Concours B ENSA B-0112B BIOLOGIE Durée : 4 heures L’usage de la calculatrice, d’abaques et de tables est interdit pour cette épreuve. Si, au cours de l’épreuve, un candidat repère ce qui lui semble être une erreur d’énoncé, il le signale sur sa copie et poursuit sa composition en expliquant les raisons des initiatives qu’il a été amené à prendre. Chaque candidat est responsable de la vérification de son sujet d'épreuve : pagination et impression de chaque page. Ce contrôle doit être fait en début d'épreuve. En cas de doute, il doit alerter au plus tôt le chef de centre qui contrôlera et éventuellement remplacera son sujet. L’épreuve comprend deux parties indépendantes comptant chacune pour la moitié de la note. Première partie : question de synthèse Le cœur des Mammifères Les candidats présenteront successivement la révolution cardiaque, puis les activités mécaniques et électriques cardiaques de l’échelle de l’organe à l’échelle de la cellule. Les mécanismes de contrôle de ces phénomènes ne sont pas à traiter. N.B. Il est rappelé aux candidats que la notation prendra en compte non seulement la clarté, la précision et la concision de l’exposé, mais également la qualité de l’expression, de l’illustration et de la présentation. 1/8 Deuxième partie : étude de documents Les microARNs (miRNAs) constituent une classe d’ARN qui régulent l’expression génétique au niveau post-transcriptionnel. Les précurseurs des miRNAs (PremiR) sont transcrits dans le noyau, puis transportés dans le cytosol où ils subissent des maturations successives, notamment par l’enzyme Dicer, pour donner finalement les miRNAs matures longs d’une vingtaine de nucléotides. Ces miRNAs matures se lient en général à leurs ARN messagers (ARNm) cibles par appariement partiel de leur séquence après avoir été incorporés dans le complexe RISC (RNA-induced silencing complex). Ceci conduit soit à la dégradation des transcrits ARNm, soit à l’inhibition de leur traduction. Les expériences qui suivent présentent quelques conséquences des délétions ciblées de l’endonucléase Dicer et du miRNA miR-1 sur le développement et le fonctionnement du cœur de souris. 1 - Le système Cre/loxP est appliqué pour invalider spécifiquement le gène Dicer (cf. Annexe). Pour ce faire, des souris homozygotes pour les allèles Dicer floxés (Dicer flox/flox) sont croisées avec une souris transgénique dans laquelle la recombinase Cre est exprimée sous le contrôle du promoteur de la chaîne lourde alpha de myosine (α-MHC) (MHC Cre). Ainsi, chez cette souris transgénique, la recombinase Cre est exprimée uniquement dans les cellules musculaires cardiaques. Ces cardiomyocytes comportent par ailleurs les allèles sauvages du gène Dicer (Dicer +/+). Les descendants d’intérêt (MHC Cre ; Dicer flox/+) sont identifiés et accouplés avec des souris (Dicer flox/flox). Les résultats du génotypage de la descendance de ce dernier accouplement sont présentés en Figure 1. Justifier la répartition statistique de ces résultats. Quelles souris vont permettre d’étudier le rôle fonctionnel joué par l’endonucléase Dicer dans les cardiomyocytes ? Expliquer. Dans la suite du sujet ces souris seront par convention appelées (-/-). Toutes les figures qui suivent correspondent à des résultats obtenus chez des souris nouvelles-nées. 2 - L’expression de deux des miRNAs les plus abondants exprimés dans le cœur, miR-1 et miR-133, est analysée par Northern blot chez des individus sauvages (+/+) et mutants (-/-) (Figure 2). Rappeler en quoi consiste un Northern blot, puis commenter les résultats obtenus. Que mettent-ils en évidence ? 3 - La fonction cardiaque des souris mutantes (-/-) est analysée par électrocardiogaphie et comparée à celle d’individus sauvages (+/+) qui servent de contrôles (Figure 3). Définir les termes diastole et systole, puis rappeler le rôle du ventricule gauche dans le cycle cardiaque. Analyser les données présentées. Quelles hypothèses peuvent être émises quant aux causes des modifications cardiaques observées chez les souris mutantes ? 4 - Des études morphologiques et histologiques sont conduites sur les cœurs de souris sauvages (+/+) et mutantes (-/-) (Figure 4). Commenter les documents présentés en soulignant de façon synthétique les différences observées au niveau de l’organe entier, des tissus et des cellules. En quoi l’étude de l’ultrastructure des muscles cardiaques et de l’expression de la connexine conforte-t-elle les hypothèses émises à la question précédente ? 2/8 5 – Une nouvelle lignée de souris mutantes est créée, chez lesquelles le miRNA miR-1 a été éliminé de façon ciblée dans les cardiomyocytes par recombinaison homologue grâce au système Cre/loxP. La fonction cardiaque de telles souris mutantes (miR-1-/-) est analysée par électrocardiographie parallèlement à celle de souris sauvages (wt) (Figure 5). Rappeler à l’aide d’un schéma explicatif à quoi correspondent les différents intervalles et ondes visibles sur l’électrocardiogramme des individus sauvages. Commenter les différences observées. A quels types de défauts cardiaques pourraient-elles être attribuées ? 6 - Des analyses bioinformatiques de séquences ont permis d’identifier la région non traduite en 3’ (3’-UTR : 3’-UnTranslated Region) de l’ARNm codant la protéine Irx5 comme étant la cible du microRNA miR-1. Irx5 est un facteur de transcription qui régule notamment l’expression du canal potassique Kcnd2. Kcnd2 est un canal voltage dépendant qui contribue au courant potassique transitoire sortant Ito. La région 3’-UTR de l’ARNm codant Irx5 est clonée, dans un vecteur d’expression, dans la région non traduite en 3’ du gène rapporteur codant la luciférase. Ce vecteur d’expression comporte un promoteur constitutivement actif qui contrôle l’expression de la luciférase. L’activité luciférase est suivie en fonction de l’ajout de miRNAs après transfection de ce plasmide rapporteur dans des cellules en culture (Figure 6a). Ensuite, l’expression du gène Irx5 est évaluée par RT-PCR semiquantitative et Western blot sur des cœurs sauvages et mutants (Figures 6b & c). Enfin, l’expression du gène Kcnd2 est également étudiée sur des cœurs sauvages et mutants (Figure 6d). N.B.1 - La luciférase est une enzyme contrôlant l'oxydation de la luciférine en oxyluciférine provoquant une émission lumineuse. N.B.2 - La RT-PCR semiquantitative (qRT-PCR) est une technique destinée à quantifier un type d’ARN initialement présent dans un échantillon. Ce terme désigne l'utilisation de deux techniques employées successivement : une transcription inverse suivie d’une PCR en temps réel. Commenter les résultats obtenus en Figure 6a. Que démontrent-ils ? Rappeler sous forme d’un schéma légendé le principe de la réaction de polymérisation en chaîne (PCR). Rappeler le principe d’un Western blot en précisant ses différentes étapes et le rôle de chacune d’elles. Quel est le rôle de l’α-tubuline ? Interpréter ces différents documents et conclure quant aux fonctions de miR-1 et Irx5. Quel lien est-il possible de faire entre ces résultats et les hypothèses émises à la question 5 ? 3/8 Figure 1 – Génotypage des produits du croisement de souris (MHC Cre ; Dicer flox/+) et (Dicer flox/flox). Le tableau rassemble le nombre et le pourcentage des différentes souris issues du croisement. Total 288 100% Dicer flox/+ 68 24% Dicer flox/flox MHC Cre MHC Cre 73 25% ; Dicer flox/+ 72 25% ; Dicer flox/flox 75 26% Figure 2 – Analyse par Northern blot des miRNAs miR-1 et miR-133. PremiR : précurseur de miRNA ; tRNA : ARN de transfert. Figure 3 - Analyses électrocardiographiques de souris sauvages (+/+) et mutantes (-/-). Les valeurs proviennent de 5 mesures indépendantes. n, nombre d’individus ; EPVGd, épaisseur de la paroi ventriculaire gauche en fin de diastole ; EPVGs, épaisseur de la paroi ventriculaire gauche en fin de systole. bpm : battement par minute ; mm : millimètre. Génotypes Fréquence cardiaque bpm EPVGd mm EPVGs mm +/+ (n = 10) 556 ± 42 0,36 ± 0,07 0,62 ± 0,13 -/- (n = 7) 279 ± 64 0,57 ± 0,10 0,71 ± 0,10 4/8 a b c Poids cœur / Poids corps (mg/g) Figure 4 (1ère partie, suite page suivante) – Etudes morphologiques, histologiques et cytologiques de cœurs de souris sauvages (+/+) et mutantes (-/-). (a) Cœurs vus en face ventrale. (b) Rapport poids du cœur/ poids du corps. Les barres horizontales indiquent les moyennes. (c) Coupes sagittales de cœurs entiers après coloration hématoxyline – éosine. Ces réactifs permettent de colorer le noyau en bleu/violet et le cytoplasme en rose. (d) Myocarde ventriculaire gauche à plus fort grossissement. (e) Micrographies électroniques à transmission de myocarde ventriculaire. Pour toutes ces études, les clichés des cœurs sauvage et mutant sont au même grandissement. +/+ d e 5/8 -/- Figure 4 (2ème partie et fin) - (f) Diagramme montrant les zones du ventricule gauche étudiées par immunohistochimie confocale dans les images g, h, i et j : zone 1 pour g et i ; zone 2 pour h et j. (g,h,i,j) Détection de la connexine marquée par immunofluorescence (rouge). Le DAPI colore les noyaux en bleu. Pour toutes ces études, les clichés des cœurs sauvage et mutant sont au même grandissement. g h i j f Figure 5 – (a) Paramètres électrocardiographiques de souris sauvages (wt) et mutantes (miR-1-/-). n, nombre d’individus ; bpm, battements par minutes ; msec, milliseconde. (b) Electrocardiogrammes représentatifs. ││ indique la position des intervalles PR et QRS. Le second pic du complexe QRS (R’) n’est observé que chez 55% des souris mutantes et 14% des souris sauvages. a Paramètre wt (n = 7) miR-1-/- (n = 9) Fréquence cardiaque (bpm) 459 ± 12 411 ± 15 Intervalle PR (msec) 35,5 ± 0,6 33,4 ± 0,5 Intervalle QRS (msec) 10,7 ± 0,3 12,3 ± 0,3 57 ± 2 64 ± 1 Intervalle QT (msec) b wt miR-1-/- 6/8 b Activité luciférase (unités relatives) Irx5 3’UTR c Irx5 Expression d’ARNm a wt Irx5 Irx5 3’UTR 3’UTR + miR-1 + miR-133 miR-1-/- wt miR-1-/- d Irx5 Kcnd2 Expression d’ARNm α-tubuline Quantités relatives Densitométrie wt miR-1-/- wt miR-1-/- Figure 6 – (a) Activité luciférase de cellules Cos transfectées. Les valeurs présentées sont celles relatives à l’activité du seul gène rapporteur codant la luciférase. Les données présentées sont des moyennes ± écart standard à la moyenne. (b) qRT-PCR de l’ARNm codant Irx5 issu de souris sauvages (wt) ou mutantes (miR-1-/-). (c) Western blot de lysats protéiques de cœurs sauvages (wt) et mutants (miR-1-/-) et quantification des bandes observées par densitométrie. (d) qRT-PCR d’ARNm codant Kcnd2 issu de souris sauvages (wt) ou mutantes (miR-1-/-). 7/8 Annexe Le système Cre/loxP offre la possibilité de créer de manière délibérée et contrôlée des modifications génétiques. La protéine Cre est une recombinase qui agit lorsqu’elle reconnaît, dans un segment d’ADN, une séquence de 34 paires de bases appelée loxP. Lorsque deux sites loxP sont orientés dans le même sens, la protéine Cre induit la délétion du segment d’ADN situé entre ces deux sites. Afin de permettre la survenue conditionnelle d’une mutation chez l’animal, on crée des souris porteuses d’un allèle dans lequel deux sites loxP encadrent une partie essentielle du gène d’intérêt, sans que cette insertion perturbe le fonctionnement du gène. L’allèle est dit « floxé ». Ces souris génétiquement modifiées sont ensuite croisées avec une souris transgénique exprimant la recombinase Cre dans un type cellulaire particulier grâce à l’emploi de séquences régulatrices appropriées dans le transgène. Lorsque la recombinase Cre est exprimée dans ces cellules, elle entraîne l’excision des séquences situées entre les deux sites loxP et induit donc une mutation nulle du gène modifié, c’est-à-dire une perte de fonction de l’allèle modifié. La première souris (lignée A) comporte dans son génome une séquence «floxée». L’autre souris (lignée B) est une souris transgénique exprimant la recombinase Cre sous le contrôle d’un promoteur donné qui dirige ici son expression dans le cerveau. Les animaux issus d’un croisement entre une souris A et une souris B seront mosaïques : les types cellulaires exprimant la recombinase porteront un allèle délété (ici dans le cerveau) alors que les autres cellules de l’animal porteront un allèle «floxé». (SNC : système nerveux central ; P : promoteur) FIN DE L’ÉPREUVE 8/8