Mémoire présenté à la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise par le Syndicat des producteurs de bois de la Beauce 20 et 21 mai 2004 LA FORÊT PRIVÉE DE LA BEAUCE Le Syndicat des producteurs de bois de la Beauce représente 11 780 propriétaires de boisés privés possédant 395 700 hectares. Des plans d’aménagement forestier couvrent plus des deux tiers de ces superficies. Les investissements en sylviculture effectués au cours des trente dernières années par les propriétaires de boisés et les gouvernements, et plus récemment avec des contributions des industriels forestiers, ont permis d’accroître de façon remarquable la productivité des forêts de la Beauce. La récolte des trente prochaines années, tout en respectant la possibilité de coupe et réalisée dans une perspective de développement durable, contribuera à compenser la baisse appréhendée des approvisionnements en bois provenant des terres publiques. La forêt privée de la Beauce produit annuellement 500 000 mètres cubes, soit un rendement d’environ 1,3 mètre cube par hectare par année. Il est possible d’augmenter ce rendement de façon importante. Nous souhaitons que votre Commission puisse reconnaître la pertinence de mettre davantage à contribution le développement des forêts privées pour compléter le rôle joué par la forêt publique afin de répondre aux besoins d’approvisionnements futurs de l’industrie québécoise de la transformation du bois. Permettez-nous de faire certains constats sur l’état actuel de la situation en forêt privée, en relation avec les grands enjeux du secteur forestier québécois dans son ensemble : ? le potentiel du développement et de la productivité des forêts privées québécoises est sous-estimé par les gouvernements; Mémoire sur la gestion de la forêt publique québécoise 1/5 ? la mise en œuvre d’une stratégie visant à accroître le rendement des forêts privées, accompagnée d’un plan de financement à long terme, fait partie des solutions incontournables pour augmenter les approvisionnements en bois et assurer à la collectivité les retombées économiques essentielles aux régions rurales; ? l’aménagement forestier durable et les exigences qui l’accompagnent pourraient devenir un frein important au maintien de la production en forêt privée s’il n’y a pas de mesures d’accompagnement adéquates pour assurer la transition; ? les revenus actuels tirés des activités forestières ne permettent pas d’intéresser des travailleurs forestiers et de dégager des marges bénéficiaires suffisantes pour rémunérer les propriétaires de boisés et leur permettre de réinvestir dans la sylviculture; ? dans un contexte de diminution de la coupe de bois sur les terres publiques et considérant la volonté de respecter la possibilité forestière à long terme dans toutes les forêts du Québec, on doit s’assurer d’utiliser toute la fibre disponible. En Beauce actuellement, le niveau de coupe pour les essences résineuses est sensiblement le même que la limite permise pour respecter la possibilité de coupe à long terme. Nous sommes inquiets de constater que les quelques acheteurs de bois à pâte résineux en billes de quatre pieds pourraient diminuer, sinon cesser d’utiliser cette catégorie de bois. Certains préjugés sont entretenus à l’effet que tout le volume de bois à pâte tronçonné en billes de quatre pieds pourrait être livré en billes de huit pieds. Compte tenu des exigences actuelles des acheteurs de bois de huit pieds et plus, cette hypothèse est impossible. L’abandon d’achat de billes de quatre pieds résineux pour la pâte pourrait entraîner la perte de 25 % et plus du volume de sapin-épinette présentement récolté en Beauce. La rentabilité des opérations serait remise sérieusement en question. Mémoire sur la gestion de la forêt publique québécoise 2/5 NOS RECOMMANDATIONS - Maintenir le principe de la résidualité des bois de la forêt publique par rapport à ceux des forêts privées Il faut créer un environnement économique où la dynamique de libre marché puisse s’exercer efficacement. Les prix payés aux propriétaires de boisés privés pour leur bois doivent être suffisamment intéressants pour stimuler la production et encourager les investissements requis pour accroître la production à long terme. - Préserver intégralement la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires du Québec Cette loi permet de créer un équilibre de négociation entre les propriétaires de boisés privés et des industriels, peu nombreux, dotés de ressources importantes et bénéficiant de garanties d’approvisionnement en bois de la forêt publique à des conditions très intéressantes. - Créer un environnement fiscal et réglementaire favorable au maintien des activités en forêt privée et à son développement à plus long terme Le développement des forêts privées passe par l’établissement de politiques fiscales bien adaptées aux besoins des forêts privées. Nous recommandons de former un comité d’experts chargé d’élaborer les différents aspects d’une politique fiscale globale spécifiquement adaptée à la forêt privée. Nous sommes convaincus que tout retard à mettre en œuvre une telle politique va entraîner des conséquences qui coûteront très cher à l’État et aux collectivités. Mémoire sur la gestion de la forêt publique québécoise 3/5 D’autre part, bien que les différents lois et règlements visant la protection des forêts et leurs diverses ressources sont généralement bien acceptés par les propriétaires de boisés, on assiste à une bureaucratisation de leur application et certaines exigences posées aux propriétaires de boisés sont souvent injustifiées de telle sorte que la réglementation devient un obstacle à la production. Nous recommandons l’intervention des ministres des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs ainsi que de l’Environnement afin d’établir des balises sur l’application des règlements par les municipalités pour qu’elles atteignent les objectifs visés sans être un frein à la production du bois en forêt privée. - Que l’État se dote d’un plan d’investissement à long terme pour accroître la productivité des forêts privées La sylviculture est une activité relativement récente au Québec comparativement à d’autres pays occidentaux. Une mise à niveau significative du rendement des forêts ne peut se faire sans un investissement majeur de l’État. Les efforts entrepris il y a quelques décennies doivent être maintenus pour assurer la continuité des investissements faits, en particulier par le reboisement. On doit injecter des dizaines de millions de dollars supplémentaires pour intensifier les travaux d’aménagement forestier en forêt privée et retirer les bénéfices à long terme qui assureront la richesse collective des québécois. La forêt privée québécoise constitue une opportunité de développement économique dont les générations futures ne peuvent se passer. La baisse récente des fonds dédiés aux agences de mise en valeur par le ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs envoie un message négatif à tous ceux qui vivent de la forêt privée et qui croient en son potentiel de développement. Mémoire sur la gestion de la forêt publique québécoise 4/5 - Favoriser l’utilisation optimale de la fibre Afin de s’assurer de l’utilisation optimale des ressources et ainsi diminuer l’impact causé par la baisse de la possibilité de coupe à laquelle le Québec est confronté, nous proposons qu’un support technologique et financier soit mis à la disposition des industriels afin qu’ils se dotent d’équipements leur permettant de transformer du bois de plus petits diamètres et tout le bois marchand disponible offert en vente par les propriétaires de boisés privés. CONCLUSION L’immense étendue de la forêt publique québécoise a entraîné un modèle de développement forestier basé sur l’exploitation extensive. À l’instar des pays forestiers ayant une expérience semblable à la nôtre, nous devons maintenant compter sur la sylviculture pour accroître notre productivité. Pendant que nous avons surexploité la forêt publique, nous avons oublié que la forêt privée offrait un potentiel de rendement très élevé. Il est maintenant temps de regarder toutes les possibilités avant de faire des plans à long terme. On constatera que le développement de la forêt privée fait partie des options à privilégier pour gagner davantage et plus vite. Mémoire sur la gestion de la forêt publique québécoise 5/5