DOCUMENT 1. PROPRIÉTÉ PUBLIQUE ET TRAGÉDIE DES BIENS COMMUNS Dans son article célèbre paru en 1968 dans la revue Science, « The Tragedy of the Commons », Garrett Hardin met en avant le problème des ressources en accès libre ou en propriété collective. Les ressources en accès libre (souvent naturelles) peuvent en effet s’assimiler à des biens collectifs impurs : elles sont certes difficilement « excluables » (il est difficile de réserver la consommation du bien aux agents disposés à en payer le prix), mais sont rivales (la consommation de chacun épuise la quantité/qualité pour les autres). L’exemple que Hardin prend est celui d’un champ accessible à plusieurs éleveurs d’un même village. Chaque éleveur a toujours intérêt à ajouter un animal car il perçoit le bénéfice de cet animal supplémentaire tandis que le coût (celui de la nourriture) est partagé par tous. Ce comportement conduit à l’épuisement de la ressource commune. Cette « tragédie » souligne les limites de la propriété collective, mais les « solutions » à ce problème sont discutées dans la littérature économique. Certains appellent à une privatisation des ressources pour une gestion plus rationnelle de celles-ci (ce qui a conduit au mouvement des enclosures en Angleterre, entre le xiie et le xixe siècle). D’autres défendent les nationalisations : l’État devient propriétaire des ressources communes et réglemente leur accès ou les exploite directement. Enfin, les travaux d’Elinor Olstrom illustrent des gestions locales à travers des normes sociales et des arrangements institutionnels. Des communautés d’individus qui vivent près d’une ressource naturelle élaborent des règles d’accès et de gestion de la ressource, assorties de sanctions (souvent sociales) imposées par tout le groupe en cas de non-respect des règles. Ces solutions d’auto-organisation et d’auto-gouvernance se rencontrent le plus souvent dans les communautés de petite taille où l’observation du comportement d’autrui et l’application de sanctions collectives sont facilitées. C’est par exemple le cas pour l’élaboration des systèmes d’irrigation collective dans les huertas espagnoles ou les zanjeras aux Philippines. Source : Jean Beuve, Claudine Desrieux. Écoflash, n° 315 : Droits de propriété et théories de la firme, 2017/02. © Réseau Canopé, 2017