Alain Damasio extrait de conférence ted
plutot tres humains que trans humain
« Nous réinventons notre rapport au monde, nous même et aux autres par la tech-
nologie. Il y a une jouissance là dedans pour nos egos, avec l’extension de cette
technologie qui nous assiste et qui nous obéit au doigt et à l’œil. On y voit ce qu’on
y gagne : une maîtrise, un pouvoir accru sur le monde mais est ce qu’on n’y perdrait
pas quelque chose de très personnel de très précieux et que l’on pourrait appeler
ma Puissance. Ma puissance de vivre, d’agir avec mes propres forces, d’habiter le
monde avec mon cœur et mon corps.
La technologie a ouvert et dynamiser nos facultés physiques et mentales. Au-
jourd’hui il y a un croisement des courbes où l’accumulation massive des technolo-
gies se paierait d’une diminution de notre puissance et une forme de dévitalisation.
Il y a trois grands moteurs affectifs de notre pulsion technophile
La technologie vient outiller nos paresses, on lui sous traite nos fatigues, on exter-
nalise nos capacités cognitives dans la machine.
La technologie vient conjurer nos peurs, nous rassurer, la peur suprême de la so-
litude avec ce cocon de réseaux. On lui demande contrôler notre environnement
La technologie vient combler notre antique désir d’être dieu, on lui demande de
nous empêcher de vieillir et nous libérer de la mort.
Beaucoup d’enjeux et d’argent derrière cette religiosité sordide sinon morbide
qu’on appelle le transhumanisme. Mais de quoi le transhumanisme est il le nom?
Il veut externaliser dans la technique ce qu’il sent que sa chair et son esprit ne sont
pas capable par eux même de faire. Il veut des prothèses pour un cœur et pour un
cerveau en pleine possession de leurs moyen mais qu’il vit lui comme handicapé.
Le transhumanisme croit qu’il manque à l’homme quelque chose. J’ai la tranquille
conviction que l’être humain a en lui absolument tout ce dont il a besoin pour une
vie riche intense et féconde.
Nous n’avons pas besoin de devenir plus- humains mais nous avons besoin de
devenir plus humain. »
PROPOS
Désignés par le même mot grec, Tekhnê, l’art et la technique ont été liés pendant
longtemps visant à l’amélioration de la condition de l’homme. L’invention de la
roue, de l’écriture ont indéniablement été des avancées techniques et cognitives
permettant à l’homme de mieux vivre. Ces inventions ont souvent été mal accep-
tées voire dénigrées mais ont pour autant trouvé leur place dans nos sociétés.
Le spectacle souhaite amener le public à se questionner sur notre rapport actuel
à la technique : de nos jours, la recherche et la technologie sont animées par
des objectifs de performance, de productivité, de rentabilité... Sans que nous le
voulions, un nouvel humain est né, il n’a plus le même corps, la même espérance
de vie, ne communique plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde,
ne vit plus dans la même nature et n’habite plus le même espace. La technologie
d’aujourd’hui a envahi tous les champs du vivant, cherchant à connecter toujours
plus, à accélérer les rythmes et les cadences, l’accès à l’information...
Cette «inltration» progressive de la technologie dans nos vies n’est pas fortuite
: elle est voulue, calculée, rééchie par des sociétés dont les intérêts peuvent être
interrogeables.
Le transhumanisme aujourd’hui n’est plus un mythe, mais plutôt une tendance
: une direction dans laquelle l’humanité entière est entraînée. L’idée de mêler
progressivement l’homme à la machine a fait son chemin. Les projets de Google,
visant à repousser les limites de la vie par l’usage d’une technologie toujours plus
“intégrée” à notre corps, interrogent : Doit-on se laisser porter ? Cette nouvelle
tendance de pensée n’est-elle pas dangereuse ?
Ce glissement vers toujours plus de technologie est là. Chaque jour un nouveau
dispositif, une nouvelle découverte, une nouvelle idée, un nouveau pas vers une
intelligence articielle toujours plus sophistiquée.
Tout cela est-il réellement mené dans l’objectif de “mieux vivre” ? Ces outils n’ont-
ils pas une face cachée? Qu’en est-il de notre intégrité d’être humain? De notre
vie privée?
C’est un bouleversement tel qui s’annonce, qu’il nous paraît essentiel aujourd’hui
de se questionner, sans catastrophisme ni idées reçues, mais en toute connais-
sance de cause, sur ce que sera l’homme demain.