LES « ÂGES SOMBRES » DE L’UNIVERS De la recombinaison à la réionisation Dans la première centaine de millions d’années après la grande « explosion » primordiale, l’aube du monde s’étirait dans un ciel uniformément noir, sans étoile ou nébuleuse, ni le moindre témoin de cette période, que les astronomes ont bien du mal à appréhender. C’étaient « les âges sombres » de l’Univers. Cette période mystérieuse de l’histoire de l’univers s’étend de 380 000 ans après le Big Bang jusqu’à l’apparition des premières étoiles, environ 550 millions d’années après. Avant d’essayer de mieux appréhender cette zone d’ombre, il est important de la définir entre ses deux balises, la recombinaison et la réionisation. La recombinaison est le phénomène qui permet la formation d’atomes neutres par la combinaison d’électrons aux noyaux atomiques. Rappelons qu’un atome est formé d’un noyau constitué d’un certains nombre de nucléons, différenciés en protons chargés positivement et neutrons non chargés électriquement. Autour du noyau se trouvent un ou des électrons, portant une charge électrique négative. Si leur nombre est égal au nombre de protons du noyau, l’atome est électriquement neutre. L’ionisation consiste à enlever ou à ajouter des charges électriques à un atome, pour lui conférer une charge électrique soit positive, soit négative. ion négatif ion positif Selon la théorie du Big Bang, il y a 13,77 milliards d’années, l’Univers primordial était empli d’un plasma chaud de protons, d’électrons et de photons ainsi que d’une pincée d’autres particules. A ce moment-là, l’Univers était trop chaud pour que les électrons (chargés négativement), puissent être capturés par les protons (chargés positivement). Car les photons interagissaient sans cesse avec ces atomes éphémères, cassant immédiatement les liaisons qui essayaient de se former. Rapidement absorbés, ces photons avaient donc une vie très courte et n’avaient donc guère le temps de se déplacer. Rayonnement et matière sont alors étroitement couplés. Une sorte d’épais brouillard rend cet univers ionisé, complètement opaque. C’est cette situation qui prévalait à cette période de l’univers. Des particules électriquement chargées (négativement pour certaines, positivement pour d’autres), se déplaçaient sans jamais se combiner les unes aux autres. Des atomes neutres ne pouvaient donc pas encore se former. La recombinaison 380 000 ans après le Big Bang, l’Univers après sa phase d’inflation s’est sérieusement dilaté et par la-même refroidi. La température est descendue sous la barre des 3 000 kelvins. Les photons n’ont plus alors suffisamment d’énergie pour casser les liaisons éphémères, électrons-protons. et les électrons se sont combinés pour former des atomes d’hydrogène électriquement neutres. Le rayonnement perd ainsi sa capacité à dissocier les couples qui se forment. Les rencontres au hasard entre noyaux et électrons vont dorénavant donner naissance à des composés stables. Cette époque est connue sous le nom de recombinaison puisque noyaux et électrons se combinent ensemble. Reconnaissons que ce terme est quelque peu impropre, puisqu’il représente la première fois où électrons et noyau se sont combinés. Le rayonnement fossile Lors de cette « recombinaison », l’interaction de la lumière avec la matière a brutalement diminué. Les photons sont maintenant trop peu énergétiques pour être absorbés par les atomes. La lumière n’a plus d’obstacle et les photons peuvent désormais se propager sans entrave. Le rayonnement se découplant de la matière, l’Univers devient transparent. Ce découplage a laissé une trace encore observable de nos jours : c’est le fond diffus cosmologique. C’est le plus vieux cliché de l’Univers, qui remonte à environ 380 000 ans après le Big Bang, que nous puissions observer. Paradoxalement, l’Univers entre alors dans ce que les astrophysiciens appellent « les âges sombres », une période qui va durer plusieurs centaines de millions d’années. En effet, au cours de cette période nulle source lumineuse n’est encore active : l’Univers se trouve dans une obscurité totale. La réionisation Puis, 500 à 600 millions d’années après le Big Bang, les choses commencent à changer. L’Univers s’éclaire peu à peu avec l’éclat des premières étoiles et premières galaxies. C’est la période de « réionisation ». Le rayonnement ultraviolet émis par les premiers astres lumineux se met alors à diviser les atomes d’hydrogène électriquement neutres (qui s’étaient combinés 380 000 ans après le Big Bang). Cette période s’achève environ un milliard d’années après le Big Bang, comme le montre le spectre des plus vieilles galaxies jusqu’alors observées. Notons que de nos jours, l’Univers est encore considéré comme ionisé. Cette période a été le théâtre de transformations fondamentales : dans le secret d’une nuit d’encre, la gravitation assemblait les premiers objets du cosmos, forgeant, à partir d’un milieu informe, la riche faune de corps célestes que nous observons aujourd’hui. Les astronomes essayent actuellement de retrouver les pages manquantes de l’album photos cosmique, pour comprendre comment l’Univers a évolué pendant son enfance, et comment et à partir de quoi se sont assemblées les premières galaxies. Que s’est-il donc passé pour que le gaz neutre à l’issue de la recombinaison, redevienne ionisé ? En 2004, la sonde WMAP (Wilkinson Microwave Anisotropy Probe) a révélé que le rayonnement fossile est légèrement polarisé. C e t t e p o l a r i s a t i o n a é t é c o n fi r m é récemment par les données de la mission PLANCK. Une partie de cette polarisation proviendrait de l’interaction avec du gaz ionisé baignant tout le cosmos. Son intensité suggère que l’hydrogène neutre a été ionisé dès les premières centaines de millions d’années après le Big Bang. Ainsi, les électrons ont de nouveau été séparés de leurs atomes au cours de l’âge sombre. Deux scénarios sont actuellement débattus en attente de données observationnelles plus précises, pour expliquer cette réionisation. PREMIER SCÉNARIO : DES ÉTOILES POUR LA RÉIONISATION Ce premier scénario met en scène d’hypothétique étoiles extrêmement massives et lumineuse, les étoiles de population III (le chiffre III fait référence à la pauvreté en métaux), constituées exclusivement d’éléments légers (hydrogène et hélium, avec peutêtre un peu de lithium), qui seraient les premières à s’être formées, environ 500 millions d’années après le Big Bang. Ces étoiles qui auraient largement contribuer à la réionisation de l’univers, n’ont toutefois pas été observées directement, mais on suppose qu’elles sont des constituants des galaxies bleu pâle, du fait de leur couleur et de leur éloignement. Tout le gaz est neutre. Les régions denses (en blanc) vont donner naissance aux premières étoiles et Les étoiles et les quasars ont commencé à ioniser le gaz environnant (tâches rouges discrètes). Une nouvelle génération d’étoiles et de quasars voit le jour, qui forment leurs propres bulles ionisées. Les bulles commencent à se rejoindre. Les bulles ont fusionné et occupent presque tout l’espace. Le peu d’hydrogène neutre restant est concentré dans les galaxies. Un élément de preuve a été apporté par le télescope spatial Spitzer, dont les images du fond diffus extragalactique infrarouge, sont conformes à ce que l’on pourrait attendre si ces étoiles existaient. image brute image nettoyée En débarrassant leurs données de toute la ‘’pollution’’ créée par les galaxies, les étoiles ou les poussières, afin d’atteindre un rayonnement infrarouge ‘’fossile’’, les chercheurs ont mis en évidence une image du fond diffus qui pourrait être interprété comme une signature de la lumière de la première génération d’étoiles. Ces galaxies qui sont interprétées aujourd’hui comme des galaxies naines, ont fusionné, au fil du temps, pour former des galaxies de plus en plus massives. Dans les galaxies embryonnaires, le gaz a refroidi et s’est fragmenté en paquets, qui ont donné naissance aux premières étoiles. Le rayonnement ultraviolet de celles-ci dans l’espace intergalactique a ionisé l’hydrogène environnant créant des bulles de gaz ionisé ça et là. En grandissaient, ces bulles ont fusionné et le gaz intergalactique est redevenu entièrement réionisé. DEUXIÈME SCÉNARIO : LES TROUS NOIRS, CRÉATEURS DU MONDE Avant les années 1990 et la mise en service de puissants télescopes, comme le VLT ou Hubble, les astronomes ne disposaient d’aucune information sur l’évolution des galaxies au-delà de quelques milliards d’années-lumière. Les théoriciens pensaient que les galaxies se formaient tranquillement 1 à 2 milliards d’années après le big bang. En repoussant les limites observables de l’Univers jusqu’à 13 milliards d’années-lumière, les astronomes ont été surpris d’y découvrir des galaxies, non seulement de petits amas d’étoiles, mais aussi des galaxies géantes, comptant jusqu’à mille milliards d’étoiles. Comment des structures aussi grandes se sont-elles formées aussi vite après le Big Bang ? Aucun modèle actuel ne permet de répondre clairement. Autre point d’interrogation : l’étrange relation entre la masse des galaxies et celle des trous noirs massifs cachés en leur sein. En clair, plus on observe des galaxies lointaines, donc jeunes, plus leur trou noir central apparaît massif. Une relation difficilement compatible avec une histoire qui fait des étoiles les premiers objets de la création. Il suffit donc de supposer que se soient formés de gigantesques trous noirs, quelques dizaines de millions d’années après le big bang, pour que s’écrive une genèse plus cohérente que celle racontée jusqu’ici. C’est le nouveau « paradigme » (représentation du monde), que défend l’astrophysicien David Elbaz, du Commissariat à l’énergie atomique de Saclay. Selon lui, au commencement étaient les trous noirs… Durant l’Age des ténèbres, ces Léviathan de l’espace auraient été les grands architectes du cosmos. Les trous noirs, ce sont ces monstres cosmiques dont les astrophysiciens à la fin du XXème siècle, ont dévoilé la présence, un peu partout dans l’Univers, certains ayant une masse de quelques soleils, tandis que d’autres seraient des milliards de fois plus lourds. Ces objets défient l’imagination : la Terre comprimée dans un dé à coudre deviendrait un trou noir dont le champ gravitationnel serait tellement intense qu’il absorberait tout ce qui passe à sa portée, y compris la lumière. D’après David Elbaz, les premières lueurs dont nous sommes aujourd’hui les infimes héritiers seraient venues de ces démiurges invisibles. Pour se lancer ainsi dans l’écriture d’une nouvelle genèse, il faut, bien sûr, avoir quelques solides arguments à l’appui. David Elbaz et son équipe avaient en tout cas, suffisamment de crédibilité pour qu’on les autorise à utiliser le Very Large Telescope (VLT), et que leur soit même confié le télescope spatial Hubble. Les astronomes ont ainsi pu braquer les deux plus puissants télescopes du monde vers un étrange point lumineux, situé à plus de 3 milliards d’années-lumière de la Terre, découvert en 1983 et baptisé HE0450-2958. Les quasars Sous ce doux nom, se cache un astre mesurant la taille du système solaire, mais mille milliards de fois plus brillant. Un tel objet est appelé un quasar. Vers le début des années 1960, les radioastronomes découvrirent des sources radio très puissantes qui apparaissait ponctuelles comme des étoiles lorsqu’on les observait dans le domaine visible. Cependant les étoiles n’émettent pas en général d’ondes radio importantes et ces objets devaient donc être d’origine différente. En attendant de pouvoir comprendre leur nature, les astronomes baptisèrent ces objets du nom de quasar, contraction de quasi-stellar ou quasi-stellaire. Lorsque les astrophysiciens purent effectuer les premières analyses spectrales de ces objets, ils s’aperçurent que leur spectre contenait des raies d’émission très nettes qui ne correspondaient à aucun élément chimique connu et qui faisaient encore plus douter d’une possible nature stellaire. L’explication de ce mystère fut apportée en 1963 par le Hollandais Maarten Schmidt qui clarifia l’origine ce ces raies. Pour lui, les quasars étaient des objets extrêmement lointains dont le spectre était par conséquent fortement décalé vers le rouge. Les raies brillantes étaient les raies de l’hydrogène habituellement dans l’ultraviolet, mais dans ce cas simplement décalées vers la partie visible du spectre électromagnétique. Les quasars sont donc les objets les plus lointains et les plus jeunes jamais observés. Si malgré leur éloignement extrême les quasars sont relativement faciles à observer depuis la Terre, on peut conclure qu’il doivent être extraordinairement brillants. Il apparaît alors qu’un quasar typique produit une quantité monstrueuse d’énergie et brille autant qu’un millier de galaxies ordinaires. Mais comment imaginer une source d’énergie capable de fournir la puissance d’un millier de galaxies tout en étant localisée dans un espace à peine plus grand que le système solaire. Un seul processus connu permet d’expliquer une telle débauche d’énergie : sous leur enveloppe de lumière, les quasars doivent cacher de … gigantesques trous noirs, de plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaires. Un trou noir, cet archétype de l’obscurité qui émettrait de la lumière ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Évidemment la luminosité d’un quasar ne provient pas du trou noir supermassif lui-même. C’est l’action de ce dernier sur la matière environnante qui en est à l’origine. Lorsque de la matière passe à sa portée, avant d’être engloutie, elle spirale autour de lui de plus en plus vite, créant un disque de gaz de plus en plus chaud. Ce dernier va se mettre à produire un rayonnement thermique continu très puissant, en particulier dans l’ultraviolet et les rayons X. Et le trou noir brille ainsi de mille feux. Le quasar HE0450-2958 n’est pas un quasar comme les autres. Contrairement à la plupart de ses congénères, il est « nu », c’est à dire isolé dans l’espace, sans une myriade d’étoiles autour de lui. Une singularité qui a poussé l’équipe de David Elbaz à regarder de plus près… L'image en lumière visible obtenue par le télescope spatial Hubble ne révèle aucune trace de galaxie autour du quasar, mais une galaxie compagnon très proche. Les contours, délimitant l'intensité de la lumière infrarouge (à 8.9 microns) mesurée par la caméra VISIR au foyer du télescope VLT, sont superposés sur l'image visible. L'émission infrarouge importante de la galaxie compagnon, située dans la direction du jet du quasar, est le signe d'une formation d'étoiles importante induite par le quasar. Alors qu'aucune trace d'étoiles n'apparaît dans le voisinage immédiat du quasar, cette galaxie « compagnon » est extrêmement riche en étoiles très jeunes et lumineuses : au sein de celle-ci, les étoiles se forment à un taux de près de 350 masses solaires par an, soit à un rythme cent fois supérieur à celui que l'on trouve dans une galaxie typique de l'Univers local. Les astrophysiciens ont en outre mis en évidence un pont de matière entre le quasar et sa galaxie compagnon : la matière semble s'écouler depuis le trou noir du quasar vers cette dernière à très grande vitesse. Le plasma brûlant en rotation autour du trou noir supermassif, crée un champ magnétique extraordinairement intense, aux deux pôles duquel s’échappe une partie de la matière, concentrée dans un fin pinceau lumineux, extrêmement puissant, long de 22 000 annéeslumière. L'injection à très grande énergie de cette matière dans la galaxie suggère que c'est le quasar lui-même qui provoque cette flambée de formation d'étoiles. Dans un tel scénario, la galaxie aurait évolué à partir d'un nuage de gaz heurté par le jet énergétique émergeant du quasar. David Elbaz va plus loin : « Nous pensons que nous assistons à la création de la galaxie par le quasar. Dans quelques millions d’années, le processus sera terminé, le quasar, aujourd’hui « nu », sera « habillé » par sa galaxie ». Un phénomène qu’il propose de généraliser au cosmos tout entier. De l’oeuf ou de la poule, qui vient en premier ? En clair, qu’est-ce qui se forme d’abord ? La galaxie ou le trou noir qui se trouve en son coeur ? L’hypothèse de David Elbaz suggère que les trous noirs supermassifs peuvent créer de grandes quantité d’étoiles, voire provoquer la naissance de galaxies entières… Ainsi se dessine une nouvelle histoire du monde, qui élucide de façon cohérente l’origine des galaxies. La nouvelle genèse du monde en 5 étapes La théorie de David Elbaz a reçu un soutien de poids en la personne de Joseph Silk, professeur à la chaire d’astronomie d’Oxford, l’une des voix les plus respectées de la cosmologie moderne. 1. Dans la nuit de l’Univers primordial, un immense nuage de gaz se forme En tournant sur lui-même, sous la pression de la gravitation devenue gigantesque, le gaz aspiré se comprime et crée un trou noir, dont la masse ne cesse de s’accroître au fur et à mesure que la matière y est irrésistiblement happée. Durant sa chute accélérée et sans retour vers l’abîme, ce gaz chauffe et se met à briller. Ce sont les premières lueurs jetées à travers l’Univers. 2. Devenu lourd comme un million de soleils, le trou noir expulse un jet de gaz colossal Après quelques millions d’années, la masse du trou noir est colossale. La violence du tourbillon de gaz brûlant qui gravite autour de lui, crée un champ magnétique extraordinairement intense, aux deux pôles duquel s’échappe une partie du gaz en rotation, concentrée dans un fin pinceau lumineux. Des milliards de tonnes de gaz surchauffé sont expulsées à plusieurs milliers de kilomètres par seconde. 3. Le jet rencontre des nuées de gaz qui se condensent en étoiles Le jet devient de plus en plus puissant au fur et à mesure que le trou noir grossit. En perçant l’espace sur plusieurs dizaines de milliers d’années-lumière, il traverse des nuées de gaz, principalement composées d’hydrogène et d’hélium, et y provoque de très violentes ondes de choc. Celles-ci augmentent localement la densité du gaz qui atteint une température suffisante pour amorcer des réactions de fusion nucléaire. Un filet d’étoiles s’allume dans le ciel. 4. Au fil du temps, ce sont des milliards d’étoiles que le jet du trou noir allume Après plusieurs dizaines de millions d’années, le trou noir a atteint une masse d’un milliard de soleils et a engendré une fantastique flambée d’astres qui éclairent l’univers en un ballet chaotique. 5. Au final, ces étoiles donnent naissance à une galaxie Au bout de quelques dizaines à quelques centaines de millions d’années, le trou noir, devenu supermassif, a englouti tout le gaz à sa portée. Les astres les plus proches, qui forment un bulbe lumineux autour de lui, sont établis sur des orbites définitives. Faute de matière à attirer puis à expulser, le jet s’est éteint. Le trou noir peut maintenant se reposer : la genèse de la galaxie est achevée. Au début, il n’y avait rien, puis apparurent les trous noirs et la lumière fût… Ces scénarios sont séduisants, mais ne sont à l’heure actuelle, que des représentations théoriques. Comment observer l’Univers à une époque où il était justement plongé dans les ténèbres? LA RAIE À 21 CM DE L’HYDROGÈNE COMME CLÉ DE LA COSMOLOGIE DE CETTE ÉPOQUE Le décalage spectral vers le rouge d’un objet cosmologique, est donné par une quantité notée Z, le redshift. Sa valeur est fonction de l’âge, et donc de la distance, de l’objet par rapport à la Voie Lactée. Plus ce décalage est élevé, plus la distance nous séparant de l’objet observé, en général une galaxie, est importante. Si l’on veut voir et comprendre les événements s'étant déroulés au moment de la formation des première étoiles, il faut remonter au moins jusqu’à 200 millions d’années après le Big Bang. On est donc confronté à un décalage spectral encore plus important. Dans le jargon des physiciens il est de Z=20 alors que pour les galaxies à la limite du pouvoir des observations actuelles, il est de Z=7,2. Comme l’univers observable contient beaucoup d’hydrogène neutre à Z=20, l’idée la plus naturelle est de chercher à détecter le rayonnement produit par la fameuse raie à 21 cm de l’hydrogène. La raie à 21 cm, est une raie spectrale émise par l’atome d’hydrogène neutre dans le domaine radio. Elle est devenue célèbre par son utilisation dans le cadre du programme Seti. Grâce à elle, il devrait être possible de savoir si ce sont les premières étoiles ou les premiers quasars qui ont réionisé majoritairement l’univers. Mais on devrait également pouvoir remonter à de possibles variations de la valeur de l’énergie noire à travers l’influence de celle-ci sur la dynamique des nuages d’hydrogène neutre pendant cette période ancienne de l’histoire de l’univers. Durant l’âge sombre, aucune source d’énergie susceptible d’exciter les atomes d’hydrogène n’existait. On a pu cependant démontrer que l’hydrogène peut émettre de la lumière d’une autre façon. spins parallèles photon de 21 cm de longueur d’onde spins antiparallèles Les particules subatomiques possèdent une orientation intrinsèque nommée spin qui, pour l’électron ou le proton, ne peut pointer que dans deux directions désignées par « haut » et « bas ». L’électron et le proton d’un atome d’hydrogène peuvent soit pointer dans la même direction (état parallèle), soit dans des directions opposées (état antiparallèle). L’énergie d’un atome est inférieure dans l’état antiparallèle. Lorsqu’un atome d’hydrogène passe de l’état de spin parallèle à l’état antiparallèle à la suite du basculement du spin de l’électron, il libère ainsi de l’énergie sous forme d’un photon de 21 centimètres de longueur d’onde. Ainsi, même lorsqu’aucune étoile ne brillait dans l’Univers, le gaz neutre pouvait émettre faiblement. A contrario, rien n’a entravé la propagation dans l’espace du rayonnement centimétrique de l’hydrogène, qui est donc parfaitement net. Si le fond diffus cosmologique apporte des informations sur les fluctuations de densité à l’origine des galaxies, le fond centimétrique retrace à la fois l’embryogenèse des galaxies et l’effet qu’elles ont eu sur leur environnement une fois formées. LES RADIOTÉLESCOPES Reste à détecter ce signal à 21 centimètres de longueur d’onde qui, depuis le début de âges sombres, et la dilatation de l’Univers d’un facteur 1 000, arrive aujourd’hui sur Terre avec une longueur d’onde de 210 mètres ! . Cette gamme de longueurs d’onde tombe dans la partie radio du spectre électromagnétique. Une telle émission pourrait être recueillie par un réseau d’antennes pour basses fréquences, tels que - le réseau LOFAR (LOw Frequency ARray pour réseau à basses fréquences), aux Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume-Uni et en France, qui comprend 50 000 antennes regroupées sur 47 stations. - le réseau MWA (Mileura Wide-Field Array), ou réseau de grand champ de Mileura), en Australie, constitué de 8 000 antennes et dont la résolution angulaire est de quelques minutes d’arc, ce qui correspond à environ trois millions d’années-lumière à l’époque de l’âge sombre. - le Square Kilometre Array (SKA), en Australie qui permet d'obtenir des images des sources radio éloignées en utilisant la technique d’interférométrie. C’est l’instrument d'observation radioastronomique le plus sensible qui ait jamais été conçu, capable de détecter tous les noyaux galactiques actifs jusqu'à un décalage vers le rouge de 6, quand l'Univers n'avait pas plus d'un milliard d'années. Enfin les astronomes attendent beaucoup des observations que pourrait théoriquement apporter le successeur du télescope spatial Hubble, le télescope James Webb, dont le lancement est prévu en Octobre 2018.