É ditorial doi: 10.1684/hpg.2013.0908 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Le cancer du pancréas devient-il une maladie chimiosensible ? Does pancreatic cancer become chemosensitive? Laetitia Dahan, Jean-François Seitz ^pital Timone, Ho service d’oncologie digestive, Aix-Marseille Universit e, 264 rue Saint Pierre, F-13385 Marseille cedex 5, France e-mail : <[email protected]. fr> e cancer du pancr eas, dont l’incidence augmente, est devenu le 10e cancer le plus fr equent en France (8 000 nouveaux cas annuels depuis 2008) et e par cancer dans notre pays : avec une repr esente la 4e cause de mortalit mortalit e proche de l’incidence, son taux de survie globale a 5 ans reste autour de 5 % dans les registres. La chirurgie d’ex er ese est le seul traitement curatif mais seul 20 % des patients peuvent ^ etre op er es et parmi eux la plupart rechutent. Le traitement de ce cancer est donc le plus souvent palliatif et repose sur des traitements syst emiques. Les facteurs invoqu es pour expliquer la s ev erit e de son pronostic sont d’ordre anatomique (organe profond, d’accessibilit e difficile, avec un diagnostic tardif, proximit e des vaisseaux, des nerfs et de la graisse) et d’ordre biologique (faible vascularisation, stroma dense g^ enant l’acc es des m edicaments). De plus, ce cancer est g en eralement consid er e comme chimio-r esistant. Contrairement a d’autres cancers jug es eux aussi chimio-r esistants, comme le cancer du rein, le carcinome h epatocellulaire ou les tumeurs stromales digestives, pour lesquels les progr es sont venus des bioth erapies cibl ees, nous allons voir que les progr es enregistr es a ce jour dans la prise en charge m edicale de l’ad enocarcinome pancr eatique viennent de la seule chimioth erapie anticanc ereuse. L ‘‘ Les seuls progrès récents viennent de la chimiothérapie et non des biothérapies ’’ Le premier pas a et e l’introduction de la gemcitabine en 1997 gr^ ace a l’ etude pivotale de Burris et al. [1] permettant de faire passer la mediane de survie des cancers avanc es de 3 a 6 mois. Il y eut ensuite pr es de 15 ans d’ etudes de phase III n egatives n’arrivant pas a augmenter de façon statistiquement et/ou cliniquement significative la survie globale de ces patients, notamment une douzaine d’essais evaluant l’adjonction a la gemcitabine d’une deuxi eme mol ecule de chimioth erapie (« doublet ») et plusieurs autres essais evaluant l’adjonction d’une bioth erapie cibl ee comme le cetuximab ou le bevacizumab par rapport a la gemcitabine seule. Un essai français de strat egie planifiant une e LV5FU2-CDDP suivi de gemcitabine en cas de 2e ligne (FFCD 0301) a compar progression a la s equence inverse : il n’a pas montr e de diff erence en termes de survie sans progression ni de survie globale ; 61 % des patients ont pu recevoir une deuxi eme ligne, avec une m ediane de survie globale respectivement de 6,7 mois et 8,0 mois, un taux de survie a 1 an autour de 30 % et a 18 mois de 18 % dans les deux bras [2]. Pour citer cet article : Dahan L, Seitz JF. Le cancer du pancreas devient-il une maladie chimiosensible ? Hepato Gastro 2013 ; 20 : 485-488. doi : 10.1684/hpg.2013.0908 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 20 n8 7, septembre 2013 485 sultats d’une e tude française intergroupe pour qu’une Il a fallu attendre les re ^ne la gemcitabine dans trichimioth erapie (« triplet »), le FOLFIRINOX, d etro le sous-groupe des patients m etastatiques en excellent etat g en eral, de moins de 76 ans, avec une bilirubine normale, en montrant une augmentation tr es significative du taux de r eponse (32 vs 9 %), de la survie sans progression (6,4 vs 3,3 mois) et de la survie globale (11,1 vs 6,8 mois) [3]. La gemcitabine reste utilis ee chez les autres patients et en 2e ligne dans ce sous-groupe favorable. ‘‘ Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Il a fallu attendre les résultats d’une étude française intergroupe pour qu’une trichimiothérapie (« triplet »), le FOLFIRINOX, détrône la gemcitabine ’’ Une nouvelle etude de phase III (MPACT) pr esent ee a l’ASCO-GI en janvier 2013 vient de montrer qu’un doublet a base de gemcitabine am eliorait la survie par rapport a la gemcitabine seule [4]. Il s’agit d’un essai ayant evalu e l’association gemcitabine plus nab-paclitaxel a la gemcitabine seule chez 842 patients ayant un cancer m etastatique du pancr eas : le taux de r eponse (23 vs 7 %), la survie sans progression (5,5 vs 3,7 mois) et la survie globale (8,5 vs 6,7 mois) sont tr es significativement am elior ees par la bith erapie. Ces r esultats paraissent un peu moins favorables que ceux observ es avec le FOLFIRINOX, avec un gain sur la survie m ediane de 2 mois en valeur absolue contre 4 avec le FOLFIRINOX, et un hazard ratio pour le d ec es de 0,72 contre 0,57, m^ eme si les taux de survie a 18 mois etaient tr es proches dans les 2 etudes (respectivement 16 et 18,6 %). Cependant, il faut noter que les crit eres d’inclusion n’ etaient pas tout a fait les ^ memes et qu’un certain nombre de patients en moins bon etat g en eral (OMS = 2 ; Karnofski = 70) ont et e inclus ; en analyse multivari ee, le b en efice erapeutique paraissait au moins aussi bon chez les sujets les plus fatigu es. th Cette nouvelle association semble avoir une toxicit e h ematologique et g en erale un peu moins marqu ee. Comme cela est d etaill e dans la mise au point de ce m^ eme num ero sur « nanoparticules et cancer du pancr eas », l’utilisation de nanoparticules d’albumine li ees au paclitaxel permet d’ eviter l’utilisation de solvants du paclitaxel, potentiellement toxiques ; l’albumine, un transporteur naturel des mol ecules hydrophobes dans l’organisme, favorisant le transport du paclitaxel a travers les cellules endoth eliales, permet un meilleur ciblage de la tumeur et pr esente de plus une affinit e particuli ere avec une prot eine du stroma, secr et ee par les fibroblastes activ es, appel ee SPARC (secreted protein acid and rich in cystein). SPARC serait surexprim ee au niveau des fibroblastes p eritumoraux dans 30 a 70 % des ad enocarcinomes pancr eatiques [5] : il a et e montr e que la surexpression de SPARC est un facteur pronostique pejoratif dans les cancers du pancr eas mais que c’ etait aussi un facteur pr edictif de r eponse a l’association er^ et les r esultats de l’essai gemcitabine – nab-paclitaxel [6]. On attend avec int de phase III MPACT en fonction de l’expression de SPARC dans la tumeur : cette combinaison pourrait devenir le standard de prise en charge dans un sousgroupe de patients identifi es par un marqueur biologique au niveau de la tumeur. ‘‘ La surexpression de SPARC (secreted protein acid and rich in cystein) est un facteur pronostique péjoratif mais également un facteur prédictif de réponse à l’association gemcitabine – nab-paclitaxel 486 ’’ HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 20 n8 7, septembre 2013 Editorial galement devenir une « chimioth La gemcitabine pourrait e erapie cibl ee » avec la mise en evidence, en situation adjuvante, de l’importance de l’expression de son transporteur transmembranaire hENT1 sur la pi ece de pancr eatectomie [7]. Il n’a pas et e possible, pour l’instant, d’extrapoler ces r esultats en situation m etastatique. La cytidine-d eaminase (CDA), enzyme responsable de l’ elimination h epatique de la gemcitabine, dont le d eficit peut en expliquer les toxicit es s ev eres [8], fait l’objet actuellement d’une evaluation dans un essai national (FFCD 1004). Le nab-paclitaxel r eduirait les taux de CDA chez l’animal et pourrait ainsi augmenter l’activit e antitumorale de la gemcitabine [9] ‘‘ Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. La gemcitabine pourrait devenir une « chimiothérapie ciblée » avec la mise en évidence, en situation adjuvante, de l’importance de l’expression de son transporteur transmembranaire hENT1 sur la pièce de pancréatectomie ’’ ^t En situation adjuvante, a co e de la gemcitabine, l’association 5FU–acide folinique permet elle aussi de doubler l’esp erance de survie a 5 ans (de 10 a 20 %). La recherche de facteurs pr edictifs d’efficacit e du 5FU est moins avanc ee que pour la gemcitabine. L’essai qui vient de d ebuter en France (PRODIGE 24) compare la gemcitabine a la trichimioth erapie FOLFIRINOX. Les donn ees rapport ees sur le polymorphisme g en etique de la thymidine synth etase et de MTHFR sur l’efficacit e et la toxicit e du 5FU et de l’oxaliplatine dans les cancers colorectaux [10] m eriteront d’^ etre analys ees et confirm ees dans le cancer du pancr eas. Apr es une longue p eriode d’accalmie, les progr es dans les traitements syst emiques du cancer du pancr eas m etastatique ont repris avec l’av enement du FOLFIRINOX en 2011, et cette ann ee d’une nouvelle association gemcitabine – nab-paclitaxel. Ces progr es devraient permettre d’am eliorer les r esultats en situation adjuvante. Ces anciennes mol ecules, gr^ ace a la description de marqueurs d’efficacit e, pourraient entrer dans une nouvelle vie de (chimio) th erapie ciblee. Il est probable que dans un avenir proche on pourra envisager un traitement « a la carte » en fonction des caract eristiques biologiques de la tumeur (sensibilit e ou r esistance a la gemcitabine, au 5FU, a l’oxaliplatine, a l’irinotecan ou au nab-paclitaxel, etc.). Pour l’instant, les r esultats des bioth erapies restent d ecevants. ‘‘ Après une longue période d’accalmie, les progrès dans les traitements systémiques du cancer du pancréas métastatique ont repris avec l’avènement du FOLFIRINOX en 2011, et cette année d’une nouvelle association gemcitabine – nab-paclitaxel ’’ re ^ts : Les auteurs d Liens d’inte eclarent ne pas avoir de liens d’int er^ ets en rapport & avec cet article. Références Les r ef erences importantes apparaissent en gras. 1. , Burris 3rd. HA, Moore MJ, Anderrsen J, et al. Improvements in survival and clinical benefit with gemcitabine as first-line therapy for patients with advanced pancreas cancer: a randomized trial. J Clin Oncol 1997 ; 15 : 2403-13. 2. 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