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Colloque international « Spectacle vivant et interdiscipline » - 28 et 29 avril 2011
la diversité de ses modes d’expression : en ce sens, il invite à une certaine forme de
pluridisciplinarité, si l'on suppose que l'étude de l'ensemble fait appel à une discipline différente
pour chacun des modes d'expression.
Dans ce cas de figure, la sémiotique peut certes faire figure d'inter-discipline, mais à quel prix ?
En prétendant délivrer à chacune des disciplines le "sens" de ce qu'elle découvre en cours
d'analyse ? En apprenant à chacune le sens du sens qu'elle manipule ? Ou en intervenant en aval
de ces autres disciplines, pour les aider toutes ensemble à dépasser l'hétérogénéité de leurs
résultats, pour rendre les résultats de chacune d’entre elles traductibles dans les termes de toutes
les autres, et pour dégager en quelque sorte la trame commune à toutes ces approches ? Toutes
ces positions interdisciplinaires sont, chacune à leur manière, inconfortables, faiblement légitimes,
et peu enthousiasmantes pour le sémioticien.
Il en va tout autrement si l'on parvient à définir un plan de pertinence de statut indiscutablement
sémiotique et qui soit également le lieu où s'opère, d'un point de vue phénoménologique, la
synthèse de l'ensemble des dimensions du spectacle, de tous ses modes d'expression, et,
potentiellement, de tous les points de vue qui sont exploités par les différentes disciplines.
Or il semble bien que, pour ce qui concerne la sémiotique du spectaculaire, il y ait un tel niveau
de pertinence optimal, où s'opère la synthèse en question, c'est-à-dire où, malgré la diversité ou
même la discordance entre les éléments constitutifs, nous percevons intuitivement la mise en
œuvre d'une signification globale et probablement cohérente. Et il est tout aussi évident qu'il ne
s'agit ni d'une sémiotique textuelle, ni d'une sémiotique visuelle ou spatiale, mais bien d'une
sémiotique plus englobante et plus difficile à appréhender, à savoir un certain type de pratique,
qui prend en considération le caractère « en acte » et « vivant » du spectacle. A l’inverse, si on
neutralise ce caractère de pratique « vivante », on opère la textualisation du spectacle, et sous ce
régime sémiotique, les différents modes d’expression se dissocient et se prêtent chacun à une
analyse distincte.
La communication abordera par conséquent les points suivants : l’interprétation comme pratique,
le spectacle en tant que cours d’action ouvert et partiellement indéterminé, les propriétés de la
synthèse phénoménologique, la forme syntagmatique spécifique d’une pratique spectaculaire, et
les règles du déploiement syntagmatiques et les formes de l'accommodation pratique.
Jean-Marie Pradier (Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord,
Université de Paris 8)
Ethnoscénologie, disciplines et indiscipline
Passant de l’enclos littéraire restreint à l’espace ouvert du spectacle vivant, les études théâtrales
ont rencontré de multiples modes d’approche académiques et artistiques. Nombre d’entre eux
leur étaient étrangers. Telle conjonction ne s’est pas opérée sans de multiples malentendus,
incompréhensions et conflits. La situation met aux prises deux grandes questions ancrées
chacune dans une histoire : celle de l’objet référent – le spectacle vivant européen -, celle de la
constitution du savoir dans notre aire culturelle. L’analyse du champ sémantique du lexème
discipline (disciplina, action d’apprendre, méthode, contrainte) met en évidence les caractéristiques
de la science occidentale comme voie systématique de la connaissance, par opposition à l’action
(scientia vs actio). Traits identitaires qui la distinguent de son analogon historique chinois.
L’ethnoscénologie s’est constituée initialement autour de l’intérêt commun d’un groupe
hétérogène d’amis, chacun expert en son domaine, pour ce que Victor Segalen nomme
« l’esthétique du divers » dans son Essai sur l’exotisme. Cette hétérogénéité- ou pluridisciplinarité
- a favorisé la prise de conscience du poids des ethnocentrismes dans l’étude du divers. Le
formant ethno, dans ce cas, signifie la culture des « experts » et leurs logiques propres :
philologues, anthropologues, vulgarisateurs, organisateurs de spectacles, artistes, institutionnels,
critiques, théâtrologues etc… De même, dès le colloque international de fondation en 1995, ont