QUESTION’AIR FICHE N° Les fiches du Centre d’enseignement militaire supérieur Air 35 Droit et institutions - Janvier 2009 Histoire de l’islam L’islam, dernière religion monothéiste révélée, se caractérise à la fois par un dogme simple magnifiant la toute-puissance divine, par une imbrication complexe des sphères religieuses­, sociales et politiques mais également par de profondes divisions. Connaître son histoire, c’est mieux appréhender certaines réalités géopolitiques contemporaines. 1) Les débuts Muhammad, de la tribu des Qoraysh, est né vers 570 à la Mecque, ville étape­ caravanière et lieu de pèlerinage pour les tribus arabes polythéistes, pratiquant leur culte autour de la Kaaba, pierre sacrée. Pour autant, l’Arabie préislamique est déjà pénétrée par le monothéisme juif et chrétien. Or, en 610, Muhammad reçoit de l’ange Gabriel la première des révélations coraniques. Le message, universaliste, transcende les clivages tribaux tradi­ tionnels en appelant à une plus grande justice sociale. Muhammad inquiète donc rapi­dement les notables locaux et doit émigrer vers Yathrib, la future Médine, en 622. C’est l’Hégire. Là, il installe sa communauté de croyants, l’Umma, et pose les bases d’un futur État musulman. La guerre y est un choix nécessaire : source de revenus et moyen de vaincre les Mecquois, qui, en 630, se convertissent. Ainsi, dans l’Arabie du VIIe siècle, une nouvelle religion est née, empreinte d’éléments antérieurs. Muhammad, « le sceau des Prophètes », est venu clore le cycle de la révélation entamé par ses prédécesseurs Adam, Noé, Abraham, Moïse et Jésus. Mais, en 632, Muhammad meurt sans fils et sans avoir établi sa succession. De fait, de ­vives rivalités émergent. Dans la tradition musulmane, les quatre premiers califes successeurs du Prophète sont qualifiés de rashiduns ou « bien dirigés » : Abu Bakr (632-634), Omar (634-644), Uthmân (644-656) et ‘Alî (656-661). Idéalisés, ces hommes­ sont en effet à l’origine de la survie de l’islam, de son expansion par les conquêtes et de la recension coranique officielle. Cependant, ils sont aussi à l’origine des schismes musulmans. L’assassinat d’Uthmân en 656 engendre la « dis­corde ». En effet, les troupes de son cousin Moawiya affrontent celles d’‘Alî, le nouveau calife,­ à Siffin en 657. L’arbitrage réclamé par Moawiya et accepté par ‘Alî entraîne une première scission : le kharijisme. Le jugement rendu lui étant défavorable, les partisans d’‘Alî créent une seconde division : le shiisme. Ces divergences sur la légi­ timité califale, initialement politiques, deviennent religieuses. S’élaborant simultanément au shiisme, le sunnisme n’aura de cesse de combattre ces dissidences, qui survivront pourtant, se subdivisant en un grand nombre de branches et de sectes. L’histoire de l’islam, jusqu’à aujourd’hui, découle de ces fractures passées. 2) L’expansion Parallèlement, les conquêtes arabo-musulmanes, commencées dès 632, aboutissent au VIIIe siècle à la constitution d’un vaste espace (dâr-al-islam) allant de l’océan Atlantique à l’Asie centrale. L’Empire omeyyade de Damas (661www.cesa.air.defense.gouv.fr www.eoaa.air.defense.gouv.fr Les fiches du CEMS Air Droit et institutions - Janvier 2009 FICHE N° 35 750), instaurateur d’un califat héréditaire, sera remplacé par l’Empire abbasside (750-1258). Mais l’absence d’un corpus doctrinal sunnite officiel et uniforme (Coran,­ Sunna et jurisprudence) y favorise de nombreux particularismes régionaux. De plus, l’islam conquérant tolère les chrétiens, les juifs et les zoroastriens qui conservent leur religion. Enfin, sorti d’Arabie, l’islam s’ouvre aux influences exté­ rieures, ­ indiennes, perses et grecques. En conséquence, l’époque abbasside et la cour bagda­dienne évoquent encore l’âge d’or de cet islam éclairé et rayonnant, alors qu’à partir­ du Xe siècle la réflexion et l’interprétation personnelle (ijtihâd) ­seront peu à peu proscrites en religion. Les particularismes régionaux, profitant de ­l’organisation administrative décentralisée et de l’éloignement du pouvoir ­califal, facilitèrent les autonomies. Ainsi des califats rivaux s’établirent – sunnite abbasside à Bagdad (750-1258), shiite fatimide en Égypte (969-1171), sunnite omeyyade en Andalousie (929-1031) – facilitant l’implantation des États latins à la fin du XIe siècle. C’est d’ailleurs dans ce contexte que les madrasas et le djihâd (ou guerre légale­) furent institués afin d’enseigner le Coran et de répandre l’islam. Ces idées ­seront fréquemment reprises ensuite : de l’Algérie d’Abd el-Kader aux moudjahidines afghans. Après les invasions turques (XIe siècle) puis mongoles (1258, prise de Bag­ dad), de nouveaux empires se forment mais restent divisés par le schisme originel. Ainsi, le sunnisme ottoman (1516-1924), héritier du califat, s’opposera au shiisme des Séfévides de Perse (1499-1722), voire au syncrétisme de l’Empire moghol d’Inde (1526-1858). Mais, au fil des siècles, l’islam n’aura cessé de s’étendre vers l’Asie. 3) Face à la modernité Au XVIIIe siècle, les souverains, notamment ottomans, s’éloignent d’une gouvernance purement religieuse de leurs sujets en adoptant des réformes administratives et sociales. Ibn ‘Abd Al Wahhab (1705-1792) s’y opposera en prônant un puritanisme religieux strict, le wahhabisme. Or, au XIXe siècle, le monde musulman apparaît en retard face à une Europe conquérante. Pour les modernistes, tel Al-Tahtawi (1801-1873), la religion est un frein au développement et doit être détachée de la sphère politico-économique. À l’inverse, selon les réformistes musulmans comme Al-Afghani (1839-1897) ou Mohammed ‘Abdu (1849-1905), la solution réside dans un retour aux principes islamiques originels. Mais, le 3 mars 1924, Atatürk abolit le califat. Le sunnisme perd son dirigeant religieux universel. Certains s’engagent alors dans l’islam poli­ tique, tels les Frères musulmans en Égypte (1929) ou l’Association des oulémas musulmans en Algérie (1931) sans parvenir au pouvoir. Finalement, dans l’islam actuel, deux constructions politiques contemporaines antagonistes servent de réfé­ rences: le Royaume d’Arabie Saoudite, sunnite wahhabite, fondé en 1932, et la République islamique d’Iran, shiite, établie en 1979. Ainsi, le monde musulman reste marqué par ses divisions historiques. En outre, la forte concurrence entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, en quête d’une souveraineté religieuse autant que politique, favorise l’émergence de thèses islamistes fort éloignées des préceptes musulmans initiaux. Rédaction en chef et direction de la publication : Centre d’enseignement militaire supérieur Air (CEMS Air) ISSN 1963-2150 Édité par le Centre d’études stratégiques aérospatiales (CESA) - École militaire - 1 place Joffre - BP 43 - 00445 ARMÉES Division soutien technique - tél. : 01 44 42 80 32 - MTBA : 821 753 80 32 - e-mail : [email protected]