n S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x (p=0,05) 2 Article original x a x x xx x Évaluation de l’efficacité d’un traitement ostéopathique sur les effets secondaires et la qualité de vie de patients sous chimiothérapie Essai clinique multicentrique randomisé Nolwenn Favier 1,2 Antoine Guinet 1,2 Méryl Nageleisen 1,2 Bernard Ceccaldi 3,4 Éric Pujade-Lauraine 3,5 Christine LeFoll 3,6 Mickaël Soudain-Pineau 7 Catherine Turlin 1,2 Laurent Stubbe 1,2* 1 Département Recherche de l’Ecole Supérieure d’Ostéopathie de Paris (ESO) Paris Marne-la-Vallée, Champs sur Marne, France 2 Ostéopathe 3 Médecin 4 Service d’Oncologie, Hôpital du Val de Grâce, Paris, France 5 Service d’Oncologie, Hôpital Hôtel-Dieu, Paris, France 6 Service d’Oncologie, Hôpital de Lagny, France 7 Université Reims Champagne Ardenne -Laboratoire d’Analyses des Contraintes MécaniquesDTI (EA 4302 LRC-CEA n° DSM05354) * Correspondance [email protected] Keywords: osteopathy, chemotherapy, cancer, quality of life, QLQ-30, multicentric study Secondary effects and quality of life with chemotherapy: assessing the impact of an osteopathic treatment: Multicentric randomized clinical trial Abstract Objectives: A number of low statistical power studies are suggesting a positive impact of osteopathy on chemotherapies secondary effects. Our aim was to realize a multicentric study assessing the efficiency of an osteopathic treatment on the quality of life in patients undergoing chemotherapy, while controlling the interpractitioner variability. Methods: Three osteopaths carried on this study in oncology departments of three different hospitals around Paris. Patients were randomized in two groups: one group received treatment, then placebo treatment; the other group received the placebo treatment, then got treated. We used a crossover protocol along two consecutive course of chemotherapy: each patient was its own control. During the treatment phase the patient received osteopathic treatment, during the control phase, the patient received sham-treatment. Judgment criteria were the modified QLQ-30 questionnaire; this was administered on three occasions: before treatment, after osteopathic treatment (treated) and after sham-treatment (placebo). Results: The 40 patients were 27 female and 13 male patients. Differences between treated and control were very highly significant for nausea/vomiting and dyspnoea, highly significant for tiredness and significant for pain and sleep disturbance. Efficiency was statistically superior to this of the placebo on all criteria. There was no difference relating to the application order of treatment or sham treatment, and no centre effect or inter practitioner variability. Conclusion: The results from this study suggest a clinical benefit of osteopathy on secondary effects of chemotherapy. They are interesting enough to justify the presence of osteopaths in hospitals’ oncologic departments. Other studies are needed to confirm such results and quantify the osteopathic treatments’ half-life, in order to integrate them fully to conventional management of patients. Mots clés : Ostéopathie, chimiothérapie, cancer, qualité de vie, QLQ C30, étude multicentrique Numero 3-2: 2012 www.larevuedelosteopathie.com 5 Évaluation de l’efficacité d’un traitement ostéopathique sur les effets secondaires et la qualité de vie de patients sous chimiothérapie Introduction fréquent) [7], des nausées et vomissements, des troubles du transit (diarrhées, constipations) et des douleurs [8]. L’ensemble de ces effets chimio-induits se répercute sur la qualité de vie des malades, ceux-ci les considérant parfois comme plus invalidants que la maladie elle-même. Ils peuvent être à l’origine de l’arrêt ou de l’espacement des chimiothérapies en cas de trop grande asthénie. Des avancées importantes ont été réalisées ces dernières années dans la prise en charge allopathique des nausées et vomissements (avec l’association sétrons-aprépitant notamment). Malgré cela, 30 % des patients continuent à éprouver ce type de symptômes dans la semaine qui suit la cure [9]. L’incidence et la sévérité des signes dépendent du type de chimiothérapie, des doses, de l’association avec d’autres médicaments mais aussi de l’état physique et psychologique du patient, ainsi que de son hygiène de vie [10]. Selon une étude américaine sur 487 patients, près de la moitié (48 %) des patients traités par chimiothérapie et radiothérapie ont aussi recours à des médecines complémentaires [11]. Parmi elles, on retrouve le plus souvent l’homéopathie, la phytothérapie, l’acupuncture et l’ostéopathie [12]. Plusieurs études [13-18] ont montré les bénéfices de ces thérapies dans la lutte contre les effets secondaires chimioinduits, notamment en acupuncture. En ostéopathie, plusieurs études ont récemment abordé ce sujet. Les résultats se sont avérés positifs sur la qualité de vie et la diminution des effets secondaires chez des patients atteints d’un cancer, pendant leur période de chimiothérapie. Jarry et al. [19] et Doucet [20] ont observé que l’application d’une technique ostéopathique sur la région hépatique permettait de diminuer l’ensemble des symptômes digestifs ressentis par les patients (fatigue, nausées, vomissements, diarrhées et constipation). Cependant, les effectifs étaient faibles dans ces deux études. Menard-Daraillans [21], en utilisant des techniques dites d’« équilibration des trois diaphragmes », d’« équilibration hépatique » et « crânio-sacrées », a obtenu une diminution des effets secondaires digestifs chez tous les patients traités. Cependant, son étude ne comportait pas de groupe témoin ni de critère de jugement référencé. Les résultats de Meric de Bellefon [22] et de Bertier [23] suggèrent une efficacité d’un traitement ostéopathique sur la douleur cancéreuse. L’étude de Decoux [24] sur 82 sujets a établi qu’un traitement ostéopathique pouvait améliorer de manière significative la qualité de vie des malades, évaluée à l’aide un questionnaire référencé, le QLQ-C30 [25]. Face au problème de santé publique que représente le cancer, il nous semble important de réaliser une étude multicentrique randomisée. Une telle approche aura pour avantages de ne pas rendre l’étude praticien-dépendante et d’intervenir sur un effectif important de patients. Toutes les parties du corps sont reliées par la vascularisation, le système nerveux, le tissu conjonctif, le système lymphatique et hormonal. Afin de respecter le principe d’unité du corps, fondement principal de l’ostéopathie, il nous Aujourd’hui, le cancer est devenu un problème de santé majeur. Cette pathologie constitue, avec 7,6 millions de victimes par an, l’une des principales causes de mortalité dans le monde [1]. En France, il s’agit de la première cause de décès chez l’homme (32,9 %) et de la deuxième chez la femme (23,4 %) [2]. En 2010, on estime le nombre de nouveaux diagnostics de cancer à 203 100 chez l’homme et 154 600 chez la femme. En 25 ans, la fréquence de survenue a quasiment doublé chez l’homme (+93 %) et fortement augmenté chez la femme (+84 %) [2]. Chez les femmes, les cancers les plus fréquents en 2010 sont dans l’ordre : le cancer du sein, le cancer colorectal, puis celui du poumon. Chez les hommes, le cancer de la prostate est le plus retrouvé, suivi de celui du poumon et du cancer colorectal [3]. Le taux de mortalité toutes localisations confondues a diminué d’environ 15 % si l’on compare les périodes 1983-87 et 2003-07. Cette diminution est due à la baisse des conduites à risques, à la généralisation des dépistages organisés et à l’amélioration des diagnostics et des traitements [4]. Le taux de survie relative à cinq ans, tous cancers confondus, est estimé à 53 % [5]. Toutefois, les évolutions dépendent de la localisation et du stade de développement au moment du diagnostic. Le traitement du cancer requiert plusieurs outils thérapeutiques : -- la chirurgie et la radiothérapie externe, premiers traitements envisagés, sont utilisées dans la plupart des cancers localisés ; -- la chimiothérapie, qui permet également de lutter contre les cancers invasifs ou généralisés, dont le pronostic est plus réservé. À ce triptyque de base s’ajoutent des méthodes récentes qui permettent, dans des cas précis, des traitements plus spécifiques : -- l’hormonothérapie, qui concerne les cancers hormonodépendants ; -- la curiethérapie (ou radiothérapie interne) ; -- l’immunothérapie. Ces thérapies sont utilisées seules ou en association. Elles visent à guérir la maladie lorsque cela est possible (traitement curatif), ou à augmenter l’espérance de vie du malade et améliorer sa qualité de vie (traitement palliatif). La chimiothérapie consiste en l’administration de substances chimiques, par voie intraveineuse ou orale, qui permettent de tuer des cellules cancéreuses actives dans l’ensemble du corps. Cette forme de traitement a connu une augmentation de 24 % entre 2005 et 2009 [6]. Les molécules cytotoxiques utilisées lors d’une chimiothérapie agissent sur les cellules à croissance rapide. Certaines cellules saines vont donc également être endommagées, ce qui explique l’apparition potentielle de plusieurs effets secondaires. On retrouve principalement une fatigue importante (symptôme le plus n 6 S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x2 (p=0,05) x xx x x x a Numero 3-2: 2012 Évaluation de l’efficacité d’un traitement ostéopathique sur les effets secondaires et la qualité de vie de patients sous chimiothérapie semble primordial de proposer aux patients un traitement global, adapté à chacun. Cette démarche permet de prendre en charge à la fois les effets secondaires chimio-induits et les douleurs non liées à la chimiothérapie ou au cancer luimême, qui peuvent également perturber la qualité de vie des sujets inclus dans l’étude. Compte tenu du rôle essentiel du foie dans le métabolisme des agents anti-cancéreux et dans la fonction digestive en général, si souvent perturbée pendant les périodes de traitement chimiothérapique, nous avons souhaité évaluer l’impact d’une technique ostéopathique sur la région hépatique. Nous avons donc décidé de mettre en place une expérimentation à trois praticiens visant à évaluer les effets d’un traitement ostéopathique complet, tout en y intégrant systématiquement la technique spécifique sur la région hépatique utilisée dans l’étude de Jarry et al. [19]. Notre objectif était de vérifier si cette prise en charge ostéopathique permet de diminuer les effets secondaires des chimiothérapies afin de justifier l’intérêt de l’ostéopathie en tant que thérapie complémentaire dans un service d’oncologie. tion de la qualité de vie des patients participant aux essais cliniques internationaux. Il a été utilisé dans plus de 3000 études à travers le monde depuis sa diffusion en 1993. C’est un instrument d’évaluation de la qualité de vie spécifique aux essais cliniques internationaux en oncologie. Ce questionnaire, qui a été validé par plusieurs études [26-28], s’adresse à tous les patients atteints d’un cancer, quel que soit sa localisation. Il est composé de 30 items et aboutit à 15 scores dont certains sont répartis en domaines : -- un domaine de santé globale et de qualité de vie : GHS (Global Health Statut) ; -- cinq domaines fonctionnels : activités physiques, activités quotidiennes, fonctions cognitives, bien-être émotionnel et bien-être social ; -- trois domaines de symptômes : fatigue, douleurs, nausées et vomissements ; -- six items uniques portant sur différents symptômes : dyspnée, perturbations du sommeil, perte d’appétit, constipation, diarrhée, impact financier. Méthodes Une étude multicentrique Matériel et Méthodes Notre étude s’est déroulée simultanément dans trois lieux différents où chaque investigateur a appliqué le même protocole expérimental. Matériel Population recrutée Notre population a été recrutée dans trois services d’oncologie de la région parisienne : -- hôpital Hôtel Dieu, Paris (75) ; -- hôpital du Val de Grâce, Paris (75) ; -- hôpital de Lagny Sur Marne (77). Déroulement de l’étude Dans un souci éthique, nous avons souhaité mettre en place un protocole d’expérimentation qui permette à chaque sujet de recevoir un traitement ostéopathique susceptible de lui apporter un bénéfice. L’étude multicentrique a donc été réalisée en essai croisé sur deux cures de chimiothérapie consécutives. Les patients ont été répartis, dans chaque centre, par randomisation en deux groupes : A (traitement simulé [placebo] puis réel) et B (traitement réel puis simulé [placebo]). L’essai croisé (cross-over) utilise le patient comme son propre témoin. Tous les patients reçoivent le traitement réel et le traitement simulé dans un ordre aléatoire. L’avantage de cette méthode est d’assurer une forte comparabilité des deux groupes étant donné que ce sont les mêmes patients que l’on retrouve dans ces deux groupes. La variabilité inter-patients est supprimée et remplacée par une variabilité intra-patients, qui est souvent plus petite. Critères d’éligibilité Critères d’inclusion Nous avons recruté des patients majeurs souffrant d’un cancer traité par chimiothérapie et présentant au moins un des troubles de la qualité de vie définis par le questionnaire QLQ-C30 [25] : fatigue, nausée et vomissement, douleur, dyspnée, insomnie, constipation. Critères d’exclusion -- pathologie organique hépatique contre-indiquant la réalisation de la technique ostéopathique sur la région du foie ; -- ayant subi ou allant subir une intervention chirurgicale dans un intervalle de trois semaines avant ou après le traitement ostéopathique. Première consultation Au premier jour de l’étude (J0), après vérification des critères d’éligibilité, lecture de la lettre d’information et signature de la lettre de consentement, chaque patient était affecté par randomisation dans le groupe A ou le groupe B. Le patient remplissait ensuite seul le questionnaire QLQ-C30 n°1 pour évaluer sa qualité de vie avant la prise en charge ostéopathique. Ensuite, en fonction de son groupe d’appartenance, il bénéficiait d’un traitement ostéopathique réel ou simulé. Critères de jugement Nous avons utilisé l’auto-questionnaire psychométrique sur la qualité de vie QLQ C30 version 3 (Quality of Life Questionnaire) de L’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer). En 1986, l’organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer a lancé un programme de recherche visant à développer une approche modulaire pour l’évaluan Numero 3-2: 2012 S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x2 (p=0,05) x xx x x x a 7 Évaluation de l’efficacité d’un traitement ostéopathique sur les effets secondaires et la qualité de vie de patients sous chimiothérapie Deuxième consultation L’oncologue adaptait pour chaque patient le protocole de chimiothérapie en fonction du grade de toxicité du traitement utilisé, du type de cancer et des capacités physiques du patient. Les consultations ostéopathiques ont été organisées sur deux cures consécutives avec un intervalle de deux ou trois semaines entre deux cures de chimiothérapie : la deuxième consultation avait donc lieu entre J14 et J21. Au début de la deuxième consultation, chaque patient remplissait le questionnaire QLQ-C30 n°2. Ensuite, en fonction de son groupe d’appartenance, il bénéficiait d’un traitement ostéopathique réel ou simulé. eu des nausées [mal au coeur] ?) et 15 (Avez-vous vomi ?) ; • la douleur : items 9 (Avez-vous ressenti de la douleur ?) et 19 (Des douleurs ont-elles perturbé votre vie quotidienne ?). -- les symptômes : •la perturbation du sommeil (Avez-vous eu des difficultés pour dormir ?) ; •constipation (Avez-vous été constipé ?) ; •dyspnée (Avez-vous eu le souffle court ?). Les modalités de réponses sont de 1 (très mauvais) à 7 (excellent) pour les items de l’état global de santé. Pour les autres items, les modalités de l’échelle ordinale étaient «Pas du tout», «Un peu», «Assez», «Beaucoup» recodées respectivement 1, 2, 3, 4. Troisième consultation La troisième consultation avait lieu entre J28 et J42, pour remplir le questionnaire QLQ-C30 n°3. Cette consultation faisait office de bilan, aucun traitement n’était appliqué. Recodage des variables Pour chaque dimension, nous avons calculé le score brut (SB) : Traitement ostéopathique Les traitements ostéopathiques étaient réalisés sur un lit d’hôpital, avant ou pendant l’administration de la chimiothérapie. Les séances duraient de 30 à 40 minutes. Chaque patient recevait un traitement ostéopathique adapté aux dysfonctions de mobilité retrouvées lors des tests préalablement effectués. L’ajustement de ces dysfonctions était réalisé, selon les besoins, à l’aide de techniques musculaires, articulaires ou myo-fasciales céphaliques, thoraciques et abdominales. Le traitement était complété par l’application systématique de la technique sur la région hépatique telle que décrite par Jarry et al. [19]. Le traitement simulé était le même pour tous : routine imposée comprenant des tests de mobilité des tissus superficiels des régions céphalique, thoracique et abdominale. Nous avons recodé les items de l’état de santé global : Nous avons recodé les items des symptômes : Max et Min sont les valeurs maximales et minimales des scores possibles. Ce recodage a permis d’obtenir des variables cotées de 0 (état le plus grave) à 100 (état excellent). Les modifications des scores des échelles de 0 à 100 ont été cotées selon les critères d’Osoba et al. [29] pour interpréter leur signification clinique selon le barème suivant : -- < 5 : nulle ; -- de 5 à 9 : faible ; -- de 10 à 19 : modérée ; -- ≥ 20 : importante. Méthodologie statistique Les données ont été reportées sur un masque de saisie élaboré sous Excel®. L’analyse des données a été réalisée avec le logiciel Statistica® version 8. Données recueillies Pour les scores découlant du QLQ-C30, nous avons retenu les dimensions et les symptômes susceptibles d’être modifiées par notre intervention : Les informations concernaient uniquement la semaine suivant la chimiothérapie. -- les dimensions : • l’état de santé global : items 29 (Comment évalueriezvous votre état de santé au cours de la semaine passée ?) et 30 (Comment évalueriez-vous votre qualité de vie au cours de la semaine passée ?) ; • la fatigue : items 10 (Avez-vous eu besoin de repos ?), 12 (Vous êtes-vous senti faible ?) et 18 (Étiez-vous fatigué ?) ; •les nausées et vomissements : items 14 (Avez-vous Stratégie d’analyse des données Compte-tenu de la nature discrète des variables, nous avons utilisé des tests non paramétriques pour l’analyse des données : -- test de Mann-Withney afin de comparer, pour chaque variable, les données des patients du groupe A (placebotraité) avec celles du groupe B (traité-placebo). Ce procédé permet de vérifier d’une part si les deux groupes sont initialement comparables et d’autre part, s’il existe un effet selon l’ordre d’application des traitements réels et simulés ; -- ANOVA de Friedman pour comparer les trois moyennes de chaque variable correspondant aux trois moments de l’étude (témoin [avant], placebo [traitement simulé], n 8 S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x2 (p=0,05) x xx x x x a Numero 3-2: 2012 Évaluation de l’efficacité d’un traitement ostéopathique sur les effets secondaires et la qualité de vie de patients sous chimiothérapie ostéopathie [traitement réel]. En cas de différence significative (p≤0,05), nous avons appliqué le test de Wilcoxon apparié afin d’identifier entre quels moments se situait la différence ; -- ANOVA de Kruskal-Wallis pour vérifier s’il existe, pour chaque score, des différences inter-praticiens. Pour chaque test statistique, le seuil de significativité a été fixé à p≤0,05. Résultats Figure 1. — Localisations des cancers dans notre population d’étude. Description de la population Les 40 patients comprenaient 27 femmes et 13 hommes, âgés de 22 à 87 ans (moyenne ± écart-type = 54 ± 12 ans) A l’inclusion, les groupes étaient comparables avant traitement et il n’y avait pas d’effet « Centre » ni d’effet « Ordre ». Les patients souffraient en majorité de cancers du sein (33 %) et génito-urinaires (25 %) (figure 1). Lors de la phase témoin, les 40 patients présentaient de la fatigue, 28 souffrait de nausées-vomissements, 33 de douleurs, 30 de perturbations du sommeil, 28 de constipation et 27 de dyspnée. sements, et les douleurs. Pour les autres items, les variations sont hautement significatives (tableau I) Les différences entre les phases traité et témoin étaient très hautement significatives pour les nausées-vomissements et la dyspnée, hautement significatives pour la fatigue, et significatives pour les douleurs et la perturbation du sommeil. L’efficacité était statistiquement supérieure au placebo pour tous ces critères (tableau II). En regroupant les modalités « modérée » et « importante », les symptômes pour lesquels la proportion des patients améliorés est la plus importante sont la douleur (66 %), la fatigue (61 %) et les nausées-vomissements (56 %) (tableau III). Nous n’avons pas mis en évidence de différence selon l’ordre d’application du traitement réel ou simulé, ni d’effet centre donc de variabilité inter-praticien. Evolution des critères de jugement Les comparaisons des moyennes entre les trois temps de l’étude montrent des variations très hautement significatives pour l’état de santé global, la fatigue, les nausées et vomis- Tableau I. — Valeurs des items du QLQ-C30 aux trois temps de l’étude (ANOVA de Friedman). Témoin Placebo Ostéopathie p 54 41 74 57 58 56 68 51 38 81 58 58 54 72 60 50 88 76 70 67 81 0,001 0,001 <0,0001 <0,0001 0,01 0,01 0,01 Etat de santé global Fatigue Nausées et vomissements Douleurs Perturbation du sommeil Constipation Dyspnée Tableau II. — Comparaison des différences de scores des trois groupes deux à deux. Degré de signification statistique (tests de Wilcoxon appariés) et clinique. Ostéopathie vs Témoin Ostéopathie vs Placebo Placebo vs Témoin a SC b p SC p SC p Etat de santé global Fatigue Nausées et vomissements Douleurs Perturbation du sommeil Constipation Dyspnée 6 9 14 19 12 11 13 * ** *** *** *** *** *** NS 0,01 0,001 0,04 0,02 NS 0,001 9 12 8 18 12 13 9 ** *** ** *** *** *** ** 0,001 0,001 0,01 0,03 0,02 0,01 0,01 -3 -3 7 1 0 -2 4 * * ** * * * * NS NS 0,02 NS NS NS NS a = différence b = Signification clinique : * = nulle, ** = faible, *** = modérée, **** = importante Tableau III. — Modifications des symptômes après traitement ostéopathique. En effectifs (%). Amélioration Importante Etat de santé global Fatigue Nausées et vomissements Douleurs Perturbation du sommeil Constipation Dyspnée 7 9 11 15 13 14 16 (18) (23) (28) (38) (33) (35) (40) Aggravation Modérée Faible 6 15 11 11 9 (23) (15) (38) (28) (28) Nulle 7 11 15 10 24 21 21 Faible (18) (28) (38) (25) (60) (53) (53) 4 (10) Modérée 6 3 3 2 (15) (8) (8) (5) Importante 1 (3) 2 (5) 2 3 5 3 (5) (8) (13) (8) Le total des pourcentages en ligne est différent de 100 % par suppression des décimales n Numero 3-2: 2012 S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x2 (p=0,05) x xx x x x a 9 Évaluation de l’efficacité d’un traitement ostéopathique sur les effets secondaires et la qualité de vie de patients sous chimiothérapie Discussion ainsi que les effets mesurés entre les trois praticiens. Cela n’apporte pas la preuve formelle de la comparabilité réelle, dans la mesure où la relative faiblesse de notre effectif – de 40 patients – ne permettait sans doute pas d’observer des différences statistiquement significatives entre les praticiens. Nous souhaitions initialement inclure 80 patients mais nous avons sous estimé la difficulté de ce recrutement dans le temps qui nous était imparti. D’autre part, malgré la bonne volonté des membres de ces équipes soignantes pluridisciplinaires pour accueillir des ostéopathes dans leurs services d’oncologie, l’intégration est complexe, car leurs protocoles de traitement et de soins sont rigoureux, et nous avons dû réaliser notre étude sans perturber ces protocoles. Afin d’évaluer la qualité de vie des patients inclus dans l’étude, nous avons utilisé le questionnaire référencé par l’EORTC, le QLQ-C30 [25], outil de mesure de référence pour la qualité de vie spécifique aux essais cliniques internationaux en oncologie. Nous n’avons retenu que les items pour lesquels nous pensions constater une efficacité de notre traitement ostéopathique. Dans une future étude, il serait pertinent de recueillir d’autres critères de jugement en complément, car certains patient nous ont rapporté des améliorations de symptômes qui n’étaient pas évalués par le QLQ-C30 comme les remontées acides, les migraines et les céphalées. Comme Decoux [24], nous avons remarqué que lorsque le médecin intervenait avant nous auprès des patients, il n’en ressortait pas les mêmes plaintes. Les patients redoutent que trop de plaintes de leur part conduisent le médecin à diminuer les doses et donc l’efficacité de leur traitement, et préfèrent ne rien dire, alors qu’avec l’ostéopathe ils se confient sans crainte. Ainsi, l’ostéopathe peut appréhender ces signes secondaires, sans faire face à cette situation ambiguë, car il prend en charge ceux-ci sans ajouter de nouvelles molécules potentiellement toxiques. Pour cette expérimentation, nous avons choisi dans notre protocole de proposer aux patients une consultation ostéopathique complète et non pas seulement une technique spécifique isolée, ceci afin d’intégrer tous les symptômes d’origine fonctionnelle ressentis par les sujets, au-delà des effets secondaires chimio-induits, et aussi afin de respecter un des principes de l’ostéopathie, le principe de globalité du corps. Cette démarche, déjà adoptée par Decoux [24], nous paraissait essentielle pour effectuer une prise en soin aboutie et espérer améliorer au mieux la qualité de vie des patients participant à l’étude. Le fait de réaliser un traitement adapté aux antécédents médicaux, à l’état tissulaire, aux signes fonctionnels et à la situation pathologique de chaque patient ne permet pas la reproductibilité expérimentale de l’étude. Toutefois, le traitement que nous avons réalisé est conforme à la pratique courante. Nous avons inclus dans l’étude des patients qui n’avaient pas le même protocole de chimiothérapie. Tous les patients n’en était pas au même stade thérapeutique et certains étaient parallèlement pris en charge en radiothérapie pen- Nos résultats ont mis en évidence l’efficacité d’une prise en charge ostéopathique sur certains effets secondaires des chimiothérapies de patients souffrant de cancer. En considérant que les améliorations statistiquement significatives sont cliniquement intéressantes à partir du stade « modéré » selon les critères d’Osoba et al. [29], nous pouvons conclure que nous avons obtenu une diminution des nausées et vomissements, des douleurs, des perturbations du sommeil, et des dyspnées. L’amélioration des constipations est cliniquement présente, mais n’est pas statistiquement significative : la p-value est proche du seuil (p=0,051), et nous émettons l’hypothèse d’une puissance statistique insuffisante de notre étude. L’effet sur l’état de santé global est intéressant pour 33 % des patients, mais n’est pas significatif par rapport à la période témoin. La différence avec la phase placebo est significative du fait d’une aggravation légère pendant cette période, mais ces différences sont cliniquement faibles et nous les estimons ininterprétables pour notre population d’étude. Nous observons un phénomène comparable avec la constipation et, dans une moindre mesure, avec l’état de santé global, mais la subjectivité et la complexité de ce symptôme le rend difficile à mesurer et a en évaluer les variations. L’effet sur la fatigue est hautement significatif et concerne 61 % des patients, mais la variation moyenne est sous la limite inférieure de la classe « amélioration modérée », du fait de l’importance des variations individuelles. Nous avons constaté des aggravations pour certains patients : nos effectifs sont trop faibles pour les mettre en relation avec certaines caractéristiques des patients qui en ont souffert. D’autre part, certaines aggravations étaient cliniquement importantes même si elles ne sont pas statistiquement significatives. Une future étude devra prendre en compte ces potentiels effets indésirables et recueillir les variables pertinentes pour identifier les facteurs qui les favorisent. Nous n’avons pas mis en évidence d’effet groupe : les effets sont comparables pour la période du traitement ostéopathique, qu’il soit appliqué en premier ou après la période placebo. On peut ainsi en déduire qu’il n’y a pas d’effet ordre et que notre traitement ostéopathique n’a vraisemblablement pas d’action de longue durée sur le traitement des effets secondaires en chimiothérapie. Dans le cadre de notre recherche, cela nous a autorisé à respecter le profil de l’étude en cross-over, où chaque patient est son propre témoin, ce qui présente un double avantage en terme de puissance statistique de l’étude : un groupe de 40 patients apporte la même puissance que deux groupes indépendants de 40 ; d’autre part, les variabilités intra-individuelles sont inférieures aux variabilités inter-individuelles, ce qui apporte un gain de puissance. Nous n’avons pas constaté d’effet praticien : les populations des trois centres étaient donc comparables après inclusion, n 10 S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x2 (p=0,05) x xx x x x a Numero 3-2: 2012 Évaluation de l’efficacité d’un traitement ostéopathique sur les effets secondaires et la qualité de vie de patients sous chimiothérapie dant la période de l’expérimentation. Certains suivaient leur première cure alors que d’autres étaient en traitement dans le service depuis plusieurs mois. Cela occasionne des sévérités de symptômes et des fréquences de cure variables d’un sujet à l’autre qui ont pu interagir dans la réponse au traitement ostéopathique. D’autre part, les oncologues ont réajusté dans certains cas le dosage de la chimiothérapie ainsi que des médicaments contre les effets secondaires afin de rendre le traitement plus supportable. Nous n’avons pas pu recueillir ces données afin de contrôler cet effet dans notre analyse statistique. Enfin, pour des raisons pratiques, nous n’avons pas pu revoir les patients sept jours après leur chimiothérapie afin qu’ils remplissent le questionnaire, lequel s’intéresse à leur état pendant la semaine « post-cure ». Le fait que les sujets remplissent le QLQ-C30 deux ou trois semaines après la cure précédente a pu altérer leur perception des effets secondaires ressentis. d’un ostéopathe dans un service d’oncologie peut donc être bénéfique pour ces patients. Cette expérimentation a été enrichissante sur plusieurs points, tout d’abord nous avons été en contact avec des patients ayant leur pronostic vital en jeu, et nous avons beaucoup appris en termes de relation patient-praticien. Il a été très intéressant d’entrer dans le monde hospitalier et d’échanger avec des médecins, infirmières et aide-soignants. De plus, cette étude a été l’occasion de faire connaitre l’ostéopathie et ses divers domaines d’actions aux patients et au personnel. Progressivement, nous avons été de plus en plus sollicités pour prendre en soin des personnes souffrant de troubles musculo-squelettiques, non liés – a priori – au traitement de chimiothérapie et donc non-inclus dans l’étude. Dans l’avenir, il serait intéressant de conduire une expérimentation s’inscrivant dans la continuité de celle-ci, mais avec davantage de temps et de moyens. Ces deux facteurs nous permettraient de cibler davantage la population incluse dans l’étude et de contrôler les biais précédemment énoncés. Il serait intéressant d’étudier un protocole précis dès le début d’une prise en charge de chimiothérapie et de suivre ces patients sur plusieurs mois. Conclusion L’hypothèse principale de cette expérimentation, selon laquelle l’ostéopathie améliorerait certains signes secondaires des patients sous chimiothérapie est confirmée. La présence Conflits d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec cet article. Nous remercions les Drs Éric Pujade-Lauraine, Bernard Ceccaldi, Jean Chidiac, Lionel Vedrine, Christine Lefoll, Sylvestre Le Moulec, Jean-Michel Poirier, Mmes Naznine Mohamed, Valérie Zanczak et MM. Bruno Daniel, Éric Olivier. Références 1. Ferlay J, Shin Hr, Bray F, Forman D, Mathers C, Parkin DM. Estimates of worldwide burden of cancer in 2008: GLOBOCAN 2008. 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Nous avons utilisé un protocole d’essai croisé (cross-over) sur deux cures consécutives : chaque patient était son propre témoin. Pendant la phase traitée, le traitement ostéopathique était appliqué ; il était simulé lorsque le patient était témoin. Les critères de jugement étaient le questionnaire QLQ-30 modifié administré trois fois : avant traitement ostéopathique (témoin), après traitement réel (traité) et simulé (placebo). Résultats : Les 40 patients comprenaient 27 femmes et 13 hommes. Les différences entre les phases traité et témoin étaient très hautement significatives pour les nausées-vomissements et la dyspnée, hautement significatives pour la fatigue, et significatives pour les douleurs et la perturbation du sommeil. L’efficacité était statistiquement supérieure au placebo pour tous ces critères. Il n’y avait pas de différence selon l’ordre d’application du traitement réel ou simulé, ni d’effet centre donc de variabilité inter-praticien. Conclusion : Les résultats de cette étude sont en faveur d’une efficacité clinique de l’ostéopathie sur les effets secondaires des patients sous chimiothérapie. Ces résultats sont suffisamment intéressants pour suggérer que la présence d’ostéopathes dans les services d’oncologie puisse être utile aux patients atteints de cancer. D’autres études doivent confirmer ces résultats et quantifier la demi-vie des traitements ostéopathiques afin qu’ils soient pleinement intégrés à la prise en charge conventionnelle. n 12 S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x2 (p=0,05) x xx x x x a Numero 3-2: 2012