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I. Comment la science fabrique-t-elle ses images ?
1. Les enjeux des outils de captation
L’astronomie est une science de l’observation. Elle étudie des objets
distants, visibles ou invisibles depuis la Terre. Elle entretient des liens
particuliers avec l’histoire des évolutions techniques des outils de capta-
tion, puisque ce sont eux qui vont lui permettre d’étendre ses recherches
au delà des limites du visible.
L’astronomie ne fut jamais une simple activité contemplative et sans
application. Établir un calendrier, se repérer sur terre ou sur mer par
exemple, nécessitait l’observation des astres. Les populations voyaient en
ces objets célestes peuplant le cosmos l’incarnation d’entités supérieures,
notamment la Lune, le Soleil et toutes les étoiles dont les mouvements
étaient observables depuis la Terre. On leur prétaient une inuence évi-
dente sur les activités terrestres. C’est de cette façon qu’apparut l’astrolo-
gie pour étudier le mouvement des astres et prévoir les famines, les
guerres, les inondations, etc. Ainsi se mélaient astronomie, astrologie et
religion, observation et croyance. Avec des instruments réduits, tels que
des dispositifs d’alignement et des mesures d’angles, les astronomes ont
étudiés de façon précises l’alignement des planètes, leur situation et leurs
mouvements dans l’espace avant le perfectionnement d’outils d’observa-
tion au XVIIe siècle.
L’astronomie Babylonienne remonte au IIIe millénaire av. J.-C. Son
apport dans le domaine de l’astronomie est considérable. On lui doit en
particulier la constitution d’un calendrier lunaire et des observations très
précises des constellations. Ces relevés joueront un rôle important dans
l’Antiquité.
La science de l’observation fait un saut décisif autour de l’année 1609
lorsque Galilée élabore sa lunette astronomique en s’inspirant des travaux
de l’opticien hollandais Hans Lippershey1. Cette invention lui permettra
de découvrir l’existence des taches solaires, la découverte des quatre
satellites de Jupiter, les phases de Vénus et la présence de montagnes sur
la Lune. Malgré la médiocre qualité de certaines de ses lunettes2, l’inven-
tion de Galilée fut un tournant notable dans l’histoire de l’astronomie.
Notamment parce qu’elle appartient au XVIIe siècle, qui fut à l’origine du
mariage entre science et technique et qui donna lieu à la science que nous
connaissons aujourd’hui. En effet, avant cela, la technique était considé-
rée comme une activité méprisable, réservée aux esclaves et manouvriers.
Galilée est l’un des premiers à s’intéresser à la technique et à l’appliquer
aux théories scientiques.
D’autre part, la sophistication des instruments de captation évolue en
même temps que la quête de l’observation de l’inniment grand et de
l’inniment petit3. Les travaux des scientiques autour des questions
d’astronomie4 permettaient l’évolution technique des instruments d’obser-
vation, repoussant les limites de l’inniment grand. À chaque événement
astronomique rare, chaque pays déploient ses compétences techniques et
intellectuelles pour prouver sa supériorité scientique. Comme lors d’ex-
positions universelles, les communautés scientiques de chaque nation
bénécient du soutien nancier de leur gouvernement pour la démonstra-
tion de leur suprématie5.
Depuis les années 50, les centres de recherche en astronomie se dotent
d’outils de captation de plus en plus complexes : la radiotélescopie qui
s’est rapidement développée après la guerre, le télescope spatial, la
spectroscopie, etc. Ces méthodes de fabrication d’images révèlent diffé-
rentes informations qui deviennent des objets d’étude pour la communau-
té scientique. Elles forment l’imagerie astronomique.
1 — Hans Lippershey est un opticien hollandais qui en 1608 mit au point une longue vue permet-
tant de voir les objets éloignés.
2 — Certaines étaient pratiquement inutilisables dans le contexte de l’observation astronomique.
Galilée reconnut en mars 1610 que sur plus de 60 lunettes qu’il avait construites, quelques-unes
seulement étaient adéquates. De nombreux témoignages d’astronomes conrment
la médiocrité des premiers instruments, notamment l’un de ses disciples Martin Horky dans une
lettre à Kepler en 1610 où il fait état des observations à l’aide de la lunette.
3 — Notons les travaux de Robert Hooke dans le domaine de l’observation du microscopique.
Micrographia : or, Some physiological descriptions of minute bodies made by magnifying glasses,
est le traité scientique dans lequel il décrit ses observations réalisées au moyen de lentilles
optiques. Il réalisa des gravures d’insectes d’une extrême précision. C’est lors de ses recherches
sur l’inniment petit que Hooke invente le terme de « cellule ».
4 — Prenons l’exemple de la création de l’analyse spectrale, en 1859 par R. W. Bunsen et G. R.
Kirchnoff ainsi que l’nvention de la photographie ou les méthodes de photométrie qui ont joué un
grand rôle dans l’astrophysique en sophistiquant les méthodes d’observation.
5 — Cette idée est évoquée dans l’article de Monique Sicard, Passage de Vénus, Études photogra-
phiques, mai 1998.