Colloque international « Spectacle vivant et interdiscipline » Collège

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Colloque international « Spectacle vivant et interdiscipline » - 28 et 29 avril 2011
Colloque international « Spectacle vivant et interdiscipline »
Collège Belgique (Académie Royale de Belgique)
28 et 29 avril 2011
Résumé des interventions
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Colloque international « Spectacle vivant et interdiscipline » - 28 et 29 avril 2011
André Helbo (Université Libre de Bruxelles/ Académie Royale de
Belgique)
Pour une approche interstitielle du spectacle vivant
Le paysage esthétique et scientifique, dans le domaine des arts du spectacle, est aujourd’hui en
pleine recomposition :
- les objets spectaculaires ont radicalement changé,
- les instances (l’auteur, le comédien, le spectateur) se sont transformées,
- les esthétiques mais aussi les questionnements critiques (notamment vis-à-vis de l’origine du
sens, de la saisie du corps dans le discours) évoluent. On est passé d’une esthétique de la
simulation (de la mimesis, l’acteur joue à être un autre) à celle de la stimulation (la corporéité est
présentée et regardée autrement).
Désormais, les arts du spectacle vivant font appel à des formes hybrides, qui transgressent les
frontières entre danse, théâtre, opéra, cirque, sculpture, peinture, médias
Face à ces phénomènes, les grandes disciplines du savoir se croisent, elles aussi, et développent
des modes et alliances de lecture qui convoquent les sémiotiques, l’historiographie,
l’anthropologie, la sociologie, la psychologie, les neurosciences, les sciences de la communication.
Certaines démarches, à vocation propédeutique, telle la sémiologie, posent ouvertement la
question de la confluence. Comment les autres disciplines prennent-elle en compte ces
problématiques ? Tour de Babel ou rencontre féconde, comment s’organise le dialogue ? Quelles
sont les conséquences institutionnelles des redécoupages ? Peut-on parler d’une nouvelle
scientificité ? Sciences humaines et sciences dures ont-elles trouvé un terrain le
décloisonnement des modèles s’impose ? Comment appréhender la question des frontières? A
quelles conditions évitera-t-on les métaphores floues ? Faut-il rêver d’un métalangage
transdisciplinaire ?
La question de l’un et du multiple circule au cœur de la pensée contemporaine. Certains
s’efforcent de développer une nouvelle épistémologie de la diversité. Ils n’évitent pas toujours de
reproduire par inadvertance les séparations anciennes qu’ils espéraient dépasser. D’autres
aspirent à un savoir plus unitaire, construit - ou non - dans le respect des expertises singulières.
Peut être faut- il plaider pour une reformulation plus radicale. L’ethnologue Marcel Mauss
rappelle que les disciplines s’inventent à leur marge. La sémiologie, pour sa part, a pris l’habitude
d’interroger les niveaux de pertinence, de proposer des modèles explicatifs, de poser la question
des interfaces entre savoirs experts.
Certes, la circulation, la mobilité et l’irrégularité constituent de plus en plus le cadre d’analyse des
sciences humaines. L’heure est à une dynamique de dispersion et de transversalité, liée à la relative
disparition des cloisonnements entre les champs du savoir. Dynamique qui n’en appelle pas
moins de solides balises. L’idée d’une « interdiscipline », chère à la théorie de la communication,
ne peut se concevoir, au sein des recherches en spectacle vivant, que dans un espace interstitiel
qu’on s’efforcera de définir.
SESSION 1
Jacques Fontanille (Université de Limoges)
La sémiotique du spectaculaire, entre textualité et pratique
Le spectacle est réputé pour être une sémiotique syncrétique, empruntant à plusieurs systèmes
d'expression à la fois. Mais, à la différence de ce qui se passe dans des pratiques quotidiennes,
comme par exemple la conversation, dont le syncrétisme n’apparaît que pour l’analyste, et pas
pour les participants, ni même pour les spectateurs éventuels, le spectacle de donne à saisir dans
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la diversité de ses modes d’expression : en ce sens, il invite à une certaine forme de
pluridisciplinarité, si l'on suppose que l'étude de l'ensemble fait appel à une discipline différente
pour chacun des modes d'expression.
Dans ce cas de figure, la sémiotique peut certes faire figure d'inter-discipline, mais à quel prix ?
En prétendant délivrer à chacune des disciplines le "sens" de ce qu'elle découvre en cours
d'analyse ? En apprenant à chacune le sens du sens qu'elle manipule ? Ou en intervenant en aval
de ces autres disciplines, pour les aider toutes ensemble à dépasser l'hétérogénéité de leurs
résultats, pour rendre les résultats de chacune d’entre elles traductibles dans les termes de toutes
les autres, et pour dégager en quelque sorte la trame commune à toutes ces approches ? Toutes
ces positions interdisciplinaires sont, chacune à leur manière, inconfortables, faiblement légitimes,
et peu enthousiasmantes pour le sémioticien.
Il en va tout autrement si l'on parvient à définir un plan de pertinence de statut indiscutablement
sémiotique et qui soit également le lieu s'opère, d'un point de vue phénoménologique, la
synthèse de l'ensemble des dimensions du spectacle, de tous ses modes d'expression, et,
potentiellement, de tous les points de vue qui sont exploités par les différentes disciplines.
Or il semble bien que, pour ce qui concerne la sémiotique du spectaculaire, il y ait un tel niveau
de pertinence optimal, s'opère la synthèse en question, c'est-à-dire où, malgré la diversité ou
même la discordance entre les éléments constitutifs, nous percevons intuitivement la mise en
œuvre d'une signification globale et probablement cohérente. Et il est tout aussi évident qu'il ne
s'agit ni d'une sémiotique textuelle, ni d'une sémiotique visuelle ou spatiale, mais bien d'une
sémiotique plus englobante et plus difficile à appréhender, à savoir un certain type de pratique,
qui prend en considération le caractère « en acte » et « vivant » du spectacle. A l’inverse, si on
neutralise ce caractère de pratique « vivante », on opère la textualisation du spectacle, et sous ce
régime sémiotique, les différents modes d’expression se dissocient et se prêtent chacun à une
analyse distincte.
La communication abordera par conséquent les points suivants : l’interprétation comme pratique,
le spectacle en tant que cours d’action ouvert et partiellement indéterminé, les propriétés de la
synthèse phénoménologique, la forme syntagmatique spécifique d’une pratique spectaculaire, et
les règles du déploiement syntagmatiques et les formes de l'accommodation pratique.
Jean-Marie Pradier (Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord,
Université de Paris 8)
Ethnoscénologie, disciplines et indiscipline
Passant de l’enclos littéraire restreint à l’espace ouvert du spectacle vivant, les études théâtrales
ont rencontré de multiples modes d’approche académiques et artistiques. Nombre d’entre eux
leur étaient étrangers. Telle conjonction ne s’est pas opérée sans de multiples malentendus,
incompréhensions et conflits. La situation met aux prises deux grandes questions ancrées
chacune dans une histoire : celle de l’objet référent le spectacle vivant européen -, celle de la
constitution du savoir dans notre aire culturelle. L’analyse du champ sémantique du lexème
discipline (disciplina, action d’apprendre, méthode, contrainte) met en évidence les caractéristiques
de la science occidentale comme voie systématique de la connaissance, par opposition à l’action
(scientia vs actio). Traits identitaires qui la distinguent de son analogon historique chinois.
L’ethnoscénologie s’est constituée initialement autour de l’intérêt commun d’un groupe
hétérogène d’amis, chacun expert en son domaine, pour ce que Victor Segalen nomme
« l’esthétique du divers » dans son Essai sur l’exotisme. Cette térogénéité- ou pluridisciplinarité
- a favorisé la prise de conscience du poids des ethnocentrismes dans l’étude du divers. Le
formant ethno, dans ce cas, signifie la culture des « experts » et leurs logiques propres :
philologues, anthropologues, vulgarisateurs, organisateurs de spectacles, artistes, institutionnels,
critiques, théâtrologues etc… De même, dès le colloque international de fondation en 1995, ont
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apparu les biais introduits par les cultures académiques nationales. L’ethnoscénologie en tant que
discipline temporaire dans l’attente d’une scénologie générale idéale, prend place dans le courant
des ethnosciences en considérant la nécessité d’associer les disciplines considérées comme
« scientifiques » dans le système international de la recherche universitaire, et les savoirs « locaux »
des performers et des théoriciens. Si la pluridisciplinarité protège des tentations de généralisation
et de substantialisation des expériences, l’interdisciplinarité proscrit toute prise de pouvoir par
une seule perspective. La transdisciplinarité, proposée par Besarab Nicolescu, spécialiste de
physique théorique se refuse quant à elle aussi bien au flou du holisme qu’au réductionnisme de la
monodisciplinarité en introduisant l’ethos du chercheur comme élément inhérent à la
connaissance. Il n’est pas étonnant que Peter Brook, aux côtés notamment d’Edgar Morin
théoricien de la complexité et de Francisco Varela, neurobiologiste ait fait partie du comité
international du Premier Congrès Mondial de Transdisciplinarité qui s’est tenu au Portugal du 2
au 6 novembre 1994 dans l’ancien couvent des franciscains d’Arrábida. La Charte adoptée à
l’issue du colloque s’ouvre par un constat : « … la prolifération actuelle des disciplines
académiques et non-académiques conduit à une croissance exponentielle du savoir ce qui rend
impossible tout regard global de l’être humain, … ». Paradoxalement, la globalité peut être
également source de totalitarisme et de réductionnisme lorsqu’elle se fonde sur l’une des formes
du monisme monoïdéisme des idéologies et des théories, monogénèse du causalisme linéaire,
présent dans l’anthropologie évolutionniste, monomanie des créateurs. Nos taxonomies et
logiques classiques sont-elles à même d’envisager la complexité du divers ?
Marco De Marinis (Université de Bologne)
Corps et corporéité au théâtre ou la relation théâtrale reconsidérée
Le corps a été très peu considéré dans les études théâtrales, surtout en tant que dimension
constitutive de la relation acteur-spectateur. A travers neuf mots-clé (ou groupes de mots-clé), la
communication tentera de montrer comment, au cours du XXe siècle, dans les sciences humaines
et sociales et dans les sciences de la nature, ont été élaborés des concepts et des paradigmes dont
la nouvelle théâtrologue peut grandement profiter, en se refondant ainsi comme une véritable
embodied theatrology.
Jean-Marc Leveratto (Université de Metz)
Anthropologie du spectacle et savoirs de la qualité
La relecture critique de l’essai de Marcel Mauss sur les « techniques du corps » nous montre la
nécessité d’analyser d’un point de vue pragmatique tant l’interaction artistique que la qualification
des objets engagés dans la production de l’événement artistique. Elle nous invite à construire une
approche anthropologique du spectacle artistique intégrant l’observation des usages artistiques de
l’anthropologie et des ses enjeux éthiques. Au delà, elle permet d’explorer les effets de la raison
graphique et l’articulation des savoirs l’histoire de l’art, la sociologie, la philosophie,
l’ethnologie — constitutive de la culture artistique contemporaine, au sens de l’équipement
cognitif du spectateur critique.
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Fernando De Toro (Université de Manitoba)
Transdisciplinarité, sémiologie, nouvelles technologies au
Canada. Le théâtre multimédial de Robert Lepage et Alberto
Kurapel
Le but de cet étude consiste à explorer le rapport entre la transdisciplinarité et la sémiologie,
comme deux pratiques épistémiques et opératoires complémentaires. Or, le théâtre multimédial
qui se sert de plusieurs nouvelles technologies, est devenu, à partir de les années 1990,
particulièrement transdisciplinaire dans la production de signes produits par une manipulation
radicale de l’image, une image qui peut être complètement fabriquée ou une qui entre dans un
rapport créatif avec des performers. Donc, nous pouvons penser que, pour arriver à saisir ce type
de création théâtrale multimédiale et transdisciplinaire, il faut mettre en place une approche
analogue à la création théâtrale multimédiale. Cette approche peut se dégager dans le dialogue
entre transdisciplinarité et sémiologie.
Eero Tarasti (Université d’Helsinki)
Entre Moi et Soi – une proposition pour une théorie des arts
exécutifs
Essentiellement ‘exécuter’ un texte théâtral, musical, filmique, littéraire, gestuel signifie le
rendre linéaire, syntagmatique, temporel. Autrement dit, il s’agit de le faire ‘paraitre’
horizontalement, de le fournir avec une ‘apparence’, Schein. Mais d’autres choses ont également
lieu en même temps : tout d’abord découvrir ce qui est pertinent et doit être mis à l’avant-plan
de l’événement exécutif, fait marqué, dirait-on. Artur Rubinstein ne joua pas toutes les notes
d’une partition si compliquée qu’Iberia de Albeniz, mais y souligna les notes structurelles et, dans
certains autres cas, ‘existentielles’, chargées par une signification particulière. Mais pour en
découvrir les niveaux de pertinence, il faut comprendre ses isotopies. Ceci nous amène au fait
que le texte, une fois rendu linéaire dans l’exécution, doit - deuxièmement - être hiérarchisé. Par
exemple, on peut y trouver une alternance des sections régulières et irrégulières à partir de choix
de ses isotopies fondamentales. Pourtant, ce procès n’est pas mécanique, dans une interprétation
créatrice (voir Gisèle Brelet) on peut varier ces éléments programmés, on peut les changer durant
le processus. Jamais Chopin ne joua ses pièces de la même manière. D’après les moignages,
jamais Richard Wagner ne suivit les mêmes idées lorsqu’il dirigea ses opéras à Bayreuth (voir
Porges et Fricke).
Dans la théorie de la sémiotique existentielle, j’ai abouti à un modèle qui articule quatre moments
ou ‘modes’ de l’être d’un sujet, à partir des catégories de Hegel de an sich sein et für sich sein ,
enrichies par les notions de Moi et Soi de Paul Ricoeur et Jacques Fontanille, et aboutissant à
une espèce de carré sémiotique par quatre termes de ‘l’être-en-moi’, ‘l’être-pour-moi’, ‘l’être-pour-
soi’ ,’l’être-en-soi’. Pour faciliter leur traitement je les ai nommés M1, M2, M3, M4 et S1,S2,S3 et
S4 òu M= Moi, S=Soi. Ainsi, concrètement, M1 signifie notre être corporel, énergie kinésique,
désir, gestualité, essence physique brute et chaotique ; M2 : tout cela rendu dans une certaine
permanence par identité, personnalité adoptée par habitude et éducation ; M3 (=S2) vise les rôles,
instituts, pratiques d’une société, et M4 (=S1) nous évoque des normes, règles, valeurs abstraites
d’une société, autrement dit l’intelligible de Lévi-Strauss.
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