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 Pratiques éditoriales et recommandations pour l’interprétation du répertoire du fonds Giedde Introduction Le but de cette série d’œuvres pour la flûte est de procurer aux flûtistes un répertoire nouveau et de
grande qualité musicale dans des éditions pratiques et fiables. Les œuvres sont tirées du fonds Giedde
de la Bibliothèque royale de Copenhague.
Werner Hans Rudolph Rosenkranz Giedde (1756-1816) était haut fonctionnaire à la cour du Danemark et flûtiste amateur. Le fonds Giedde de la Bibliothèque royale est en fait sa musicothèque personnelle, assemblée tout au long de sa vie. Le simple fait que cette importante collection lui ait survécu tient presque du miracle, surtout quand on pense au sort habituellement réservé aux biens d’un
roturier à cette époque; mais elle a survécu presque intacte et est aujourd’hui un des joyaux de la
Bibliothèque, qui a eu la très heureuse initiative de la numériser dans son ensemble pour la rendre
disponible sous la forme de fichiers .pdf téléchargeables.
Le fonds Giedde comprend 1 230 titres de quelque 170 compositeurs, provenant surtout d’Italie et des
pays germaniques, mais aussi de France et d’Angleterre; 665 titres se trouvent dans des éditions imprimées; les 565 autres sont des copies manuscrites de grande qualité, évidemment faites par des copistes professionnels. À peu près tous les genres dans lesquels la flûte avait sa place au XVIIIe siècle
sont représentés : sonate, musique de chambre et concerto, bien sûr, mais aussi études et exercices, et
même du répertoire d’orchestre (symphonies, ouvertures d’opéras). De plus, la collection couvre le
XVIIIe siècle dans son ensemble; c’est ainsi que les compositeurs contemporains de Giedde, tels
Tromlitz, Wendling ou Vanhal, y côtoient des compositeurs des générations précédentes, comme
C.P.E. Bach, Quantz et Telemann, et qu’on recule même dans le temps jusqu’à Corelli.
Cependant, quelle que soit l’époque d’origine d’un titre donné, nous avons choisi de le voir avec les
yeux de l’époque à laquelle la collection a été assemblée — la fin du XVIIIe siècle et le début du
XIXe —, donnant à nos éditions et à nos propositions d’interprétation un parti pris plus classique que
© 2014, François Ferland, Les éditions de la croche pointée inc. baroque. Nous avons d’ailleurs nous-même présenté certaines des sonates de cette collection devant
public de cette façon, notamment en utilisant une copie d’une flûte de 1796 de August Grenser (17201807) et une copie d’un piano de 1784 de Johann Andreas Stein (1728-1792); l’expérience prouve
que même le répertoire des années 1720 et 1730 sonne très bien ainsi.
Pratiques éditoriales Transcription Malgré le parti pris « classique » de nos éditions, nous cherchons toujours à demeurer le plus près
possible de la source à la base de l’édition. Les inévitables corrections et modernisations de l’écriture
sont rassemblées dans une série d’observations sur le texte, qu’on retrouvera dans la postface de
chaque édition, à la fin du volume de la « partition ». Il est par ailleurs toujours possible de télécharger soi-même la source elle-même du site de la Bibliothèque royale; l’adresse Internet de cette source
est donnée dans chaque édition.
Chaque source est transcrite avec soin en partition, puis divisée en parties séparées s’il y a lieu. Les
erreurs de l’original sont corrigées et les archaïsmes d’écriture modernisés avec mention appropriée
dans les observations sur le texte, quelquefois aussi en notes aux bas de pages, si l’élément est
d’intérêt immédiat pour l’interprète.
Nous avons ajouté à certaines parties instrumentales, en format réduit, des suggestions d’ornementation et de cadences aux endroits appropriés. Ces éléments ne paraissent pas dans la partition générale.
Dans le cas de la musique pour flûte et basse continue, la partie de flûte comprend la basse, avec les
chiffres; ces renseignements peuvent être précieux pour un interprète quand vient le temps, par
exemple, d’élaborer sa propre ornementation; si l’on choisit d’utiliser un instrument de basse,
normalement un violoncelle, cet instrument utilisera aussi cette partie. La réalisation de la basse ne
paraît, en format réduit, que dans la partie séparée pour l’instrument à clavier choisi, qui sert de
partition en musique de chambre.
Chaque édition comprend une préface, en français et en anglais, donnant quelques renseignements sur
le compositeur, ainsi qu’une postface, également bilingue, donnant une brève description de la source
et les observations sur le texte. Ces éléments sont inclus dans la partition. La partition et les parties
séparées sont ensuite rassemblées en une archive informatique, prête à être téléchargée.
Abréviations Toutes les formules musicales abrégées, assez fréquentes dans les partitions d’époque, tant gravées
que manuscrites, sont données dans leur forme longue; par exemple, une blanche avec une barre à
travers sa hampe est rendue par quatre croches sur la même note. Ces changements purement cosmétiques sont mentionnés dans les observations sur le texte.
Altérations Les armures de la source sont conservées telles quelles. Les altérations sont modernisées et toute
modification de la source est mentionnée dans les observations sur le texte; les altérations ajoutées ou
corrigées par l’éditeur paraissent entre crochets. Les altérations de précaution originales ne sont pas
signalées, alors que celles de l’éditeur paraissent entre parenthèses.
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Les éditions de la croche pointée inc. : Collection Giedde — Recommandations d’interprétation de l’éditeur Liaisons Quand elles diffèrent lors de passages semblables, ce qui n’est pas rare, les liaisons sont uniformisées
selon la version qui aura semblé la plus intéressante à l’éditeur. Les liaisons de remplacement ou
ajoutées sont hachurées et la version originale est donnée dans les observations sur le texte.
Ornements, articulations et autres indications Les différentes indications sont données dans l’édition telles qu’elles paraissent dans la source, sauf
dans le cas d’une erreur évidente, ou si le maintien de l’original amènerait une confusion; la correction paraît alors entre crochets, avec mention dans les observations sur le texte.
Rythmes illogiques L’écriture des rythmes illogiques, qui dans la source résultent en ce qui serait aujourd’hui une mesure
incomplète ou trop pleine, est modernisée, avec mention appropriée dans les observations sur le texte.
Ainsi, une mesure à 2/4 comportant une noire pointée et trois double-croches est rendue soit par une
noire liée à la première de quatre double-croches, soit par une noire pointée et un triolet de doublecroches, selon le contexte.
Réalisation de la basse Plusieurs œuvres du fonds Giedde, dont la grande majorité des sonates, comprennent une partie de
basse continue, qui n’est pas toujours chiffrée. Dans ces cas, la basse est réalisée le plus simplement
possible selon un style convenant à une interprétation au piano, conformément au parti pris éditorial
mentionné plus haut; ces réalisations se présentent en notes réduites sur une portée de taille réduite,
dans la partition générale (musique de chambre) ou dans la partie d’instrument à clavier (musique
d’orchestre) seulement. Bien entendu, ces réalisations ne sont que des suggestions et il est tout à fait
légitime pour l’interprète de les modifier, de les embellir, voire de les remplacer complètement par
d’autres de son cru.
Cadences et ornementation libre Lorsqu’elles sont de mise, nous avons donné des versions ornementées de certains mouvements, de
même que des cadences. Les cadences sont généralement intégrées au texte, en notes réduites;
l’ornementation libre est donnée en notes réduites sur une portée réduite au-dessus celle de
l’instrument auquel elle est destinée; cadences et ornementation libre ne paraissent que dans la partie
de l’instrument auquel elles sont destinées. Bien entendu, cadences et ornementation libre données ne
sont que des suggestions et peuvent être modifiées ou carrément remplacées au gré de l’interprète.
Ces ornements et cadences sont écrits presque du premier jet, afin de préserver l’esprit de spontanéité
et d’improvisation qui leur est si important.
Mise en pages Nous avons apporté le plus grand soin aux mises en pages de ces éditions, afin d’en préserver la clarté
et la lisibilité, tout en tenant compte du fait qu’il s’agit de publications électroniques conçues en vue
de téléchargements et qui seront, avec le temps, lues de plus en plus souvent sur une tablette électronique, plutôt qu’imprimées sur papier, bien que cette dernière option sera toujours possible.
Les éditions de la croche pointée inc. : Collection Giedde— Recommandations d’interprétation de l’éditeur 3
Interprétation La partition musicale au XVIIIe siècle est fluide, imprécise, voire incohérente sous certains aspects,
notamment en ce qui a trait aux ornements et aux articulations. Sans être tout à fait volontaire, une
telle incohérence est tout de même en elle-même une éloquente démonstration de la conception générale de la musique à cette époque, qui accordait une grande latitude à l’interprète, dont on s’attendait
qu’il s’approprie complètement l’œuvre. On trouvait même normal dans cette entreprise qu’il aille
jusqu’à modifier substantiellement le texte musical donné, pour le rendre plus conforme à ses
possibilités techniques et à sa propre imagination, ou encore aux instruments à sa disposition.
Cela devait cependant être fait avec goût et doit aujourd’hui encore respecter les normes du style du
temps soit, dans le cas du répertoire qui nous occupe, la période classique. Voici donc quelques règles
visant à personnaliser son interprétation de ces œuvres, tenant compte du parti pris « classique » de la
maison.
Sonorité À la période classique, grosso modo entre 1760 et 1825, les œuvres musicales sont conçues de façon
plus précise qu’antérieurement; elles le sont notamment en pensant à une instrumentation particulière,
tenant compte des possibilités techniques et expressives de l’instrument choisi, voire d’un instrumentiste en particulier. Une pièce pour la flûte, surtout écrite par un flûtiste pour son usage personnel —
comme c’est encore le plus souvent le cas —, est donc particulièrement bien adaptée à cet instrument.
Cependant, la flûte du XVIIIe siècle est très différente de l’instrument en métal d’aujourd’hui, qui n’a
été élaboré par Theobald Boehm (1794-1881) qu’au second quart du XIXe siècle, et dont la sonorité
brillante et les possibilités techniques ne peuvent donc avoir fait partie de l’imaginaire d’un compositeur de ce répertoire. Toute interprétation avec un instrument de type Boehm, quoique tout à fait légitime, est donc dans les faits une transcription par rapport à l’œuvre originale; cela étant, il était encore
courant à la fin du XVIIIe siècle d’adapter une œuvre aux instruments à sa disposition.
Instrumentation La flûte idéale pour ce répertoire est la flûte traversière conique à une seule clé, aujourd’hui communément appelée flûte baroque, ou traverso, qui est demeurée d’usage courant au moins jusqu’aux
premières années du XIXe siècle. Si un tel instrument est choisi, conformément au parti pris éditorial
de la collection, nous recommandons de privilégier, si possible, un modèle de la dernière partie du
XVIIIe siècle, à la sonorité plus brillante et plus égale sur l’étendue de l’instrument qu’un modèle plus
ancien.
Nota : On peut aussi utiliser un instrument avec deux clés distinctes pour le ré dièse et le mi bémol, selon
le modèle inventé par Quantz et préféré par Tromlitz; cependant, bien que connu des flûtistes du
temps, ce modèle de flûte ne s’est jamais véritablement imposé.
Les facteurs de flûte commençaient également, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, à fabriquer
des flûtes à plusieurs clés, destinées à faciliter la technique et à rendre la sonorité plus égale d’une
note à l’autre; Mozart a notamment écrit son Concerto pour flûte et harpe pour un tel instrument. Il
serait donc très logique d’utiliser une de ces flûtes, comportant entre quatre et huit clés, s’il est
accessible.
L’accompagnement, y compris la basse continue, peut être confié soit au fortepiano, soit au clavecin.
Si on choisit le fortepiano, un instrument de type viennois de la fin du XVIIIe siècle est idéal pour ce
répertoire. Si le clavecin est choisi et qu’il s’agisse d’une œuvre avec basse continue, on pourra faire
doubler la ligne de basse par un violoncelle, bien que cela ne soit pas essentiel.
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Les éditions de la croche pointée inc. : Collection Giedde — Recommandations d’interprétation de l’éditeur Nonobstant les trois paragraphes précédents, il demeure tout à fait légitime de jouer ce répertoire avec
des instruments modernes, flûte Boehm et piano. On veillera alors à insuffler à ces instruments, sans
toutefois les dénaturer, la légèreté qui est appropriée à la musique de cette époque.
Dans le cas de la musique de chambre et de la musique avec orchestre, le choix est encore entre
instruments d’époque et instruments modernes; tout dépendra de ce qui est disponible. La solution
mitoyenne consistant à utiliser des archets baroques ou transitoires avec des instruments modernes est
elle-même parfaitement légitime. Rappelons cependant à ce propos que c’est dans ces dernières
décennies du XVIIIe siècle que François Xavier Tourte (1747-1835) élabore l’archet moderne, qui
commence dès lors à s’imposer face aux types antérieurs d’archet, plus légers et de sonorité moins
égale. La normalisation de l’archet Tourte a tout de même pris plusieurs années, pendant lesquelles il
n’était certainement pas rare d’utiliser des archets de modèles différents en même temps, et il ne serait
pas totalement incongru de le faire aujourd’hui dans ce répertoire.
Diapason et tempérament Si des instruments modernes sont utilisés, la question du diapason et du tempérament ne se pose pas :
ce sera le diapason moderne normal (la = 440 Hz, ou légèrement au-dessus) et le tempérament égal.
Le diapason moderne peut également convenir lorsqu’on utilise des instruments d’époque; le diapason de l’époque classique tendait à s’en rapprocher et la plupart des flûtes allemandes datant du dernier tiers du XVIIIe siècle sont à des diapasons variant entre la = 430 Hz et la = 440 Hz. Rappelons
cependant que le diapason au la = 430 Hz tend à s’imposer de plus en plus dans le monde des
interprétations d’époque comme la norme pour la musique de la période classique.
Pour ce qui est du tempérament, notons que la théorie musicale du XVIIIe siècle et des siècles antérieurs prévoit des demi-tons majeurs (diatoniques, comme entre fa et sol bémol, plus grands [cinq
commas]) et mineurs (chromatiques, comme entre fa et fa dièse, plus petits [quatre commas]), et les
traités de musique de ces époques, notamment les méthodes de flûte de Quantz (1752, version française en 1753) et de Tromlitz (1786 et 1791) peuvent même donner des doigtés différents pour les
notes diésées et bémolisées. Il convient donc d’accorder le fortepiano ou le clavecin selon un des
« bons » (utilisables dans tous les tons) tempéraments en usage dans la seconde moitié du XVIIIe
siècle. Le vieux tempérament mésotonique au ¹⁄6 de comma est une bonne option; ce tempérament
divise naturellement l’octave en 55 commas, donc chaque ton en neuf commas, ce qui correspond
bien au total d’un demi-ton majeur et d’un demi-ton mineur; cela est très naturel pour les instruments
à vent de cette époque.
Nota : Les tempéraments irréguliers de Valotti et de Young peuvent aussi être pertinents. Celui de Valotti
n’a pas été publié à l’époque, mais était connu; Valotti lui-même clamait qu’il l’utilisait depuis
1728. Young a publié le sien en 1800; c’est essentiellement le même que Valotti, mais transposé
d’une quinte.
Les notes Si la notation musicale de l’époque classique est plus précise, plus détaillée, que celle de l’époque
baroque, les pratiques du temps laissent toujours une grande liberté à l’interprète. Il est toujours de
bon ton de varier les reprises et la basse continue est toujours utilisée, même si les chiffres sont de
plus en plus rares, surtout en musique d’orchestre.
Ornementation L’ornementation de la période classique est une version simplifiée de celle de l’époque baroque,
notamment quant au nombre de signes utilisés pour indiquer les ornements standards.
Les éditions de la croche pointée inc. : Collection Giedde— Recommandations d’interprétation de l’éditeur 5
Appogiatures et autres petites notes Une appogiature est généralement, mais pas toujours, une note étrangère à l’accord, donc dissonante,
attaquée en même temps que cet accord et qui se résout ensuite sur une note de cette harmonie. Le
mot lui-même, qui vient de l’italien appoggiare (s’appuyer), implique un accent avec appui sur la
dissonance, puis une résolution en douceur sur la note principale (une détente). L’appogiature, indiquée par une petite note, est donc jouée sur le temps et prend normalement la moitié de la valeur de la
note principale, ou les deux-tiers si la note principale est pointée, mais cette valeur peut être moindre
si l’harmonie le commande; notons également que plusieurs compositeurs de la dernière partie du
XVIIIe siècle ont commencé à écrire la petite note avec la valeur désirée. En dernière analyse, il
appartient à l’interprète de décider de la valeur à donner à l’appogiature, selon son bon goût et le contexte. L’appogiature est toujours liée à la note principale, même si ce n’est pas indiqué.
D’autres petites notes, plus rares, peuvent passer très rapidement; ces notes rapides peuvent être sur
ou avant le temps, selon le cas : il s’agit généralement de notes de remplissage entre deux notes
harmoniques, souvent sur un mouvement mélodique descendant. Il appartient à l’interprète de décider
selon le contexte de leur interprétation.
Trilles et autres ornements de la même famille Le trille est obligatoire aux fins des sections principales durant la période classique comme il l’était à
l’époque baroque, qu’il soit indiqué ou non. Au moins jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le trille est
d’abord un ornement harmonique, plutôt que rythmique, et doit donc commencer par la note supérieure, qui doit être accentuée et traitée comme une appogiature. La terminaison normale du trille est
la terminaison à deux notes héritée du baroque (descente sur la note inférieure et retour sur la note
principale avant de passer à la note de résolution, inférieure ou supérieure); cette terminaison n’est
pas toujours indiquée, mais elle est toujours de mise. L’ornement dans son ensemble est lié.
Le mordant est un trille rapide et court, à un ou deux battements, accentué mais sans appui, sans
terminaison; il tombe sur le temps. Le mordant normal commence sur la note supérieure (dissonance)
et se termine sur la note écrite (nombre pair de notes); le mordant inversé commence et se termine sur
la note écrite, qui alterne avec la note inférieure (nombre impair de notes).
Le gruppetto a toujours eu un lien étroit avec le trille et joue le même rôle en milieu de phrase; certains auteurs considèrent les deux ornements interchangeables. Le contexte et le bon goût dicteront si
un gruppetto donné doit commencer sur la note principale ou sur la note supérieure, s’il faut le jouer
sur le temps ou en passant au temps suivant, sa vitesse d’exécution, etc.
Ornementation libre L’ornementation libre, bien qu’en déclin à l’époque classique, demeure essentielle aux œuvres de
cette période. Ces ornements sont théoriquement improvisés, mais rien n’empêche, bien entendu, de
les préparer à l’avance, au moins jusqu’à un certain point. Les moments privilégiés pour les placer
sont aux reprises (surtout dans les mouvements lents) et au retour d’un thème principal (notamment
dans les rondos). Soulignons également que tout mouvement peut être ornementé, même s’il ne comporte aucune reprise, comme c’est souvent le cas pour les premiers mouvements des sonates baroques
et préclassiques, qui font alors office de préludes.
Ces « variations » peuvent être plus ou moins élaborées, selon le caractère du mouvement et la complexité qu’il renferme déjà, les capacités techniques de l’interprète et son imagination; l’idée ici est
d’apporter un éclairage nouveau à quelque chose qui a déjà été dit, sans jamais perdre de vue l’énoncé
original.
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Les éditions de la croche pointée inc. : Collection Giedde — Recommandations d’interprétation de l’éditeur Notons qu’après 1790, les compositeurs écrivaient souvent eux-mêmes des ornements élaborés au
sein des reprises des thèmes, à l’intention d’un élève qui présentait l’œuvre en concert, ou encore en
vue d’une publication de l’œuvre; ils se sont en fait ainsi approprié l’art de l’ornementation, retirant
celle-ci de la province de l’interprète et du domaine de l’improvisation; mais cela ne doit pas empêcher un interprète moderne de proposer sa propre ornementation, même en lieu et place d’une
ornementation originale.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, nous proposons dans ces éditions des suggestions
d’ornementation à certains endroits appropriés. L’interprète doit se sentir libre de modifier ou de
remplacer ces propositions selon son goût, sa sensibilité propre, sa compréhension de l’œuvre et ses
possibilités techniques; il devrait cependant garder à l’esprit que ces ornements sont normalement
improvisés et doivent être rendus avec spontanéité.
Cadences La cadence est un cas particulier d’ornementation libre dont le but, nous dit Quantz (1753), est « de
surprendre encore une fois l’auditeur inopinément à la fin de la pièce, et de laisser une impression
singulière dans son âme ». Il s’agit en outre pour l’interprète de faire étalage de sa créativité, de son
expressivité, de son sens du style et, lorsqu’à propos, de sa virtuosité. On retrouve la cadence à différents endroits : juste avant le dernier tutti d’un mouvement de concerto (généralement le 1er ou le 2e),
à l’avant-dernier accord d’un mouvement de sonate baroque, ou en tant que prélude au refrain d’un
rondo, quelquefois même avant chaque retour du refrain. Lorsqu’elle est pertinente, la cadence peut
être indiquée par un point d’orgue sur l’accord qui la précède immédiatement, normalement un accord
de tonique au second renversement, et par un trille sur l’accord écrit suivant, qui indique sa fin : la
cadence est une suspension du temps et se déroule toute entière entre ces deux moments, quelle que
soit sa longueur.
Sur le dernier accord joué par l’accompagnement avant la cadence (celui qui a un point d’orgue), le
flûtiste joue une note de l’accord de tonique, généralement la fondamentale, moins souvent la tierce
de l’accord, en l’ornant d’un crescendo-diminuendo, de façon à attirer l’attention des auditeurs et de
la retenir.
La cadence classique pour instruments à vent est relativement courte et doit pouvoir être jouée en
quelques respirations seulement. Ce temps doit permettre de passer au moyen de mouvements mélodiques variés d’une impression d’accord de tonique à une impression d’accord de dominante sur le
trille final; il est permis de moduler, mais de façon passagère seulement (de toute façon, le temps
manquerait pour faire plus…). Il est permis d’utiliser du matériel mélodique du mouvement pour lequel la cadence est faite, mais les musiciens du temps tendaient à éviter cette manière, qui pouvait
être perçue comme une solution de facilité, un manque de créativité. Il est en fait plus important de
respecter le caractère et l’esprit du mouvement que sa mélodie. La cadence doit être jouée très librement, en donnant au moins l’impression qu’elle est improvisée : il est donc approprié d’en varier la
vitesse d’exécution, les rythmes, voire la mesure implicite.
Pour indiquer la fin de sa cadence, sauf si la cadence est un pont amenant un retour de thème, le flûtiste fait un trille sur un accord implicite de septième de dominante, habituellement sur le second degré de la gamme, (c’est la note avec le trille dans la partition, qu’on jouera dans l’octave qui viendra
le plus naturellement, selon le contour mélodique de la cadence). Ce trille est plus long que sa valeur
écrite et il est de bon ton de le commencer pianissimo et de lui donner un crescendo pour bien préparer l’entrée de l’accompagnement pour le dernier tutti. Pendant le trille, l’accompagnement, qu’il soit
confié à un orchestre ou à une basse continue, entre sur un accord de septième de dominante, que cela
soit indiqué ou non; cette pratique était tellement commune au XVIIIe siècle que les compositeurs ne
Les éditions de la croche pointée inc. : Collection Giedde— Recommandations d’interprétation de l’éditeur 7
prenaient souvent pas la peine de la noter, confiants qu’elle serait respectée de toute façon. Le trille se
termine comme tous les trilles de l’époque.
Comme dans le cas de l’ornementation libre, nous proposons dans ces éditions des suggestions de
cadences aux endroits appropriés, généralement insérées dans le texte musical de la partie en question, en petites notes. L’interprète doit se sentir libre de modifier ou de remplacer ces suggestions
selon son goût, sa sensibilité propre, sa compréhension de l’œuvre et ses capacités techniques; il doit
cependant garder à l’esprit que ces cadences sont normalement improvisées et doivent donc être
rendues avec beaucoup de spontanéité.
Accompagnement La basse continue demeure très présente tout au long de la période classique, bien que les compositeurs choisissent de plus en plus de fournir eux-mêmes un accompagnement complet pour leurs
sonates. La plupart des sonates que comprend le fonds Giedde n’ont qu’une basse, chiffrée ou non, en
guise d’accompagnement.
Les réalisations écrites pour ces éditions ont été volontairement maintenues aussi simples que possible, voire simplistes dans certains cas; bien qu’elles soient utilisables telles quelles, elles peuvent
sans doute être rendues plus intéressantes à l’audition par l’ajout d’éléments mélodiques et de virtuosité, notamment des notes de passage, accentuées ou non, entre les accords, des motifs d’arpèges pour
ces accords, ou encore des motifs en imitation de la partie de flûte, y compris dans une version
ornementée (après tout, comment un accompagnement pourrait-il être plus pertinent qu’en utilisant le
matériel de l’œuvre même?). D’un autre côté, un accompagnateur chevronné voudra sans doute remplacer la réalisation proposée par la sienne propre, soit en l’improvisant, soit en l’écrivant. Toutes ces
possibilités sont plausibles et légitimes.
Quelle que soit la voie choisie par l’accompagnateur, il doit se rappeler que le but est de fournir un
accompagnement intéressant qui viendra appuyer le propos du flûtiste, sans distraire l’auditeur de ce
propos. Un accompagnement ennuyeux ne peut être joué que platement et portera l’esprit de
l’auditeur à vagabonder; mais un accompagnement intéressant, à la condition de ne pas prendre trop
de place, vient rehausser l’ensemble d’une interprétation.
Expression L’expression est semblable à une réaction chimique, résultant du mélange dans le creuset de la sonorité de ce que l’interprète trouve dans la musique et de ce qu’il y apporte lui-même. Pour la musique
plus récente, avec laquelle nous avons grandi, nous bénéficions d’une continuité de tradition
d’interprétation et pouvons donc nous fier à notre sens musical pour l’interpréter de façon quasi
instinctive. Dans le cas de la musique de la plus grande partie du XVIIIe siècle, cette tradition a été
rompue en cours de route, ou a eu le temps d’évoluer, et la tendance est donc tout naturellement de
concevoir cette musique avec nos oreilles modernes, rompues à la tradition que nous connaissons. Ces
interprétations, aussi musicales soient-elles, participent d’une esthétique qui est plus proche du XIXe
siècle, ou du XXe, que du XVIIIe; une nouvelle esthétique doit donc être apprise, qui deviendra tout
aussi naturelle avec un peu de pratique.
Les signes expressifs, rares pendant la période baroque, deviennent de plus en plus communs dans la
seconde moitié du XVIIIe siècle, puis abondants au XIXe, de façon presque exagérée à la fin du siècle.
Quel que soit leur nombre ou leur précision, cependant, ils ne peuvent noter qu’une partie de
l’expression latente dans la musique elle-même. Comme pour tant d’autres aspects de la pratique
musicale, les baroques préféraient compter le plus possible sur les instincts de l’interprète; et ils le
faisaient consciemment. Le principe de base est le suivant : il peut n’y avoir que peu de symboles
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Les éditions de la croche pointée inc. : Collection Giedde — Recommandations d’interprétation de l’éditeur d’expression, mais la musique elle-même n’en est pas moins expressive; François Couperin
n’écrivait-il pas dans la préface de son Premier Livre de Pièces de Clavecin (1713) : « L’usage m’a
fait connoître que les mains vigoureuses, et capables d’exécuter ce qu’il y a de plus rapide, et de plus
léger, ne sont pas toujours celles qui reüssissent le mieux dans les pièces tendres, et de sentiment, et
j’avoüeray de bonne foy, que j’ayme beaucoup mieux ce qui me touche, que ce qui me surprend. »
(orthographe et ponctuation d’origine.)
Tempo Il faut prendre en compte plusieurs éléments pour déterminer un tempo juste. L’acoustique de la salle
et la taille de l’ensemble ont leur importance : une salle plus résonante ou un ensemble plus imposant
peuvent imposer un tempo plus lent.
Mais c’est le type d’interprétation désiré qui aura le plus d’incidence sur le tempo; une interprétation
brillante exigera ainsi un tempo plus rapide qu’une interprétation expressive : l’essentiel est le caractère de la musique; comme l’écrivait Antoine Bemetzrieder en 1771, « Le goût est le vrai Chronomètre [métronome] ».
Cela étant, on évitera une trop grande rigidité; toute brillante soit-elle, la virtuosité doit demeurer
musicale et expressive. On prendra ainsi soin de bien dessiner la phrase, insistant sur les notes essentielles et passant plus rapidement sur celles qui ne sont qu’accessoires; comme toujours, c’est la ligne
et le bon goût qui font foi de tout.
Le tempo n’est jamais constant tout au long d’un mouvement donné, mais fluctue à des degrés allant
de l’imperceptible au très évident. Aucune musique ne saurait d’ailleurs tolérer la rigidité d’une
interprétation purement métronomique. Il est tout à fait légitime de détendre le mouvement aux cadences importantes; de même, différentes sections d’un mouvement peuvent avoir des caractères
différents, qui pourront appeler des tempos différents.
Les préfaces de chacune des œuvres comprennent des recommandations d’indications métronomiques
de départ pour chaque mouvement.
Ponctuation Phrasé Il ne faut pas avoir peur d’exagérer les phrasés dans la musique de cette période. La phrase doit être
facilement perceptible pour rendre audibles tant son sens que sa structure. Différents moyens existent
de mouler la phrase, y compris l’arche de nuance (crescendo-diminuendo), la détente du tempo à la
fin, etc. Les phrases doivent être séparées par des silences de ponctuation, dont la longueur varie du
presque imperceptible au très évident; cette ponctuation peut être prise sur le temps de la dernière
note de la phrase ou, si la musique appelle et justifie une plus grande séparation, peut être ajoutée au
temps de la mesure sous la forme d’une pause momentanée.
Le sens du phrasé est une part si intime et indescriptible d’une interprétation musicale que les
compositeurs anciens ne faisaient que peu d’efforts pour le suggérer par la notation musicale, bien
que certains aient fait quelques tentatives. Ici comme ailleurs, on se fie au bon goût (et à l’oreille) de
l’interprète.
Articulation Contrairement à la musique plus tardive, l’articulation fondamentale de la musique au XVIIIe siècle
n’est pas le legato, mais un certain type de détaché, opposé tant au legato qu’au staccato, et appelé
Les éditions de la croche pointée inc. : Collection Giedde— Recommandations d’interprétation de l’éditeur 9
« mouvement ordinaire » par Marpurg (1755). Il s’agit de donner une impression générale d’un flot
presque continu de son, très fluide, sans silence abrupt entre les notes, mais chaque note séparée de
ses voisines.
À partir des derniers stages du baroque, on rencontre de plus en plus souvent des mots tels que cantabile ou staccato, qui indiquent un certain niveau d’articulation pour un passage ou pour un mouvement dans son ensemble. Certains compositeurs-instrumentistes, surtout des violonistes, pouvaient
également insérer à l’occasion des indications appelant des techniques particulières, telles le attacca
alla corda. De telles indications générales doivent être appliquées avec bon sens, puisque les détails
de l’articulation peuvent être très variés au sein du modèle général : il y a en effet de nombreuses
saveurs de détaché, qu’il faut savoir utiliser à bon escient.
La liaison est aussi utilisée de plus en plus à mesure qu’avance le XVIIIe siècle, mais elle peut être
tout autant une indication d’articulation qu’une indication de phrasé, ce qui est encore le cas aujourd’hui. Il appartient à l’interprète de déterminer de quoi il s’agit. Soulignons cependant que, dans
le cas des instruments à vent, les chances sont bonnes que ces liaisons soient effectivement des
articulations.
Le signe normal d’un staccato (très détaché) à l’époque baroque est un trait vertical, ou un triangle
plein pointant souvent, mais pas toujours, vers le bas. Le point moderne pouvait également être utilisé, cependant, et en est venu vers le milieu du siècle à signifier, chez certains compositeurs, un
staccato plus léger, confinant avec le temps le trait à une articulation très sèche.
Comme toujours, il appartient à l’interprète de faire preuve de bon sens et d’articuler la musique selon
son sens musical et sa compréhension de l’œuvre. De toute façon, la partition est muette sur la plupart
des problèmes d’articulation qui peuvent se présenter, et cela est tout à fait normal. La plage entière
des articulations, du legato au staccato est pertinente dans toute musique et l’interprète doit l’utiliser
au mieux pour donner à chaque phrase son sens et son caractère.
Nuances Dans toute musique, la nuance suit l’émotion, augmentant avec la croissance de l’excitation, diminuant à mesure que l’émotion se détend. Le fait de se limiter aux nuances représentées par les niveaux
de piano et de forte et leurs niveaux intermédiaires, ce qu’on appelle en anglais des terrace dynamics
(nuances en terrasses), relève donc d’une grande incompréhension de ce qu’est la musique du XVIIIe
siècle. Si la structure de la musique baroque elle-même se prête mieux à une interprétation de ce
genre que la structure plus dramatique d’une forme sonate classique, ce n’est qu’en prenant pour acquis qu’une terrasse n’est jamais complètement plate. C’est dans la musique elle-même qu’il faut
chercher les divers niveaux de nuance à utiliser.
La légende, qui tire son origine d’un récit de voyage du musicographe anglais Charles Burney (1773),
veut que l’idée même de crescendo et de diminuendo ait pris naissance au sein du fameux orchestre
de la cour de Mannheim, dirigé par Johann Stamitz (1717-1757), vers le milieu du XVIIIe siècle. Ne
doutons pas que cet orchestre ait été le meilleur de son temps, ni que la gradation disciplinée et
simultanée, de la part de tous les musiciens de l’ensemble, de la douceur la plus extrême à la force la
plus tonitruante, et retour, ait pu souffler les auditeurs de l’époque. Mais l’idée elle-même était loin
d’être nouvelle; la nouveauté ne réside ici que dans la qualité technique de sa réalisation.
Que le compositeur ait donné ou non des indications de nuance, il revient à l’interprète de produire
une gamme satisfaisante de forts et de doux, de crescendos et de diminuendos, et de fins dégradés au
sein des contrastes plus grands, soulignant ainsi l’harmonie, l’accentuation et le phrasé de la pièce.
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Les éditions de la croche pointée inc. : Collection Giedde — Recommandations d’interprétation de l’éditeur Bibliographie BEMETZRIEDER, Antoine. Leçons de clavecin et principes d’harmonie, édition originale, Paris,
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avec plusieurs remarques pour servir au bon goût dans la musique, fac-similé de l’édition en
français (Berlin, Chrétien Frédéric Voss, 1752), Paris, Éditions Aug. Zurfluh, 1975, introduction
moderne : 38 pages, fac-similé : texte, xii + 336 pages, index, 17 pages, exemples, 24 pages.
Les éditions de la croche pointée inc. : Collection Giedde— Recommandations d’interprétation de l’éditeur 11
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