inclut le motif canonique. La délétion des séquences situées
en amont ou en aval de 2A n’abolit pas l’activité protéoly-
tique, même si ces séquences immédiatement en amont
sont critiques pour l’activité. Des versions plus longues de
2A avec des séquences additionnelles (~ 30 aa) dérivées de
la protéine de capside (1D) produisent même des activités
de clivage supérieures à celles de la séquence 2A naturelle
(> 99 % d’activité si l’on considère un taux d’activité de
90 % pour la séquence 2A naturelle) [19, 21, 29, 30] (figure
3B). L’extension pourrait avoir pour effet de dégager la
séquence 2A des séquences en amont, réduisant de fait un
effet conformationnel défavorable qui peut normalement
gêner la protéolyse. Un certain nombre d’études suggèrent
que ce problème peut être surmonté par l’utilisation d’une
séquence flexible Gly-Ser-Gly qui sépare les séquences en
amont de la séquence 2A [31-33]. Des plasmides multigé-
niques la contenant ont montré que la séquence 2A fonc-
tionne correctement à l’intérieur de différents contextes
séquentiels, mais que l’efficacité de la protéolyse varie en
fonction de ce contexte. En changeant l’ordre des séquen-
ces protéiques dans plusieurs polyprotéines artificielles, la
stœchiométrie est affectée par la séquence protéique en
amont [34-36].
Modèle traductionnel de la coupure par 2A
Chez les Aphtovirus et les Cardiovirus, la réaction de
protéolyse initiale est contemporaine de la traduction et
autocatalytique. Elle n’est pas réalisée par une protéase
exogène ou par une autre protéase virale, comme les pro-
téases L et 3C [25, 37]. Des résultats appuyant cette hypo-
thèse ont été rapportés lorsque nous avons examiné les
produits de protéolyse de la polyprotéine GFP-2A-GUS.
Les expériences de traduction in vitro et les quantifications
précises des produits de protéolyse ont montré la présence
d’un excédent important de la protéine en amont de 2A
[GFP2A]. Une observation qui ne peut pas être expliquée
par un processus simple de protéolyse [25, 38]. Des études
exhaustives ont également apporté la preuve que cet excé-
dent d’une des protéines n’était pas la conséquence d’une
dégradation protéique ou d’une terminaison prématurée de
la transcription ou de la traduction [27]. Nous avons sug-
géré que le peptide 2A naissant à l’intérieur du tunnel de
sortie du ribosome adopte une conformation hélicoïdale
avec un angle aigu (-NPG
↓
P-) d’acides aminés précédant
immédiatement le site de coupure. Cette conformation de
2A entraîne une pause dans l’élongation du polypeptide et
empêche l’attaque, par le groupe aminé de l’ARNt
pro
-
prolyl du site A, du groupe carboxyle de l’ARNt
gly
-
peptidyle dans le site P. Ainsi, au lieu de la formation d’une
liaison peptidique, le produit N-terminal est relâché hors du
ribosome par hydrolyse de la liaison ester du peptide (2A)-
ARNt. À ce stade, la traduction se termine à un codon sens
ou bien repart par translocation de l’ARNt-prolyl sur le site
P. Nous avons nommé cet effet traductionnel le skipping
ribosomal pour illustrer le phénomène central de notre
modèle, à savoir que la liaison peptidique entre la glycine
C-terminale du peptide 2A et la partie N-terminale de la
protéine 2B n’est pas synthétisée mais court-circuitée ou
non passée (skipped) [27, 38, 39]. Il en résulte deux possi-
bilités : 1) soit la traduction se termine en C-terminal de 2A
en l’absence de codon stop, 2) soit la traduction se produit
en aval. De cette façon, de multiples produits de traduction
peuvent être synthétisés à partir d’un unique ORF. Des
résultats récents suggèrent que notre modèle a cependant
besoin de révisions parce que les facteurs eRF1 et eRF3
sont connus pour contribuer à l’arrêt de la traduction de 2A
[40]. Chez les eucaryotes, ces deux facteurs sont associés
dans un complexe qui se fixe au ribosome quand un codon
stop entre dans le site A [41]. Comme cela est montré dans
le modèle révisé (figure 4), le ribosome s’arrête à la fin de
2A là où les facteurs d’arrêt eRF « reconnaissent » le codon
proline dans le site A comme un signal stop, ce qui conduit
à l’hydrolyse de la liaison ester de l’ARNt-glycyl et permet
la libération du peptide. La dissociation des eRF du com-
plexe de terminaison facilite l’entrée de l’ARNt-prolyl dans
le site A du ribosome. L’ARNt-prolyl est alors transporté
du site A vers le site P pour devenir l’ARNt-aminoacyl
inducteur de la protéine en aval. C’est probablement la
concentration cellulaire des facteurs d’élongation qui déter-
mine si le ribosome se dissocie ou continue la traduction en
aval après l’hydrolyse.
Lorsque les virus infectent les cellules, ils synthétisent
d’abord les protéines impliquées dans la réplication de leur
génome (protéines « précoces ») puis les protéines impli-
quées dans la synthèse de la capside (protéines « tardi-
ves »). Tous nos résultats suggèrent que chez les picornavi-
rus, dont l’ARNm est monocistronique, toutes les protéines
sont tout d’abord synthétisées de façon stœchiométrique
(étapes précoces de l’infection). Puis, graduellement, les
protéines dont le gène est situé en amont de la séquence 2A
sont synthétisées en excès (étapes tardives de l’infection)
Pour expliquer le déséquilibre observé lors de la synthèse
des produits de clivage, nous suggérons que les systèmes de
traduction in vitro que nous avons utilisés miment les
conditions cellulaires durant la phase tardive de l’infection,
lorsque les ressources cellulaires deviennent limitantes
pour la traduction [M. Ryan, communication personnelle].
Séquences naturelles similaires à 2A
L’examen du génome d’autres picornavirus a montré que le
motif DxExNPGP est présent dans plusieurs genres de
Picornaviridae : Cardio-, Tescho-,Erbo- et certains Pare-
chovirus. Bien que les Cardiovirus aient un segment 2A
bien plus long (133 à 143 aa) que les Aphtovirus, des
travaux sur le virus de l’encéphalomyocardite (EMCV) et
le virus de Theiler (TMEV) ont montré que la plupart de ces
revue
Virologie, Vol. 11, n° 5, septembre-octobre 2007
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