Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 UTILISATION DES ANALGESIQUES : MODALITES PRATIQUES D'ACCES, D'UTILISATION ET PHARMACOVIGILANCE Dr Vétérinaire Elodie LECOINTE-ADAMCZYK ([email protected]) Centre National d'Informations Toxicologiques Vétérinaires (CNITV) 1, avenue Claude Bourgelat 69 280 MARCY L'ETOILE Avertissement : L'article qui suit est exclusivement axé sur les contraintes réglementaires qui régissent l'accès et l'utilisation des analgésiques en expérimentation animale. L'objectif est de présenter au lecteur, de manière pragmatique, le cadre imposé par la réglementation. L'auteur n'appartient ni à un organisme de contrôle ni à une Autorité de l'Etat; il ne lui appartient donc pas de juger des éventuelles adaptations que le lecteur pourrait avoir mis ou pourrait mettre en place. Les analgésiques sont utilisés de manière courante en recherche animale afin de réduire la douleur, la souffrance et l'angoisse des animaux (Art R. 214-109 du Code rural et de la pêche maritime). En pratique, dès que l'utilisateur souhaite ou doit utiliser un analgésique, il est confronté à plusieurs étapes : l'acquisition, la détention qui comprend le stockage et la gestion des stocks, et enfin l'utilisation. Cette dernière étape comprend bien sûr l'administration de la substance à l'animal, mais aussi la gestion et la notification des éventuels effets indésirables pouvant survenir chez l'animal ou chez l'utilisateur et enfin, la destruction des médicaments périmés. Ces modalités d'acquisition, de détention et d'utilisation (à l'exception de la notification et de la gestion des effets indésirables) sont conditionnées par deux paramètres extrêmement importants : • • d'une part le cadre d'utilisation : est-ce que l'analgésique est utilisé dans le cadre d'un projet (c'est-à-dire dans le cadre exclusif de la réalisation de procédures expérimentales réalisées au sein de l'établissement) ou dans le cadre de soins courants dispensés aux animaux d'expérimentation ? d'autre part, le statut du médicament. En effet, on pourra distinguer trois catégories : les stupéfiants, les psychotropes et enfin les "autres", c'est-à-dire les médicaments n'appartenant pas aux deux premières catégories. 1 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 I. UTILISATION DES ANALGESIQUES DANS LE CADRE D'UN PROJET A. La Personne Responsable Pharmacie L'acteur clef de l'utilisation des analgésiques dans le cadre d'un projet est la "Personne Responsable Pharmacie". Il s'agit d'une personne d'un haut niveau scientifique (niveau bac + 5), titulaire d'une formation permettant la conception de projets et de procédures. Il ne s'agit pas nécessairement d'un vétérinaire. Cette personne est désignée par le responsable de l'Etablissement d'Expérimentation Animale (EEA) au moyen d'un formulaire de déclaration téléchargeable sur le site de l'ANSES (http://www.anses.fr/fr/content/d%C3%A9claration-de-la-personne-responsable-delapprovisionnement-de-la-gestion-du-stock-et-de-0) (Photo 1). Ce formulaire est à renvoyer dûment complété à l'Anses-ANMV (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail - Agence Nationale du Médicament Vétérinaire) et à la DDPP (Direction Départementale de Protection des Populations) du département où se situe l'établissement d'expérimentation animale. A réception de ce document, l'Anses-ANMV adresse un accusé réception au responsable de l'EEA (Photo 2). 2 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 Photo 1. Formulaire de déclaration de la personne responsable pharmacie. 3 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 Photo 2. Formulaire d'accusé réception de déclaration de la personne responsable pharmacie. 4 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 Cette Personne Responsable Pharmacie est responsable des médicaments utilisés dans le cadre d'un projet. Elle est donc responsable, selon l'arrêté du 1er février 2013 relatif à la délivrance et à l'utilisation de médicaments employés par les établissements agréés en tant qu'utilisateurs d'animaux à des fins scientifiques, de : • • • • • L'approvisionnement qui "...doit être effectué par commande auprès des exploitants ou dépositaires des médicaments concernés ou par commande pour usage professionnel auprès des personnes habilitées à les délivrer au détail..."; La gestion du stock en veillant en particulier à ce que "...la quantité de médicaments commandée et détenue soit proportionnelle à l'activité de l'établissement utilisateur d'animaux à des fins scientifiques"; L'utilisation de ces médicaments, utilisation qui doit se faire conformément à la cascade vétérinaire ("... ces médicaments soient utilisés dans les conditions prévues aux 1° à 3° de l'article L. 5132-1 du code de la santé publique"); Conditions de stockage : la réglementation prévoit en particulier que tous "les médicaments détenus [...] sont stockés dans un local ou un dispositif permettant leur séparation de tout autre produit". A cela, s'ajoutent des dispositions spécifiques aux stupéfiants et aux psychotropes (cf.I. B. 4. b.) La tenue d'un système d'enregistrement, qu'il soit sous format papier ou électronique permettant de tracer les entrées et sorties de tout médicament. Ce registre, qui comprend un certain nombre d'éléments obligatoires (identification des animaux, du médicament ou encore du responsable de la procédure...) doit être conservé pendant 10 ans et doit pouvoir être édité par période maximale de un mois à la demande des Autorités. ! Remarque importante : l’utilisation des médicaments dans le cadre de projet doit se faire conformément aux 3 premiers points définis dans la « cascade thérapeutique vétérinaire » (article L. 5132-1) ; en conséquence : • • Les EEA peuvent commander, détenir, stocker et utiliser des médicaments vétérinaires sans AMM en France mais autorisés dans un autre pays membre ou dans un pays tiers. La demande d’autorisation d’importation doit être introduite par le responsable de l’expérimentation ou par le promoteur de l’essai clinique ; la composition du dossier est disponible à l’adresse suivante : https://www.anses.fr/fr/content/importation-sans-amm-en-vuedexp%C3%A9rimentation-ou-dexportation les préparations extemporanées mentionnées au point 4 ne sont pas autorisées pour les EEA. En pratique, cela signifie donc que les EEA ne sont pas autorisés à acquérir des matières premières à usage pharmaceutique ni à réaliser des préparations extemporanées à partir de ces matières premières dans le cadre de projets. 5 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 B. Modalités pratiques d'acquisition, de détention et d'utilisation des analgésiques 1. Comment savoir à quelle catégorie (stupéfiant, psychotrope, autre) appartient un médicament ? Les listes des spécialités classées parmi les stupéfiants et les psychotropes sont disponibles sur le site de l'ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) (http://ansm.sante.fr/Mediatheque/Publications/Listes-et-repertoires-Autres-produits-desante#folder_15857). Il n'existe à ce jour que trois médicaments vétérinaires inscrits sur la liste des stupéfiants : le COMFORTAN® (méthadone), le FENTADON® (fentanyl injectable) et le RECUVYRA®1 (fentanyl pour application trans-dermique). Les molécules classées parmi les psychotropes (ex. pentobarbital, diazépam, buprénorphine...) appartiennent toutes à la liste I mais leur inscription à la liste des psychotropes émise par l'ANSM confère à l'utilisateur des obligations particulières. Afin d'illustrer les modalités pratiques d'acquisition, de détention et d'utilisation propres à chacune de ces catégories, imaginons qu'un ou plusieurs projets nécessite(nt) l'emploi de (Tableau II) : • • • un stupéfiant : un morphinique de palier 3 avec une durée d'action de plusieurs jours pour un projet conduit chez le chien. Le fentanyl répond tout à fait à cette indication. Des préparations trans-dermiques à base de fentanyl permettant une durée d'action de plusieurs jours existent en médecine humaine et en médecine vétérinaire; le respect de la cascade vétérinaire impose le recours à la spécialité vétérinaire, en l'occurence le RECUVYRA®. un psychotrope : on choisira l'exemple du pentobarbital. Cette molécule sort du sujet des analgésiques sensus stricto étant donné qu'il n'a pas de valence analgésique, il peut toutefois être utilement employé chez des animaux en souffrance, pour le traitement de crises convulsives par exemple, ou encore pour l'euthanasie. un antalgique de palier 2 : on choisira l'exemple du tramadol qui n'appartient ni aux stupéfiants ni aux psychotropes. 2. La déclaration à l'ANSM : étape indispensable pour les psychotropes et les stupéfiants Une étape préalable indispensable car obligatoire avant l'acquisition, la détention et l'utilisation de stupéfiants ou de psychotropes est la demande d'autorisation à l'ANSM (DGAL, 28 juin 2011). La demande précise la dénomination de la substance utilisée, le fournisseur, la justification de l'utilisation ainsi que la description des conditions sécurisées de stockage. Elle est accompagnée de l'autorisation nominative d'expérimenter, de l'agrément de l'animalerie ainsi que de la justification de la dose (nombre d'animaux, posologie, durée d'étude). La composition du dossier est disponible sur le site de l'ANSM (http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/7da2e20a8bccf73bcaf10b45fa64e b9a.pdf) (Photo 3). Cette étape de demande d'autorisation est importante et obligatoire. Il existe toutefois une exception puisque les enseignants chercheurs des écoles vétérinaires en sont 1 Une formation en e-learning (https://www.recuvyratraining.eu/Registration/France) doit obligatoirement être suive par un vétérinaire titulaire d'un N° d'ordre avant toute acquisition, détention et utilisation de cette spécialité. 6 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 dispensés. Notons que les autres médicaments tels que le tramadol ne sont pas soumis à ce régime d'autorisation. Photo 3. Composition du dossier de demande d'autorisation à l'acquisition, la détention et l'utilisation de stupéfiants et de psychotropes. 7 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 3. Acquisition La commande des stupéfiants passe ensuite par la rédaction d'une ordonnance sécurisée (cf. II. B. 1.) (remplaçant depuis 1999 le carnet de commande à double volet dont le modèle était fixé par le ministère de la santé). Lorsque l'animal est utilisé à des fins de recherche et/ou d'enseignement, une dérogation permet de ne pas avoir recours à l'ordonnance sécurisée (DGAL, 28 juin 2011). En revanche, la tenue d'un registre permettant de tracer les entrées et les sorties des médicaments reste obligatoire. Les modalités d'acquisition sont plus simples pour les psychotropes et les autres médicaments puisqu'il s'agit de passer une simple commande. L'achat peut ensuite se faire auprès des établissements pharmaceutiques assurant la vente en gros (exploitants, distributeurs, grossistes, répartiteurs, centrales d'achat) ou des pharmaciens d'officine. 4. Détention et utilisation a. Tenue d'un système d'enregistrement La tenue d'un registre papier ou d'un système informatique spécifique permettant de tracer les entrées et les sorties des médicaments est obligatoire pour toutes les catégories de médicaments (stupéfiants, psychotropes, autres). Ce système d'enregistrement doit permettre une édition immédiate à la demande des Autorités de contrôle, par période maximale d'un mois et ne doit autoriser aucune modification des données après leur validation et leur enregistrement. Les opérations doivent être enregistrées par ordre chronologique et à chaque opération doit correspondre un numéro d'ordre unique. Est appelée "opération" toute acquisition, sortie pour utilisation, destruction, ainsi que, pour les stupéfiants et les psychotropes, tout vol et tout détournement. Ce registre ou ce système doit être conservé pendant 10 ans. b. Modalités de stockage En ce qui concerne les modalités de stockage, les stupéfiants et les psychotropes doivent être détenus dans une armoire scellée ou des locaux fermés à clef. En théorie au moins, le stockage des stupéfiants doit être séparé de celui des psychotropes et, évidemment, de celui des autres médicaments. Le stockage des autres médicaments n'appartenant ni aux stupéfiants ni aux psychotropes doit se faire quant à lui dans un local ou un dispositif permettant leur séparation de tout autre produit mais rien n'impose un système de fermeture par clef. c. Vols et détournements La déclaration des vols et des détournements est obligatoire pour les stupéfiants et les psychotropes. Elle doit se faire auprès de trois autorités : la police, l'Agence Régionale de Santé (ARS) et l'ANSM. On comprend dès lors l'intérêt de la tenue obligatoire d'un registre d'entrée et de sortie où doit figurer, pour chaque molécule, la balance mensuelle, c'est-à-dire le différentiel entre les entrées et les sorties (Tableau I). 8 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 Tableau I. Exemple de comptabilité mensuelle des stupéfiants et psychotropes (Vandaële, 2011). Stupéfiant A Mois Date d'arrêt mensuel ou de l'inventaire mensuel 18/01/2014 24/02/2014 ... Janvier Février Mars Inventaire Différence entre l'inventaire et la balance du dernier mois Stupéfiant B Entrée Sortie Balance 28 20 8 Entrée Sortie 16 8 2 Balance 14 14 d. Etat annuel Concernant les stupéfiants et les psychotropes, un état annuel de l'année précédente doit être envoyé à l'ANSM avant le 15 février de chaque année (http://ansm.sante.fr/Mediatheque/Publications/Formulaires-et-demarches-Stupefiants-etpsychotropes). Il précise pour chaque substance, les quantités acquises, utilisées, en stock et détruites. f. Exceptions Deux molécules font figures d'exception et sont à retenir : la kétamine et la tilétamine (ANSM, 2002. Usage détourné de kétamine et de tilétamine, modifications réglementaires). Ces substances et leurs sels sont classés comme psychotropes mais les médicaments vétérinaires sous forme injectable contenant de la tilétamine (ZOLETIL®) ou de la kétamine (ex. IMALGENE®, CLORKETAM®...) ne sont pas classés comme psychotropes. En pratique, ils échappent donc à toutes les modalités de détention et d'utilisation précédemment décrites sauf deux d'entre elles : • • D'une part, ils sont soumis aux conditions de stockage des stupéfiants D'autre part, la déclaration de tout vol ou tout détournement auprès de la police, de l'ARS et de l'ANSM reste obligatoire. e. Destruction La destruction des stupéfiants doit se faire en présence d'un huissier qui établit un procès verbal dont l'original doit être joint à la déclaration d'état annuel. Une copie de ce procès verbal doit rester dans le registre des stupéfiants de l'EEA. Notons que le code de la santé publique prévoit également que la destruction des stupéfiants puisse être réalisée par un pharmacien titulaire d'officine ou par un vétérinaire (Art L. 5143-2). La dénaturation des substances, préparations ou médicaments classés comme stupéfiants ne peut alors se faire qu'"en présence d'un confrère, désigné dans des conditions excluant toute réciprocité et tout conflit d'intérêt par le président du conseil régional de l'ordre des pharmaciens, ou, [...] pour les vétérinaires, le président du conseil régional de l'ordre des vétérinaires. Un mois avant l'opération envisagée, il [le pharmacien ou le vétérinaire chargé de la dénaturation] en informe par écrit le pharmacien inspecteur régional de santé publique, ou, le cas échéant, le directeur départemental des services vétérinaires, en indiquant la date prévue, les noms, quantités et toutes 9 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 précisions sur les formes et conditionnements des produits à détruire." La dénaturation, qui consiste à rendre les produits concernés définitivement inutilisables à quelques fins que ce soit du fait de la modification physique opérée consiste, après avoir pilé les spécialités à détruire (si leur forme galénique s'y prête) à y ajouter de l'eau et du plâtre à durcissement rapide. Un procès verbal est ensuite rempli par les deux professionnels ayant procédé à la dénaturation et une copie est adressée au pharmacien inspecteur régional de santé publique ou, le cas échéant, au directeur départemental des services vétérinaires. C. Cas particulier des médicaments à prescription restreinte Les médicaments à prescription restreinte sont des spécialités de médecine humaine pouvant appartenir aux 5 catégories suivantes (Art R. 5121-77 du CSP) : • • • • • Médicament réservé à l'usage hospitalier Médicament à prescription hospitalière Médicament à prescription initiale hospitalière Médicament à prescription réservée à certains médecins spécialistes Médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement. L'article R. 5124-44 du Code de la Santé Publique autorise les établissements d'expérimentation animale à acquérir les médicaments à usage humain classés dans les catégories de prescription restreinte (sans exception) si tant est que ces derniers bénéficient d'une autorisation de mise sur le marché. La commande doit alors être présentée sous forme écrite et doit être justifiée. II. UTILISATION DES ANALGESIQUES DANS LE CADRE DE SOINS A. Le vétérinaire désigné L'acteur clef de l'utilisation des analgésiques dans le cadre de soins courants dispensés à l'animal est le vétérinaire désigné. Il s'agit d'un vétérinaire diplômé, inscrit à l'ordre national des vétérinaires Français et déclaré auprès de la DDPP du département de l'EEA. Ce n'est qu'après un examen clinique que le vétérinaire peut prescrire un médicament. Il doit alors obligatoirement réaliser une ordonnance. Concernant la délivrance, on distinguera deux cas de figure : • • Soit le vétérinaire exerce dans une structure d'activité libérale, auquel cas il n'est pas salarié de l'EEA : il peut alors délivrer lui même les médicaments qu'il a prescrits; Soit le vétérinaire est salarié de l'EEA : dans ce cas, l'EEA doit se procurer les médicaments auprès d'un pharmacien d'officine sur présentation de l'ordonnance. Comme dans le cadre de projet, le vétérinaire reste soumis à l'obligation d'appliquer la cascade vétérinaire (Art L. 5143-4 du CSP) : "Le vétérinaire peut prescrire en priorité un médicament vétérinaire autorisé pour l'animal de l'espèce considérée et pour l'indication visée. Si aucun médicament vétérinaire approprié n'est disponible, il peut alors prescrire : 10 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 1. Un médicament vétérinaire autorisé pour des animaux d'une autre espèce pour la même indication ou de la même espèce dans une autre indication 2. A défaut, un médicament vétérinaire autorisé pour des animaux d'une autre espèce pour une autre indication 3. A défaut, un médicament autorisé pour l'usage humain ou un médicament autorisé dans un autre pays membre" 4. A défaut des médicaments mentionnés aux 1°, 2° et 3°, une préparation magistrale vétérinaire. ! Remarque importante : il faut noter ici l’application possible du 4ème point de la « cascade thérapeutique vétérinaire ». En pratique, cela signifie donc que, dans le cadre strict des soins courants (et donc contrairement au cadre du projet), des préparations extemporanées, prescrites par le vétérinaire désigné, peuvent être administrées aux animaux. La préparation extemporanée est alors fabriquée en conformité avec les bonnes pratiques applicables et délivrée, soit par le vétérinaire exerçant la médecine et la chirurgie des animaux auteur de la prescription, soit par un pharmacien d’officine. L’étiquetage respecte les dispositions de l’article R. 5132-18 du Code de la Santé Publique. En pratique, le recours à des préparations extemporanées est très rare dans le cadre des soins courants. B. Modalités pratiques d'acquisition, de détention et d'utilisation des analgésiques 1. Acquisition Dans le cadre des soins courants, l'acquisition des médicaments et en particulier des stupéfiants et des psychotropes, est plus aisée que dans le cadre de projets. Ainsi le régime d'autorisation par l'ANSM n'est pas retrouvé. L'acquisition des stupéfiants se fait obligatoirement via une ordonnance sécurisée (Photo 4). Cette dernière répond à des spécificités techniques précises fixées par arrêté : elles sont réalisées sur du papier filigrané blanc naturel, sans azurant optique, à un format dont le choix est laissé au praticien. Trois éléments doivent obligatoirement être pré-imprimés sur les ordonnances sécurisées : • • • L'identification du prescripteur, pré-imprimée en bleu, d'une teinte et d'une intensité données. Un numéro permettant l'identification du lot d'ordonnances Un carré en micro-lettres, figurant dans le coin inférieur droit de l'ordonnance sécurisée et permettant d'y indiquer le nombre de médicaments prescrits. Un certain nombre d'éléments réglementaires doivent être écrits par le prescripteur sur l'ordonnance sécurisée; outre ceux qui sont détaillés dans le Figure 4, on pourra rajouter la mention "Pour usage professionnel" qui devra être apposée. La liste des éditeurs agréés AFNOR (seuls à être autorisés à fabriquer et commercialiser des ordonnances sécurisées) est disponible sur le site www.sante.gouv.fr . 11 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 Photo 4. Exemple d'ordonnance sécurisée. L'acquisition des psychotropes et des "autres" médicaments se fait quant à elle sur une ordonnance vétérinaire classique. Les médicaments peuvent ensuite être achetés auprès des établissements pharmaceutiques assurant la vente en gros (exploitants, distributeurs, grossistes, répartiteurs, centrales d'achat) ou des pharmaciens d'officine en fonction du "statut" (libéral vs salarié de l'EEA) du vétérinaire désigné. Il est à noter que les stupéfiants ne peuvent être délivrés au vétérinaire et détenus que dans la limite d'une provision pour soins urgents (Art R5132-31 du CSP), correspondant à 10 unités maximum. 12 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 2. Détention et utilisation Les modalités de détention et d'utilisation des médicaments dans le cadre de soins courants sont, somme toute, assez similaires à celles décrites dans le cadre de projets (Tableau II). Les ordonnances émises dans le cadre des soins courants, qu'il s'agisse d'ordonnances "classiques" ou sécurisées, doivent être conservées pendant 10 ans. La tenue d'un registre ou d'un système informatique spécifique permettant de tracer les entrées et les sorties des médicaments reste obligatoire pour les stupéfiants et les psychotropes. Pour les "autres" médicaments, la tenue de ce système d'enregistrement n'est pas obligatoire mais peut être conseillée. Les modalités de stockage, de déclaration de vols et détournements et de destruction restent identiques à celles exposées dans le cadre d'un projet à l'exception de l'état annuel qui n'est pas réalisé pour les stupéfiants et les psychotropes acquis, détenus et utilisés dans le cadre de soins courants. C. Cas particulier des médicaments à prescription restreinte L'article R. 5141-122 du Code de Santé Publique prévoit que les vétérinaires sont autorisés à administrer à des animaux dont la chair ou les produits ne sont pas destinés à la consommation humaine, les médicaments à usage humain classés dans l'une des catégories soumises à prescription restreinte, bénéficiant d'une AMM, nécessaires pour éviter des souffrances inacceptables à ces animaux ou pour répondre à des situations sanitaires spécifiques. En pratique, la liste des médicaments qui sont accessibles aux vétérinaires praticiens est fixée par l'arrêté du 8 août 2012 modifiant l'arrêté du 29 octobre 2009 relatif aux médicaments à usage humain classés dans l'une des catégories de prescription restreinte pour l'application de l'article R. 5141-122 du code de la santé publique. Cet arrêté définit, en fonction du type de domicile professionnel du vétérinaire prescripteur (cabinet vétérinaire / clinique vétérinaire / centre hospitalier vétérinaire), les médicaments à prescription restreinte qui lui sont accessibles. 13 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 Tableau II. Synthèse des conditions d'acquisition, de détention et d'utilisation en fonction de la catégorie du médicament et du cadre d'utilisation. III. QUE FAIRE EN CAS D'EFFETS INDESIRABLES ? Que ce soit dans le cadre d'un projet ou dans le cadre de soins courants, toute administration de médicament et, a fortiori d'analgésique, peut être suivie d'effets secondaires. A. Rôles de la pharmacovigilance vétérinaire Le contexte réglementaire de la pharmacovigilance vétérinaire est fixé par le Code de la Santé Publique (Art R. 5141-89 à 100). La pharmacovigilance vétérinaire a pour objectif principal la surveillance des effets (surtout indésirables mais également les suspicions de manque d'efficacité) des médicaments vétérinaires sur les animaux, les êtres humains et l'environnement. Le CSP prévoit également la surveillance des effets indésirables sur les animaux et les êtres humains des médicaments humains administrés à l'animal. En pratique, cela n'est actuellement pas réalisé par la pharmacovigilance vétérinaire faute de moyens. En revanche, ces effets peuvent utilement être rapportés auprès d'un centre anti-poison vétérinaire (ex. CNITV). 14 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 La déclaration des effets indésirables a deux intérêts essentiels : • • d'une part, elle permet une réévaluation continuelle de la balance bénéfice / risque après la mise sur le marché du médicament. Ce rapport est évalué avant l'octroi d'AMM principalement au moyen des essais cliniques qui sont conduits sur un nombre limités d'animaux et/ou de patients, ne permettant donc pas toujours de mettre en évidence des effets secondaires rares. La pharmacovigilance permet donc, en recueillant les effets indésirables survenus dans une plus grande population, la réévaluation de la balance bénéfice / risque ce qui peut conduire, au besoin, à l'ajout d'informations dans la notice ou, dans le pire des cas, au retrait de l'AMM. d'autre part, elle permet à la personne qui déclare l'effet indésirable, d'obtenir une aide thérapeutique ou diagnostique. En effet, outre la déclaration, il faut également pouvoir gérer l'effet secondaire. B. Que doit-on déclarer ? Tout professionnel de santé (vétérinaire, médecin, pharmacien, sage-femme, dentiste) doit déclarer, de manière obligatoire : • • • Tout effet indésirable grave. On entend par effet indésirable grave (Art R. 5141-92) tout "effet indésirable qui entraîne la mort ou qui est susceptible de mettre la vie en danger ou qui provoque des symptômes permanents ou prolongés ou qui se traduit par une anomalie ou une malformation congénitale ou qui provoque un handicap ou une incapacité importants chez l'animal traité". Tout effet inattendu, c'est-à-dire (Art R. 5141-92) tout "effet indésirable dont la nature, la gravité ou l'effet ne concorde pas avec ce qui est décrit dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP)". Les RCP des médicaments vétérinaires commercialisés en France sont accessibles à l'adresse suivante : http://www.ircp.anmv.anses.fr/ . Tout effet indésirable des médicaments vétérinaires chez l'homme Chacun, qu'il soit professionnel de santé ou non, a bien sûr le droit de déclarer tout effet indésirable, quel qu'il soit (grave/non grave, attendu/inattendu...), susceptible d'être imputé à l'utilisation d'un médicament vétérinaire. C. Comment peut-on déclarer les effets indésirables ? Les suspicions d'effets indésirables peuvent être déclarées : • • Auprès du Centre de Pharmacovigilance Vétérinaire de Lyon (CPVL) : o Par téléphone : 04 78 87 10 40 o Par courrier ou courriel Auprès du laboratoire exploitant le médicament : 15 Séminaire Neurocampus Bordeaux • 19 septembre 2014 o Par téléphone o Par courrier ou courriel Auprès de l'ANMV (Agence Nationale du Médicament Vétérinaire) : o Par téléphone o Par télédéclaration : https://pro.anses.fr/notificationMV/ D. Exemple du fonctionnement du CPVL et du CNITV Comme nous l'avons vu précédemment, les cas d'effets indésirables peuvent être déclarés auprès du Centre de Pharmacovigilance Vétérinaire de Lyon. Cette structure fait partie du campus vétérinaire VetAgro Sup de Lyon et est en convention avec l'Anses-ANMV. L'équipe, composée de trois vétérinaires experts en pharmacovigilance, d'une ingénieure documentaliste et d'une secrétaire, a pour missions principales : • • • • le recueil des effets indésirables susceptibles d'être imputés aux médicaments vétérinaires ; le conseil aux déclarants, qu'ils soient vétérinaires praticiens ou non, sur la conduite à tenir ; l'évaluation de la relation causale entre l'effet indésirable et l'administration du médicament ; la transmission du cas aux Autorités compétentes, en l'occurence l'Anses-ANMV. Le CPVL travaille en synergie avec le Centre National d'Informations Toxicologiques Vétérinaires (CNITV), ces deux structures étant voisines l'une de l'autre et partageant un seul et même numéro de téléphone (04 78 87 10 40). Ce centre anti-poisons vétérinaire, qui est une association loi 1901, répond à toute question d'ordre pharmacologique ou toxicologique concernant l'animal, l'environnement ou éventuellement l'homme. Environ 20 000 appels sont reçus chaque année et colligés dans une base de données dédiée. Le CNITV fonctionne par ailleurs 24 h/24 et 365 jours par an, lui permettant d'assurer la réponse téléphonique en dehors des heures ouvrables du CPVL. Chaque année, le CNITV forme spécialement 40 étudiants permettant à ces derniers d'assurer la réponse téléphonique la nuit et les week-ends. En pratique donc, pour toute déclaration d'effet indésirable (qu'il s'agisse d'un médicament vétérinaire ou humain) ou pour toute question concernant un toxique, vous pouvez composer le numéro du CNITV et du CPVL (Figure 5). 16 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 Figure 1. Schéma de fonctionnement du CNITV et du CPVL. CONCLUSION Les deux acteurs clefs de l'utilisation des analgésiques, et des médicaments plus généralement, dans les établissements d'expérimentation animale sont la personne responsable pharmacie et le vétérinaire désigné. Ces deux rôles sont très importants et bien distincts sur le plan réglementaire. En pratique, ces deux fonctions peuvent être assurées par une seule et même personne. Quelques adaptations sont par ailleurs possibles, en particulier en ce qui concerne la personne responsable pharmacie : en effet, la délégation de certaines tâches est possible mais doit être formalisée par écrit. Le suivi, lui, reste sous la responsabilité de la personne responsable pharmacie. De la même manière, la suppléance doit être organisée par avance et confiée à une personne titulaire d'une formation permettant la conception de projets et de procédures. Les modalités d'acquisition, de détention et d'utilisation sont conditionnées par le cadre d'utilisation (projet vs soins courants). En pratique, ce sont les modalités d'acquisition qui diffèrent le plus entre ces deux situations, notamment en raison du régime d'autorisation par l'ANSM auquel sont soumis les stupéfiants et les psychotropes utilisés dans le cadre d'un projet ; les modalités de détention et d'utilisation sont quant à elles sensiblement identiques quelle que soit la situation. Enfin, la déclaration des effets indésirables est indispensable voire obligatoire selon les cas. Elle permet d'une part la réévaluation de la balance bénéfices / risques et d'autre part, elle permet de bénéficier de l'expertise de vétérinaires toxicologues qui vous conseillent quant à la gestion du cas. 17 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 BIBLIOGRAPHIE [1] ANSES. Déclaration de la personne responsable de l’approvisionnement, de la gestion du stock et de l’utilisation des médicaments vétérinaires au sein des établissements agréés utilisateurs d’animaux à des fins scientifiques : http://www.anses.fr/fr/content/d%C3%A9claration-de-lapersonne-responsable-de-lapprovisionnement-de-la-gestion-du-stock-et-de-0 [2] ANSM. Notice explicative de l’avis aux industriels relatif à la déclaration annuelle pour les stupéfiants et les psychotropes, (http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/de89cf99dbf20bbf04ca72b420914 9d7.pdf) [3] ANSM. Liste des substances classées comme psychotropes en France http://ansm.sante.fr/Mediatheque/Publications/Listes-et-repertoires-Autres-produits-desante#folder_15857 : [4] ANSM. Liste des substances classées comme stupéfiants en France http://ansm.sante.fr/Mediatheque/Publications/Listes-et-repertoires-Autres-produits-desante#folder_15857 : [5] ANSM, 2002. Usage détourné de kétamine et tilétamine, modifications réglementaires : http://ansm.sante.fr/S-informer/Informations-de-securite-Lettres-aux-professionnels-desante/Usage-detourne-de-ketamine-et-de-tiletamine-modifications-reglementaires/(language)/freFR [6] ANSM. Demande d’autorisation portant sur les stupéfiants ou sur les psychotropes pour les laboratoires de recherche ou d’analyses : http://ansm.sante.fr/Declarer-un-effetindesirable/Pharmacodependance-Addictovigilance/Reglementation/(offset)/6 [7] Arrêté du 1er février 2013 relatif à la délivrance et à l’utilisation de médicaments employés par les établissements agréés en tant qu’utilisateurs d’animaux à des fins scientifiques, NOR : AGRG1240332A [8] DGAL, 28 juin 2011. Note de service DGAL/SDSPA/N2011-8150, Pharmacie vétérinaire en expérimentation animale, 7 p. [9] KOLF-CLAW M, 2009. Compte-rendu de la réunion du 20 mai 2009, Pharmacie vétérinaire dans les établissements d’expérimentation animale, 14 p. [10] VANDAELE Eric, 2011.Connaître les règles des stupéfiants pour utiliser la méthadone, Le Point Vétérinaire, 230 : 8-9. Concernant les ordonnances sécurisées (dernière consultation : juin 2014) : http://www.meddispar.fr/Substances-veneneuses/Medicaments-stupefiants-etassimiles/Conditions-de-prescription http://www.sante.gouv.fr/ordonnances-securisees.html 18 Séminaire Neurocampus Bordeaux 19 septembre 2014 Concernant la pharmacovigilance vétérinaire (dernière consultation : juin 2014) : Code de Santé Publique, Article R5141-89 à 110 (www.legifrance.gouv.fr) Concernant la destruction des stupéfiants (dernière consultation : septembre 2014) : http://www.meddispar.fr/content/download/7509/131569/file/proceduredenaturation-destruction-stupefiants(1).pdf Concernant l’importation et l’utilisation d’un médicament vétérinaire, sans AMM en France, en vue d’expérimenter ou d’exportation (dernière consultation : septembre 2014) : https://www.anses.fr/fr/content/importation-sans-amm-en-vuedexp%C3%A9rimentation-ou-dexportation 19