère. Les étapes
technologiques sont nombreuses et difficiles à maîtriser
allant de la micro structuration de la surface optique à
la mise au point de système electro-actif de modulation
de lumière.
Ces étapes technologiques se traduisent par un certain
nombre de verrous scientifiques parmi lesquels on peut
citer : la technologie de fabrication collective des
microstructures sur le composant ; l’intégration de la
source d’énergie ; les matériaux optiques fonctionnels ;
les problèmes liés à la durée de vie de cet ensemble ;
la métrologie et les moyens de caractérisation.
Le succès de la démarche entraîne clairement
qu’à l’horizon 2015 les verres correcteurs auront
complètement changé de nature pour s’adapter
parfaitement aux besoins de correction de la vision
de chaque individu tout en prenant appui sur une
production standardisée et de masse.
Laboratoires concernés : LGET, LAAS et CIRIMAT
Contacts: Yvan SEGUI, LGET.
[email protected]
page 26 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 6
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