newsletter n°14 SEPTEMBRE // OCTOBRE 2015 Association Genevoise des Employés en Assurances Sociales De gauche à droite : Monsieur Pierre-Yves Tapponier, Monsieur Jean-Philippe Pierroz, Monsieur Max Marendaz et Monsieur Alain Magnenat Que s’est-il passé à l’AGEAS ? Sommaire Que s'est-il passé à l'AGEAS? 1-2 Interviews de Messieurs Pierroz et Magnenat 2-3 Avantages des membres de l’AGEAS 3 Affections psychosomatiques : bouleversement dans la jurisprudence 3-6 Responsables de la publication : Virginie Isard et Marie-Josée Costa Mise en page : Marie-Josée Costa Impression : www.kis.ch Tirage : 400 exemplaires [email protected] Le 26 mars 2015, le dicastère MANIFESTATIONS nous a organisé une conférence sur le thème « ACCORD PARITAIRE GENEVOIS DANS LES METIERS DU BATIMENT ». Pour cette conférence, l’AGEAS et ses membres ont été accueillis dans les locaux de la Fédération genevoise des métiers du bâtiment (FMB). La conférence a été animée par des personnes de terrain représentant la FMB, l’assuranceinvalidité, la SUVA et l’assurancemaladie. Ainsi, nous avons pu compter sur la présence de Monsieur PierreYves Tapponnier, Secrétaire général adjoint de la FMB, Monsieur Alain Magnenat, Conseiller en réadaptation professionnelle au sein de l’assurance-invalidité, Monsieur Max Marendaz, Responsable des prestations et remplaçant du Directeur auprès de la SUVA Genève et Monsieur Jean-Philippe Pierroz, Cadre auprès du Groupe Mutuel. Leur présentation était d’autant plus intéressante qu’ils participent activement à l’accord paritaire. En quelques mots, conscients que les métiers du bâtiment sont particulièrement exposés aux atteintes à la santé, les assureurs privés, les syndicats, les représentants patronaux, la SUVA et l’assurance-invalidité se sont regroupés afin de déceler rapidement les situations à risques. Les représentants des institutions précitées ont créé une cellule d’analyse afin d’examiner les situations d’incapacité de travail durables et d’intervenir rapidement afin de favoriser une prise en charge concertée et pragmatique permettant d’assurer une réinsertion professionnelle. A cette fin, l’accord paritaire permet de bénéficier d’un budget assuré par les différentes institutions pour financer la réinsertion et ce en réduisant les délais administratifs. Le but de l’accord est d’agir dans les meilleurs délais avant que la situation ne se péjore et ce en concertation avec les différents partenaires. Par ailleurs, l’accord permet d’augmenter les chances de réinsertion à l’interne des métiers du bâtiment. Les intervenants nous ont fait part de leur satisfaction s’agissant des résultats obtenus depuis la création de l’accord il y a 5 ans. Pour plus de détail, vous trouverez la présentation de la conférence sur le site internet de l’AGEAS. S’agissant des événements marquants de l’AGEAS, il faut également mentionner l’assemblée générale qui a eu lieu le 21 mai 2015. Ce fut l’occasion pour le comité d’échanger avec les membres de l’AGEAS. invalidité, laquelle aura lieu le 4 novembre 2015 au Domaine de Penthes à 18h30. Reste à vous présenter le contenu de la présente newsletter. Ainsi, vous trouverez en premier lieu les interviews de Messieurs Jean-Philippe Pierroz et Alain Magnenat, conférenciers du 26 mars 2015 Enfin, suite au changement de jurisprudence provoqué par l’arrêt du Tribunal fédéral du 3 juin 2015, l’AGEAS ne pouvait manquer de vous informer du contenu et des suites de cet arrêt. Excellente lecture ! Lors de l’assemblée générale, le président de l’AGEAS, Monsieur Mauro Camozzato a présenté le nouveau membre du comité, soit Monsieur Livio Sposato, responsable représentation pour Genève de la société ASSIDU, lequel a rejoint le dicastère MANIFESTATIONS après le départ de Monsieur Julien Staehelin. Interview de Monsieur Jean-Philippe Pierroz Par ailleurs, cet article ne serait pas complet si nous ne parlions pas de nos élèves et de nos formations. Ainsi, les répétitoires pour les examens 2015 ont eu lieu cet été et les cours de brevet et de sensibilisation ont recommencé fin août 2015. Voilà pour le survol des événements de ces derniers mois. L’AGEAS a d’ores et déjà prévu une conférence qui portera sur la fraude en matière d’assurance- SEPTEMBRE // OCTOBRE 2015 - Votre vertu préférée ? La sincérité. - Votre devise ? Suite aux différents échanges avec nos membres, nous nous sommes rendus compte que certains ne profitaient pas des avantages d’être membres de l’AGEAS, de sorte qu’il nous a semblé important de vous les rappeler. Les différents dicastères ont résumé leurs activités durant cette dernière année et les projets en cours. Outre sa large expérience dans les assurances, Monsieur Livio Sposato est breveté en assurances sociales et en prévoyance professionnelle. rendu possible par la table ronde où tous les partenaires se retrouvent pour discuter des dossiers, et surtout par le fait que les participants peuvent prendre des décisions sans devoir en référer à leur hiérarchie respective. Marie-Josée Costa - Votre parcours professionnel ? Après une maturité type C au collège de Saint-Maurice en 1979, Monsieur Pierroz a enseigné à l’école de ski de Verbier durant 4 saisons 1981-1985. Puis il a suivi des études de droit à l’Université de Genève. Il a par la suite travaillé à la Vaudoise Assurance, d’abord à Genève puis au siège à Lausanne de 1990 à mars 2005. Depuis lors, il a rejoint le Groupe Mutuel Assurances GMA SA. - Quels sont les éléments les plus intéressants de votre travail dans le cadre de l’accord paritaire ? Le fait de pouvoir concrètement discuter de mesures qui permettront à un assuré de se réinsérer dans le monde du travail, ou en tout cas de lui donner les moyens pour y arriver. Cela est De chaque expérience de la vie, heureuse ou malheureuse, il y a un point positif à en retirer. Jean-Philippe Pierroz Interview de Monsieur Alain Magnenat - Votre parcours professionnel ? Après plusieurs emplois «alimentaires», notamment dans la vente, en parallèle de mes études universitaires, j’ai débuté en 2004 à l’Office AI comme gestionnaire de dossier. J’ai évolué ensuite comme Conseiller en réadaptation professionnelles en 2007 à la veille de l’entrée en vigueur de la 5ème révision de la loi sur l’assuranceinvalidité. - Quels sont les éléments les plus intéressants de votre travail dans le cadre de l’accord paritaire ? Les échanges dans le cadre des travaux de la cellule d’analyse sont toujours francs et ouverts. Les connaissances de chacun sur les métiers, les entreprises, les assurances et l’environnement socio-professionnel rendent les discussions particulièrement intéressantes et pointues. Ce haut niveau permet d’avoir des informations précises pour progresser vers notre préoccupation constante : la réinsertion de la personne assurée et la continuité de leur revenu. - Votre vertu préférée ? La justice - Votre devise ? Cela dépend des jours et de mon humeur mais au travail c’est : « La réadaptation plutôt que la rente ». Alain Magnenat Avantages des membres de l’AGEAS Le comité de l’AGEAS s’efforce d’améliorer d’année en année les avantages de ses membres. Ainsi, en premier lieu, les membres bénéficient de réductions importantes s’agissant des prix des cours. En tant que membres, vous pouvez créer un profil sur le site de l’AGEAS, ce qui vous permet de rejoindre le réseau de nos membres ainsi que de consulter les supports de cours actualisés. L’association LPP renseignements est présente dans les locaux de l’AGEAS le premier mercredi de chaque mois de 17h30 à 19h30 pour fournir gratuitement des renseignements en matière de prévoyance professionnelle. Vous trouverez les détails sur le site internet www.lpprenseignements.ch . En votre qualité de membre, vous êtes conviés à des conférences concernant des thèmes d’actualité en matière d’assurances sociales. Vous recevez également nos newsletters. Enfin, votre qualité de membre vous permet de créer gratuitement un profil sur le site www.nouvjur.ch. Il s’agit d’un site de jurisprudence alimenté par un avocat spécialisé dans le domaine des assurances. Une fois inscrit, vous recevez régulièrement une newsletter qui résume les nouveaux arrêts d’intérêt en matière d’assurances. Par ailleurs, ledit site permet également d’effectuer des recherches de jurisprudence. Alors, n’hésitez plus à profiter de vos avantages. Marie-Josée Costa SEPTEMBRE // OCTOBRE 2015 Affections psychosomatiques : bouleversement dans jurisprudence la Après plus de 10 ans de jurisprudence constante, le Tribunal fédéral a modifié sa position s’agissant du trouble somatoforme douloureux et les affections psychosomatiques afin de prendre en compte les développements et les expériences recueillies durant ces nombreuses années sur le plan médical, en particulier la récente expertise du Professeur Henningsen de mai 2014. Ce bouleversement ne s’est pas fait un en jour, plusieurs étapes ont été nécessaires pour arriver à cette prise de conscience. Sans vouloir être exhaustif, le présent article vise humblement à vous présenter les principales étapes de ce revirement de jurisprudence ainsi que les conséquences que l’arrêt du 3 juin 2015 entraîne s’agissant de l’examen par les assurances et les tribunaux du caractère invalidant des affections psychosomatiques. De l’apparition des premiers critères dans les années 2000 Dans le début des années 2000, les demandes de prestations en raison de troubles somatoformes douloureux ou de troubles psychosomatiques comparables ont connu une nette augmentation. Les tribunaux ont dès lors été amenés à examiner les répercussions de ces troubles du point de vue des assurances sociales, en particulier de l’assurance-invalidité. En quoi consiste somatoforme ? un trouble Selon la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, plus connue sous l’appellation CIM-10 : « La caractéristique essentielle des troubles somatoformes est l’apparition de symptômes physiques associés à une quête médicale insistante, persistant en dépit de bilans négatifs répétés et de déclarations faites par les médecins selon lesquelles les symptômes n'ont aucune base organique. S'il existe un trouble physique authentique, ce dernier ne permet de rendre compte ni de la nature ou de la gravité des symptômes, ni de la détresse ou des préoccupations du sujet ». La simple lecture de la définition des troubles somatoformes permet de constater la complexité de ces maladies. Comme relevé par la définition, l’un des points essentiels des troubles somatoformes est l’absence d’étiologie claire, ce qui explique la difficulté des malades à faire reconnaître leurs souffrances par des tiers et d’autant plus par des assureurs ou des tribunaux. Dans ce contexte, compte tenu de l’augmentation des cas, le Tribunal fédéral est intervenu afin de fixer des critères juridiques qui permettraient de statuer sur le caractère invalidant de ces troubles. Le but était de définir des critères qui assureraient une application uniforme et surtout l’égalité de traitement entre les assurés. Compte tenu des difficultés en matière de preuve à établir l’existence de douleurs, de par l’essence même des troubles somatoformes, le Tribunal fédéral a débuté son raisonnement en considérant que les simples plaintes subjectives de l'assuré ne suffisaient pas pour justifier une invalidité. Dans le cadre de l'examen du droit aux prestations de l'assurance sociale, l'allégation des douleurs devait être confirmée par des observations médicales concluantes, à défaut de quoi une appréciation de ce droit aux prestations ne pouvait être assurée de manière conforme à l'égalité de traitement des assurés1. Il est en résulté que le fait de poser le diagnostic de trouble somatoforme, et ce même lors d’une expertise, était certes nécessaire mais insuffisant pour admettre une limitation de la capacité de travail2. 1 2 ATF 130 V 352 consid. 2.2.2. ATF 130 V 353 consid. 2.2.3. En d’autres termes, même si le corps médical établit l’existence d’un trouble somatoforme, maladie reconnue par la CIM-10, cela reste insuffisant puisque le Tribunal fédéral exige de l’assuré qu’il présente des éléments objectifs. Or, comme indiqué précédemment, le trouble somatoforme conduit à des symptômes qui n’ont précisément aucune base étiologique claire, d’où les difficultés rencontrées par les assurés pour faire valoir leurs droits aux prestations. A cela s’ajoute que le Tribunal fédéral a établi la présomption du caractère surmontable des troubles psychosomatiques, considérant que ces troubles n’étaient en principe pas graves. A ce stade, il sied de constater que bien que le Tribunal fédéral ait souhaité définir des critères afin de garantir l’égalité de traitement, son raisonnement a pour conséquence de distinguer sans raison les affections psychosomatiques, reconnues par les classifications internationales, des autres maladies. En effet, le Tribunal fédéral a retenu que les troubles somatoformes n'entraînaient pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité au sens de l'article 4 al. 1 LAI. Une exception à ce principe était admise dans les seuls cas où, selon l'estimation du médecin, les troubles somatoformes douloureux se manifestaient avec une telle sévérité que, d'un point de vue objectif, la mise en valeur de sa capacité de travail ne pouvait, pratiquement, - sous réserve des cas de simulation ou d'exagération - plus raisonnablement être exigée de l'assuré, ou qu'elle serait même insupportable pour la société3. 3 ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 sv. consid. 2b et les références; ATF 130 V SEPTEMBRE // OCTOBRE 2015 Une fois cette présomption posée, le Tribunal fédéral a déterminé des critères juridiques qui selon lui permettraient de retenir que le trouble somatoforme était exceptionnellement grave et impliquait dès lors une incapacité de travail et une invalidité. C’est ainsi que le droit s’est immiscé dans la médecine et que les juristes ont pris la place des médecins pour fixer la capacité de travail ! En effet, bien que les médecins aient posé le diagnostic de trouble somatoforme conformément aux règles de l’art et fixé l’incapacité de travail en découlant, cette dernière n’était reconnue par les assureurs et les tribunaux que si les critères développés ci-dessous étaient remplis. Dans son approche, le Tribunal fédéral a considéré qu’il fallait dès lors examiner au cas par cas la présence des critères juridiques, étant rappelé que c’est à la personne assurée de prouver, au niveau de la vraisemblance prépondérante, l’existence d’une atteinte à la santé qui entraîne une invalidité (art. 8 CC). A défaut, la personne assurée se verrait privée de prestations. Lesdits critères jurisprudentiels sont les suivants : Il sera toutefois précisé que les troubles psychiques tels que les troubles dépressifs moyens n’étaient pas retenus comme une « comorbidité psychiatrique grave ». En effet, lesdits troubles dépressifs étaient considérés comme réactionnels aux douleurs et dès lors dépendants de ces dernières, de sorte que bien que dûment diagnostiqués ces troubles dépressifs n’étaient pas pris en compte. La réalisation du critère « comorbidité psychiatrique » était dès lors rarement admise. En effet, concrètement, le critère de « comorbidité psychiatrique » était reconnu quand elle aurait suffi à elle seule à justifier une incapacité de travail. A défaut de comorbidité psychiatrique grave, le cas de l’assuré devait remplir de manière cumulative les critères suivants 5: - Affections corporelles chroniques ou processus maladif s’étendant sur plusieurs années sans rémission durable ; - Perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie ; - Etat psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, marquant simultanément l'échec et la libération du processus de résolution du conflit psychique (profit primaire tiré de la maladie) ; Le Tribunal fédéral a donné la priorité à ce qu’il a appelé le critère de « la comorbidité psychiatrique grave », lequel suffisait à retenir que le trouble somatoforme était invalidant4. Ainsi, outre le diagnostic de trouble somatoforme, l’assuré devait également présenter une maladie psychique grave. 352 consid. 2.2.3 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine. 4 VSI 2000 p. 155 consid. 2c; ATF 130 V 353 consid. 2.2.3 in fine. 5 VSI 2000 p. 155 consid. 2c; ATF 130 V 353 consid. 2.2.3 in fine. - Echec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art et de mesures de réhabilitation, cela en dépit de la motivation et des efforts de la personne assurée pour surmonter les effets des troubles somatoformes douloureux. A priori, ces critères peuvent sembler réalistes. Toutefois, la pratique a démontré à quel point ils aboutissaient à des situations injustes vu l’absence de corrélation avec le vécu des malades et la réalité médicale. Par exemple, en pratique, le critère de perte d’intégration dans toutes les manifestations de la vie impliquait que si l’assuré avait de la famille qui lui rendait visite ou qui prenait soin de lui, ce critère n’était pas rempli ! Les critères ainsi fixés par le Tribunal fédéral ont été repris par l’assurance-invalidité, qui les a même intégrés dans sa circulaire sur l’invalidité et l’impotence6. Avec les années, l’abîme entre ces critères et la réalité médicale s’est confirmée. Tant les médecins que les juristes ont critiqué cette jurisprudence, laquelle a toutefois persisté pendant plus d’une décennie. Du rapport d’expertise du Professeur Henningsen de mai 20147 Courant 2013, INDEMNIS8, Avocats des victimes d’accidents et d’assurés privés et sociaux, a demandé au Professeur Peter Henningsen, éminent spécialiste et directeur de la Clinique pour la médecine psychosomatique et la psychothérapie, de réaliser une expertise visant à « fournir des 6 Ch. 1017. Le rapport d’expertise du Professeur Henningsen traduit en langue française est disponible sur le site : www.indemnis.ch 8 Bureaux à Aarau, Bâle, Delémont et Genève. 7 SEPTEMBRE // OCTOBRE 2015 réponses aux questions relevant du rapport entre les troubles somatoformes et les troubles apparentés d’une part et l’incapacité de travail et l’invalidité d’autre part ». A titre préalable, il sera précisé que le rapport d’expertise de mai 2014 se base sur les critères jurisprudentiels, sur la littérature spécialisée et sur les expériences recueillies par la médecine. Le Professeur Henningsen a dès lors examiné en détail les critères établis par la jurisprudence fédérale et confronté leur pertinence sur le plan médical. L’expertise du Professeur Henningsen, avec sa traduction française, est consultable sur le site internet d’Indemnis9. Le présent article se limitera à relever les éléments essentiels. S’agissant du critère de la comorbidité psychiatrique, élément crucial du raisonnement du Tribunal fédéral, le Professeur Henningsen relève que l’incapacité de travail doit être appréciée par le médecin sur la base du diagnostic : si cette estimation est basée sur les principes reconnus pour une expertise médicale, il n’y a aucune raison que le tribunal remette en cause cette appréciation10. Après une analyse détaillée et motivée, le Professeur Henningsen met notamment en évidence qu’«en vue d’apprécier la capacité de travail, traiter les symptômes de troubles physiques avec une étiologie organique évidente différemment des troubles ne présentant pas de telle composante évidente est injustifié»11. Le Professeur Henningsen met également à néant l’autre base des critères applicables en matière de trouble somatoforme douloureux, soit la prétendue « présomption » que ces troubles sont moins graves 9 www.indemnis.ch Rapport d’expertise, ch. 9.1.2. 11 Rapport d’expertise, ch. 3.1.2.3. 10 et peuvent être surmontés avec un effort de volonté12. Il souligne ainsi que : « La constatation que des troubles somatoformes et des troubles apparentés sont en moyenne moins graves ou peuvent être surmontés plus facilement que des troubles dépressifs ou d’origine organique n’est pas fondée d’un point de vue empirique. En conclusion, cette constatation correspond à un préjugé obsolète qui existe en partie dans la littérature psychiatrique plus ancienne et chez les psychiatres et autres médecins cliniciens qui ne sont pas spécialement familiers avec ce groupe de troubles sur les plans scientifiques et cliniques »13. En effet, le Professeur Henningsen explique que « la "présomption" qu’il existe une différence fondamentale entre les troubles somatoformes et d’autres troubles psychiques en ce qui concerne leur degré de gravité et leur capacité à être surmontés par un effort raisonnablement exigible ne se justifie pas d’un point de vue empirique »14. Le Professeur Henningsen précise également que : « L’utilisation d’indicateurs de degré de gravité prédéfinis comme liste de « critères » codifiés et fixes à traiter n’est pas appropriée. L’évaluation de la comorbidité d’une dépression comme indicateur de degré de gravité primaire et subordonnée ne se justifie ni empiriquement ni logiquement. L’admission d’un indicateur impossible à identifier et peu fiable tel que « le profit primaire tiré de la maladie » est insensé »15. 12 Rapport d’expertise, ch. 3.2.3. Rapport d’expertise, ch. 3.2.3. 14 Rapport d’expertise, chapitre « IV. Conclusions et prévisions », p. 27. 15 Rapport d’expertise, chapitre « IV. Conclusions et prévisions », p. 27. 13 Enfin, il conclut que : « Indépendamment de ces aspects spécifiques de la pratique d’évaluation et de la jurisprudence suisse, prendre en considération – en règle générale et de manière conséquente – les principes du modèle bio-psycho-social dans le cadre de l’expertise médicale d’une part, et la différenciation entre fonction, activité et participation d’autre part, deviendra une obligation dans le futur. Ceci prévaut pour toutes les expertises de tous types de troubles et maladies somatiques ou psychiques, avec ou sans pathologie organique. La présence d’une pathologie définie sans équivoque et donc également d’une pathologie dont l’existence peut être prouvée par les sciences naturelles ellesmêmes, ne dit rien sur l’activité et la capacité de participation. L’absence d’une telle pathologie (dont l’établissement de la preuve est possible grâce aux sciences naturelles) ne dit rien non plus sur l’activité et la capacité de participer. Seule la prise en considération systématique des facteurs biologiques, psychosociaux et étiologiques pertinents, ainsi que des ressources et des indicateurs de degré de gravité et de cohérence dans chaque cas individuel, permet une évaluation médicale fiable de la capacité de travail, voire de la capacité de gain et, le cas échéant, de répondre à d’autres questions d’ordre médicosocial »16. conduit à l’anéantissement de plus de dix ans de jurisprudence. - En effet, dans son arrêt du 3 juin 201517, sur la base de l’expertise détaillée et étayée du Professeur Henningsen, le Tribunal fédéral a enfin constaté que les critères jurisprudentiels établis devaient être abandonnés car ils ne correspondaient pas à la réalité médicale. Le Tribunal fédéral s’est ainsi tourné vers des indicateurs plus équitables, lesquels reposent sur les expériences médicales recueillies durant ces nombreuses années. Le Tribunal fédéral a ainsi renoncé à la présomption du caractère surmontable des troubles somatoformes au profit d’indicateurs qui permettront un jugement sur les capacités réellement accessibles de la personne assurée, ses limitations et ses ressources18. Le Tribunal fédéral a dès lors retenu qu’il fallait utiliser des indicateurs, lesquels ne doivent pas constituer une « check-list » rigide mais doivent être ouverts aux connaissances médicales actuelles, ce qui imposait d’abandonner la prépondérance donnée à la comorbidité psychiatrique et de renoncer au critère du profit primaire tiré de la maladie19. S’agissant des indicateurs, ils seront systématisés par groupe selon des qualités communes20: - Ainsi, le Professeur Henningsen a démontré point par point que les critères fixés par le Tribunal fédéral sont dénués de pertinence car ils ne correspondent nullement à la réalité médicale, bien au contraire ! - Limitations fonctionnelles ; Atteintes à la santé ; Résultats importants pour le diagnostic (aspects concrets des atteintes diagnostiquées); Succès du traitement et d’intégration ; Personnalité (diagnostic et ressources) ; Contexte social ; Restriction régulière dans la vie sociale ; Du changement de jurisprudence tant attendu Dans le cadre d’un recours en matière d’assurance-invalidité, le rapport d’expertise du Professeur Henningsen a été produit, ce qui a 16 Rapport d’expertise, chapitre « IV. Conclusions et prévisions », p. 28 SEPTEMBRE // OCTOBRE 2015 17 Arrêt 9C_492/2014. Arrêt 9C_492/2014 du 3 juin 2015, consid. 3.6. 19 Arrêt 9C_492/2014 du 3 juin 2015, consid. 4.1.1 et c. 4.3.1.3. 20 Arrêt 9C_492/2014 du 3 juin 2015, consid. 4.1.3. 18 Traitement (suivi ; changements). arrêts, A cela s’ajoute que ces indicateurs rendent enfin la tâche d’évaluer la capacité de travail aux médecins. Face au rapport d’expertise du Professeur Henningsen, le Tribunal fédéral a pu constater à quel point il avait erré ces dernières années puisqu’il a accepté les critiques essentielles s’agissant de sa jurisprudence. Le Tribunal fédéral a dès lors renoncé aux critères établis dans l’ATF 130 V 352 et reconnu la nécessité d’avoir recours à des indicateurs, lesquels devront suivre les connaissances médicales et rendent leur rôle au corps médical. Les nouvelles bases d’examen ont été posées par le Tribunal fédéral. Il sera primordial de suivre leur mise en exécution par les assureurs et les tribunaux. Reste à saluer une nouvelle fois l’expertise du Professeur Henningsen de mai 2014 sans laquelle nous n’aurions vraisemblablement pas assisté à ce bouleversement de jurisprudence, lequel permettra enfin à la justice d’évaluer réellement les capacités de la personne assurée et de reconnaître à sa juste valeur ses souffrances. Marie-Josée Costa L’AGEAS profite de la présente newsletter pour vous communiquer les nouvelles coordonnées d’indemnis Genève, Avocats de victimes d’accident et d’assurés privés et sociaux : Il s’agit d’une étude formée d’avocats spécialisés depuis plus de vingt ans en matière d’assurances sociales, privées et responsabilité civile. Pour mieux vous accompagner, Me Marc Mathey-Doret et Me MarieJosée Costa comme tous les bureaux indemnis de Suisse (Aarau, Bâle, Delémont et Genève) mettent à la disposition des victimes et des assurés un service de permanence juridique les lundis après-midi. Lors d’un premier rendez-vous de 45 minutes au tarif préférentiel de CHF 100.-, les avocats d’indemnis procéderont à l’évaluation de votre dossier et répondront à vos questions. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à consulter leur site internet : www.indemnis.ch SEPTEMBRE // OCTOBRE 2015 G Les renseignements utiles Nous contacter par mail : [email protected] Site internet : www.ageas.org Nous contacter par courrier postal AGEAS 11, Avenue Henri-Dunant 1205 Genève Nous contacter par téléphone: +41 22 310 47 38 SEPTEMBRE // OCTOBRE 2015 8