Interprétation!
La partition musicale au XVIIIe siècle est fluide, imprécise, voire incohérente sous certains aspects,
notamment en ce qui a trait aux ornements et aux articulations. Sans être tout à fait volontaire, une
telle incohérence est tout de même en elle-même une éloquente démonstration de la conception géné-
rale de la musique à cette époque, qui accordait une grande latitude à l’interprète, dont on s’attendait
qu’il s’approprie complètement l’œuvre. On trouvait même normal dans cette entreprise qu’il aille
jusqu’à modifier substantiellement le texte musical donné, pour le rendre plus conforme à ses
possibilités techniques et à sa propre imagination, ou encore aux instruments à sa disposition.
Cela devait cependant être fait avec goût et doit aujourd’hui encore respecter les normes du style du
temps soit, dans le cas du répertoire qui nous occupe, la période classique. Voici donc quelques règles
visant à personnaliser son interprétation de ces œuvres, tenant compte du parti pris « classique » de la
maison.
Sonorité!
À la période classique, grosso modo entre 1760 et 1825, les œuvres musicales sont conçues de façon
plus précise qu’antérieurement; elles le sont notamment en pensant à une instrumentation particulière,
tenant compte des possibilités techniques et expressives de l’instrument choisi, voire d’un instrumen-
tiste en particulier. Une pièce pour la flûte, surtout écrite par un flûtiste pour son usage personnel —
comme c’est encore le plus souvent le cas —, est donc particulièrement bien adaptée à cet instrument.
Cependant, la flûte du XVIIIe siècle est très différente de l’instrument en métal d’aujourd’hui, qui n’a
été élaboré par Theobald Boehm (1794-1881) qu’au second quart du XIXe siècle, et dont la sonorité
brillante et les possibilités techniques ne peuvent donc avoir fait partie de l’imaginaire d’un composi-
teur de ce répertoire. Toute interprétation avec un instrument de type Boehm, quoique tout à fait légi-
time, est donc dans les faits une transcription par rapport à l’œuvre originale; cela étant, il était encore
courant à la fin du XVIIIe siècle d’adapter une œuvre aux instruments à sa disposition.
Instrumentation!
La flûte idéale pour ce répertoire est la flûte traversière conique à une seule clé, aujourd’hui com-
munément appelée flûte baroque, ou traverso, qui est demeurée d’usage courant au moins jusqu’aux
premières années du XIXe siècle. Si un tel instrument est choisi, conformément au parti pris éditorial
de la collection, nous recommandons de privilégier, si possible, un modèle de la dernière partie du
XVIIIe siècle, à la sonorité plus brillante et plus égale sur l’étendue de l’instrument qu’un modèle plus
ancien.
Nota : On peut aussi utiliser un instrument avec deux clés distinctes pour le ré dièse et le mi bémol, selon
le modèle inventé par Quantz et préféré par Tromlitz; cependant, bien que connu des flûtistes du
temps, ce modèle de flûte ne s’est jamais véritablement imposé.
Les facteurs de flûte commençaient également, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, à fabriquer
des flûtes à plusieurs clés, destinées à faciliter la technique et à rendre la sonorité plus égale d’une
note à l’autre; Mozart a notamment écrit son Concerto pour flûte et harpe pour un tel instrument. Il
serait donc très logique d’utiliser une de ces flûtes, comportant entre quatre et huit clés, s’il est
accessible.
L’accompagnement, y compris la basse continue, peut être confié soit au fortepiano, soit au clavecin.
Si on choisit le fortepiano, un instrument de type viennois de la fin du XVIIIe siècle est idéal pour ce
répertoire. Si le clavecin est choisi et qu’il s’agisse d’une œuvre avec basse continue, on pourra faire
doubler la ligne de basse par un violoncelle, bien que cela ne soit pas essentiel.