Les syndicats et le changement climatique

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n° 02 • octobre 2011
Pour que les politiques en matière de changement
climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables
au changement climatique
Résumé1
1. Transformer les menaces
en opportunités : une Transition Juste
3
2. Changement climatique pour tous
et impacts différenciés
4
3. Une Transition Juste dans les Pays
les Moins Avancés (PMA) : politiques visant
à réduire la vulnérabilité
et garantir la justice sociale
5
4. Recommandations pour les syndicats dans
les PMA
15
Conclusion17
Bibliographie18
L
Avec
le soutien de
INSTITUT BELLEVILLE
coopération syndicale internationale
e cadre conceptuel de la Transition Juste est l’une des contributions du mouvement syndical
international au débat international actuel sur l’adaptation au changement climatique et
son atténuation. Si le concept de Transition Juste a déjà engendré de nombreux débats
d’envergure, les discussions n’ont pas encore abouti à son utilisation dans des contextes
sociaux-économiques spécifiques. C’est dans le but de cibler un tel contexte que le présent
rapport mettra l’accent sur les Pays les Moins Avancés (PMA), en examinant la pertinence du cadre
de la Transition Juste face aux enjeux spécifiques auxquels ils sont confrontés. Plutôt qu’une proposition très élaborée pour une politique de Transition Juste dans les PMA, le présent rapport doit être
envisagé comme une tentative d’analyser le potentiel des politiques de Transition Juste, ainsi que
les possibilités d’actions syndicales, dans les PMA. Des syndicats dans les PMA ont contribué à ce
rapport qui a pour but d’être enrichi dans le futur par de plus amples contributions de syndicats et
d’organisations partenaires.
Résumé
Les PMA sont tout particulièrement vulnérables aux impacts du changement climatique. Au-delà
de l’obligation morale envers les générations futures, rendre les PMA moins vulnérables face aux
changements climatiques représente une opportunité sans précédent de créer des emplois décents
et d’améliorer les conditions de vie de tous. Il faut considérer les politiques de Transition Juste
comme un ensemble d’instruments permettant d’atteindre un tel objectif, au travers des politiques axées sur le développement de systèmes de protection sociale, d’investissements améliorant
l’accès aux services publics sans spolier les ressources naturelles, mais aussi sur la promotion de la
démocratie et du dialogue social, de l’éducation et du développement de compétences, entre autres.
De par leur présence au cœur du système économique, les syndicats peuvent devenir des acteurs clés
de toutes les politiques de Transition Juste1. Dans un certain nombre de pays, ils ont déjà commencé
à promouvoir activement des politiques de Transition Juste adaptées aux réalités économiques,
culturelles et sociales spécifiques des populations locales.
1. Les actions syndicales incluent la prise de positions, l’influence sur les décisions gouvernementales, le dialogue social,
la sensibilisation et les programmes de formation, les actions sur les lieux de travail, la construction d`alliances et de
réseaux et la mobilisation de ressources.
La CSI souhaite remercier l’Institut Belleville et
la Confédération Française et Démocratique du
Travail (CFDT) pour leur soutien financier lors de la
présente recherche, leur dévouement pour l’action
climatique, leur solidarité et leur engagement envers
le renforcement de capacités des syndicats dans
les PMA. Ce rapport est le résultat de discussions
entre syndicalistes au sein du mouvement syndical
international, à Bonn, en juin 2011, de contributions
par le biais des listes électroniques de la CSI et d’une
rencontre de délégué(e)s de travailleuses et de
travailleurs lors d’un atelier de travail organisé en
juillet 2011.
La CSI souhaite également remercier le personnel et les
membres du Congrès du Travail du Sierra Leone (SLLC
en anglais) pour leurs commentaires éclairés et leur
intérêt sans faille pour cette recherche.
Information et recherche
Le droit à l’information
Identifier les priorités locales
Mettre en place des plans
de diversification économique
Comprendre
les impacts du
changement
climatique sur les
marchés du travail
Protection sociale
et transformation du travail
informel en emploi décent
Accès à une éducation
de qualité
Formation professionnelle
Protection sociale
Formation
et développement
de compétences
Investissements
dans une économie
socialement et
économiquement
durable
Transition Juste
dans les PMA
Droits, démocratie
et dialogue social
Sources internationales de financement
(APD, Finance climatique et envoi de fonds
à l’étranger)
Sources nationales de financement
(Impôts, subventions sur les combustibles
fossiles et stratégies nationales de
développement)
Normes du travail
Démocratie
Droits de l’homme
Dialogue social
pAgE 3
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
1. Transformer les menaces
en opportunités : une Transition Juste
La crise climatique ne peut pas être séparée des
différentes crises connexes qui affectent actuellement les conditions de vie des populations : crise
énergétique, alimentaire, économique et financière. Tout comme ces crises, l’origine de la crise
climatique réside dans le modèle de croissance
actuellement en vigueur, injuste, écologiquement
non viable et inefficace en terme économique ; un
modèle qui a plongé des milliers de personnes dans
la pauvreté (CSI 2010, 1). Lutter contre les effets
de ces crises multiples – dont le changement climatique – implique de concevoir de façon collective
un nouveau modèle de développement qui protège
les travailleuses et les travailleurs vulnérables
et leurs communautés à travers la résistance au
changement climatique1, et la justice sociale et
environnementale. En d’autres termes, la nature
connexe de ces multiples crises exige une approche
holistique. Afin d’être efficaces, les luttes contre le
changement climatique et l’inégalité sociale dans
les pays vulnérables doivent être traitées de façon
simultanée par l’élaboration d’un cadre général
garantissant une transition inclusive vers une
économie plus respectueuse de l`environnement
et plus juste. C’est précisément l’ambition du
mouvement syndical, proposée dans le cadre de la
Transition Juste.
La mise en place d’un cadre de Transition Juste est
primordiale pour garantir la transition vers une
économie à faible consommation de carbone qui
garantisse de meilleures conditions de vie pour les
travailleuses, les travailleurs, leurs familles et leurs
communautés. Cette approche garantira aussi la
planification et la mise en place collective de décisions et de politiques par le biais de la participation citoyenne. Une Transition Juste implique une
distribution équitable des efforts, entre les pays et
au plan national. En d’autres termes, les pays qui
ont contribué le plus au changement climatique
doivent aussi contribuer le plus à l’effort collectif
de mitigation, par rapport à leurs pays homologues
en voie de développement. Cela implique aussi que
ces mêmes pays fournissent une assistance aux
pays les plus pauvres pour qu’ils puissent s’adapter
1. La résilience au changement climatique est la capacité
des sociétés humaines et des écosystèmes à tolérer les
perturbations et à se rétablir.
aux impacts du changement climatique. Un cadre
de Transition Juste doit intégrer des politiques qui
promeuvent la prospérité et réduisent les inégalités.
Une telle action passe par la création d’emplois et
la transformation des emplois existants de façon
à protéger simultanément les travailleuses et les
travailleurs et le climat. En d’autres termes, une
politique de Transition Juste participe à une stratégie plus générale de développement qui vise à la
fois plus de prospérité économique, plus de justice
sociale et plus de protection environnementale.
Un cadre de Transition Juste suppose les orientations politiques suivantes :
mm Des investissements qui soutiennent les
secteurs économiquement viables et respectueux de l` environnement. Investir de manière
significative dans les secteurs de l’énergie propre,
du transport public et du logement doit devenir
une priorité. Ces investissements doivent contribuer à un développement résilient qui protège
l`environnement, contribue au « verdissement»
de tous les lieux de travail, et encourage le développement et l’accès aux technologies vertes et
créer des emplois décents.
mm Un dialogue social et une consultation démocratique des partenaires sociaux et des
parties prenantes. La consultation syndicale et
l’engagement populaire sont indispensables à un
processus de transition réussi. Les droits syndicaux et démocratiques doivent être reconnus et
constituer le fondement de tout processus de
décision politique.
mm Le développement des formations et des
compétences. Par ses implications immédiates
et ses effets indirects (en particulier à travers
les politiques de mitigation), le changement
climatique touchera directement et transformera profondément le monde du travail. Les
technologies, les biens et les services existants seront remplacés par de nouveaux. De
nouvelles méthodes de production et outils, de
nouveaux modèles de consommation devront
être imaginés, conçus et mis en place. Pour que
ces changements s’opèrent de façon cohérente
et efficace, il faudra former les travailleurs et
les travailleuses. C’est seulement à ce momentlà qu’il sera possible de développer et d’absorber
de nouvelles technologies, et de tirer pleinement
profit des énormes investissements dans les
technologies vertes.
mm La protection sociale. Afin de pouvoir mieux
gérer la vulnérabilité accrue au changement
climatique, les programmes de protection sociale
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Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
existants devront être adaptés (et mis en place
si nécessaire). Historiquement, les programmes
de protection sociale ont toujours représenté la
protection la plus efficace contre les diverses
difficultés de la vie, souvent les plus imprévisibles (chômage, maladie, famine, mauvaises
conditions de vie, etc.). De ce point de vue, la
menace posée par le changement climatique ne
doit pas faire figure d’exception.
mm Information et recherche. La recherche sur
les impacts sociaux du changement climatique
et des politiques liées au climat, tout comme leur
évaluation précoce, sont essentielles. Les décideurs
politiques et les citoyens doivent être au fait des
options disponibles et de leurs résultats escomptés.
Il faut privilégier les politiques qui créent le plus
d’emplois verts et décents, et qui contribuent le
plus au développement. Comme nous le verrons,
certains secteurs économiques reculeront – et dans
certains cas disparaîtront – en conséquence non
seulement du changement climatique mais aussi
des décisions prises en matière de politiques et
d’investissements pour atténuer ses effets. De
nouvelles possibilités d’emploi devront donc être
créées pour compenser ces pertes (Rosemberg
2011, 13).
2. Changement climatique pour tous
et impacts différenciés
Certes, le changement climatique est le fait de la
nature et de l’homme, mais il faut reconnaître que
ce dernier a substantiellement accéléré et accentué
la tendance globale. Selon le GIEC2, les concentrations atmosphériques mondiales de dioxyde de
carbone, de méthane et d’oxyde nitrique résultant
des activités humaines ont augmenté de manière
significative depuis 1970 et dépasse aujourd’hui
de loin les niveaux préindustriels (GIEC 2007, 2).
Rejetés dans l’atmosphère, les Gaz à Effet de Serre
émis par l’homme (GES) retiennent les radiations
solaires dans l’atmosphère, contribuant ainsi à une
augmentation planétaire des températures (PNUE
et Sustainlabour 2008, 7-9). Si, historiquement, ce
sont les Pays les Moins Avancés (PMA) qui ont le
moins contribué au changement climatique, son
2. Le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du
Climat (GIEC) est composé de scientifiques du monde entier.
Le GIEC analyse de façon complète, objective, ouverte et
transparente les informations scientifiques, techniques et
socio-économiques sur les risques, l’adaptation et l’atténuation
du changement climatique. Plus de 2 500 scientifiques ont
participé à l’élaboration du dernier rapport en 2007. Pour plus
d’informations, consultez le site www.ipcc.ch
caractère global, conjugué au fait que les PMA sont
les moins armés pour atténuer ses effets, impliquent que ces populations souffriront le plus de ses
effets.
Parmi les effets les mieux répertoriés du changement climatique, on peut citer l’élévation du niveau
de la mer, des phénomènes météorologiques
extrêmes plus fréquents et intenses, des cycles
de précipitations de plus en plus variables et une
augmentation de l’insécurité alimentaire. Certains
événements climatiques sont liés à la situation
géographique, facteur naturel mais une plus
grande concentration de GES dans l’atmosphère
engendrera une augmentation de la fréquence et
de l’intensité
des phénomènes météorologiques extrêmes, tels
que les sécheresses, les orages et les ouragans.
Comme tout événement climatique extrême,
les ouragans touchent principalement ceux qui,
généralement dans les pays en voie de développement, souffrent déjà des effets de la pauvreté et
des inégalités sociales. Entre 2000 et 2004, plus de
98 % des 262 millions de personnes touchées par
les catastrophes climatiques vivaient dans des pays
en voie de développement (CSI 2009, 17).
La variabilité croissante des précipitations compromettra l’accès à l’eau potable et augmentera le
risque de maladies hydriques (PNUE et Sustainlabour 2008, 13). Elle augmentera aussi l’insécurité
alimentaire dans les pays les plus vulnérables.
Selon la FAO3, le changement climatique affectera
les quatre volets de la sécurité alimentaire, qui sont
l’accès à la nourriture, la disponibilité et l’utilisation
de la nourriture et la stabilité des systèmes de
nourriture. Il va sans dire que ce sont les populations déjà vulnérables et souffrant « d’insécurité
alimentaire » qui risquent d’être les premières et
les plus gravement touchées (FAO 2008, iii).
Le problème de l’élévation des niveaux de la mer
est particulièrement grave si nous considérons qu`à
l’heure actuelle, plus de la moitié de la population
mondiale habite à moins de 60 km de la mer. Le
risque d’inondations côtières s’intensifiera. Le sel
contaminera les sources d’eau souterraines dans
les zones côtières, réduisant ainsi la quantité d’eau
potable disponible pour les populations locales et
la nature environnante. Il faut préciser dès lors que
34 % des décès attribués au changement climatique
se produisent dans les PMA ; la cause principale
étant l’augmentation du nombre de cas de paludisme
et de maladies d’origine hydrique. Ce taux devrait
atteindre un niveau alarmant de 41 % d’ici à 2030
(DARA 2010, 16). Pour les populations côtières, cela
3. L`Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO en anglais)
pAgE 5
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
signifiera une plus grande exposition à des maladies
potentiellement mortelles, et des migrations forcées
vers les terres. Au Pakistan, les inondations ont tué
plus de 1 500 personnes en la seule année 2010.
Aux îles Carterets, à l’est de la Papouasie-NouvelleGuinée, l’élévation des niveaux de la mer a obligé des
communautés entières à abandonner leurs maisons
et à migrer vers les hauteurs à l’intérieur des terres
(Box 2009, 1).
2.1. Les PMA sont plus vulnérables au changement
climatique
Pourquoi les PMA sont-ils plus vulnérables ?
(Dimension internationale)
La plupart des PMA ne possèdent pas les ressources
nécessaires pour gérer les effets du changement
climatique. De plus, leur situation géographique
augmente généralement leur exposition aux
catastrophes climatiques et à leurs conséquences
humaines et matérielles. Un certain nombre de
PMA sont situés dans des zones tropicales et
subtropicales: des zones qui seront sévèrement
touchées par le changement climatique (PNUE et
Sustainlabour 2008, 30). Leur plus grande dépendance à l’égard de ressources sensibles au climat
augmente aussi l’exposition des PMA aux risques
liés au climat. En Afrique Sub-saharienne (la
où se situent la plupart des PMA), par exemple,
environ 90 % de la production agricole dépend
des pluies saisonnières et ceci dans une région où
l’agriculture représente 70 % de l’emploi régional
et 35 % du produit national brut.
Il manque souvent aux PMA les savoir-faire, infrastructures et institutions nécessaires, et ils n’ont
ni les compétences ni les ressources financières
suffisantes pour gérer les impacts du changement
climatique. En 2004, par exemple, la République
Dominicaine et son voisin Haïti (PMA) ont été
frappés par l’ouragan Jeanne. À cause de leur
moindre capacité à gérer les ouragans (pauvreté,
manque de systèmes d’alerte précoce, installations fragiles dans des zones à haut risque, etc.),
les Haïtiens, plus vulnérables, ont subi plus de
pertes humaines que leurs voisins dominicains.
En République Dominicaine, environ 2 millions
de personnes ont été touchées par l’ouragan. Il y
eut 23 victimes et le processus de réparation fut
relativement bien coordonné et efficace. A Haïti,
au contraire, plus de 2 000 personnes ont perdu la
vie dans la seule ville de Gonaïves et des dizaines
de milliers d’autres se sont soudainement retrouvées enfermées dans un cercle vicieux de pauvreté
(PNUD 2007, 182). L’expérience tragique de
Jeanne montre comment des facteurs structurels
entravent la capacité des PMA à gérer les catastrophes climatiques. Parmi ces facteurs, on peut
noter par exemple: leur position de faiblesse dans
les relations commerciales internationales, leurs
niveaux élevés de dette publique, et les pressions
qui en résultent de la part des institutions financières internationales comme la Banque Mondiale
ou le Fonds Monétaire International.
Au sein des PMA, qui est le plus vulnérable ?
(Dimension nationale)
La vulnérabilité n’est pas uniformément répartie au
sein des PMA. Les familles et les travailleurs à faible
revenu, les femmes, les minorités ethniques et les
personnes âgées sont particulièrement vulnérables
aux effets du changement climatique. Alors qu’une
telle affirmation peut paraître évidente, il est difficile d’accéder a des statistiques désagrégés pour
l`illustrer. L’ouragan Katrina (2005) et ses répercussions offrent un exemple frappant de la plus
grande vulnérabilité des communautés pauvres
aux conditions climatiques extrêmes. Bien que les
États-Unis ne soient pas un PMA, les habitants des
quartiers les plus pauvres de la Nouvelle-Orléans
ont été beaucoup plus touchés par l’ouragan que
ceux situés dans les quartiers plus aisés. Trop de
familles à faible revenu ont subi des pertes de vie
et d’emploi du simple fait d’être privées des besoins
les plus élémentaires (logements solides et décents,
assurances, etc) (Younge 2005, 1).
3. Une Transition Juste dans les Pays
les Moins Avancés (PMA) : politiques
visant à réduire la vulnérabilité
et garantir la justice sociale
Ce qui se dégage de cet état des lieux succinct des
PMA et de leur plus grande vulnérabilité aux événements climatiques, est le fait que les politiques de
Transition Juste doivent prendre en compte les
réalités nationales et sous-nationales. Dans les
pays en voie de développement, deux questions
seront particulièrement centrales pour établir des
politiques de Transition Juste. D’une part, les PMA
devront s’attaquer aux problèmes spécifiques liés
au changement climatique dans les pays en voie de
développement. D’autre part, ils devront s’assurer
que les politiques mises en œuvre pour faire face
à ces enjeux, contribuent – plutôt que ne freinent
– à leur développement global (les vecteurs de
réussite incluent la création d’emplois décents, la
lutte contre la pauvreté et l’adoption d’un modèle
de développement durable). Les politiques poursuivies dans ces pays doivent promouvoir des techniques d’adaptation au changement climatique
innovantes, tout en s’appuyant sur ces efforts pour
imposer un nouveau modèle de développement qui
crée des emplois décents, protège l’environnement
page 6
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
et garantit un avenir décent et prospère pour tous.
En nous appuyant sur les cinq thèmes du cadre de
la Transition Juste présentés dans leurs grandes
lignes dans la section 1, nous proposons des politiques qui répondent aux enjeux, spécifiques et
divers, auxquels doivent faire face ces pays, des politiques qui contribuent efficacement à de nouvelles
opportunités durables de développement et de
meilleures conditions de vie pour les travailleuses,
les travailleurs et leurs communautés.
3.1. Investir dans une économie durable au niveau
économique et social
Afin de construire des économies résilientes au
climat dans les PMA, des investissements très
considérables seront nécessaires, investissements
qui ciblent spécifiquement les secteurs qui créent
des emplois décents, augmentent la cohésion
sociale et préservent les ressources naturelles de
la planète. Ceux-ci incluent des investissements
dans des domaines comme les infrastructures qui
protègent de façon durable les communautés des
risques liés au climat ; la génération d’électricité de
sources renouvelables et l’efficacité énergétique ;
les services de santé ; l’accès à l’eau, sa gestion et
son assainissement ; les transports en commun ;
l’agriculture ; la préparation et la réponse aux
catastrophes et la gestion des déchets. Dans le paragraphe suivant, nous mettrons en exergue deux
secteurs – l’énergie et l’agriculture – afin de montrer
les potentiels bénéfices sociaux, économiques et
environnementaux d’investissements ciblés.
3.1.1. L’énergie
Grâce à des investissements ciblés, les énergies
renouvelables peuvent créer des emplois décents,
permettre aux plus vulnérables d’avoir accès à une
source d’énergie suffisante et bon marché, et de
façon plus générale, favoriser le développement
durable. Afin d’atteindre ces objectifs, les sources
d’énergie renouvelable doivent être introduites
dans l’éventail énergétique des PMA. Un certain
nombre d’études ont démontré que les investissements dans les énergies renouvelables ont un
effet positif en termes de création d’emplois dans
le secteur énergétique dans son ensemble. Il a été
démontré notamment que les énergies renouvelables généraient plus d’emplois par unité de
capacité installée, par unité de courant généré et
par dollar investi que les combustibles fossiles (OIT,
PNUE, CSI et OIE 2008, 6). Les investissements
dans les énergies renouvelables créent également
des emplois dans le financement, la distribution,
l’installation et l’entretien des systèmes d’énergie
renouvelable. Le Sénégal est un exemple de
l’efficacité de ces programmes. Dans ce PMA, les
projets d’électrification rurale utilisent les énergies
renouvelables (PNUE, CNUCED et UN-OHRLLS
2011, 6). De plus, les programmes d’efficacité énergétique dans le secteur de la construction réduisent
de façon considérable les niveaux nécessaires de
chauffage et de climatisation dans les bâtiments
rénovés, réduisant ainsi les factures d’électricité,
créant des emplois locaux et diminuant les pressions sur la génération de courant (OIT, PNUE,
CSI et IOE 2008, 10). Dans les PMA, où 77 % de la
population n’a pas d’accès adéquat à l’électricité,
les énergies renouvelables peuvent créer des
emplois et offrir l’électricité aux communautés les
plus pauvres à des prix abordables (et sans avoir à
construire un réseau d’électricité national).
3.1.2. Exploitation agricole familiale
Les investissements au niveau de l’agriculture
familiale peuvent aider à améliorer les conditions
de travail et de vie des agriculteurs et agricultrices
et de leurs familles dans les PMA.
Dans les exploitations familiales – de préférence
biologiques – les fermiers, les travailleuses et
les travailleurs agricoles sont moins exposés
aux produits chimiques dangereux que dans les
fermes conventionnelles/industrielles. (De plus,
la tendance évolue vers plus d’exigence qualitative à l’égard des produits de la part du public.)
L’agriculture biologique est aujourd’hui pratiquée sur 37 millions d’hectares, dans 160 pays, et
a presque quadruplé au cours des dix dernières
années. Le nombre de producteurs biologiques est
en pleine expansion dans les PMA, particulièrement dans les pays africains comme le Burkina
Faso, l’Éthiopie, la Tanzanie et l’Ouganda. Le prix
des produits issus de l’agriculture biologique est
généralement plus élevé que celui des produits agricoles conventionnels. En Ouganda, par exemple,
les études ont montré qu’en 2006, le prix de vente à
la ferme de l’ananas, du gingembre et de la vanille
biologiques était respectivement 3 fois, 1,85 fois
et 1,5 fois plus élevé que celui des produits issus
de l’agriculture conventionnelle (PNUE, CNUCED
et UN-OHRLLS 2011, 7-11). Si les prix à la ferme
sont favorables aux agriculteurs, les politiques qui
favorisent l’agriculture biologique doivent garantir
aux communautés locales et aux personnes les plus
pauvres un vrai accès à des produits de qualité. En
d’autres termes, les stratégies d’investissements
doivent veiller à ce que les produits agricoles de
qualité soient, avant toute chose, accessibles aux
populations locales.
3.1.3. Autres secteurs
Les investissements dans les transports publics
contribuent de façon significative à un modèle de
développement juste et durable. Premièrement,
des réseaux de transport public plus denses et
pAgE 7
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
plus efficaces permettent aux travailleuses et aux
travailleurs de se rendre facilement sur leur lieu
de travail. Deuxièmement, l`accès a de nouvelles
zones géographiques permet aux travailleuses et
aux travailleurs, de façon indirecte, de trouver de
meilleures opportunités de travail. Troisièmement,
les investissements dans les transports publics
créent de nouveaux emplois dans le secteur du
transport. Enfin, ils réduisent les niveaux de pollution dans les zones urbaines et, de ce fait, améliorent globalement la santé publique.
Les investissements dans les systèmes de santé
publique peuvent aussi jouer un rôle important
dans le processus de Transition Juste. Correctement ciblés, les investissements dans la gestion
des déchets, par exemple, aident à protéger
l’environnement et la santé publique, et dans
certains cas, à améliorer les conditions de travail.
Au lieu de travailler de façon informelle sans
protection sociale ni équipement de protection, les
ramasseurs de déchets, par exemple, pourraient
être embauchés par des entreprises publiques qui
garantissent de bonnes conditions de travail et un
salaire adéquat à ses employés.
Dans le domaine de la gestion de l’eau, les investissements dans le contrôle des inondations et
les systèmes d’alerte précoces (pour les catastrophes naturelles) contribuent également à la santé
publique, la sécurité et à des emplois stables.
Étant donné leur importance, les stratégies
d’investissements susmentionnées doivent être
le résultat de politiques publiques concertées
qui incluent les différents partenaires sociaux et
représentants de la communauté.
Comme nous le verrons dans la sous-section
suivante, deux enjeux majeurs pour les pays
vulnérables et à faible revenu sont : (1) le financement de projets à long terme dans l’intérêt public
(indépendamment de leur viabilité économique
à court terme) ; (2) l’attraction d’investissements
de la part des donneurs internationaux pour des
initiatives qui ne bénéficient pas toujours de la
même visibilité que d’autres projets de développement plus traditionnels.
3.2. Investissements publics et privés pour
atténuer les effets du changement climatique
L’État a un rôle fondamental à jouer dans la promotion d’un modèle de développement plus résilient,
durable plus respectueux de l’environnement
et plus juste socialement. Un grand nombre de
mesures structurelles d’adaptation essentielles ne
peuvent être entreprises que grâce à des investissements publics (Pacte Mondial des Nations Unies,
PNUE, Oxfam, WRI 2011, 9). Les investissements
publics doivent cibler les projets qui augmentent la
résilience, améliorent la qualité des services publics
et promeuvent la création d’ emplois décents.
Alors que la contribution de l’État sera centrale,
le secteur privé devra aussi participer à l’effort
collectif. Les entreprises devront intégrer plus
systématiquement la dimension du changement
climatique et des approches à long terme dans
leurs stratégies d’investissement. Plusieurs études
ont démontré que le financement de l’adaptation
et de la résilience sont des approches sensées d’un
point de vue économique. Le Vietnam (même s’il
ne fait pas partie des PMA) est un exemple pertinent. L’étude d’un projet de plantation de palétuviers conçu pour protéger les populations côtières
des houles lors des tempêtes au Vietnam a évalué
les profits économiques des investissements verts à
52 fois plus élevés que ceux obtenus par le biais de
stratégies d’investissement traditionnelles (Pacte
mondial des Nations Unies, PNUE, Oxfam, WRI
2011, 16).
3.2.1. Sources internationales de financement
Un nombre important de sources innovantes de
financement pour les emplois verts et décents et
pour la résilience climatique existent au niveau
international. Parmi les plus régulièrement citées,
on trouve l’Aide Publique au Développement
(APD) (a), la finance climatique (b) et les envois
de fonds à l’étranger (c).
(a) Aide Publique au Développement
La première, et peut-être la source de financement
international la plus évidente est le financement
officiel versé avec la promotion du développement
économique et du bien-être des pays en voie de
développement comme objectif principal : l’Aide
Publique au Développement (APD). Certaines
conditions essentielles doivent être remplies pour
que l’APD contribue au processus de Transition
Juste. Premièrement, les pays développés doivent
respecter leurs engagements d’allouer 0,7 % de
leur PIB à l’APD. Deuxièmement, l’APD doit intégrer le changement climatique et ses effets potentiels. Selon des études récentes datées de 2007,
entre 17 % et 33 % de toute l’APD était vulnérable
aux effets du changement climatique (PNUD 2007,
191). Pour que les investissements soient adaptés
aux conditions climatiques changeantes (c.-à-d. un
barrage hydroélectrique dans une zone propice aux
sécheresses), l’aide programmatique (à travers des
stratégies de planification et de budget nationaux)
devra être privilégiée par rapport à l’assistance
basée sur des projets. A Kiribati, dans l’océan Pacifique, par exemple, le Gouvernement a collaboré
avec des donneurs pour intégrer les risques liés au
changement climatique dans les stratégies de planification nationale, par le biais de comités ministériels de haut niveau et de programmes d’assistance
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Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
des donneurs qui prennent spécifiquement en
compte les priorités établies dans les programmes
nationaux (PNUD 2007, 196). Selon l’OCDE, les
donneurs ont aussi une responsabilité cruciale
lorsqu’il s’agit d’aider les pays à surveiller les conditions climatiques actuelles et à évaluer les impacts
futurs du changement climatique au niveau
national (OCDE 2009, 19). Une surveillance du
climat plus poussée est bénéfique aux travailleuses
et travailleurs et à leurs communautés. Au Mali,
par exemple, le service de météorologie national
a développé un programme transmettant les informations relatives aux précipitations et à l’humidité
du sol aux agriculteurs. Dans les régions qui ont
bénéficié de cette information, les rendements et
les revenus ont augmenté de manière significative
(PNUD 2007, 174).
(b) Finance climatique
Dès que les pays développés reconnaissent leur
plus grande responsabilité envers le changement
climatique par rapport aux pays en voie de développement, ils doivent aussi être prêts à financer
leur part de mesures d’adaptation au changement
climatique dans les pays en voie de développement (dont les PMA). De nombreuses problématiques doivent être adressées pour garantir que
ces nouveaux mécanismes financiers améliorent
efficacement la résilience des PMA au changement
climatique et favorisent un nouveau modèle de
développement centré sur la justice sociale.
Selon l’ONU, au moins 86 milliards de dollars US
par an seront nécessaires d’ici à 2015 pour pouvoir
répondre correctement aux besoins en matière
d’adaptation des pays en voie de développement.4
En 2010, les pays développés ont promis de mobiliser 100 milliards de dollars US par an d’ici à
2020 (sans fournir de précisions sur les sommes
qui seraient dépensées pour l’adaptation). Cet
objectif peut être atteint. Il représente moins d’un
dixième des dépenses militaires des pays développés (PNUD 2007, 194). Cependant, sur un total
de 30 milliards de dollars US promis aux pays
en voie de développement pour l’adaptation au
changement climatique dans le cadre du “Fast start
finance”, le programme de financement accéléré
pour la période 2010-2012, seulement entre 11%
et 16 % des fonds ont réellement été consacrés à
l’adaptation. Ceci représente la maigre somme de
3 milliards de dollars US (Ciplet et al. 2010,1).
Plusieurs facteurs détermineront dans quelle
mesure ces ressources peuvent contribuer à une
Transition Juste (entre autres, des questions de
4. Cette somme n’inclut pas les investissements dans les
énergies propres, dans l’exploitation durable des forets et
dans d’autres secteurs liés à l’atténuation.
gouvernance et de sources de financement). Afin
d’assurer une gouvernance convenable, une proposition a été faite en faveur d’un « Fonds Vert pour
le Climat » (FVC) qui comporterait une représentation équitable entre pays développés et ceux en
voie de développement. Pour qu’il réussisse , le
Fonds devra être ouvert, transparent, tenu responsable et dirigé de façon démocratique (donnant
une voix aux personnes les plus vulnérables à
travers le monde). Les ressources du FVC devront
faire part des plans de développement nationaux
qui devront être formulés, mis en œuvre et révisés
en collaboration étroite avec les organisations de
la société civile. Malheureusement, au moment de
la rédaction du présent rapport, on ne connaît pas
la part des 100 milliards de dollars US promis qui
passera par le Fonds, ni la contribution des partenaires de la société civile à son fonctionnement.
Une autre question importante concerne les
sources de financement. Il y a un risque réel de
voir certains des fonds de l’APD changer de destination pour être alloués uniquement au climat et
de voir les financements liés au climat doublement
comptés comme de l’APD et de la finance climatique. Le fonds doit fournir aux pays développés des
directives claires afin d’éviter de tels phénomènes.
Il doit aussi être capable de mettre en place des
mesures disciplinaires, au cas où ces directives ne
soient pas mises en application. Le FVC pourrait
être approvisionné par l des sources innovantes de
financement (une Taxe sur les Transactions Financières (FTT en anglais), des taxes sur le transport
aérien et maritime avec des compensations pour
les PMA, entre autres), complétées par des contributions supplémentaires de la part des gouvernements nationaux. La structure de la gouvernance
et les sources de financement devront garantir que
les PMA reçoivent l’intégralité des fonds promis,
et que le financement public répondront aux
besoins des populations, en particulier en termes
d’adaptation.
(c) Envois de fonds à l’étranger
Au-delà des accords bilatéraux et multilatéraux,
les envois de fonds à l’étranger des migrants internationaux pourraient également contribuer à des
stratégies de développement résilient. Il va sans dire
que la responsabilité du développement incombe,
avant toute chose, au gouvernement et que les
envois de fonds – des transferts privés d’argent
entre particuliers (amis et famille) – doivent seulement compléter les stratégies menées par l’État.
Cependant, les envois de fonds peuvent contribuer
à l’effort global et à financer des projets de développement entrepris par l’État. Le programme
mexicain « Dos por Uno » est un exemple pertinent
d’une initiative coordonnée entre gouvernement
et migrant (bien que le Mexique ne soit pas un
pAgE 9
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
PMA). Pour chaque peso qu’une travailleuse ou un
travailleur migrant dépose dans le fonds « Dos por
Uno », le Gouvernement fédéral du Mexique et les
pouvoirs publics dépensent deux pesos dans des
travaux publics qui améliorent le bien-être collectif,
comme la construction ou la rénovation de centres
de santé (El Universal 2006,1). Pour qu’ils réussissent et pour qu’ils encouragent les migrantes,
les migrants et les communautés bénéficiaires à
contribuer à la mise en place du programme, les
projets sur les envois de fonds doivent être gérés de
façon transparente.
Combinées, ces sources internationales de financement du développement peuvent contribuer de
manière significative à l’adaptation des PMA au
changement climatique et à des modèles de développement plus résilient.
Malheureusement, les sources internationales de
financement seules ne seront pas suffisantes. Des
stratégies nationales et des sources de financement innovantes devront être mises en place.
Celles-ci incluent, entre autres, la réforme des
systèmes fiscaux nationaux, la suppression de
certaines subventions (comme les subventions sur
les combustibles fossiles) et une meilleure intégration du changement climatique dans les stratégies
de développement nationales.
résilience au changement climatique. Ce fonds est
géré et mis en place par l’État avec le soutien et la
participation de ses partenaires de développement
et de la société civile (Martinez et Bastemeijer
2011, 285).
Dans les deux cas, nous devons, en tant que syndicats, faire en sorte que les fonds pour la résilience
au changement climatique soient gérés de façon
démocratique et transparente.
3.2.2. Sources nationales de financement
(c) Repenser les subventions aux combustibles
fossiles
La question de l’équité doit être intégrée dans les
décisions visant à transformer les subventions aux
combustibles fossiles. Les gouvernements des PMA
utilisent une part substantielle de leurs ressources
financières pour subventionner les combustibles
fossiles. Malgré que les bénéfices financiers liés
à la réduction des subventions aux combustibles
fossiles soient évidents, leurs effets néfastes sur
les foyers les plus pauvres qui comptent sur le
faible coût des combustibles fossiles ne doivent
pas être négligés. Les gouvernements, en consultation avec les syndicats et les communautés,
doivent compenser les pertes pour les foyers les
plus pauvres à travers des subventions nouvelles
qui leur sont spécifiquement destinés. Le Ghana
représente une expérience instructive (bien que ne
relevant pas d’un PMA). Le gouvernement a utilisé
les résultats d’une analyse de l’impact social et
sur la pauvreté (en 2005) qui a démontré que les
personnes aux revenus les plus élevés ont tendance
à bénéficier le plus des subventions pétrolières . Par
conséquent, le gouvernement ghanéen a organisé
un débat public et parlementaire pour débattre
spécifiquement de la réforme des subventions.
Suite au débat, le gouvernement ghanéen n’a pas
seulement réduit ses subventions pétrolières, mais,
en parallèle, il a supprimé les frais de scolarité
dans les écoles primaires et secondaires. Il a
(a) Transformer les impôts sur les sociétés
Au niveau national, les investissements nécessaires
dans le domaine de la résilience au changement
climatique et des emplois verts et décents pourraient provenir de politiques fiscales progressives.
Les impôts sur les entreprises doivent être
augmentés (tout particulièrement les taxes sur
les entreprises qui dépendent de l’utilisation et
de l’extraction de ressources naturelles). Les
recettes publiques augmenteraient de façon
significative dans les PMA grâce à l’instauration
(ou l’augmentation) de taxes sur les ressources
naturelles. Un exemple pertinent nous vient d’
Équateur (bien que ce ne soit pas un PMA). Afin
d’augmenter les dépenses sociales, le gouvernement équatorien a augmenté la taxe sur les profits
pétroliers imprévus (en septembre 2007), augmentant le taux de 99 % sur la différence entre le prix
réalisé et le prix fixé par contrat (ajusté suivant
l’inflation) – une augmentation de 49 % par
rapport au taux de 50 % établi l’année précédente.
Dans le cas des pays privés de ressources naturelles,
les gouvernements peuvent récolter des fonds pour
le changement climatique en mobilisant un pourcentage de leurs recettes globales. Le Bangladesh
a déjà pris cette initiative. En juin 2010, le gouvernement, en collaboration avec ses partenaires
de développement, a mis en place un Fonds de
(b) Réformer les impôts fonciers et les impôts
sur le revenu
En plus des mesures susmentionnées, les impôts
sur le revenu et les impôts fonciers pour les
populations les plus aisées dans les PMA doivent
également être augmentés (et dans certains cas
mis en place). Afin de réduire la vulnérabilité et
d’encourager un modèle de développement résilient et juste au niveau social et environnemental,
une solidarité fiscale entre les riches et les pauvres
est essentielle. Les politiques budgétaires doivent
aspirer à une distribution plus équitable des
ressources. Les réponses au changement climatique doivent adresser les causes sous-jacentes
de la vulnérabilité sociale, vulnérabilité dont une
composante clé est la redistribution injuste de la
richesse (Kelly et Adger 2004, 325).
page 10
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
également augmenté les fonds disponibles pour les
soins de santé primaires et pour les programmes
d’électrification rurale (PNUE, CNUCED et
UN-OHRLLS 2011, 10). En agissant de la sorte, il
a pu veiller à ce que les effets sociaux néfastes liés
à la réduction des subventions soient compensés.
(d) Intégrer le changement climatique dans les
stratégies de développement nationales
L’adaptation au changement climatique et le
soutien aux travailleuses et aux travailleurs et à
leurs communautés doivent constituer une partie
intrinsèque des stratégies de développement nationales. Aujourd’hui, de nombreux investissements
publics ne sont ni résilients au changement climatique, ni porteurs de création d’emplois décents.
Si ces deux aspects étaient mieux incorporés aux
plans de développement, les possibilités de développement durable, de justice sociale et de résilience au changement climatique augmenteraient
de façon significative. Ne pas inclure le changement climatique dans les plans de développement augmente la vulnérabilité des grands projets
d’infrastructures et d’activités agricoles, tout en
diminuant leur rentabilité. Au Cambodge, par
exemple, les réseaux routiers ont été développés
sans prendre en compte les fortes probabilités
d’inondations résultant du changement climatique.
Le gouvernement Cambodgien n’ayant pas intégré
le changement climatique et le besoin d’adapter les
projets d’infrastructure publique en conséquence
dans ses stratégies de développement, les travaux
ont coûté plus cher que si toutes ces informations
avaient été intégrées dès le début des projets. Les
estimations prévoient que 10 millions de dollars
US supplémentaires devront être dépensés afin
de construire des vannes et des dalots adéquats
(PNUD 2007, 175). Les plans de développement
des zones côtières qui n’intègrent pas les risques
d’élévation du niveau de la mer mettent en danger
la vie des populations, les infrastructures de base
et des secteurs entiers de l’économie (OCDE 2009,
4). Il faut également souligner le fait que les stratégies d’adaptation au changement climatique
offrent de nouvelles opportunités d’emplois, et de
ce fait, contribuent à une stratégie de développement résilient. C’est notamment le cas dans le
domaine de la santé et de l’éducation (à travers la
construction et le fonctionnement des centres de
santé et des écoles par exemple).
changement climatique, qui toucheront les lieux
de production et d’habitation et les emplois. Il est
fondamental que les communautés, les travailleurs, les femmes et les autres acteurs concernés
soient consultés, afin d’exprimer leurs inquiétudes
et de soumettre leurs alternatives, et qu’ils soient
complètement impliqués dans la conception et
la mise en application des politiques en matière
d’adaptation et de développement durable. En
d’autres termes, la concertation et le respect des
droits de l’homme et du travail sont fondamentaux
pour que la transition vers un futur plus durable
soit inclusive, juste et efficace.
(a) Les normes du travail
La mise en application des Normes Fondamentales du Travail de l’OIT et d’autres normes du
travail est essentielle pour garantir une Transition
Juste dans les PMA. En proposant un ensemble de
règles et de réponses aux enjeux rencontrés par
les gouvernements, les travailleurs et les employeurs dans les domaines de l’emploi et des lieux de
travail, les normes du travail5 contribuent grandement à la réglementation des marchés du travail
nationaux. Les Normes Fondamentales du Travail
de l’OIT incluent la liberté d’association et le droit
à la négociation collective, l’éradication du travail
forcé et obligatoire, l’abolition du travail des
enfants et l’élimination des discriminations sur le
lieu de travail.
(b) Démocratie
Il est clair que bien qu’essentiel, le respect des
droits du travail ne garantira pas à lui seul un
niveau suffisant d’engagement publique vers la
construction de sociétés véritablement résilientes.
Ce dernier objectif ne peut être atteint qu’à travers
des systèmes démocratiques (des systèmes de
gouvernance transparente et responsable, une
plus grande égalité entre hommes et femmes).
Des parlements élus de façon démocratique, une
société civile active et des syndicats représentatifs
et pluralistes sont des composants clé pour garantir
le soutien populaire indispensable à une transition
durable vers un modèle de développement résilient. Les décideurs politiques doivent veiller à ce
que les femmes aient une représentation et une
participation égales à celles des hommes dans les
5. Sur le lieu de travail, les conventions de l’OIT offrent
3.3. Conditions préalables pour une Transition
Juste dans les PMA
3.3.1. Droits, démocratie et dialogue social
Les communautés dans les pays vulnérables
devront faire face à d’énormes enjeux liés au
des lignes directrices légales très utiles en termes de
participation des travailleuses et des travailleurs dans la
prise de décision. Deux de ces conventions fondamentales
sont des bases légales pour la participation dans la prise
de décision. L’une est la Convention n°87 sur la Liberté
d’association et le droit à la négociation collective (1948) et
l’autre est la Convention n°98 sur le Droit d’organisation et
de négociation collective.
pAgE 11
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
parlements, dans les positions ministérielles de
haut rang, dans les agences de développement
nationales et internationales, etc. et qu’elles puissent travailler sans subir de discriminations.
(c) Droits de l’homme
L’obtention de droits humains, politiques, sociaux,
culturels et d’égalité entre hommes et femmes,
donne du pouvoir aux communautés vulnérables
et les aide de façon indirecte à faire face aux défis
liés au changement climatique. Par effet de miroir,
cela contribue à la réduction de leur vulnérabilité
globale. Le problème majeur est que, dans beaucoup de cas, les personnes ne connaissent pas leurs
droits. Il est donc nécessaire pour les décideurs
politiques et les organisations de la société civile
(dont les syndicats) non seulement de protéger
les droits existants et de demander de nouveaux
droits pour les travailleuses, les travailleurs et
leurs communautés, mais aussi de veiller à ce
que l’information et l’assistance juridique soient
accessibles à tous. Les droits de l’homme sont
particulièrement importants dans le contexte du
changement climatique. Par exemple, lorsque l’on
octroie des droits fonciers adaptés aux communautés, et qu’elles en sont bien informées, elles
occupent moins de campements informels dans
des zones exposées. Les communautés sont aussi
moins victimes d’évictions non-négociées. Un bon
exemple (bien que ne provenant pas d’un PMA)
se trouve en Thaïlande et au Sri Lanka. Après
le tsunami de 2004, les autorités locales se sont
empressées d’utiliser la catastrophe comme excuse
pour expulser les pêcheurs de leurs campements
côtiers, les remplaçant par de grands complexes
hôteliers (Klein 2010, 1). Si les personnes ne sont
pas informées de leurs droits, les événements
directement imputables au changement climatique
(sécheresses, élévation du niveau de la mer, etc.)
peuvent mener à des évictions forcées de communautés de leur terres natales. Même si elles ne sont
pas obligées de partir, les droits des populations
locales (droits à un abri, aux provisions de base,
à l’emploi, à l’éducation) devront toujours être
protégés pour qu’elles puissent reconstruire leur
vie et offrir un avenir meilleur à leurs enfants.
(d) Dialogue social
Le dialogue social et une participation importante
des travailleuses et travailleurs et d’autres acteurs
de la société civile à la planification et à la mise
en application des mesures d’adaptation sont
cruciaux puisqu’ils donnent lieu à des politiques
plus inclusives et efficaces. Une participation forte
augmente les chances que les dimensions sociales
et celles du travail soient adéquatement intégrées
dans les stratégies d’adaptation (OIT 2011a, 2-3).
Des structures et des processus efficaces de dialogue
social peuvent réellement faire la différence dans la
lutte contre le changement climatique. Ils favorisent
la bonne gouvernance, encouragent la paix sociale et
stimulent le progrès économique (PNUE et Sustainlabour 2008, 89-90). La participation des syndicats
aux initiatives de dialogue social sur le changement
climatique et la Transition Juste améliore aussi les
connaissances et les compétences de la base sur le
changement climatique, permet aux travailleuses
et aux travailleurs d’intégrer la question du changement climatique dans leurs activités syndicales
et notamment sur les lieux de travail , et de participer de façon plus active et efficace aux processus
politiques complexes. Selon une étude récente de
l’OIT sur les discussions tripartites sectorielles en
Espagne sur le changement climatique, le dialogue
social contribue à renforcer les connaissances, le
dialogue et la confiance mutuelle entre les parties.
Ceci conduit les partenaires sociaux et les décideurs
politiques à mieux appréhender les enjeux et les
opportunités futurs. En d’autres termes, le dialogue
social minimise les risques de conflit social et, grâce
à son approche consensuelle , donne lieu généralement à des solutions politiques plus efficaces et à de
meilleurs résultats (OIT 2010a, 9).
3.3.2. Formation et développement
des compétences
La transition dans les PMA d’une situation dans
laquelle le changement climatique a des effets
négatifs sur les travailleuses et les travailleurs
et leurs communautés vers une situation dans
laquelle les populations locales, grâce à une
protection sociale adéquate et à un emploi décent,
non seulement s’adaptent au changement climatique mais aussi sortent de la pauvreté, nécessite
un meilleur accès à une éducation de qualité et à la
formation professionnelle.
(a) Accès à une éducation de qualité
Des systèmes éducatifs financés par l’État sont le
pivot de toute stratégie de Transition Juste. De
nombreuses études ont souligné que l’éducation
donne du pouvoir aux communautés vulnérables et
réduit leur vulnérabilité globale. Le gouvernement
a un rôle majeur à jouer pour élever les niveaux
éducatifs et augmenter l’accès à l’éducation des
populations les plus vulnérables, particulièrement les femmes. L’éducation est particulièrement importante dans les communautés rurales.
Les changements dans les périodes de précipitations, par exemple, implique que les agricultrices
et les agriculteurs ne savent plus quand semer,
augmentant le risque de mauvaises récoltes et de
crise alimentaire généralisée. Ces nouvelles circonstances nécessitent des programmes d’éducation
et de formation qui ciblent spécifiquement les
communautés rurales, des communautés qui
page 12
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
sont généralement mal équipées pour faire face
aux conséquences sectorielles du changement
climatique (Palitza 2011, 1). Des systèmes éducatifs bien adaptés et correctement financés aident
les travailleuses et travailleurs non seulement à
s’adapter au changement climatique mais aussi à
améliorer leurs perspectives de carrière. Assortis
à des programmes de recherche et développement nationaux et internationaux, l’ enseignement
supérieur peut aussi aider les PMA à innover et à
développer leurs propres technologies et processus
innovants qui répondent mieux à leurs besoins
géographiques et sectoriels.6
(b) Formation professionnelle
Avec le soutien des employeurs et des syndicats, les
gouvernements doivent adapter et, si besoin est,
mettre en place des instituts de formation professionnelle pour les travailleuses et travailleurs formels
et informels, et les chômeurs. Le changement climatique et ses conséquences concrètes pour les travailleuses et travailleurs devraient être systématiquement inclus dans les programmes et les manuels
de formation. Afin d’adapter les lieux de travail au
changement climatique, des compétences « vertes »
appropriées, traditionnelles et innovantes, devraient
faire partie des programmes de formation. En plus
de résoudre le problème de pénurie de travailleuses
et travailleurs qualifiés, les mesures d’adaptation
créent de nouvelles opportunités d’emploi et
aident les travailleuses et les travailleurs à rester
«employables » au fur et à mesure que l’économie
évolue. Elles fournissent aussi aux travailleuses et
travailleurs informels et aux chômeurs des opportunités d’emploi formel, aident les communautés
vulnérables à diversifier leurs sources de revenu
et permettent aussi aux investissements verts
de déployer tout leur potentiel. A cet égard, les
employeurs ont à la fois un intérêt particulier et une
responsabilité en ce qui concerne le financement de
programmes de formation de leurs employés dans
les nouveaux secteurs « verts ».
3.4. La protection sociale et la transformation
du marché informel
3.4.1. Protection sociale
Dans les PMA, ceux qui sont les plus exposés aux
effets du changement climatique manquent souvent
de protection sociale adéquate. Des systèmes de
protection sociale convenables offrent un niveau
élevé de protection à tous, sans tenir compte de
l’origine sociale, du sexe ou de la localisation
géographique. Une des conséquences du changement climatique est que les mesures de protection
sociale vont devenir primordiales si nous devons
protéger les groupes les plus vulnérables dans les
PMA (Martin Murillo 2011, 27). Les programmes
de protection sociale jouent un rôle décisif
durant les périodes d’instabilité économique qui
suivent généralement les catastrophes naturelles.
Selon l’OIT, la protection sociale, sous forme de
programmes pour les chômeurs, d’assistance
sociale et de travaux publics, aide à prévenir le
chômage de longue durée et raccourcit la durée
des récessions économiques (OIT 2010b, 6). Il
est important de souligner que les programmes
d’emploi doivent intégrer les questions d’égalité
hommes-femmes. Des études de cas dans six
pays africains ont démontré que les programmes
d’emploi dans le secteur agricole n’incluaient pas
les femmes (Heinrich Böll Stiftung 2010, 73).
Les systèmes de protection sociale créent aussi
un large éventail d’opportunités d’emploi. La
construction de centres médicaux, par exemple,
crée des emplois pour le personnel médical, les
travailleurs et travailleuses du bâtiment, les aides
ménagères, etc.
Le débat international actuel sur le Socle de Protection Sociale (SPS)7 est particulièrement pertinent
pour les PMA. Le SPS propose une série de droits
de transferts et de services sociaux fondamentaux
dans des domaines tels que l’emploi, la santé, l’eau
et l’assainissement, la nutrition, l’éducation et le
soutien familial. Ces services protègent et donnent
du pouvoir aux communautés vulnérables, les
aidant à sortir de la pauvreté. Afin que le SPS soit
efficace, les politiques doivent être organisées et
combinées de façon à aider principalement les
plus vulnérables (dont les femmes, les enfants
et les jeunes) (OIT 2011b, 1). Des études ont
montré qu’en moyenne, le SPS coûterait moins
de 2 % du PIB d’un pays, un petit prix à payer au
vu des millions de personnes qui sortiraient de la
pauvreté. Il est aussi primordial de s’assurer que
le SPS contribue à la construction d’un système
de protection sociale plus ambitieux, à travers
une extension horizontale (pour couvrir le plus
de citoyens possible) ainsi qu’une extension verticale (pour augmenter la quantité et la qualité des
7. Le Socle de Protection Sociale est débattu dans de
6. Ces efforts nationaux doivent être complétés par un
« programme d’innovation international ». Une plus grande
coopération et plus d’échanges entre les programmes de
recherche nationaux et internationaux peuvent s’avérer
mutuellement bénéfiques.
nombreuses organisations comme l’OIT et le G20, et
comportera probablement quatre piliers (retraites, chômage,
santé et protection de la mère et de l’enfant), auxquels
pourraient être rajoutés l’assainissement, le logement et
l’éducation.
pAgE 13
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
aides fournies) de la couverture de la sécurité
sociale, tout en portant une attention particulière
au besoin essentiel de travail décent et de participation des partenaires sociaux dans la conception
d’un tel système.
Selon le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD), le changement climatique
justifie fortement le renforcement des programmes
de protection sociale nationaux. Pour le Programme,
quatre domaines sont particulièrement importants :
les programmes pour l’emploi, les transferts d’argent
liquide, les transferts de biens (ou transferts liés à la
crise) et les transferts liés à l’assurance (PNUD 2007,
178). Une expérience instructive (bien que ne provenant pas d’un PMA) est l’Acte de Garantie d’Emploi
Rural National d’Inde de 2005, un programme
d’emploi qui contribue à une Transition Juste. L’Acte
garantit aux travailleurs et travailleuses 100 jours
de travail par an au salaire minimum pour chaque
foyer en milieu rural. En plus de garantir des
revenus stables pour les travailleurs et travailleuses
vulnérables, il permet aussi aux communautés de
choisir de façon collective le type de travaux publics
qu’elles veulent effectuer au niveau local. Il est intéressant de remarquer que la plupart des communautés choisissent des projets liés à l’environnement
(comme la gestion et la conservation de l’eau). Un
autre exemple de programme de protection sociale
qui contribue à réduire la vulnérabilité au changement climatique est l’initiative lancée par le Sierra
Leone Labour Congress (Congrès des Syndicats du
Sierra Leone) qui a créé un programme d’assurance
et d’épargne qui protège les commerçants contre les
risques auxquels ils s’exposent lorsqu’ils transportent leurs marchandises en haute mer, des risques
qui vont probablement s’amplifier avec le changement climatique.
Des systèmes de protection sociale bien financés
et fonctionnant correctement ne doivent pas être
réservés aux pays riches. Alors qu’il peut être
qualifié comme pays en voie de développement
(en 2005 son PIB annuel par personne était de 319
$), le Kirghizistan, par exemple, à mis en place
son propre système public de protection sociale.
En 2002, il représentait seulement 3 % de son
PIB (Green 2008, 209). Dans le contexte actuel
d’instabilité climatique, cette somme sera facilement récupérée car elle évite des pertes énormes
lors d’événements induits par le changement
climatique. La commission africaine de hautniveau, parrainée par le gouvernement britannique, a démontré que les coûts d’une protection
sociale préventive sont inférieurs à ceux induits
par les mesures nécessaires pour répondre aux
crises (Green 2008, 212).
Pour les PMA qui ne sont pas en mesure de financer
un système de protection sociale entier, des
études ont montré qu’une approche progressive
peut aboutir à des résultats impressionnants. En
commençant par des initiatives qui répondent
aux besoins les plus pressants, les programmes
peuvent progressivement être étendus et adaptés
aux priorités nationales, et aux capacités financières et administratives . En 1995, le Népal, par
exemple, a instauré un programme de retraite qui
proposait une pension de retraite aux hommes et
aux femmes de plus de 75 ans. Récemment, ce
seuil a été abaissé à 70 ans. Cet exemple démontre
que des mesures ciblées et progressives peuvent
avoir des effets positifs (UN NGLS 2011, 1).
3.4.2. Transformation des emplois informels
en emplois décents
L’emploi informel représente une partie majeure
de l’emploi global dans les PMA. Au Sénégal,
par exemple, 90 % de tous les emplois sont dans
l’économie informelle. Comme la protection
sociale n’est accordée qu’aux travailleuses et
travailleurs du secteur formel, cela signifie que les
travailleurs et travailleuses informels n’ont accès ni
à la sécurité sociale ni au chômage. En ne déclarant
pas leurs employés, les employeurs ne contribuent
pas à établir une solidarité entre riches et pauvres.
Cette absence de droits et de protection sociale
entraîne une haute vulnérabilité des travailleuses
et travailleurs informels au changement climatique. Une priorité pour les PMA est de transformer le travail informel en travail décent. Dans
certains pays, pour tenter de supprimer l’économie
informelle, les gouvernements ont commencé à
promouvoir de façon active des stratégies d’emploi
décent. Parmi les exemples concernés (bien que ne
provenant pas de PMA) il y a la Bolivie, le Pérou
et l’Équateur où les gouvernements formalisent la
situation des travailleuses et travailleurs du recyclage et améliorent leurs conditions de travail en
créant des cadres institutionnels et des infrastructures gérées par la communauté, et par la mise en
place de coopératives et d’un large dialogue social
(CEPALC et OIT 2010, 11). Au Sénégal, le CNTS
met en place des programmes de formation pour
les travailleurs et travailleuses informels et mène
des campagnes de sensibilisation pour souligner
les avantages à être syndiqué.
3.5. Comprendre les enjeux à venir
Une Transition Juste dans les PMA exige que
les travailleuses et les travailleurs reçoivent une
vraie information sur les enjeux, en particulier
sur la manière dont leurs conditions de vie seront
affectées par les changements et la manière dont
ces menaces peuvent être transformées en opportunités. Le manque actuel de données sur de tels
aspects freine un engagement plus poussé des
page 14
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
travailleuses et des travailleurs, des syndicats et
des communautés impliquées dans les processus
politiques sur le changement climatique.
3.5.1. Le droit à l’information
Une connaissance adéquate et l’accès à
l’information sur les questions liées au changement
climatique sont nécessaires s’il doit y avoir une
participation publique véritable dans les processus
de prise de décisions afférents. Les gouvernements
et les entreprises doivent informer le public de
leurs procédures et leurs activités dans le domaine
du changement climatique. Les citoyens doivent
pouvoir, et être encouragés , à les rendre responsables, particulièrement lorsqu’ils cachent des
informations sur leurs activités. Cela comprend
l’évaluation des impacts du changement climatique
(en particulier ses impacts socio-économiques et
sur l’emploi), des informations sur les processus de
prise de décisions, les négociations climatiques et
les programmes de financement du changement
climatique. Il est essentiel que de telles informations soient mises à la disposition de la plus large
audience possible (utilisateurs techniques et nontechniques) (Heinrich Böll Stiftung 2010, 33).
3.5.2. Comprendre les impacts du changement
climatique sur les marchés du travail
Des effets secondaires négatifs sont à prévoir en
conséquence des politiques en matière de climat.
Le but et la valeur ajoutée des politiques de Transition Juste découlent du fait qu’elles visent à
traiter ces effets secondaires en veillant à ce que
tout le monde bénéficie des transformations nécessaires dans le système productif. Afin d’évaluer les
risques, il est nécessaire d’entreprendre des initiatives de recherche et des évaluations préalables
sur les impacts sociaux et sur l’emploi du changement climatique ainsi que des politiques et des
investissements liés à ce dernier. Cela encouragera
les acteurs sociaux à s’impliquer activement dans
la planification du processus de transition. Cela
aidera aussi les décideurs politiques à compenser
de façon appropriée les « perdants » en leur trouvant de nouveaux et de meilleurs emplois pour
compenser ceux qui seront inévitablement perdus.
3.5.3. Identifier les priorités locales
Afin de mieux comprendre les impacts du changement climatique et des stratégies d’adaptation
sur les systèmes de production, des travaux de
recherche devront être conduits de façon indépendante, et, le cas échéant, s’appuyer sur les connaissances locales déjà acquises. La vulnérabilité au
changement climatique est une expérience locale
et les politiques en matière de climat (dans le
domaine de l’adaptation et dans celui de la promotion d’un développement à faibles émissions de
carbone) doivent être adaptées aux contextes
locaux. Il en va de même pour le cadre de la
Transition Juste. Il y a actuellement un manque
de recherches et de données reflétant les réalités
locales et permettant de formuler des politiques
de changement climatique dans les PMA. En
Afrique, par exemple, la plupart des universités et
des instituts de recherche possèdent leurs propres
équipes d’experts techniques et de programmes de
recherche dans le domaine du changement climatique. Cependant, dans un grand nombre de cas,
les institutions gouvernementales et les décideurs
ne se servent pas de ces résultats de recherche ni de
ces compétences locales et privilégient l’assistance
technique et l’expertise scientifique étrangères.
(Heinrich Böll Stiftung 2010, 87).
3.5.4. Mettre en place des plans de diversification économique
Les stratégies de diversification économique sont
essentielles pour protéger de façon adéquate les
communautés vulnérables et réduire leur exposition aux risques liés au climat. Des opportunités d’emploi diverses et accessibles doivent être
proposées aux travailleuses et aux travailleurs si
leur situation venait soudainement à se détériorer
à cause du changement climatique ou des politiques liées au climat. Les agriculteurs et agricultrices, par exemple, doivent pouvoir diversifier
leur production et avoir accès à des semences à
prix abordables et résistantes à la sécheresse. De
façon plus générale, les stratégies économiques
nationales doivent tourner le dos à la simple
production de denrées de base (qui ont un faible
potentiel de croissance). Elles doivent formuler
et introduire, en consultation avec les partenaires
sociaux, une stratégie qui promeut les industries,
l’agriculture et les services à faibles émissions de
carbone et résilients au changement climatique .
Les décideurs politiques doivent promouvoir les
investissements dans les secteurs de l’économie
verte (au potentiel élevé). Comme l’a démontré
une étude récente, dans les PMA, la diversification
économique et les investissements dans le secteur
des services (commerce en ligne, développement
de logiciels, etc.) créent des emplois décents,
favorisent le développement et contribuent de
façon significative à l’adaptation au changement
climatique (CICDD 2009, 9-10). Une politique de
diversification proactive doit chercher à créer des
opportunités d’emplois décents dans les secteurs
verts. Les secteurs des énergies renouvelables, par
exemple, nécessitent une main d’œuvre importante, non seulement dans le domaine du bâtiment mais également dans celui de la maintenance. Puisqu’elles ne nécessitent pas de grandes
centrales électriques centralisées ni d’un réseau
électrique, les sources d’énergies renouvelables
pAgE 15
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
(énergie éolienne, solaire…) peuvent facilement
être adaptées aux réalités locales des PMA.
4. Recommandations pour les syndicats
dans les PMA
Une des priorités du mouvement syndical sera de
traduire ces différentes propositions en actions
concrètes. Le rôle principal des syndicats étant de
protéger les travailleuses et les travailleurs, ils sont
obligés de répondre aux conséquences du changement climatique pour les travailleuses, travailleurs,
en particulier les plus vulnérables parmi eux. Afin
de symboliser l’engagement du mouvement syndical
à la protection de l’ environnement, Dorje Khat, du
syndicat népalais des sherpas, a planté le drapeau de
la CSI au sommet du Mont Everest le 26 mai 2011.
Le courage et l’engagement de Dorje doivent inspirer
les futures activités syndicales. Les syndicalistes, au
travers de leur engagement pour la justice sociale
et environnementale peuvent relever les défis de
l’adaptation au changement climatique.
4.1. Influencer les décisions gouvernementales
Dans sa première résolution entièrement dédiée au
changement climatique, la Confédération Syndicale Internationale, au cours de son 2ème Congrès
mondial, a décidé de traiter la « Transition Juste »
comme la stratégie du mouvement syndical pour
faire face au changement climatique (CSI, 2010).
Les principes généraux contenus dans le cadre de
la Transition Juste doivent constituer la base sur
laquelle construire les stratégies syndicales dans
les PMA. Il faudra donc effectuer un travail aux
niveaux national et international pour promouvoir
le cadre de la Transition Juste en le rendant plus
complet en s’appuyant sur les expériences et les
connaissances locales propres des syndicats.
4.1.1. Au niveau international
Tout en dessinant collectivement le cadre de Transition Juste, les syndicats à travers le monde ont
également commencé à faire activement pression
sur les parties-prenantes au niveau des négociations internationales, notamment la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement
Climatique (CCNUCC). Défendre la Transition
Juste représente une façon pour les syndicats
de convaincre la communauté internationale
de la pertinence des questions sociales dans les
processus de négociation plus larges et d’impliquer
les travailleuses et les travailleurs et les organisations qui les représentent dans le processus international. Historiquement, les propositions des
syndicats – comme les questions sociales de façon
plus générale – ont eu tendance à être écartées ou
rejetées comme « entraves » ou obstacles dans le
processus de négociation. Suite à des années de
travail intense de sensibilisation sur les liens entre
le changement climatique et le monde du travail,
les revendications du mouvement syndical pour
une meilleure intégration des dimensions sociales
du changement climatique ont enfin été reconnues
par la communauté internationale.
En 2010, la Conférence des Parties (COP) de la
CCNUCC a adopté une décision qui engage les
gouvernements à garantir une Transition Juste
créatrice d’emplois de qualité pour tous. La Vision
Commune pour une action concertée à long terme
de la CCNUCC reconnaît que « faire face au changement climatique requiert un changement de paradigme pour construire une société à faibles émissions de carbone qui offre de vastes possibilités
et garantit la poursuite d’une croissance élevée et
d’un développement durable, sur la base de technologies innovantes et de modes de production,
de vie et de consommation plus durables, tout
en assurant à la population active une Transition
Juste qui crée du travail décent et des emplois de
qualité » (CCNUCC 2010, 2-3).8
4.1.2. Au niveau national
Les syndicats nationaux et locaux sont essentiels
pour s’assurer que les politiques de Transition Juste
sont réellement appliquées au niveau national. Les
efforts des syndicats pour obtenir la mise en application d’instruments légaux nationaux représentent une contribution majeure au processus global
de l’adaptation au changement climatique.
L’implication des syndicats dans les processus
décisionnaires nationaux liés au changement
climatique, y compris les consultations généralement ouvertes uniquement aux organisations environnementales, est d’une importance primordiale
si nous voulons impliquer le monde du travail dans
le processus de transition. Les « Plans Nationaux
d’Adaptation » sont actuellement en cours de
8. Les activités des syndicats sur le changement climatique ne
sont pas limitées au cadre de la Transition Juste. à travers le
monde, les syndicats ont adopté une approche commune selon
laquelle le mouvement syndical demande aux gouvernements
de s’engager dans des mesures ambitieuses visant à combattre
le changement climatique, dont des politiques en faveur
de réductions des émissions, d’adaptation, de financement
climatique, de technologie, de déforestation, parmi tant d’autres.
La Déclaration sur le changement climatique de la CSI offre
une liste exhaustive de politiques qui pourraient contribuer
à combler le « fossé de l’adaptation », à faire en sorte que
la technologie et les investissements bénéficient à tous et à
obtenir des droits pour les délégué(e)s à l’environnement sur
les lieux de travail (CSI 2009).
page 16
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
négociation dans les PMA. Ce serait une occasion
perdue si les syndicats ne faisaient pas pression
sur leur gouvernement pour inclure les syndicats
dans ces débats et pour intégrer les formes de
vulnérabilité spécifiques aux travailleuses et aux
travailleurs dans les projets gouvernementaux. De
même, en ce qui concerne l’intégration du cadre
de Transition Juste, tous les gouvernements se
sont engagés au niveau mondial à concevoir des
Stratégies Nationales en matière de Changement
Climatique. Ces stratégies devraient reconnaître
à terme les enjeux spécifiques aux travailleuses et
aux travailleurs dans la lutte contre le changement
climatique, et s’engager dans la mise en application de cadres de Transition Juste. Enfin, les syndicats au niveau national pourraient intégrer dans
leurs revendications pour des politiques nouvelles
et plus efficaces en termes d’emploi et de politiques
industrielles des demandes d’investissements dans
des projets protecteurs de l’environnement et
nécessitant une main d’œuvre importante.
4.2. Sensibilisation et formation
4.2.1. Au niveau international
Au niveau international, les formations et les
campagnes de sensibilisation peuvent jouer un rôle
capital dans la sensibilisation des travailleuses et
des travailleurs au changement climatique et aux
stratégies syndicales afférentes. Sustainlabour, par
exemple, a rédigé des documents pédagogiques
et organisé des séminaires spécifiquement pour
les syndicalistes et pour leur permettre de mieux
appréhender les liens entre le changement climatique et le monde du travail.9
4.2.2. Au niveau national
Dans les PMA, les impacts du changement climatique
et des politiques pour atténuer ses effets sont largement ignorés des travailleuses et des travailleurs et
de leurs communautés. Il faut donner aux citoyens
un meilleur accès à une information impartiale et
de qualité sur cet enjeu et ses différentes implications. Les syndicats devraient donc être encouragés
à organiser des campagnes de renforcement de
capacités et de sensibilisation publique aux niveaux
national et local. De nombreux syndicats ont organisé
des campagnes de sensibilisation (comme la centrale
syndicale GEFONT) sur le changement climatique.
Le but avéré de ces campagnes était d’impliquer les
communautés vulnérables dans le débat climatique.
Au Mozambique, par exemple, Radio Mozambique
9. Pour consulter le guide sur le changement climatique de Sustainlabour à l’adresse suivante : http://www.sustainlabour.org/documentos/fra21_2009.pdf
diffuse régulièrement des bulletins d’information
sur les risques climatiques aux populations locales.
Des annonces radio en dialectes locaux peuvent
aider les communautés vulnérables et les travailleuses et travailleurs en les prévenant de phénomènes
météorologiques extrêmes dans leur région et en
signalant où trouver abri et assistance.
Les programmes de formation d’enseignants sur
le changement climatique et la Transition Juste
peuvent également contribuer à la dissémination
d’informations pertinentes à un large public. Les
syndicats dans le domaine de l’éducation peuvent,
par exemple, aider les professeurs à préparer une
leçon sur le changement climatique et la Transition
Juste. Grâce aux effets de retombée, les écoliers
transmettront ce qu’ils ont appris à leurs familles
et leurs amis.
Du fait de leur plus grande vulnérabilité aux
impacts climatiques à cause de leur situation
économique, et grâce à leur potentiel contribution incroyable à la construction d’alternatives,
les femmes, les jeunes et les travailleurs informels
doivent être la cible de ces campagnes.
Le développement de compétences est aussi
essentiel pour que les travailleurs et travailleuses
s’impliquent dans la construction d’une économie
à faibles émissions de carbone et résiliente au
changement climatique. Les initiatives syndicales
dans les PMA pourraient jouer un rôle décisif dans
la construction et la dissémination des « compétences vertes » nécessaires. Les syndicats peuvent,
par exemple, organiser des stages de formation sur
les technologies propres et les services verts. Un
exemple pertinent (bien que ne relevant pas d’un
PMA) est celui de l’UOCRA, le syndicat argentin
des travailleurs et travailleuses de la construction,
qui offre des formations sur les énergies renouvelables à ses membres. A la fin de la formation, les
participants obtiennent un certificat syndical.
4.3. Action sur le lieu de travail
Même si les employeurs devraient être légalement
obligés de protéger leurs employés contre les risques
environnementaux et en matière de santé publique
sur leur lieu de travail, dans un grand nombre de
cas, les vies des travailleuses et des travailleurs
sont de plus en plus en danger. L’action des syndicats sur le lieu de travail peut contribuer de façon
significative au processus général de mise en application d’un nouveau modèle de développement,
plus juste au niveau social et environnemental.
A travers leur connaissance du lieu de travail, et
leur présence sur ce dernier, les syndicats sont
parfaitement placés pour informer les travailleurs, les travailleuses et leurs communautés de
leurs vulnérabilités et pour aider à mettre en place
pAgE 17
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
des programmes d’adaptation. Ils peuvent organiser des campagnes et des programmes de formation adaptés au contexte local, permettant aux
travailleuses et aux travailleurs d’appréhender
les enjeux du changement climatique. Les actions
liées à ces campagnes peuvent prendre la forme
de brochures, d’affiches ou de séminaires. Le rôle
environnemental des délégués syndicaux doit être
reconnu dans la législation nationale et sur le lieu
de travail afin de garantir que les délégués aient le
temps, les ressources et la formation nécessaires
pour conduire des activités qui traitent spécifiquement des liens entre l’environnement et le lieu de
travail. Des systèmes d’alerte préventives, de plans
d’évacuation et de plans « canicule » (l’installation
de systèmes de climatisation pour anticiper la
montée des températures par exemple) sont relativement faciles à mettre en place et peuvent aider à
sauver des milliers de vies. Sur les lieux de production, les syndicats et les comités de travailleurs et
travailleuses personnel peuvent faire pression sur
leurs employeurs pour qu’ils investissent dans des
technologies vertes et qu’ils adoptent des modes de
production et de prestation de services résilients.
Dans les pays où les entreprises multinationales sont
implantées, les syndicats devraient dialoguer avec
les représentants de ces sociétés sur l’évaluation
des risques climatiques. Certaines multinationales ont commencé à évaluer le d’exposition aux
risques climatiques de leurs employés, des communautés avoisinantes et des fournisseurs. Les syndicats peuvent réellement aider la Direction tout
au long du processus d’évaluation des risques.
Avec l’aide des syndicats, la Direction sera mieux
armée pour développer des mesures appropriées
de gestion des risques climatiques sur le lieu de
travail et pour augmenter la résilience sur le long
terme. Par le biais d’une meilleure information, les
multinationales peuvent veiller à ce que les infrastructures, nouvelles et existantes, n’augmentent
pas la vulnérabilité climatique. Elles peuvent
promouvoir la recherche sur les impacts climatiques et disséminer des informations et outils
aux syndicats et aux membres de leur chaîne de
production, en particulier les producteurs à petite
échelle, contribuant ainsi à la gestion collective des
risques. Les entreprises, en collaboration avec les
syndicats, peuvent ainsi faciliter l’accès de leurs
fournisseurs à des informations, des équipements
et des technologies qui leur permettront de faire
face aux chocs climatiques.
4.4. Forger des alliances
S’assurer que la dimension sociale, le travail et
l’égalité fassent parties des décisions liées au climat
est une tache difficile qui ne peut certainement pas
être entreprise seule. Elle requiert une approche
et un agenda collectifs. Les syndicats, à travers le
développement du cadre de Transition Juste sont
correctement équipés d’un point de vue conceptuel
pour jouer un rôle proactif dans de futurs partenariats avec d’autres groupes de la société civile
à tous les niveaux. Ces initiatives multipartites se
propagent à travers le monde.
La coopération avec les chercheurs et les chercheuses est également essentielle pour que le mouvement syndical élabore des arguments solides pour
le cadre de Transition Juste.
4.5. Construire des réseaux
Les syndicats nationaux doivent aligner leurs
programmes de travail avec ceux du mouvement
national syndical afin de garantir une cohérence
et un soutien mutuels entre les activités nationales
et internationales sur la Transition Juste. De plus,
les réseaux verticaux entre les niveaux nationaux
et internationaux doivent être complétés par des
réseaux horizontaux entre les syndicats nationaux
au niveau régional. Les réseaux régionaux facilitent la diffusion et le partage d’informations et de
meilleures pratiques entre les syndicats nationaux.
Cette mise en réseau peut contribuer au renforcement de capacités des syndicats et à l’accélération
du processus de Transition Juste dans les PMA.
Conclusion
Promouvoir le développement, combattre le
changement climatique, réduire les inégalités,
éradiquer le secteur informel, garantir la protection sociale universelle…Voici les défis énormes à
relever pour les Pays les Moins Avancés. Ce rapport
a cherché à démontrer comment la lutte contre le
changement climatique dans les PMA pourrait
devenir une opportunité historique non seulement
pour donner un nouvel élan au processus de développement dans les PMA mais aussi pour aboutir à
des sociétés plus justes, des sociétés dans lesquelles
le travail est décent, la protection sociale est accessible à tous et l’économie est durable (notamment à travers des investissements ciblés dans les
secteurs qui augmentent la demande nationale
pour des produits transformés localement, comme
c’est le cas de l’agriculture biologique, ou des énergies renouvelables).
Les syndicats ont un rôle clé à jouer dans la résolution de ce défi historique. Leurs efforts de mobilisation détermineront très largement la capacité des
PMA à bénéficier des multiples avantages d’une
réponse intégrée au changement climatique. n
page 18
Pour que les politiques en matière de changement climatique bénéficient aux personnes :
Une Transition Juste dans les pays vulnérables au changement climatique
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Pour plus d’informations, veuillez
contacter Anabella Rosemberg,
15, rue La Pérouse, 75016 Paris,
Téléphone: +33 1 55 37 37 37,
Blog : www.ituc-csi.org/climatechange-and-green-economy.html
E-mail:
[email protected]
Twitter : @ITUCEnvironment
Pacte mondial des Nations Unies, Programme des Nations
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Cette publication a été préparée
par Lora Verheecke, avec le
soutien d’Anabella Rosemberg,
Edouard Morena et James
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Pour que les politiques en matière de
changement climatique bénéficient aux
personnes: Une Transition Juste dans les pays
vulnérables au changement climatique
Promouvoir le développement, combattre le changement climatique,
réduire les inégalités, éradiquer le secteur informel, garantir la
protection sociale universelle.Voici les défis énormes à relever pour les
Pays les Moins Avancés. Ce rapport a cherché à démontrer comment
la lutte contre le changement climatique dans les PMA pourrait
devenir une opportunité historique non seulement pour donner un
nouvel élan au processus de développement dans les PMA mais aussi
pour aboutir à des sociétés plus justes, des sociétés dans lesquelles
le travail est décent, la protection sociale est accessible à tous et l’économie est durable.
Les syndicats ont un rôle clé à jouer dans la résolution de ce défi historique. Leurs efforts
de mobilisation détermineront très largement la capacité des PMA à bénéficier des multiples
avantages d’une réponse intégrée au changement climatique.
Conclusion
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