SCIENCES PHYSIQUES ET INGÉNIERIE La démarche du chercheur en ingénierie… Porte ouverte sur l’industrie et l’économie, l’ingénierie se révèle comme une discipline beaucoup plus vaste que la simple application industrielle. >>> Yvan SEGUI, directeur de recherches CNRS, Laboratoire de Génie Electrique (LGET, Unité mixte UPS/CNRS). Les forces à l’UPS Les recherches sur l’énergie électrique sont menées au sein de deux UMR UPS/CNRS, le centre de Physique des Plasmas et de leurs Applications de Toulouse (CPAT) et le Laboratoire de Génie Electrique de Toulouse (LGET). Ces laboratoires développent des collaborations étroites avec le Laboratoire d’Electrotechnique et d’Electronique (LEEI, unité mixte INPT/CNRS), le Laboratoire d’Energétique (LE, équipe d’accueil UPS), le CIRIMAT, unité mixte CNRS/UPS/INPT et le LAAS (Unité propre CNRS, associée à l’UPS). Ce sont au total près de 75 chercheurs et enseignants chercheurs, 33 ITA/IATOS et plus de 60 doctorants qui se consacrent à ce champ d’activité. Qu’est-ce que l’ingénierie ?. C’est une démarche qui consiste à analyser, maîtriser et utiliser des phénomènes physiques pour que des objets simples ou complexes remplissent certaines fonctions. Le dossier présenté dans ce numéro concerne uniquement le domaine de l’énergie électrique, mais le pôle toulousain est très présent aussi dans les domaines de la mécanique ou du génie des procédés. Il est important de préciser la démarche scientifique spécifique des sciences pour l’ingénieur. En tout premier lieu, il faut éradiquer l’idée que « ingénierie » est assimilable à « application ». On peut faire de la recherche en ingénierie sans jamais développer directement des applications et parallèlement on peut développer des applications sans avoir de démarche ingénierie. Les questions traitées par les laboratoires d’ingénierie sont souvent formulées par le monde économique et industriel. Le rôle des laboratoires est d’abord de traduire ces questions en problèmes scientifiques puis de résoudre ces problèmes strictement scientifiques. Il y a ensuite un retour éventuel, mais pas nécessairement pris en charge par les laboratoires, vers le milieu industriel. Des nouvelles questions fondamentales Les exemples présentés dans les pages suivantes correspondent à des applications de l’énergie électrique. Les uns s’appuient sur l’utilisation des décharges électriques, les autres sur les recherches dans le domaine des composants de puissance ou de la conversion de l’énergie. Les résultats obtenus dans ces laboratoires doivent beaucoup aux relations qu’ils entretiennent avec l’environnement scientifique toulousain, notamment l’apport essentiel d’une communauté de chimistes très active dans le domaine des matériaux, l’appui technologique de la plateforme du LAAS, sans oublier les compétences et les moyens en analyse de composition et de structure de matériaux réparties sur bon nombre de laboratoires du pôle toulousain. Les retombées de cet effort portent sur deux plans : il permet au monde académique de participer à la construction d’une offre technologique que le milieu industriel peut exploiter ; mais, il met également en évidence de nouvelles questions fondamentales à partir du questionnement industriel. Contact : [email protected] page 20 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 6 dOSSIER >>> Pascale JOLINAT, Maître de Conférences à l’UPS, Isabelle SEGUY, Chargée de recherche CNRS, Pierre DESTRUEL, professeur à l’UPS, tous les trois chercheurs au Laboratoire de Génie Electrique de Toulouse (LGET, unité mixte UPS/CNRS) Sciences Physiques et Ingénierie L’électronique organique Les matériaux organiques se retrouvaient jusqu’ici surtout dans les plastiques. Mais leur capacité à conduire le courant en fait des composants électroniques révolutionnaires. Les matériaux organiques (les polymères par exemple) sont connus pour leurs propriétés isolantes. Cependant, la chimie organique permet aujourd’hui de synthétiser une très grande diversité de matériaux et d'en ajuster finement leurs propriétés physiques. La mise en œuvre de molécules possédant de nombreuses doubles liaisons permet notamment d’obtenir des matériaux semi-conducteurs. Depuis dix ans, ils sont utilisés pour fabriquer des composants électroniques comme des afficheurs, des cellules photovoltaïques ou des transistors à effet de champ (FET). Vouloir remplacer le silicium par un autre matériau ne se justifie que si les avantages obtenus sont substantiels. Les motivations des chercheurs sont fondées sur des propriétés inédites propres aux matériaux organiques que sont la légèreté, la flexibilité, la très faible épaisseur des composants obtenus … et sur leur faible coût de fabrication. Même si certains produits vont arriver prochainement sur le marché, il ne faut pas oublier que ces technologies sont émergentes et loin d'être maîtrisées d’un point de vue scientifique et, à fortiori, au niveau industriel. Améliorer les performances des composants de l’électronique organique est l’un des objectifs de nos recherches. Les diodes électroluminescentes organiques (OLED) >>> Système de dépôt des couches minces organiques par évaporation sous vide Les OLED sont très étudiées depuis 1987, date à laquelle ont été réalisés les premiers composants à base de « petites molécules » électroluminescentes. Cette technologie apporte des perspectives originales comme la fabrication d'afficheurs souples, transparents (applicables à l’affichage « tête haute » dans l'automobile ou l'aéronautique) ou de panneaux d'éclairage à émission de lumière blanche. Bien que des afficheurs OLED soient aujourd'hui commercialisés, la recherche se poursuit en particulier pour améliorer les performances et la durée de vie des écrans plats, dans deux directions principales : La première concerne la mise en œuvre de matériaux page 21 phosphorescents qui présentent une intense luminescence à température ambiante. De ce fait, il est possible d'envisager des rendements d'électroluminescence quatre fois plus élevés que ceux couramment obtenus avec des matériaux fluorescents. La deuxième s’intéresse à une meilleure compréhension du fonctionnement des structures multicouches utilisées pour optimiser les performances des OLED. Les cellules photoélectriques organiques (OPV) De nos jours, les cellules photovoltaïques constituées de silicium représentent 99% de la production de photopiles. Malheureusement, le coût de production de ces cellules conduit à un prix de revient prohibitif du kilowatt. Au cours des 25 dernières années, différentes combinaisons de produits proches de molécules biologiques comme la chlorophylle et de colorants ou de polymères associés à des fullerènes, ont été étudiées. Les cellules réalisées possèdent une structure identique à celle des OLED. Les films organiques d’environ 50 nanomètres d’épaisseur sont pris en sandwich entre deux électrodes dont l’une est transparente pour permettre l’entrée de la lumière dans les matériaux actifs. Les travaux en cours cherchent à comprendre et optimiser chacune des étapes du fonctionnement de ce type de composant. Nos efforts portent sur l’amélioration de la mobilité des charges dans les couches organiques et sur l’augmentation de la gamme d’absorption des cellules vers l’Infra Rouge. Nous avons développé une stratégie basée sur l’organisation moléculaire, qui permet de produire des films anisotropes dans lesquels la mobilité des charges est proche de celle du silicium amorphe. Contacts : [email protected] [email protected] [email protected] dOSSIER Sciences Physiques et Ingénierie Les plasmas sont partout ! La connaissance des plasmas ouvre des perspectives dans des domaines allant de l’aéronautique à la dépollution en passant par l’éclairage ou la métallurgie. Petite revue de détail. >>> Alain GLEIZES, Directeur de recherche CNRS, directeur du CPAT (Unité mixte UPS/CNRS) et Patrice RAYNAUD, chargé de recherche CNRS, au LGET (unité mixte UPS/CNRS) Nous sommes entourés par les plasmas, ces gaz partiellement ou fortement ionisés. On estime que 99,8 % de la matière connue de l’univers se compose de plasmas naturels (étoiles, matière interstellaire, ionosphère, …). Plus près de nous, les plasmas « artificiels » comme les tubes fluorescents ou les écrans plasmas font partie de notre vie quotidienne. Nous nous intéressons aux plasmas créés par des décharges électriques dans des gaz. Il n’est pas exagéré de dire que les plasmas se rencontrent dans quasiment tous les domaines industriels. Dans ces applications, on utilise soit les propriétés intrinsèques du plasma (rayonnement par exemple) soit les échanges entre le plasma et les matériaux environnants. Des échanges qui ont lieu du fait de la forte réactivité des gaz ionisés ou de leur température élevée. Ces recherches permettent certes de mieux connaître les propriétés de base des plasmas et les mécanismes internes de dépôt ou de transfert d’énergie et de particules, ainsi que les interactions des plasmas et des décharges électriques avec leur environnement. Mais les motivations principales sont d’ordre technologique ou sociétal. Dans le domaine de la santé et de l’environnement, les applications de ces recherches concernent la détection d’impuretés, la mise au point de procédés propres ou moins polluants, le remplacement de matériaux toxiques ou indésirables (à effet de serre par exemple), la dépollution, la décontamination et la stérilisation. Elles conduisent également à optimiser des procédés et des contraintes technologiques, par exemple par la miniaturisation ; à inventer de nouveaux procédés et exploiter de nouveaux concepts. Voici quelques exemples d’applications qui sont tous issus des recherches effectuées dans les laboratoires de l’Université Paul Sabatier, dont les résultats s’avèrent prometteurs. a propulsion plasma est basée sur la formation d’une décharge électrique dans le gaz très raréfié où évolue le satellite ; les ions du plasma ainsi créé sont accélérés et éjectés vers l’extérieur par une combinaison du champ électrique de la décharge et d’un champ magnétique extérieur. Eclairage et affichage Nous travaillons également à des applications dans le domaine de l’affichage et de l’éclairage. Deux grands types de dispositifs sont concernés: les écrans à plasma (coll. avec Thomson) et les lampes à décharges (coll. avec GE, Thorn, Philips). Les recherches sur les écrans à plasma ont été développées intensément depuis 1990 et ont permis une optimisation des micro-décharges électriques qui constituent les pixels de base de l’écran. Les travaux sur les lampes se poursuivent activement et portent à la fois sur les lampes de faible puissance (tubes fluorescents) et sur les lampes à arc, en essayant d’améliorer leurs rendements. En effet, les lampes sont de grosses consommatrices d’électricité et participent de ce fait au rejet de gaz carbonique lié à la production de l’électricité dans des centrales thermiques. Les recherches portent sur de nouveaux concepts : lampes à changement de couleur par modification de leur alimentation électrique, lampes plates (coll. Avec St Gobain), lampes sans électrodes. L’étude des systèmes autour des lampes (réseaux d’éclairage) est Positionnement des satellites par propulsion plasma Il s’agit d’une thématique particulièrement adaptée au contexte toulousain, sur laquelle nous travaillons en collaboration avec le CNES, la SNECMA et d’autres laboratoires français dans le cadre d’un groupement de recherche. Notre contribution se situe surtout dans la modélisation du fonctionnement du moteur page 22 >>> Rue de la Berchère à Albi, éclairée par le démonstrateur du projet européen NumeLite Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 6 dOSSIER Sciences Physiques et Ingénierie également un centre d’intérêt et s’est concrétisée en 2005 par la mise en place d’un nouveau système d’éclairage urbain à Albi, résultat d’un projet européen de recherche piloté par les chercheurs toulousains. Dépollution et stérilisation Les villes sont également des gros foyers de pollution. Or, les plasmas créés par des décharges électriques sont des milieux gazeux très réactifs chimiquement. On peut donc les utiliser pour différents procédés chimiques. Nous développons par exemple depuis de nombreuses années des recherches sur la dépollution des gaz d’échappement (coll. avec Satelec) et la destruction de gaz toxiques. Dans cette même perspective, des travaux récents ont montré la capacité des plasmas à détruire des bactéries pour stériliser des instruments chirurgicaux sans être obligé d’utiliser des produits corrosifs ou des températures élevées. Les applications des plasmas en biologie et en médecine sont extrêmement prometteuses et suscitent des recherches approfondies. Métallurgie et systèmes de décharges à arc électrique Dans le domaine de la métallurgie, nous développons des modèles pour comprendre et optimiser les phénomènes complexes de mouvement et de disparition d’arcs électriques, et leurs interactions avec les électrodes et les parois. Les milieux créés par des arcs ont des températures pouvant dépasser 10000°K et sont adaptés à des procédés à haute température tels que le soudage et le découpage par arc (coll. Avec Air Liquide), procédés traditionnels mais qui induisent une recherche en vue de leur optimisation. Ce dispositif est également étudié pour des procédés modernes à haute technologie tels que la synthèse de nanotubes de carbone et de fullerènes. Les activités concernent également l’impact de la foudre sur la voilure des avions (coll. Avec EADS). Enfin les arcs interviennent dans les disjoncteurs (coll. Avec Areva, Schneider) lors de la séparation des contacts. Dépôts de couches minces et traitement des matériaux C’est un domaine d’application vaste et très varié initié dans les années 80 par l’utilisation de plasmas pour graver et/ou déposer des couches minces sur le silicium. Actuellement la fabrication des « puces » électroniques fait intervenir un très grand nombre page 23 >>> Procédé de dépôt sur substrat métallique dans un réacteur plasma micro-ondes basse pression (vue du dessus) d’étapes (parfois plus de 80) dont 40 à 60% sont des procédés plasmas. Dans nos laboratoires les recherches en collaboration avec des sociétés telles que Air Liquide, Danone, Essilor, France Telecom, Hutchinson, Saint-Gobain ou encore Snecma et Valeo dépassent largement le domaine de la microélectronique et portent sur les traitements de surfaces au sens large (métaux, semi-conducteurs, polymères, isolants, tissus, matière vivante, …) et le dépôt de couches minces sur ces mêmes surfaces ainsi que sur la maîtrise des procédés de la basse pression à la pression atmosphérique. Ce savoir-faire débouche sur des applications dans le domaine aéronautique et automobile (traitement des surfaces métalliques pour l’accrochage des peintures, dépôts durs sur les hublots d’avions, dépôts anticorrosion, …), de l’emballage alimentaire ou des écrans plats souples (film barrières aux gaz), du textile, des polymères et des vitrages (hydrophobie, superhydrophobie, …), de l’électronique et de l’optoélectronique (matériaux isolants, transistors à mémoire volatiles, guides optiques intégrés, …). Une part de l’activité débouche sur l’élaboration et la mise au point de réacteurs plasma permettant de traiter de grandes surfaces ainsi que de procédés prenant en compte la protection de l’environnement Il s’agit de remplacer des procédés en phase humide par des procédés en phase gaz consommant moins de matière et rejetant moins de déchets. Les compétences développées dans le domaine du traitement des matériaux ont permis la mise en place du laboratoire commun « PixCELL » avec la société Essilor (voir article plus loin) qui promet de nouvelles avancées pour l’optique ophtalmique du futur. Contacts : [email protected] et [email protected] dOSSIER Sciences Physiques et Ingénierie Vers des systèmes électriques plus sûrs Continuité de service… un maître mot pour notre sécurité mais aussi notre confort en matière d'énergie électrique. La fiabilité sous l'angle des matériaux. >>> Gilbert TEYSSEDRE, Chargé de recherche CNRS et VINCENT BLEY, Maître de conférences UPS, tous les deux chercheurs au Laboratoire de Génie Electrique de Toulouse (LGET, Unité mixte UPS/CNRS) Les matériaux ont la vie dure…Les critères de rendement et de compacité, l'introduction de nouvelles formes de signaux, font que les contraintes (électriques, thermiques, mécaniques…) subies par les matériaux constituant les composants et systèmes du génie électrique, de l'électrotechnique ou de l'électronique de puissance sont de plus en plus sévères. Et on leur en demande de plus en plus. Les systèmes se doivent d’être plus disponibles et plus sûrs, dans de domaines de la vie courante (transports publics par exemple). Le “ bon fonctionnement ”, ou sûreté des systèmes fait appel, dans ses phases de conception ou d'opération, à des notions de fiabilité, de criticité (maîtrise des conséquences de défaillances sur le système environnant), de diagnostic (surveillance), de gestion et de prise de décision. Ces questions sont abordées au LEEI-ENSEEIHT qui s’intéresse aux systèmes, et par deux équipes du LGET où l'aspect matériau, pour l'isolation électrique en particulier, est au cœur des préoccupations. La défaillance type est ici le claquage en surface ou en volume de l'isolant. Les recherches visent à développer des outils et méthodologies permettant d'estimer les contraintes limites des matériaux, d'évaluer leur capacité à endurer les contraintes fonctionnelles des systèmes, ou de diagnostiquer des défauts. Comprendre la dégradation Notre rôle est aussi de comprendre comment les matériaux se comportent et évoluent sous contrainte électrique et plus généralement environnementale, afin de déterminer des voies d'amélioration des performances en orientant la formulation, les conditions de mise en œuvre, ou le dimensionnement. Or, on doit admettre que les phénomènes de dégradation sous contrainte électrique sont plus difficiles à appréhender que sous contrainte mécanique ou thermique par exemple. Il s'agit de phénomènes lents, couplés, sur des matériaux complexes, où des évolutions ne représentent pas nécessairement une dégradation en terme de propriétés fonctionnelles de l'isolant. Aussi, une partie des recherches porte sur le développement d'outils expérimentaux originaux permettant d'identifier les mécanismes de vieillissement. page 24 Ces activités couvrent un spectre d'applications large, les projets en cours allant des systèmes de production d'électricité éoliens (où des problèmes notoires de fiabilité se posent), aux câbles de transport d'énergie, à l'environnement des semiconducteurs de puissance (isolation haute température/haute tension), et aux commutateurs micro-ondes (projet régional MemsFiab). Vieillir dans l’espace Les phénomènes de claquage électrique ne sont pas exclusifs aux systèmes alimentés. Citons par exemple le cas de silos à céréales qui explosent en raison de charges électrostatiques accumulées par frottement. Le LGET étudie ainsi, en partenariat avec le CNES et l'ONERA, les phénomènes de décharges électrostatiques intervenant dans l'environnement des satellites. En orbite spatiale, les matériaux de revêtement sont soumis à l’action de flux importants de particules chargées (électrons, protons). Cette action a pour effet, entre autres, de créer une charge électrostatique à la surface des matériaux ayant un caractère isolant. Cette charge est évacuée, au moins en partie, par des décharges qui, par leur front de montée, leur amplitude et leur fréquence perturbent et parfois détruisent les équipements électroniques proches et peuvent ainsi mettre en péril une mission. Un dispositif de mesure d'implantation de charges par méthode électroacoustique pulsée a ainsi été développé et installé dans un équipement permettant de reproduire le spectre d’électrons de l’environnement spatial géostationnaire: de nouvelles informations quantitatives sur la cinétique d'accumulation et de dissipation de la charge dans les matériaux sont ainsi obtenues in situ et viennent compléter celles issues de méthodes plus conventionnelles. On pourra ainsi développer des modèles d'implantation plus rigoureux et prévoir plus finement l'état de charge de tel ou tel matériau un jour d’orage magnétique, ou au cours de cycles thermiques, par exemple. Contacts : [email protected] [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 6 dOSSIER Sciences Physiques et Ingénierie Les matériaux jonglent avec l’électricité Notre environnement quotidien est peuplé de systèmes électriques. Or, quel qu'en soit l'usage, l'énergie électrique est produite, transportée, stockée, convertie et dissipée par des matériaux, pas toujours visibles, mais incontournables. >>> Marie-Laure LOCATELLI, Chargée de recherche CNRS et Laurent BOUDOU, Maître de conférences à l’UPS, tous les deux chercheurs au LGET. Les propriétés électriques des matériaux sont sollicitées dans de très nombreux domaines d’applications du génie électrique, que ce soit pour des dispositifs imposants gérant des mégaWatts comme les centrales électriques, ou des systèmes miniaturisés comme les téléphones portables. Ces propriétés peuvent être utilisées de deux manières. La première consiste à exploiter les propriétés électriques au « cœur » des systèmes en vue de réaliser les fonctions souhaitées, matérialisées sous forme d’association de composants discrets et localisés (résistances, inductances, condensateurs, semi-conducteurs), ou plus récemment, sous forme d’assemblages hétérogènes multi-couches. Dans le domaine de l’électronique de puissance, où l’intégration des systèmes est actuellement un objectif majeur, les recherches menées (avec le CIRIMAT), portent sur de nouveaux matériaux diélectriques à très forte permittivité, ou encore des matériaux d’électrode à très forte surface spécifique, dans l'objectif d'obtenir des condensateurs à très forte capacité volumique. Dans ce cadre, l'idée directrice est la mutualisation des matériaux et de l’espace, permettant d’assurer simultanément plusieurs fonctions tout en réduisant le nombre de constituants. La deuxième manière d’exploiter les propriétés électriques des matériaux consiste à les utiliser à la périphérie des systèmes, ou dans l'environnement proche de certains constituants d’un même système, afin de protéger le monde extérieur de certaines nuisances électriques ou, inversement, afin d' immuniser ces constituants vis-à-vis de perturbations exogènes. Selon le cas, un matériau à très forte résistivité électrique et rigidité diélectrique, ou bien à résistivité électrique optimisée, sera recherché. Une faible permittivité diélectrique est alors également souhaitée. Muti-fonctionnels La pénétration des systèmes électriques dans un nombre grandissant d’applications, qui multiplient et durcissent les conditions environnementales de travail des matériaux (basse pression / basse température pour certaines applications de l’aéronautique, haute température pour d’autres, haute tension pour la distribution d’énergie électrique, fréquence élevée pour la conversion d’énergie, intégration pour les systèmes embarqués …), nécessite de reconsidérer les matériaux de l’isolation électrique. Des matériaux de l'assemblage (« packaging ») haute température (céramiques, polyimides) et de l’isolation des câbles de transport haute tension (polymères) sont caractérisés et modélisés au LGET. On demande là aussi de plus en plus fréquemment à ces matériaux d’assurer plusieurs fonctions. Citons par exemple les nano-composites à matrice polymère et renfort conducteur (travaux avec le CIRIMAT et le CPAT), qui trouvent des applications dans le domaine du contrôle thermique des satellites. Ces matériaux associent une faible résistivité, permettant d’éviter des décharges électrostatiques dangereuses pour le satellite, et des propriétés thermo-optiques spécifiques. Comme on peut le constater, les travaux sur les matériaux à propriétés électriques spécifiques sont menées en étroite collaboration avec les spécialistes de la chimie du solide et des procédés plasma (CIRIMAT et CPAT). L’objectif système pour lesquels ils sont développés nécessite également des compétences en électronique de puissance, en énergétique et thermique (LEEI-ENSEEIHT et LE). Il s’agit donc avant tout d’une recherche pluridisciplinaire. Contacts : Contacts : [email protected] [email protected] >>> Exemple de mutualisation de l’espace : principe d’intégration d’un filtre d’entrée d’une alimentation électrique à découpage page 25 dOSSIER Sciences Physiques et Ingénierie Deux laboratoires mixtes avec les industriels… Le laboratoire PEARL avec Alstom Face à la crise énergétique et environnementale, l’électricité peut constituer une solution. A condition de contrôler la forme de l’énergie électrique via l’électronique de puissance. >>> Thierry LEBEY, Directeur de recherches au CNRS, LGET, et Emmanuel DUTARDE, Ingénieur Alstom, coordinateur du programme PEARL2. >>> Composants de puissance (IGBT et Diodes) montés de manière spécifique assurant la possibilité d’un refroidissement double face pour les applications ferroviaires (PEARL) L’essor pris par les dispositifs et systèmes de l'électronique de puissance, durant ces dix dernières années peut en partie s’expliquer par la souplesse et l’efficacité avec lesquelles ils permettent de transformer et de gérer l'énergie électrique. Leurs domaines d'application se sont considérablement multipliés allant de quelques Watt (alimentations pour systèmes nomades, domotique, automotive,…) jusqu'à plusieurs dizaines de MW (industrie lourde, traction ferroviaire, propulsion maritime, etc.). Dans le domaine des transports une des applications les plus connues de l’électronique de puissance est le TGV. Afin de maintenir l’avance acquise, des recherches pluridisciplinaires doivent être développées. Elles concernent toutes l’intégration de puissance. Il s’agit de remplacer l'essentiel des agencements macroscopiques discrets par un ensemble d'opérations réalisant simultanément l'élaboration du plus grand nombre de composants et leur assemblage. Cette approche exige des compétences allant des matériaux aux systèmes et de la thermique à la physique des composants semi conducteurs. Pour l’ensemble de ces raisons et pour relever les défis de demain, la société Alstom Transport, le CNRS, l’UPS, l’INP et l’ENIT se sont associés au sein du laboratoire commun PEARL* (Power Electronics Associated Research Laboratory). Fondé en 2001 et situé à Tarbes, il est aujourd’hui composé d’une quarantaine de chercheurs confirmés (du domaine public ou privé) et d’étudiants effectuant des thèses de doctorat. Cette mise en commun des compétences a conduit à la réalisation d’un démonstrateur de convertisseur monté dans un train et fonctionnant de manière fiable. Ce succès a conduit les différentes autorités de tutelle à pérenniser son action et à favoriser le développement de recherches dans le domaine des systèmes embarqués au sein du pôle de compétitivité « Aéronautique, Espace et Systèmes Embarqués ». Laboratoires concernés : le LAAS, le LEEI, le LGET, le CIRIMAT, le LESIA et le LGP Contacts : [email protected] et [email protected] Le laboratoire PIX-CELL avec ESSILOR Comment concevoir les lunettes de correction du futur, c’est le défi qui s’est donné ce nouveau laboratoire mixte.. Né en 2005, PIX-CELL est un laboratoire commun entre ESSILOR, l’UPS, le CNRS et l’INPT. Il fonctionne avec 4 ingénieurs ESSILOR et 2 techniciens supérieurs à temps plein, 6 doctorants CIFFRE, 2 post doct. Son objectif est de concevoir et maîtriser les technologies qui permettront de réaliser des composants optiques et verres correcteurs du futur qui seront dotés d’une matrice de pixels sur substrat polymère. Les étapes technologiques sont nombreuses et difficiles à maîtriser allant de la micro structuration de la surface optique à la mise au point de système electro-actif de modulation de lumière. Ces étapes technologiques se traduisent par un certain nombre de verrous scientifiques parmi lesquels on peut citer : la technologie de fabrication collective des microstructures sur le composant ; l’intégration de la source d’énergie ; les matériaux optiques fonctionnels ; les problèmes liés à la durée de vie de cet ensemble ; la métrologie et les moyens de caractérisation. Le succès de la démarche entraîne clairement qu’à l’horizon 2015 les verres correcteurs auront complètement changé de nature pour s’adapter parfaitement aux besoins de correction de la vision de chaque individu tout en prenant appui sur une production standardisée et de masse. Laboratoires concernés : LGET, LAAS et CIRIMAT Contacts: Yvan SEGUI, LGET. [email protected] page 26 Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 6