Des Cartes trop simples de l'Islam
(d'après "le Dessous des Cartes" – mars 2002)
Instrument d'analyse,
les cartes peuvent aussi contribuer
à des simplifications et des amalgames.
L'exemple des cartes de l'Islam peut servir à le démontrer.
la Population musulmane dans le monde
En couleur pâle, les pays où le pourcentage de musulmans
est compris entre 5 et 20 %,
et en plus foncé, les pays
où les musulmans sont majoritaires,
c'est-à-dire qu'ils représentent entre 75 % et 100 %
de la population.
Une carte trop simple ?
Avec une légende aussi courte,
cette carte ne dit pas grand-chose.
Elle s'appuie sur les statistiques nationales,
alors que d'un pays à l'autre,
les modes de recueil des données varient beaucoup,
et sont plus ou moins fiables.
Ici, la Chine est sans couleur, les sources donnant pour ce pays
entre 20 et 160 Mns de musulmans.
le Cas du Pakistan, de l'Inde et du Bangladesh
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le Cas du Pakistan, de l'Inde et du Bangladesh
Ensuite, les couleurs de la carte induisent un classement
entre des pays "très" musulmans
comme le Bangladesh ou le Pakistan, en foncé,
et ceux qui seraient comme "moins musulmans"
comme l'Inde, en couleur pâle.
Or, contrairement à ce qui semble induit
par les couleurs de cette carte,
l'Inde et le Pakistan comptent environ
le même nombre de musulmans, soit à peu près 120 Mns.
C'est donc là une information politique manquante,
ce qui est vraiment ennuyeux
puisque l'un des principes fondateurs du Pakistan, en 1947,
était justement de rassembler dans un même État
les musulmans du sous-continent.
l'Islam : une religion arabe ?
Les pays arabes du Maghreb et du Machrek
sont tous de couleurs foncées,
ce qui tendrait à renforcer l'idée
que l'Islam est une religion arabe
(ce qu'elle l'est par ses origines),
mais aujourd'hui, près de 80 % des musulmans dans le monde
ne sont pas arabes, ils sont
nigérians, turcs, iraniens, pakistanais, indiens, indonésiens.
Des pratiques différenciées
Les statistiques traduites sur cette carte
n'expriment pas la réalité des pratiques religieuses.
En effet, dans les pays du Golfe,
la totalité de la population est pratiquante,
alors que dans d'autres pays,
comme dans les Balkans ou l'Indonésie,
l'Islam apparaît plus comme un héritage culturel commun.
l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI)
l'OCI, une organisation hétérogène ?
l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI)
L'Organisation de la Conférence Islamique (OCI),
qui siège à Djeddah a pour vocation :
la sauvegarde des lieux saints de l'Islam,
le soutien au peuple Palestinien.
Elle est censée promouvoir la coopération dans les domaines
économiques, sociaux, culturels et scientifiques,
grâce notamment, à la Banque Islamique de Développement.
À l'échelle mondiale,
il n'existe pas d'autre organisation confessionnelle
dont les membres signataires sont des États.
Le critère religieux comme seul dénominateur commun
peut-il suffire à donner un poids politique mondial
à une organisation ?
L'OCI rassemble des pays de richesse, de développement
et de régime politique très différents,
comme la Sierra Leone et l'Arabie saoudite.
l'OCI, une organisation hétérogène ?
Si on compare les 2 cartes précédentes,
on constate que l'OCI regroupe
des pays où l'islam est majoritaire (Iran, Algérie),
et d'autres où l'islam est minoritaire (Mozambique, Ouganda).
Tout cela pose évidemment le problème de l'hétérogénéité
des intérêts
et des objectifs de cette organisation.
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le Système juridique des pays de l'OCI
l'Islam est plus large que l'OCI
le Risque d'une carte trop uniformisée
Une autre carte de l'Islam
le Système juridique des pays de l'OCI
Sur cette carte sont représentés, en vert foncé,
les pays qui appliquent strictement la charia,
c'est-à-dire le droit islamique, y compris les châtiments corporels ;
en plus clair, ceux qui n'appliquent la charia que
pour les naissances, les mariages ou les droits de succession.
Et en très clair, on trouve les pays séculiers ou laïcs.
Sur les 57 membres de l'OCI,
5 seulement appliquent le droit islamique de manière stricte.
On est donc très loin des clichés.
Mais n'y a t'il pas pour ces 5 pays, contradiction
entre l'interprétation des textes de l'Islam
et les conventions internationales signées par ces États
en matière de droits de l'homme ?
Depuis une vingtaine d'années,
les régimes autoritaires d'Amérique latine ou d'Asie
ont plutôt évolué vers des systèmes démocratiques.
Or, on constate la très grande immobilité politique
de la plupart des pays arabo-musulmans
du Maghreb ou des pays du Golfe...
l'Islam est plus large que l'OCI
Un quart des musulmans dans le monde
vivent dans les pays non-membres de l'OCI
comme l'Inde, la Chine, la Russie,
les pays européens, ou les États d'Amérique,
c'est-à-dire des régimes parfaitement laïcs.
le Risque d'une carte trop uniformisée
L'Islam politique est représenté sur cette carte
à l'échelle des États.
Or il ne doit en rien être confondu
avec des mouvements politiques dits islamistes,
qui s'appuient sur une frange très étroite des musulmans,
et qui sont de natures très différentes.
Une carte peut facilement conduire à des amalgames,
elle peut uniformiser
des pratiques religieuses d'intensité très diverses,
des populations qui vivent dans des régions
à densités démographiques différentes,
sous des latitudes différentes,
et des cultures elles aussi différentes.
Une autre carte de l'Islam
Cette carte se distingue nettement des précédentes
par sa forme, ses couleurs et ses informations.
Parce qu'elle distingue en plus
des deux grands courants de l'Islam, les Chiites et les Sunnites,
les différentes écoles de l'Islam, comme par exemple :
les sunnites malékites en Afrique,
les chiites duodécimains en Iran.
Or, chaque école a ses représentations, ses obligations
ses interprétations du droit et de la tradition.
Et cela va de l'existence ou non d'un clergé à, par exemple,
la consommation d'alcool.
Il y a au départ pour l'Islam un texte fondateur commun,
mais il a depuis évolué dans des régions
géographiquement et culturellement très diverses :
il est imprégné de maraboutisme en Afrique,
institué en règle de vie dans les pays du Golfe,
inhibé par le communisme dans les ex-républiques de l'URSS,
ou bien encore syncrétique en Indonésie.
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l'Islam dans le Sahara ?
Cette carte, en outre, ne raisonne pas à l'échelle des États
mais des zones habitées,
c'est-à-dire qu'elle respecte les zones désertiques
comme le Sahara.
C'est important pour les pays de l'islam,
qui sont souvent des pays du désert.
le Croissant de l'Islam ?
La carte précédente essaie d'être nuancée
et s'oppose à ce document que l'on voit souvent,
que l'on appelle "la crise du monde musulman".
Il forme un menaçant "croissant" de l'islam
compact de la Guinée à l'Indonésie.
Pourtant non, il n'y a pas de "croissant de l'Islam",
mais une grande civilisation,
des cultures, des croyances, des différences.
Il faut être attentif aux raccourcis, ou même aux erreurs
que peuvent induire les cartes
si elles ne sont pas suffisamment commentées,
ou si l'on n'apprend pas à lire leur légende,
ou encore si elles sont trop chargées d'informations
qui n'ont rien à faire ensemble.
Les cartes ne prouvent rien :
elles peuvent fournir des orientations,
ou comme ici, soulever des questions.
Y a-t-il par exemple, un lien particulier entre Islam et politique ?
Y a-t-il contradiction entre le fait religieux et les droits universels ?
Est-ce que la diversité de l'islam a des conséquences géopolitiques ?
Sachez que, vu qu'elles sont muettes,
on peut faire dire n'importe quoi aux cartes.
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