1514 luttes politiques entre les clans et factions sud-vietnamiennes, prêts à tous
les coups tordus. Propriétaire d’un journal local, il censure certaines infor-
mations, essaie d’organiser un syndicat jaune pour contrer l’influence de
celui des dockers.
Ce n’est plus seulement ce bourreau sanguinaire, ni non plus ce héros
angélique défenseur de la liberté face aux communistes vietcongs.
Une photo parfaite a toujours besoin d’un supplément d’enquête, ou alors
d’une nouvelle peinture pour la re-magnifier, pour lui donner sa pleine
dimension, son échelle 1. Une peinture d’expression qui s’attaque à une
image photographique, à un instantané, est-elle dans son plein droit ?
A la peinture hyperréaliste (ou presque) qui ne s’était heureusement pas
embarrassée d’aller sur le motif, mais qui en s’attachant à peindre des
images plus qu’à faire des peintures, on ne reprochera jamais cet emprunt
photographique, qui n’est souvent qu’anonyme.
L’artiste puisant dans ses propres archives, dans les banques d’images, et
aujourd’hui sur le net et sa profusion d’images low resolution pour un google-
isme généralisé.
Tapez « exécution à Saigon » option images et des dizaines de sites vous
balancent l’image clé d’Eddie Adams, prête.
J’ai questionné Yan Pei-Ming sur les raisons qui l’avaient poussé à faire le
choix d’une image surmédiatisée pour en faire une peinture :
– J’étais à la recherche d’une image d’exécution chinoise, et cette photo
m’avait toujours intrigué, elle montre un homme tué froidement. Cette
question du meurtre de sang-froid, dans ce quartier chinois de Saigon, me
touche forcément, m’intéresse. Je suis Chinois et même s’il s’agit d’une
histoire vietnamienne, le fait qu’elle se situe dans le quartier chinois me
concerne. J’ai gommé la ville en arrière-plan, ne laissant que les seuls per-
sonnages de l’histoire, le bourreau, la victime et le soldat casqué voyeur.
Mon titre Quartier chinois, Saigon situe le contexte.
– Oui, même si l’on reconnaît immédiatement le contexte vietnamien car
cette scène est archi-connue et renvoie instantanément à la guerre du
Vietnam. N’as-tu pas craint de repeindre une image déjà constituée, une
icône ?
– Mais cette peinture n’est pas à vendre, je l’ai dédicacée à ma fille Sarah-
Ning, c’est pour elle, pas pour le commerce.
– Mais Ming tu exposes cette peinture, non ?
– Oui.
En fait les sources photographiques dans la peinture de Yan Pei-Ming
n’ont jamais posé question apparemment, aucun auteur ne semble s’y
intéresser comme si ces sources ne pouvaient être qu’anecdotiques, de
l’ordre de la cuisine d’atelier. Ici la source est limpide, ce qui n’est pas le
cas pour les autres œuvres en ce qu’elles ne poussent pas à l’investigation,
à la curiosité. Et pourtant les dizaines de Mao peints en rouge en noir en
grand en petit mort saluant la foule applaudissant (ses contemporains
rassemblés en hors champs), sont exécutés d’après des photos – portraits
officiels, images validées, figures de propagandes – mais en fait des ima-
ges interchangeables, non situées, intemporelles presque, même celles du
président mort, gisant, mort pour toujours et depuis longtemps.
Yan Pei-Ming peintre d’Histoire, raconte-t-il également des histoires ? La
peinture d’Histoire est plus autoritaire que narrative bien qu’elle puisse
l’être également quand l’universel s’accorde du fait divers, de la scène clé
qui se constitue en histoire, en l’Histoire, telle cette photo d’Eddie Adams
qui n’aurait pu être qu’une prouesse technique de hasard sans le rattra-
page du moment et du contexte.
La peinture de Ming est narrative souvent dans ses titres : le paysage y est
international et surinvesti d’une réalité macabre : un lieu de crime, de nuit
de surcroît.
Il est une autre peinture, assez mystérieuse, récente, titrée « Lingchi »
mot chinois que l’on pourrait traduire par : le supplice des 100 morceaux
(supplice par démembrement). Une torture chinoise consistant à décou-
per le corps du supplicié en cent morceaux qui sont jetés à terre au fur et
à mesure. Le condamné disparaissant en un irrémédiable désassemblage
de 100 éléments. Littéralement taillé en pièces.
La peinture montre trois personnages debout aux pieds desquels un cada-
vre dénudé (une femme) gît un peu à l’écart. Si la peinture a été réalisée
d’après une photo conservée dans les collections du musée Nièpce de
Chalon-sur-Saône (il s’agit des plaques 11 et 12, « les fossoyeurs* ») la