Cahiers de la Direction des Archives du Calvados - N°42 - 2009 61, rue de Lion-sur-Mer - 14000 CAEN - 02 31 47 18 50 De Sainte-Hélène à l’Afrique du Nord, les médailles commémoratives françaises Colloque du 6 décembre 2007 © Direction des Archives du Calvados 2009 DE SAINTE-HÉLÈNE A L’AFN Les médailles commémoratives françaises Discours d’ouverture de l’Amiral Brac de la Perrière Ce sont celles-ci, les moins prestigieuses en quelque sorte, qui font l’objet de l’exposition inaugurée vendredi dernier et du colloque d’aujourd’hui. L orsque j’ai accepté de présider le colloque sur les médailles commémoratives françaises, dont le sujet me paraissait digne d’intérêt, j’ai été bien présomptueux car, si je suis passionné par l’histoire, je ne suis compétent ni en histoire ni en phaléristique et je viens donc ici pour m’instruire et découvrir avec vous les arcanes de ces décorations, bien que certaines me soient familières depuis mes jeunes années, et je regrette de n’avoir pu dégager du temps pour une visite de l’exposition. Destinées à commémorer une action militaire (campagne, bataille ou occupation) elle est remise à tous ceux qui ont pris part à cette action et qui peuvent le justifier. Ces décorations parfois décernées en très grand nombre peuvent concerner non seulement des militaires mais bien souvent aussi des civils. Au cours des interventions de notre colloque, nous allons ainsi parcourir l’histoire de notre pays au cours des deux derniers siècles. Ce sera pour nous une occasion de nous remémorer les pages glorieuses ou douloureuses de cette histoire en pensant à tous ces jeunes Français qui ont participé aux nombreux conflits auxquels notre pays a pris part. Nous n’oublions pas non plus ceux qui continuent à être présents à travers le monde, au nom de la France, souvent sous la bannière de l’ONU. Comme vous le savez, l’origine des décorations repose sur la recherche par les autorités de chaque pays d’un moyen efficace de récompenser les bons serviteurs en leur donnant la possibilité d’arborer un signe visible de leur conduite. Parmi les très nombreuses décorations créées en France au cours des derniers siècles, il faut distinguer par ordre de préséance les ordres nationaux : la Légion d’honneur, l’Ordre de la Libération, l’Ordre national du mérite et la Médaille militaire (qui passe en préséance avant l’Ordre national du mérite), et puis en deuxième ligne, si je puis dire, il y a toutes les médailles qui ont été décernées à titre individuel, la primauté devant rester à l’acte individuel. Les interventions ont été programmées en suivant pratiquement l’ordre de la création de chaque médaille commémorative : notre programme et tout spécialement notre matinée sont très chargés et je demande à chaque intervenant de bien vouloir tenir l’horaire avec rigueur … et nous reporterons toutes les questions de l’assistance en fin de journée. Le choix des thématiques ayant été laissé aux intervenants, ces interventions présenteront une certaine diversité. On trouve énormément de décorations, de la Croix de Guerre jusqu’aux médailles d’honneur décernées par le gouvernement en passant par les différents grands mérites, comme les Palmes académiques ou le Mérite maritime ; Afin de donner le bon exemple, je m’arrête et je cède pour 30 minutes, la parole à Monsieur Joël Beauvais qui est l’un des principaux artisans de notre journée. Et puis en bout de chaîne, on trouve les médailles commémoratives qui sont portées dans l’ordre de leur création. 5 6 La médaille de Sainte-Hélène, dans le Calvados 1857-1870 par Joël BEAUVAIS Contexte général Russes. L’ennemi de l’oncle est devenu l’ami du neveu, et le fait que Victoria décerne sa médaille de cette campagne à tous les soldats alliés (la médaille de campagne est dans la tradition de ce pays, ainsi il y a une médaille anglaise pour Waterloo) n’est pas peu pour susciter le désir d’une récompense collective mais individuelle, une façon de dire que chacun a tenu sa place. La médaille de Sainte-Hélène est la première médaille commémorative française d'importance puisqu'elle a été distribuée à plus de 350 000 et peut-être 400 000 exemplaires aux survivants des armées de la Révolution et de l’Empire. Ses archives détenues par la Grande Chancellerie de la Légion d'Honneur ont été détruites avec le Palais de Salm pendant les troubles de la Commune et n’ont pas été reconstituées, à l'inverse de celles de la Légion d'Honneur. En février 1848 le roi Louis Philippe est renversé. Louis Napoléon Bonaparte, fils du roi Louis, un frère de Napoléon 1er est nommé Président de la République le 10 décembre 1848 ; le 2 décembre 1851 il réalise un coup d’état et se proclame Empereur des Français. Dès 1849 il s’inquiétera de la situation morale et matérielle des anciens militaires en créant une commission chargée de recenser les demandes d’aide et de secours. Devenu Empereur il donnera une suite favorable au testament de son oncle qui avait légué la moitié de son domaine dit privé aux officiers et soldats qui avaient combattu pour lui. Pour cela il ouvre un crédit de 8 millions à répartir entre les survivants et il crée une commission en 1854 présidée par le Comte d’Ornano. Commission appelée d’Examen des Réclamations des Anciens Militaires. Au travers des rapports de ses proches, Napoléon III prend conscience du faible niveau de vie, voire des graves difficultés d’existence des anciens militaires qui sont en grande majorité sans pension malgré les « fatigues de la guerre » (campagnes de Russie et de l’hiver 1814 en France – pour ne parler que des dernières). Il est aussi conscient que depuis 1840 et le retour des Cendres de Napoléon Ier aux Invalides, toute action vers cette partie de population lui apportera soutien et popularité. Cette Commission peut réparer quelques injustices. On donne ainsi des secours ponctuels et quelques secours viagers sous réserve de pouvoir faire état de trois blessures. De plus, quelques Légions d’honneur sont accordées. Mais les anciens militaires sont peu nombreux à pouvoir entrer dans ces critères étroits. Créée par le décret du 12 août 1857 signé Napoléon III la médaille de Sainte-Hélène a eu un retentissement considérable en France et même en Europe (Belgique, Pologne, Italie, États allemands). Elle représente peut-être le point culminant de la légende napoléonienne lorsqu'elle a été distribuée. Napoléon III en a tiré une assise politique importante. Le texte du décret précise quatre choses importantes : une médaille commémorative, premier emploi du terme pour une médaille « portée », est donnée (donnée, insistons, pas vendue) à tous les militaires français et étrangers (à l’instar de la médaille de Crimée) qui ont combattu sous les drapeaux de la France. Description de la médaille Elle est en bronze très foncé quasiment couleur chocolat, d’où son surnom ironique de médaille en chocolat, mais ceci n’a pas nui à son prestige. Par ailleurs, en 1855 l’armée française avec 30.000 hommes est engagée dans la campagne de Crimée avec les Anglais contre les 7 Esthétiquement elle est assez réussie. Oeuvre du sculpteur Barre, l’administration de la Monnaie en a l’exclusivité. Son module est 38 mm de hauteur. Le ruban est suspendu à un anneau bélière. Il est de couleur vert foncé, avec 5 raies rouges verticales de 1,8 mm de largeur, plus un fin liseré sur les bords. Elle est remise avec un diplôme gravé de format A4 environ dans une jolie boite en carton blanc gaufrée en relief d’un aigle impérial. Alors bien sûr on trouve des variantes de taille et de métal. En 1858 cinq autres distributions eurent lieu pour les retardataires qui se signalaient ou pour ceux qui n'ayant pas fourni de pièces justificatives durent attendre la fin des vérifications. La seconde distribution eut lieu le 22 février 1858, puis en mars et en mai de la même année en sous-préfecture. Ensuite la mission fut déléguée aux maires directement. Après annulations successives de date de forclusion elle a été distribuée jusqu’en 1870 (et peut-être audelà) en nombre de plus en plus restreint. Sainte-Hélène dans les Archives départementales La médaille de Sainte-Hélène dans le Calvados, situation et enquête Les archives conservées se répartissent dans les séries M, R et Z. Principalement dans 6 cartons de la série M, riches de quelque milliers de documents qui n'étaient pas préalablement inventoriés en détail. Il semble qu'après 1860 et sur l'insistance des familles la médaille et le diplôme leur aient été remis malgré le décès du titulaire mais auparavant la médaille n'était pas remise et 66 diplômes se retrouvent dans les cartons, la médaille associée, anonyme, ayant elle été réattribuée. Ces demandes tardives s'expliquent par le fait que le demandeur n'ait pas reçu l'information, ce qui est plausible pour certaines communes de faible importance, par le désintérêt possible pour une médaille à laquelle n’était attaché aucun avantage matériel. A signaler que comme dans toute bonne administration la balance entre les médailles reçues, les diplômes reçus, et ce qui a été distribué, révèle une comptabilité si complexe que cet inventaire peut présenter des inexactitudes. En 1869, une pension viagère de 250 francs annuels est attribuée aux 42 592 médaillés français survivants. En 1887, en France, date de la disparition du dernier médaillé calvadosien connu, il ne reste plus que 224 médaillés, et 3 en 1895. Notre documentation provient des Archives départementales. Dans le Calvados on peut estimer qu'entre 3 050 et 3 760 médailles ont été effectivement distribuées, car il n’est pas certain que les 610 vétérans dont le numéro de diplôme n'a pas été retrouvé ne l'aient pas reçue. A l’exception de 40 médaillés, tous les titulaires sont localisés dans 650 communes sur les 763 que compte le département. Pour cette distribution a été mise en place une logistique considérable qui a dû occuper plusieurs personnes à la Préfecture de Caen qui centralisaient des renseignements venant des sous-préfectures, lesquels remontaient des maires. Aux maires de prévenir leurs administrés susceptibles de recevoir ladite médaille, de leur demander leurs pièces justificatives, d'établir un tableau récapitulatif, ensuite de répondre aux demandes de renseignements complémentaires de la Grande Chancellerie. Les listes transmises à Paris, Ministère de l’Intérieur, une vérification était effectuée aux Archives du Ministère de la Guerre pour ceux qui ne fournissaient qu’une déclaration, puis le Grand Chancelier a fait un premier envoi de médailles et brevets le 28 novembre 1857. Le Calvados n'étant pas parmi les départements les plus rapides, le Préfet a demandé d'accélérer les choses et que toutes les remises se fassent en grande cérémonie à l'hôtel de la préfecture pour l'arrondissement de Caen et dans les sous-préfectures pour les autres arrondissements le samedi 13 décembre - action bien sûr relatée dans la presse. Le relevé nominatif complet réalisé en 2006 (mis en ligne sur sainte-helene.org) révèle que 3 760 demandes de médailles ont été faites mais seulement 3 500 environ ont été effectivement distribuées. Dans le cas de 600 demandeurs leur demande n’a pas été apostillée du numéro de brevet mais cela ne signifie pas qu’ils ne l’aient pas reçu. Pour 40 demandeurs 8 la commune de résidence reste inconnue malgré le croisement effectué entre l’état de demande et le récépissé de médaille. Il faudrait déchiffrer la signature des maires, ce qui est une tâche quasi impossible. Le premier état à être envoyé par la préfecture de la Seine Inférieure est fait en décembre 1857, et comprend plus de 5 000 demandes d’où il résulte un retour de 4 851 brevets en série continue qui seront remis à partir du 8 février 1858 Dans le Calvados la démarche d’enquête est différente : il semble que la demande initiale n’ait pas comporté les bons renseignements et ainsi la Préfecture réécrira aux sous-préfectures, lesquelles aux maires d’où une perte de temps conséquente. Et la première liste moins complète comportant 1 200 demandes ne partira que le 12 octobre 1857 mais reviendra plus vite. A l’opposé les décorés sont proportionnellement moins nombreux sur la région de Vire (moins frappée par la conscription). Qui sont les décorés ? Qui sont les non décorés ? 3 759 demandeurs hommes pour 1 femme : Marie Hamelin, épouse Schmitt, de SainteMarguerite-d’Elle fait sa demande en 1857 ; elle se déclare cantinière du 4e Ligne, campagne de Russie prisonnière rentrée le 2 novembre 1814. Il n’est pas sûr qu’elle ait été décorée, en tout cas son numéro de diplôme ne figure pas dans les Archives ; son décès et celui de son mari n’ayant pas été retrouvé – rien ne peut être affirmé. Quelques cas particuliers sont à signaler : Jean Lefèvre de Caen sera lieutenant en 1813 au 107e. Il signale qu’il a eu deux frères tués pendant la campagne de France, le premier à Hanau, le second à Chalons-sur-Marne. Lecoq François à Caen s’est échappé des pontons de Cadix. Louvet de Gonneville sur Honfleur signale qu’il a participé aux combats d’Iéna, d’Eylau, de Friedland et de Talavera. Répartition géographique des médaillés Préfecture ou Sous-préfectures Caen 520 personnes Bayeux 73 personnes Lisieux 102 personnes Falaise 90 personnes Vire 82 personnes Pont-l’Evêque 21 personnes Qui n’est pas décoré malgré sa demande. Gazengel de Mondeville, car il a été condamné à 2 mois de prison pour avoir soustrait un hectolitre de blé trouvé sur la grande route ! Jardin Jean Baptiste de Quetteville aurait fait une fausse déclaration ? Sergent 31e ½ brigade. Enfin un inspecteur aux Fourrages du nom de Henri Michel François Lelaidier n’est pas décoré car son service ne peut être considéré comme service militaire, mais un employé aux transports militaires en Espagne reçoit la médaille, Morel de Tilly-sur-Seulles. Renouf d’Avenay n’a pas de brevet : au service le 31 juillet 1813 à la Compagnie de réserve du Calvados, l’enquête révèle qu’il a été réformé avant incorporation. Lesellier de Sainte-Marguerite-d’Elle ne l’a pas : il a été incorporé le 26 mai 1815, alors que les « 100 jours » se terminent avec Waterloo le 18 juin 1815. Il faudrait vérifier le contrôle du 32e de Ligne Comme toujours il peut y avoir quelques cas contestables, soit d’attribution soit de refus. Et puis quelques localités ont nombre de récipiendaires : Orbec 36, Saint-Pierre-sur-Dives 40, Trouville 60, Honfleur 179. Comme Argences 20, Balleroy 16, Bernières 31, Condé-sur-Noireau 48, Courseulles 35, Langrune 18, le Tourneur 22, Ouistreham 18, Port-en-Bessin 19, St-Aubin-sur-Mer 20, Verson 20. Cette répartition est fonction de la conscription et des inscrits maritimes réalisée 60 ans auparavant, compte non tenu des déplacements de population difficiles à apprécier, le conscrit pouvant être né ailleurs qu’au lieu de résidence lors du tirage au sort, et pouvant aussi résider en 1857 dans aucun des lieux précédents. Même si le phénomène n’est pas aussi frappant qu’en Seine-Inférieure, une certaine prépondérance sur les côtes d’inscrits maritimes incorporés très jeunes localisent beaucoup de médaillés de Sainte-Hélène sur les côtes du Calvados. Les membres de la Légion d’Honneur Il y en a 18. Dont huit ont été nommés sous le Ier Empire dont le plus ancien est Jean Victor Durand qui a été nommé le 12 février 1813. 9 Quel âge ont-ils ? Il faut signaler Hurel Paul Edmond à Caen, décoré en 1814 comme marin (rare à cette époque) pour sa participation au combat du Romulus. Ne signale pas qu’il est légionnaire (modestie), Pierre Pierre, de Formigny, décoré en 1814 comme sous-lieutenant au 2e cuir. Autant en Seine-Inférieure 90 % des âges lors de la demande sont signalés autant ils ne figurent que 5 % des cas dans le Calvados mais la moyenne obtenue avec ces chiffres est sensiblement la même que sur la population haute normande. L’âge moyen est de 69 ans, par contre il est plus difficile de trouver les âges extrêmes. Pour les mousses et tambours ou enfants de troupe on imagine facilement qu’ils sont jeunes en 1857 (sic) et pour ceux qui déclarent avoir servi dans une demi-brigade on imagine qu’ils sont les plus âgés. Ainsi Louis Beaufort de Longues, Jacques Bouet et Pierre Bouet respectivement de la 48e et 65e demi-brigade. Bouteiller est né en 1775 à Dieppe, Breton à Tournay, 90 ans, n’a pas la médaille car il décède entre-temps, Brionne est né en 1771 il a donc 86/87 ans Gondon dit la douce a été au service de 1792 à 1815 ! Quel âge a-t-il ? Etat de la conscription. La majorité d’entre eux sont nés dans la période où elle s’est appliquée c'est-à-dire nés après 1783. Beaucoup sont appelés dans la Marine. Mais pour l’armée de terre on trouve : la prédominance du 28e d’Infanterie de Ligne, 130 individus. Puis le 86e de Ligne avec 52 individus, le 32e avec 49 et le 138e avec 44 individus. Infanterie Légère, le 36e Léger vient en tête avec 48 soldats puis le 5e léger, 28 soldats. Bien sûr des décorés sont issus de la Garde Impériale et l’un déclare même avoir servi dans la Garde des Consuls ! donc avant 1804. Les douaniers, 5 personnes, (sont militaires). Pour la Cavalerie les 2e et 9e chasseurs à cheval comptent 26 médaillés chacun. 4e hussards, 6e dragons ont le plus de médaillés. Un médaillé déclare avoir servi dans un régiment suisse ; quelques-uns dans les Gardes d’Honneur signalant ainsi leur origine sociale. Des artilleurs, oui, mais pas de chiffre significatif principalement quelques canonniers garde-côtes dans le 10e Bataillon qui était stationné entre Ouistreham et Isigny. Idem pour le service de santé hôpitaux et ambulances. D’où viennent t-ils ? Le lieu de naissance est rarement indiqué. Quand il est indiqué on constate que 96 % viennent du Calvados, 3 % des départements voisins et moins de 1% d’ailleurs, dont un Italien et un Polonais. Leur état de santé 1 - événements non liés à leur situation d’ancien militaire. En 1857 Guillaume Léonard Fortier est signalé atteint d’aliénation mentale mais calme. Guerin, de Courvaudon, grabataire depuis 6 ans, est incapable de se rendre à la remise de la médaille, il décède d’ailleurs en novembre 1859 à 68 ans. Hamel Jean Baptiste est paralysé du bras gauche. Ce ne sont que quelques exemples. Les grades Il est assez difficile sans étude détaillée de chaque cas d’être précis car certains se mentionnent officier sans préciser qu’il s’agit d'un grade obtenu après 1815. Pour l'armée de terre on peut compter évidemment une très grande majorité d’hommes de troupe. On compte : 37 sous-lieutenants, 39 lieutenants, 29 capitaines, 8 chefs de bataillon ou d’esc., 4 officiers sans précision soit un total de 117 pour 3 500 médaillés (0,5 % environ). 2- Les blessures de guerre sont indiquées. Michel Boisard a perdu l’oil gauche et est estropié, Thieville a été blessé d’un coup de feu à la jambe gauche en Espagne. Gondon a été blessé à Wagram, Cacqueray a été blessé à Waterloo, comme Lafosse à Mont-Saint-Jean ; Morice a été gravement blessé, Fouache de Lion-sur-Mer a été amputé, il était sur le vaisseau l’Auguste, Porquet de Maisoncelles souffre d’un tremblement continuel du bras gauche. Ayant évoqué l’aspect militaire, abordons l’aspect social de l’époque Napoléon III. Les archives de Sainte-Hélène sont révélateurs de la situation sociale d’une partie de la population que nous appellerions aujourd’hui les « seniors ». 10 Conclusion Il n’y a pas de gros tableau de blessures car on peut penser que les plus gravement atteints sont décédés avant 1857. Au-delà de l’aspect strictement individuel qui a permis à nos Calvadosiens d’éprouver une certaine fierté du devoir accompli pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire et d’en porter la marque visible, l’étude de la médaille de Sainte-Hélène et de ses archives, par sa richesse, ouvre la voie à une analyse très intéressante de la société. Leur état de fortune ou d’infortune Ce renseignement ne figure que pour près de 10% des décorés. Gondouin de Gonneville sur Dives est signalé par le maire comme « ne possédant rien ». Mais Groult de Saint-Paer est rentier. Jean Breton de Tournay est signalé dans un complet dénuement. Ce sont surtout les « indigents » qui sont signalés en raison des secours régulièrement demandés. Il faut noter qu’en pleine période de distribution de la médaille de Sainte-Hélène, lors de son voyage en Basse-Normandie en 1858 Napoléon III décidera de répartir 6.000 francs en secours pour les médaillés de Sainte-Hélène. *** Bibliographie sommaire Pour qui souhaiterait approfondir ses connaissances sur la médaille de Sainte-Hélène on pourra consulter : www/sainte-helene.org qui, outre un historique détaillé permet de rechercher un aïeul décoré. Le n° 316 de la revue du Souvenir Napoléonien avec un article de l’ancienne conservatrice du Musée de la Légion d’honneur, Madame Ducourtial. Le n° 170 de la revue Symboles et Traditions avec un article de Daniel Werba. Leur activité professionnelle n’est que rarement indiquée, elle serait à rechercher dans leur acte de décès ou de mariage. 11 12 La médaille commémorative de la guerre de 1870-1871 par Daniel WERBA Evoquer la médaille de la guerre de 1870 – 1871, c’est évoquer une période particulièrement sombre de notre histoire nationale. Négligée par les collectionneurs, car assez commune, la médaille de 1870 l’a également été, tout au moins jusqu’à ces dernières années, par les auteurs historiens et phaléristes. Il est vraisemblable que l’amertume de la défaite n’était pas étrangère à ce désintérêt. Cette guerre aura été funeste à plus d’un titre : - d’abord 140 000 morts et autant de blessés, 370 000 prisonniers, des villes dévastées, - ensuite la perte de l’Alsace et de la Lorraine, - enfin, un coût financier considérable, le paiement d’une indemnité de cinq milliards de francs-or, des régions pillées et le recul de l’influence française en Europe. Cette guerre malheureuse a traumatisé le pays et marqué plusieurs générations de jeunes gens qui ont vécu dans l’attente de la revanche et du retour à la mère patrie des deux provinces perdues. Il faudra la victoire de 1918 pour qu’enfin s’efface des mémoires cette blessure dont on disait « qu’elle vivait au fond des cours ». L’histoire, relayée par une opinion publique trop heureuse de trouver un bouc émissaire à ses malheurs, va faire porter à l’empereur Napoléon III la responsabilité du conflit et de la défaite. L’accusation est injuste et il ne faudra pas moins d’un siècle pour qu’enfin on en revienne à une analyse plus objective. En effet, l’empereur avait conscience des faiblesses de l’armée française et des ambitions de la Prusse. Dès 1866, il avait pris la mesure de la puissance militaire prussienne qui en quelques jours avait balayé les armées combinées d’Autriche-Hongrie et de Bavière, leur infligeant à Sadowa une cuisante défaite dont elles ne se remirent jamais. L’année suivante, en 1867, lors de l’exposition universelle de Paris, il avait constaté la supériorité des canons Krupp, tout acier à chargement par la culasse, sur notre artillerie de bronze désormais obsolète. La volonté de l’empereur était de moderniser notre armée et il s’agissait d’une priorité désormais incontournable compte tenu des ambitions de la Prusse. LA GUERRE CAUSE ET DÉROULEMENT C’est dans cette perspective que l’empereur fait adopter en 1866 le fusil chassepot largement supérieur au dreyse prussien, car plus précis, plus rapide, plus robuste et de plus longue portée. L’empereur, de sa cassette personnelle, dote l’armée du canon à balles, ancêtre de la mitrailleuse, arme terrible et redoutable dont l’effet dévastateur était foudroyant. Enfin et surtout l’empereur charge le ministre de la guerre, le maréchal Niel, d’entreprendre l’ouvre de redressement indispensable avec la création de la garde nationale mobile. A cette nouvelle l’opposition fit chorus : « Vous voulez donc transformer la France en caserne… ». La réplique cinglante et prophétique du maréchal n’y changera rien : « Craignez qu’elle ne se transforme en cimetière » Le projet fut délaissé. Dans le même temps la Prusse qui depuis des années se préparait à la confrontation était sur le pied de guerre ; la ligne, la réserve Avec le recul du temps on peut penser que cette guerre était inéluctable car il s’agissait pour la Prusse d’une part de régler en Europe une question de suprématie, d’autre part, de réaliser sous son autorité l’unité allemande. A ce dessein, il y avait un obstacle : la France. Il ne manquait qu’un prétexte au conflit. L’affaire d’Espagne allait le fournir. En 1868, la couronne d’Espagne est offerte au prince Léopold de Hohenzollern, proche parent du roi de Prusse Guillaume Ier. Vive émotion en France, émotion dont le chancelier Bismarck tire habilement parti en divulguant la tristement célèbre dépêche d’Ems « le chiffon rouge qui affolera le taureau gaulois ». Le 19 juillet 1870, c’est la guerre, déclarée témérairement par la France, une guerre dont elle aurait pu faire l’économie dans l’honneur, le prince de Hohenzollern ayant renoncé au trône. 13 et la Landsheer rassemblaient 500 000 hommes auxquels nous n’avions à opposer que 265 000 hommes. Par une chaleur épouvantable, l’armée démoralisée se met en marche pour l’ultime étape. Les 1er et 2 septembre, encerclée dans la cuvette de Sedan, elle succombe sous un déluge de fer et de feu. L’empereur se porte en 1ère ligne pour y trouver la mort qui l’épargne mais frappe son aide de camp, le capitaine d’Hendricourt, qui se trouvait à ses côtés. Pour arrêter le carnage, l’empereur se résout à faire hisser le drapeau blanc sur la citadelle. Il est prisonnier. La nouvelle est connue à Paris où la révolution éclate. L’impératrice régente quitte la capitale et se rend à Trouville d’où elle peut gagner l’Angleterre. Le 4 septembre, la République est proclamée, le gouvernement de la Défense nationale proclame la patrie en danger et lève des centaines de milliers d’hommes. Des armées sont formées mais sans discipline, sans instruction, parfois sans armes et sans cadres. On s’aperçoit, mais trop tard, de la pertinence de la Loi Niel… A cela s’ajoutait une confusion totale. Si le maréchal Lebœuf ne craignait pas d’affirmer « qu’il ne manquait pas un bouton de guêtre », les officiers ne possédaient ni cartes ni renseignements sur les zones des combats à venir. En vérité, l’armée française vivait sur une réputation flatteuse mais inexacte. Elle vivait auréolée de victoires prestigieuses certes, mais acquises au prix fort comme à Solferino sur des armées désuètes (Autriche, Hongrie ou Russie) ou sur des bandes d’irréguliers (Algérie ou Indochine). En fait, l’état-major n’était pas préparé à une guerre moderne. Plus clairvoyant qu’on ne l’a dit, l’empereur Napoléon III savait cela, raison pour laquelle il était hostile à cette guerre qui venait trop tôt et dont il pressentait sans doute qu’elle serait fatale à sa dynastie et à la France. Hélas, les ardeurs belliqueuses de son entourage, relayées par une opinion publique quasi unanime, l’ont emporté sur la réserve du souverain affaibli par la maladie. Ces armées sont : - l’armée du camp retranché de Paris sous les ordres du général Trochu, dont Victor Hugo disait : « Trochu, participe passé du verbe trop choir ». Défaites de Champigny, du Bourget, de Buzenval… La suite est connue : c’est un long et douloureux chemin de croix qui, d’août 1870 à janvier 1871, va mener le pays au désastre : - 2 août, défaite de Wissembourg ; - 6 août, défaite de Forbach ; défaite de Reichshoffen qui livre l’Alsace et ouvre les portes de la Lorraine - le maréchal Mac Mahon bat en retraite sur le camp de Châlons. Le maréchal Bazaine s’enferme dans Metz avec 180 000 hommes, dont la garde impériale fer de lance de l’armée. - l’armée de la Loire, après les succès d’Orléans et de Coulmiers va, avec le général Chanzy, de désastres en déroutes. Défaites de Beaune, de la Rolande, de Loigny, du Mans. La débâcle ne s’arrêtera qu’aux portes de Laval avec la signature de l’armistice. - l’armée du Nord commandée par un officier de grande valeur le général Faidherbe, vainqueur à Bapaume, victoire sans lendemain. De sanglantes batailles se livrent, Mars-la-Tour, Gravelotte, Saint-Privat, mais Bazaine n’a pas la volonté de forcer l’encerclement. Le 18 août, Metz est investie et, pendant deux mois et demi, l’armée française va rester quasi immobile jusqu’à ce que le maréchal Bazaine et la famine la livrent avec armes et drapeaux le 29 octobre. Avec les débris de l’armée l’empereur veut couvrir Paris et se mettre sous la protection des forts de la couronne : là, la troupe pourra se renforcer, se reconstituer et reprendre courage et moral. Le parti de la guerre s’y refuse : il faut marcher sur l’ennemi en direction de Sedan où Bazaine viendra rejoindre après avoir traversé les lignes prussiennes. - l’armée de l’Est, la malheureuse armée de l’Est, commandée par le brave général Bourbaki, vainqueur à Villersexel mais vaincu à Héricourt sans avoir pu forcer le blocus de Belfort. La retraite douloureuse de l’armée de l’Est est restée synonyme de débandade ce qui est injuste. Oubliée par les négociateurs français de l’armistice l’armée de l’Est, dans des conditions épouvantables, dans la neige et par un froid sibérien a pu gagner la Suisse pour y être internée. De désespoir, le général Bourbaki tentera de se suicider en se tirant une balle dans la tête. 14 Tout au long de ces mois tragiques, ponctués de défaites et de drames, vont s’accomplir des actes sublimes et héroïques, des sacrifices pour l’honneur et le drapeau. La première médaille créée, le fut au printemps 1871, c’est l’Etoile de la 4e brigade de l’armée des Vosges de Riciotti Garibaldi, fils du célèbre Guiseppe Garibaldi. Quantité de médailles, insignes, rubans divers et variés furent remis par ces associations dans les années qui suivirent la guerre. Le but de ces associations était multiple et notamment : - d’abord conserver vivaces les liens fraternels tissés durant les combats ; - ensuite, participer aux fêtes patriotiques et commémoratives, hommages aux morts autour des tombes et des monuments (Caen, Honfleur, Dives, Villers-sur-Mer, Lion-sur-mer, Lisieux, Bernay…) ; - enfin, avoir un rôle social auprès d’adhérents les plus démunis : par le biais de cotisations et de dons, les plus malheureux étaient secourus et aidés. L’Histoire se souvient : - de la charge des cuirassiers de Reichshoffen, - de la charge des chasseurs d’Afrique sur le plateau de Floing, - des marsouins de la maison des dernières cartouches à Bazeilles, - des volontaires de l’Ouest à Ligny, - des citadelles de Bitche et de Belfort… Et d’autres dévouements encore dont beaucoup sont hélas aujourd’hui tombés dans l’oubli. La Légion d’honneur et la Médaille militaire viendront récompenser les plus méritants parmi ces braves. Mais pour les autres, les obscurs, les sans grade, ceux qui avaient fait leur devoir en se portant au secours de la Patrie, rien que l’amertume de la défaite. Cette situation était choquante. Certes, la défaite était sans appel mais ces hommes n’avaient pas démérité. Ils avaient connu les combats, vécu le danger, souffert du froid, de la faim, de la peur. Ils pouvaient légitimement prétendre à la reconnaissance, même modeste, de la Nation. A plusieurs reprises par l’intervention d’hommes politiques ou d’associations d’anciens combattants, le débat fut mis sur la place publique. En vain, chaque tentative se heurtait à un refus du Gouvernement qui n’entendait même pas évoquer le sujet. La plus importante de ces associations était celle des « Vétérans des Armées de Terre et de Mer » créée en 1893 et qui a survécu jusque dans les années 40. Elle comptait des dizaines de milliers d’adhérents répartis en 2 241 sections en France et dans les Colonies et eut, comme présidents d’honneur, des personnages aussi illustres que le président Clémenceau ou les maréchaux Joffre, Foch, Lyautey. C’est assez dire son importance et son prestige. Ces associations étaient diverses : - associations nationales : Union fraternelle des Mobiles et Combattants de 1870, Fédération des Combattants de 1870, Société fraternelle des Combattants de 1870, Union générale des Combattants de 1870, etc. - associations locales : Anciens Combattants de Lisieux, de l’Aigle, de Rouen, d’Elbeuf, de Louviers, etc. - associations régimentaires : Anciens de l’Armée de Metz, de la Loire, de l’Est, etc. - associations d’anciens d’une bataille, d’un siège : Anciens de Gravelotte, de Belfort, de Champigny, de Châteaudun, etc. La guerre avait duré sept mois, le combat pour la Médaille de 1870 allait durer quarante ans... LES ASSOCIATIONS On ne peut s’empêcher de penser au sort identique des vétérans du Ier Empire qui attendirent 42 ans leur Médaille de Sainte-Hélène et, comme leurs illustres aînés, les anciens de 1870 n’eurent d’autre choix que de suppléer, par le biais de leurs associations, à la défaillance des autorités. Dans l’attente d’une récompense officielle, ils purent ainsi orner leur poitrine de modestes insignes à caractère privé. 15 De ces multiples associations, deux ont survécu : le Souvenir Français dont le but est de veiller à l’entretien des tombes militaires et des monuments commémoratifs (On doit au Souvenir Français l’érection de très nombreux monuments commémoratifs) ; et la Société des Volontaires de 1870-1871 créée en 1872 et qui, aujourd’hui, porte le nom de Société des Volontaires 1914-1918 et 1939-1945 et T.O.E et Résistance. vaincu. L’Autriche et la Bavière après le désastre de 1866, la Russie après Sébastopol ou la guerre contre le Japon, le Danemark après la guerre des Duchés, n’avaient eu aucune hésitation à rappeler par médailles officielles des défaites douloureuses. En dépit des refus réitérés, des anciens de 1870 ne cessèrent jamais de revenir à la charge, inlassablement, toujours plus déterminés et soutenus désormais par des pétitions qui rassemblaient des dizaines de milliers de signatures. L’obstination de ces hommes, au premier rang desquels figuraient toujours Ernest Noël, député de Paris, et Georges Berry, également député de Paris, finit par l’emporter sur l’opposition du Gouvernement. Toutes ces associations, ou presque, décernaient un insigne portable avec ruban. L’insigne était généralement composé d’un trophée d’armes surmontant une médaille avec l’effigie de la République. Le ruban était souvent tricolore à bandes noires (deuil) et vertes (espoir). Ces insignes parfois pittoresques mais toujours émouvants restaient cependant des insignes privés et ne revêtaient pas la valeur d’une récompense officielle. Les associations ne s’y trompaient pas et se firent de plus en plus pressantes pour qu’une médaille officielle fût instituée. Ce désir était d’autant plus fort que ces anciens voyaient avec un sentiment de dépit et de frustration la poitrine de leurs cadets se couvrir de nombreuses médailles décernées à l’occasion des campagnes coloniales menées par la France (Tonkin 1885 – Madagascar 1886 – Dahomey 1892 – Coloniale 1893 – Madagascar 1895 – Chine 1902 – Maroc 1909). En 1894 une démarche est entreprise par un parlementaire parisien, Ernest Noël, qui dépose, mais sans aucun succès, un projet de loi. Il récidive deux ans plus tard, mais nouveau refus du ministre de la Guerre : « il n’y a pas lieu de perpétuer par un signe ostensible le souvenir de cette période de notre histoire nationale ». LA MÉDAILLE COMMÉMORATIVE En 1910, après quarante ans de lutte, leurs efforts allaient être couronnés de succès. Cette année-là, dans le cadre de la discussion du budget de l’exercice, les préfets furent invités à établir les premières listes d’ayants droits de manière à évaluer leur nombre pour pouvoir calculer les conséquences financières de cette création. Le 29 mai 1911, le Gouvernement présente enfin un projet de loi tendant à la création de la médaille tant attendue : « Depuis plusieurs années, la question s’est posée devant l’opinion d’accorder aux survivants de la campagne un témoignage effectif de la reconnaissance de la Nation ». Le 22 juin 1911, le comte Hubert de Montaigu, député, donne lecture à la Chambre du rapport fait au nom de la Commission de l’Armée chargée d’examiner le projet de loi tendant à la création d’une médaille commémorative et il proposait de l’adopter. L’urgence est demandée….Il était temps…. Le 3 juillet 1911, le projet est adopté par la Chambre (485/1). Le 12 juillet, le Sénat l’adopte à son tour (271/0). Le 9 novembre 1911, 40 ans et 10 mois après la guerre, la loi est votée. L’argument était tout à fait spécieux. En effet, de nombreux pays d’Europe, à l’histoire militaire glorieuse, avaient exprimé leur reconnaissance à leurs combattants malheureux car le courage est une vertu qui ne connaît ni vainqueur ni 16 Quant au processus d’obtention, il est le suivant : la demande est à établir sur papier libre en se conformant strictement au modèle fixé par l’Instruction. Il est vivement conseillé, pour faciliter la tâche des services, de passer par les associations qui regrouperont les demandes de leurs adhérents et les adresseront à l’administration concernée. (L’association des Vétérans des armées de terre et de mer traitera 80 000 dossiers). C’est la qualité de l’ayant droit qui fixe le destinataire du dossier : - le ministère de la Guerre pour l’armée d’active et la garde nationale mobile ; - le préfet du département pour la garde nationale mobilisée ; - les municipalités des villes assiégées demeurées françaises, pour la garde nationale sédentaire. - le ministre de la Marine pour les corps et services de la Marine ; - le ministre des Finances pour les douanes et la trésorerie aux armées ; - le ministère de l’Agriculture pour le corps des forêts ; - le sous-secrétariat d’Etat aux postes et télégraphes pour la poste et télégraphie militaire ; - la préfecture de Police pour les gardiens de la paix de la ville de Paris. La loi du 9 novembre 1911 et l’instruction spéciale du 2 novembre 1911 Cette loi du 9 novembre 1911 est brève, elle comprend six articles : le premier institue la médaille et le second en donne la description ; le troisième exclut les « indignes » : ceux qui se seront signalés par leur mauvaise conduite durant les hostilités et ceux qui auront été condamnés durant la même période ; enfin, le sixième renvoie pour application à une instruction spéciale. Cette instruction spéciale datée du 2 novembre 1911 est signée du ministre de la Guerre, le général Messimy, elle fixe les ayants droits et expose les modalités d’obtention. Ce texte est fondamental. Les ayants droits sont les suivants : « Les militaires ou anciens militaires actuellement vivants présents sous les drapeaux de juillet 1870 à février 1871 inclus ». Ces militaires ou anciens militaires doivent avoir servi dans l’une des huit catégories suivantes : - l’armée d’active, - la garde nationale mobile, - les corps francs reconnus, - la garde nationale mobilisée, - la garde nationale sédentaire des villes assiégées (Paris, Strasbourg, Belfort, etc.), - les corps et services de la marine, - les corps organisés mobilisés en 1870 (douanes, agents et gardes des forêts, gardiens de la paix de la ville de Paris), - les services de la trésorerie et de la poste aux armées. Après vérification, les demandes sont transmises aux services compétents des ministères de la Guerre et de la Marine. Ces demandes doivent être accompagnées de la justification de la présence sous les drapeaux par un document officiel ou à défaut par attestation signée de deux témoins et d’un extrait de casier judiciaire ou une attestation de bonnes vie et mours délivrée par une association d’anciens combattants. Pour les Français vivant à l’étranger les demandes doivent être déposées auprès de l’ambassade de France. Pour les étrangers, par la voie de l’ambassade à Paris de la nation à laquelle ils appartiennent. Cette obligation concerne les Alsaciens-Lorrains devenus allemands suite à l’annexion et elle provoquera d’ailleurs leur profond mécontentement. Ces formalités accomplies il faut attendre la remise du brevet dont la distribution commencera à la fin de l’année 1911 et se poursuivra de manière régulière jusqu’au mois d’août Cependant, très vite, on s’aperçoit que ce cadre est trop étroit et le 27 mars 1912, sur proposition du colonel Driant, la Chambre élargit la liste des ayants droits aux médecins, aux infirmières et infirmiers, aux aumôniers et aux aérostiers ayant quitté Paris en ballon. Par contre, les pompiers et les civils prisonniers ou otages ne sont pas retenus. Le 23 juillet 1923, la loi apporte à cette liste deux catégories supplémentaires : les enfants volontaires qui avaient moins de quatorze ans à la déclaration de guerre et qui ont été enrôlés dans la garde nationale, et les enfants de moins de dix-huit ans non incorporés mais ayant accompli un acte de courage civique. 17 1914. Cette distribution sera officiellement suspendue durant la durée des hostilités mais elle reprendra avec la fin de la guerre (les Archives départementales de l’Eure possèdent des dossiers de remises postérieures à la guerre de 1914 – 1918, cote 7 R 11). Maroc en prenant soin toutefois de dépouiller le casque de la République de la couronne de laurier qui l’ornait. Pour l’anecdote on rappellera que c’est une actrice de l’Opéra Comique, Fernande Dubois, qui servit de modèle pour l’effigie de la République casquée. La médaille La médaille de bronze du modèle officiel est d’un module de 30 mm. Cependant, il en existe de nombreuses variantes non officielles : variante de modules (des modules réduits pour tenue de soirée et un gros module de 36 mm), variante de métal (bronze argenté, bronze doré, argent, or, parfois avec roses). Il existe également un modèle de fantaisie dit du « Duc des Cars » portant dans le cartouche du revers l’inscription : « Le Duc des Cars à ses frères d’Armes ». Cette médaille est longtemps restée une énigme et il aura fallu les recherches de M. Philippe Vraine pour en percer le mystère. Il s’agit d’une médaille privée, frappée par la maison Arthus Bertrand de Paris à la demande du duc des Cars. Cette médaille était destinée à être remise par le duc des Cars à ses compagnons de la promotion 1872 de Saint-Cyr « La Revanche ». Le brevet est offert mais la médaille est aux frais du récipiendaire qui peut en faire l’acquisition de ses deniers auprès de la Monnaie de Paris ou bien auprès de son association. Il lui en coûte 1F50 pour le modèle « Ordonnance », 2F pour le même modèle avec la barrette « Engagé Volontaire ». L’insigne. La médaille est précisément décrite dans l’article 2 de la loi du 9 novembre 1911 : L’insigne sera en bronze du module de 30 mm. Il porte à l’avers l’effigie de la République et au revers des attributs militaires rappelant la collaboration des troupes de la Guerre et de la Marine avec le millésime 1870 – 1871. Cette médaille sera suspendue au ruban par une bélière également en bronze. Le ruban aura une largeur de 36 mm. Il sera coupé dans le sens de sa largeur de 9 raies vertes et noires alternées d’une largeur de 4 mm chacune. Pour les engagés volontaires une agrafe en argent barrant portera la mention « Engagé Volontaire ». Le ruban vert et noir n’a jamais varié et ce malgré la proposition faite en décembre 1918 par Paul Pugliesi Conti, député de la Seine : « La Chambre invite le Gouvernement à supprimer de la médaille 1870-1871 le noir qui rappelait notre deuil national et à y substituer une nouvelle couleur représentative de la victoire de la France ». Cette proposition fut renvoyée devant la Commission de l’Armée. Bien que logique et de bon sens, il ne semble pas que cette suggestion fut suivie d’effet. Comme on peut s’en rendre compte à la lecture de cette description officielle, l’insigne est simple pour ne pas dire modeste. Cette sobriété a été voulue et le sénateur Berteaux y a personnellement veillé : pas d’aspect pompeux, pas de feuille de laurier ou de chêne, pas le mot « gloire ». Il existe des barrettes artisanales, sans caractère officiel, comme la barrette « BELFORT ». Il s’agit là de fantaisies, d’une indiscutable rareté, qui font la joie des collectionneurs. La réalisation de la médaille fut confiée à un artiste de renom, Georges Lemaire (1843 – 1914) qui avait déjà gravé différentes médailles, dont la fameuse médaille coloniale (1893) mais aussi les médailles de l’expédition de Chine (1900 – 1901) et du Maroc (1909). Georges Lemaire s’est scrupuleusement conformé aux exigences du sénateur Berteaux et la médaille est d’une grande sobriété. On notera que, pour l’avers, il a purement et simplement repris le modèle de la médaille du Le brevet est d’une extrême simplicité. D’un format de 30,5/21 (feuillet de 61/42 plié) il mentionne le nom et le prénom du titulaire, son grade, son corps et précise le port de l’agrafe « Engagé Volontaire ». En raison de l’austérité du document, des brevets décoratifs furent mis dans le commerce notamment par les journaux. 18 CONCLUSION Aucune cérémonie de remise à caractère officiel n’était prévue. C’est au cours de fêtes locales ou de célébrations patriotiques que, dans chaque commune de France, furent honorés les titulaires et ce, en l’absence de toute pompe militaire, ni prise d’armes, ni défilé, sauf celui du corps des sapeurs-pompiers, des associations patriotiques et des sociétés de gymnastique. A l’origine le ministre de la Guerre s’était même opposé à la présence de militaires en uniforme lors de ces manifestations. Avec le temps, les choses s’assouplirent et les officiers purent, en uniforme, remettre la médaille commémorative aux vétérans. La presse locale et les revues d’associations se firent systématiquement l’écho de ces cérémonies et relatèrent par le menu le déroulement dans leurs colonnes. Des cartes postales sur ce thème ont été éditées par des imprimeurs locaux. Le 7 décembre 1924, le fils du maréchal Maunoury écrivait au Grand Chancelier de la Légion d’honneur : « Monsieur le Grand Chancelier, Lorsqu’en 1911, le Maréchal Maunoury reçut la médaille commémorative de 1870, il l’enferma dans son écrin mais ne la porta jamais. Quand le 10 septembre 1914 il remit à son chef d’Etat-Major le texte de l’ordre du jour qu’il adressait à ses troupes victorieuses, il avait épinglé sur sa vareuse l’humble médaille de bronze soutenu par un ruban vert et noir. Cette décoration de mon père nous était particulièrement précieuse. Nous sommes fiers de l’offrir au Musée de la Légion d’honneur » Cette lettre émouvante résume tout ce qu’ont représenté la médaille commémorative de 1870 – 1871, la douleur de la défaite et la foi indéfectible en la revanche. Remerciements Le nombre de titulaires, les derniers survivants. Il est certainement possible de connaître avec exactitude le nombre de titulaires. Hélas, je n’y suis pas parvenu. Cependant, une lettre circulaire du ministre de l’Intérieur, en date d’octobre 1912, apporte un début de réponse précisant qu’à cette date, 180 000 diplômes avaient d’ores et déjà été attribués et fixant approximativement le nombre total à 287 000. On peut estimer que le nombre de titulaires n’a vraisemblablement pas excédé 300 000. Quant aux derniers survivants, j’ai également échoué dans mes recherches. En 1936, soit 65 ans après le conflit, les députés se préoccupaient encore des anciens de 1870 et le 2 avril était votée la création de la Croix du Combattant Volontaire 1870 – 1871. Madame de Chefdebien, Conservatrice du Musée de la Légion d’honneur Monsieur Darnis, Conservateur du Musée de la Monnaie de Paris Bibliographie Ouvrages spécialisés sur la période : Philippe BOIRY, Histoire de la Société des Volontaires, Pilote 24 Edition Périgueux, 1998. Philippe VRAINE, La Société Nationale des Vétérans des armées de terre et de mer, Philippe Vraine Chevregny, 2001. Philippe VRAINE Médailles et insignes portables de la guerre franco- allemande de 1870 – 1871, Philippe Vraine Chevregny, 2004 et 2007. Revue Symboles et Traditions Par référence aux vétérans du Ier Empire et de la 1ère Guerre mondiale, il est permis de penser que les derniers combattants de 1870 – 1871 ont disparu dans les années 1955 – 1960. Ouvrages de phaléristique : André DAMIEN, Le grand livre des Ordres de Chevalerie et des Décorations, Solar, 1991. M. DELANDE, Décorations France et Colonies, Delande, Paris 1934. 19 20 La médaille coloniale par Antoine CHAMPEAUX Lieutenant-colonel, conservateur du musée des troupes de marine L’usage de médailles commémoratives pour récompenser les militaires ayant participé à des campagnes de guerre est relativement récent en France tandis qu’il est plus ancien dans d’autres pays européens comme la Russie, l’Allemagne ou encore la Grande-Bretagne depuis les guerres napoléoniennes. Ainsi, les premières médailles commémoratives distribuées à des soldats français sont des décorations étrangères : celle du siège de Rome (1849) ou les médailles de la Crimée et de la Baltique créées en 1856. C’est sans doute l’exemple des Britanniques décernant leur médaille commémorative à des soldats français qui incite Napoléon III à créer en 1857 la Médaille de Sainte-Hélène, « première véritable médaille commémorative1 », puis en 1859 la médaille commémorative de la campagne d’Italie, en 1861 celle de Chine et en 1863 celle du Mexique. L’expansion coloniale amène ensuite les gouvernements de la IIIe République à poursuivre la frappe de médailles commémoratives, en 1886 pour le Tonkin, en 1886 pour Madagascar et en 1892 pour le Dahomey. Cette énumération allait s’interrompre provisoirement à l’initiative de quatre-vingt-trois députés soucieux… d’économiser les deniers de l’État (!) avec la création d’une nouvelle et singulière médaille commémorative qui sous une nouvelle appellation est devenue plus que centenaire. ser les services militaires dans les colonies, et résultant, soit d’un séjour prolongé dans les colonies ou pays de protectorat, soit de la participation, dans une colonie quelconque, à des opérations de guerre. […] Pour chacune des campagnes de guerre, une agrafe spéciale sera créée portant le nom de la colonie et la date de la campagne. » Delcassé, sous-secrétaire d’État aux colonies, approuve aussitôt ces dispositions en ajoutant : « C’est une simplification et une économie. » Les députés approuvent également : les mots « Très bien ! Très bien ! » font écho au ministre dans l’hémicycle. Après délibération de la Chambre des députés et du Sénat, le texte de l’amendement légèrement modifié devient l’article 75 de la loi des finances promulguée le 26 juillet 1893 par le président de la République, Sadi Carnot, loi portant création de la médaille coloniale. Et, le 6 mars 1894, sur proposition du ministre de la marine et du ministre de la guerre, le président de la République signe le décret d’application de la loi. Description Selon le décret du 6 mars 1894, la médaille coloniale est en argent, d’un module rond de 30 millimètres. Elle porte, d’un côté (avers), l’effigie casquée de la République avec les mots « République Française », de l’autre côté (revers), en légende « Médaille Coloniale » et, au milieu, un globe terrestre sur un trophée militaire interarmées comportant drapeaux, canons, ancre, fusils, sabres et haches. Selon L’Illustration du 17 mars 1894, le dessin de la médaille coloniale est l’œuvre du capitaine de frégate Saulnier de La Pinelais. La gravure est confiée à Georges Lemaire pour l’hôtel de la Monnaie. Sa signature figure sur le jeton. LA CRÉATION DE LA MÉDAILLE COLONIALE Au cours des mois de juin et juillet 1893, le Parlement examine en effet la loi de finances. Le 12 juillet, Casimir Périer, président de la Chambre des députés, donne lecture d’un amendement « qui allait avoir, en ce qui concerne l’histoire des récompenses, une certaine importance2 ». En effet, cette disposition additionnelle est ainsi conçue : « Il est créé une médaille coloniale unique, destinée à récompen- 1 André Souyris-Rolland, Guide des ordres, décorations et médailles militaires, 1814-1963, Paris, Public-Réalisations, 1982, p. 61. 2 Francis-Henri Courroy, La Médaille coloniale 1893-1993, la France Outre-Mer racontée par les décorations, Ville d’Epinal, 1993, p. 5. 21 La médaille coloniale est supportée par un ruban de couleur bleu ciel, de largeur 36 mm, comportant une raie centrale, blanche, de 7 mm et, à 1 mm des bords, deux raies blanches de 2 mm. Simple, mais élégant, ce ruban évoque sans doute par sa couleur, la beauté des cieux d’outre-mer. Les spécialistes s’accordent à décrire deux types officiels : l’un de 1893 à bélière biface, à épaule basse et signature GEORGES LEMAIRE complète ; l’autre type, apparu après la Première Guerre mondiale, à bélière uniface et signature incomplète. Il existe également quantité de variantes de la médaille coloniale comme le modèle à épaule haute, sans signature et avec une olive et un anneau qui remplacent la bélière. Un autre modèle réalisé à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale comporte un module de 26 mm, sans signature ni poinçon. Autant de variantes qui s’expliquent par la multiplicité des fabricants : outre la Monnaie de Paris qui fournit les jetons (fabrication dont elle conserve l’exclusivité), plusieurs maisons privées fabriquent également cette décoration : Laisne, Baqueville, Lemaitre, Chobillon, Marie, ArthusBertrand. Après la Première Guerre mondiale, Marie, Chobillon, Arthus-Bertrand ainsi que de nouveaux fabricants privés (Delande, Marie Stuart, Mourgeon) obtiennent de pouvoir fabriquer la totalité de la décoration mais avec un jeton n’excédant pas 25 mm de diamètre. C’est ce qui explique l’apparition de décoration d’un diamètre réduit. On constate que le plus souvent les fabricants s’accordent une tolérance d’environ 10 % par rapport aux dimensions fixées ! Il existe également des fabrications artisanales notamment celles produites en Indochine ou en Afrique du Nord. sont ajoutées sur le ruban de la médaille, portant le nom des combats auxquels le titulaire de la médaille a effectivement participé au cours de la campagne. Malgré le souci du gouvernement de réaliser des économies en ne frappant désormais qu’une médaille unique, le ministre de la guerre « de concert avec le ministre de la marine » se soucie néanmoins « des expéditions antérieures qui, en raison, de leur importance, seraient de nature à motiver la concession de la médaille coloniale3 ». Un effet rétroactif est donc prévu pour les événements antérieurs à 1893, ce qui est souvent le cas en matière de médaille commémorative. En fait, le gouvernement remonte assez loin dans le temps et homologue les campagnes à compter du 1er juillet 1827 pour les troupes de la marine et du 1er mai 1830 pour les troupes de la Guerre ! Pour autant « les expéditions ayant déjà donné lieu à la délivrance des médailles commémoratives spéciales, telles que celles du Dahomey, de Madagascar, du Tonkin4 » sont exclues de la liste. Les agrafes ou barrettes Les textes officiels « parlent » d’agrafes, mais la Monnaie de Paris les appelle barrettes. Trois modèles existent : spécial, oriental, ordinaire. Suivant les attributions légales, elles existent en argent, en bronze ou en vermeil (argent doré). À l’origine, les agrafes sont fixées sur le ruban à l’aide d’une pince à rabattement échancrée, dispositif remplacé par la suite par une barrette de serrage. Attribution des agrafes Les agrafes sont attribuées par décrets ou par arrêtés jusqu’à la fin de la guerre de 19391945. Certains décrets n’imposaient que la présence sur le théâtre des opérations, lors d’événements divers, alors que d’autres imposent une participation effective. Un brevet numéroté est remis au titulaire et la concession est mentionnée sur les pièces militaires des intéressés. Les campagnes coloniales Le décret du 6 mars 1894 prévoit que « le titulaire recevra la médaille coloniale avec autant d’agrafes qu’il aura accompli de campagnes dans des possessions différentes ». Ces agrafes 3 Rapport au président de la République en vue de la signature du décret d’application de la loi du 26 juillet 1893. Cette volonté est néanmoins limitée : « De cette énumération, nous avons écarté, bien qu’elles aient ouvert le droit au bénéfice de campagne de guerre, quelques périodes de notre histoire contemporaine, pendant lesquelles nos troupes se trouvaient en état d’hostilité avec les populations indigènes, sans qu’il se soit produit d’actions de guerre véritables». 4 Ibid. 22 Une même agrafe peut avoir été attribuée pour plusieurs campagnes ayant eu lieu à des époques différentes ou pendant une longue période. L’agrafe AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE est attribuée pendant 35 ans (1905-1940). De même, un nom de campagne peut figurer sur des agrafes de types divers (ordinaire ou oriental), ou en métal différent (argent, vermeil). L’agrafe TCHAD ordinaire en argent a été attribuée pour les campagnes de 1901 à 1910 ; une autre, ordinaire en vermeil, pour les missions accomplies à compter de 1969. Certaines agrafes portent les dates des campagnes conformément au texte de la loi du 26 juillet 1893 qui n’a été en fait que très peu appliqué. Citons, par exemple, la plus ancienne (MAROC 1925) et la plus récente (TUNISIE 1942-1943). 1853), ILES MARQUISES (1842-1843), NOSSIBE (1849), NOUVELLE-CALÉDONIE (18531879), SÉNÉGAL ET SOUDAN (1833-1893), ILES DE LA SOCIÉTÉ (1844-1847), TUNISIE (1881-1883). Certains de ces anciens combattants étaient donc des vieillards lorsqu’ils se virent décerner la médaille coloniale. À propos de l’agrafe portant le nom CÔTE D’OR, il convient de préciser qu’il s’agit d’une erreur : le pays s’appelait en fait Côte de l’Or (Ghana actuellement) et le texte du décret du 6 mars 1894 attribuant cette agrafe donne bien le nom de CÔTE DE L’OR. L’agrafe a été décernée pour la participation aux opérations dans les possessions de Grand Bassam, de 1849 à 1853. Les agrafes attribuées aux missions d’études ou d’exploration Les premières agrafes attribuées Réservée, d’après les premiers textes, aux seuls militaires, l’attribution de la médaille coloniale est étendue, par l’article 77 de la loi du 13 avril 1898, aux fonctionnaires civils ayant pris part à des opérations de guerre aux colonies et, sur la proposition des gouverneurs et chefs de mission, aux militaires et aux civils ayant participé à des missions coloniales périlleuses et s’y étant distingués avec courage. Le 30 juin 1903, le Parlement français adopte une loi tendant à conférer la médaille coloniale, avec agrafe AFRIQUE ou ASIE, aux missions d’études ou d’exploration accomplies par des militaires ou des civils depuis 1875. Le décret d’application du 11 juin 1913 donne une liste de 172 missions comprenant : 107 missions en AOF, 33 en AEF, 6 à Madagascar et 26 en Asie. Le nombre important de missions explique les dix années nécessaires pour confirmer l’homologation. La première mission indiquée dans la liste est la mission d’exploration de la Mellacorée (rivière située à 150 kilomètres au sud de Conakry, en Guinée). On y trouve également la mission politique à Bafoulabé (entre Kayes et Kita au Soudan), accomplie par le capitaine d’infanterie de marine Gallieni, en 1879-1880 et d’autres missions accomplies par de « grands coloniaux ». Le lieutenant d’artillerie de marine Pol, en 1880, sur le Haut-Sénégal ; le capitaine Binger, en 1887-1889 ; le sous-lieutenant Mangin, en 1890, dans le sud de la Mauritanie ; le lieutenant Marchand, à Bakoumou (Soudan), en 1890-1891. Un décret du 6 mars 1894 donna la liste de neuf campagnes ou théâtres d’opération pour lesquels la médaille coloniale avec agrafe était accordée à titre rétroactif. Les agrafes accordées portent les noms des campagnes homologuées, soit : ALGÉRIE (1827-1882), COCHINCHINE (1857-1868), CÔTE D’OR (1849- 23 LES AGRAFES DE LA MÉDAILLE COLONIALE • Agrafe Centre Africain Créée par la loi du 28 mai 1902, elle a été décernée pour les opérations effectuées, avant le 5 septembre 1900, au centre de l’Afrique (Haut-Oubanghi, Bahr-el-Ghazal, Chari et Lac Tchad, aux membres des missions dirigées par l’administrateur Gentil (1897-1900) et de la mission Joalland-Meynier. On pourrait les présenter par ordre chronologique d’attribution, ou encore par régions ou théâtres d’opérations. Retenons pour critère le type de fabrication. Agrafes du modèle normal Elles sont en principe en argent et sont équipées de pinces à rabattement échancrées. Outre les onze premières agrafes déjà mentionnées cidessus, seize agrafes supplémentaires ont été attribuées (vingt-sept au total), ce sont : ADRAR, AFRIQUE ÉQUATORIALE FRANÇAISE, AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE, COMORES, CONGO, CÔTE D’IVOIRE, DAHOMEY, GUINÉE FRANÇAISE, GUYANE, HAUTMÉKONG, LAOS ET MÉKONG, MADAGASCAR, MAURITANIE, SAHARA, TCHAD, TONKIN. Un second modèle spécial constitué par un cadre bordé par des festons perlés à leurs extrémités (48 mm de longueur), surmonté d’un soleil rayonnant et muni d’une barrette de serrage : • Agrafe Mission Saharienne Créée par la loi du 22 février 1901, elle est attribuée aux membres de la mission de Foureau-Lamy, du Sahara à l’Afrique centrale, de 1898 à 19005. Le musée des troupes de marine conserve la médaille coloniale avec deux agrafes en or du capitaine de Thézillat, membre successivement de la mission FoureauLamy comme chef de l’escorte de spahis, puis de la mission Gentil comme commandant de la cavalerie du Bornou. Un autre militaire se vit décerner deux agrafes en or : le commandant Fournier dont la décoration est conservée dans une collection privée6 : sergent-major au 1er régiment de tirailleurs algériens et membre de la mission Foureau-Lamy, il obtint la seconde agrafe en or pour sa bravoure lors du combat de Kousseri. • Agrafes du modèle spécial Elles sont en or pour les officiers et le cadre européen de la troupe et en argent pour les militaires indigènes de tout grade. Le personnel civil peut en bénéficier suivant le rang et les services rendus. Elles sont au nombre de quatre et dessinées selon deux modèles. Un premier modèle spécial constitué par un cadre de style oriental (41 mm de longueur) posé sur un motif fait de feuilles de roseau et muni d’une pince à rabattement : • Agrafe de l’Atlantique à la Mer Rouge Elle est créée par la loi du 4 juillet 1899 pour les membres français de la mission dirigée par Liotard et le commandant Marchand, dans l’Afrique centrale et sur le Haut-Nil, du 23 mai 1896 au 19 mai 1899. Un décret du 2 août 1900 accorde la même agrafe, mais en argent, au personnel militaire indigène ayant pris part aux opérations de ladite mission qui se termine par l’affaire de Fachoda. Le musée des troupes de marine conserve la médaille coloniale du général Mangin portant, entre autres, cette agrafe. • Agrafe Gabon-Congo Créée par décrets des 21 et 24 octobre 1906 pour les membres des différentes missions dirigées par l’explorateur Sarvorgnan de Brazza : première mission de 1875 à 1878, au Gabon (Ogooué-Allima) ; deuxième mission de 1879 à 1882 et troisième mission dite de l’ouest africain, de 1883 à 1885. La médaille coloniale de François Flagel, membre de la mission Ouest africain, est conservée dans une collection privée7. 5 Parties d’Alger (Foureau-Lamy), du Gabon (Gentil) et de Dakar (Voulet-Chanoine puis Joalland-Meynier), les missions se dirigent vers l’Afrique centrale et le lac Tchad. Réunies en avril 1900 sous le commandement de Gentil, elles livrent le combat de Kousseri le 22 avril 1900, au cours duquel le commandant Lamy et le capitaine de Cointet trouvent la mort. La ville de Kousseri est située sur le fleuve Logone, en face de N’Djaména, ex Fort-Lamy, ville située sur le fleuve Chari. 6 Jean Hass, La Médaille coloniale, un drapeau, un empire, Beldocene, 1997, p. 172. 7 Ibid., p. 181. 24 25 Agrafes du modèle oriental Seize agrafes sont attribuées. Elles sont munies d’une pince à rabattement. Elles correspondent, presque toutes, aux campagnes du Maroc des années vingt puis des Forces Françaises Libres, de 1940 à 1943. Ce sont : AFRIQUE FRANÇAISE LIBRE, BIR-HAKEIM, BIR-HAKEIM 1942, CÔTE DES SOMALIS, CÔTE DES SOMALIS 1940-1941, ÉRYTHRÉE, ÉTHIOPIE, FEZZAN, INDOCHINE, KOUFRA, LIBYE, MAROC, MAROC 1925, MAROC 1925-1926, TRIPOLITAINE, TUNISIE 1942-1943. L’agrafe INDOCHINE a été attribuée pour les campagnes effectuées entre 1935 et 1941 et l’agrafe MAROC, pour celles entre 1912 et 1925. Ces agrafes sont en argent, à l’exception de deux agrafes réalisées en vermeil : MAROC 1925 et MAROC 1925-1926. Certains font également figurer sur le ruban de leur médaille coloniale un insigne évoquant les circonstances pour lesquelles elle leur est attribuée, comme sur telle décoration méritée par un aviateur ayant participé à la Croisière Noire8 portant l’insigne aux trois cocottes tricolores. Cette expédition dirigée par le général Vuillemin compte 30 avions Potez 25 qui parcourent l’Afrique du Nord, le Sahara, l’Afrique occidentale française et l’Afrique équatoriale française du 8 novembre au 24 décembre 19339. Parfois on trouve l’insigne de la francisque sur des médailles coloniales attribuées pendant la période de l’Etat français de Vichy. Ces dispositions ne sont évidemment pas réglementaires. La médaille coloniale sans agrafe Le décret du 11 janvier 1921 précise les conditions d’attribution de la médaille coloniale sans agrafe : « le port de la médaille coloniale sans agrafe est accordé aux militaires et marins, indigènes exceptés, présents sous les drapeaux à la date du 27 mars 1914, ou postérieurement à cette date, ayant au moins dix ans de services effectifs pour les hommes de troupe et quinze au moins pour les officiers et qui, en outre, ont servi en activité et avec distinction pendant six ans au moins dans les territoires du sud de l’Algérie et de la Tunisie délimités par la loi du 24 décembre 1902, régions sahariennes comprises, dans les colonies et pays de protectorat autre que la Réunion, l’Inde Française, St-Pierre-et-Miquelon, les possessions françaises du Pacifique et des Antilles ». Le lieutenant-colonel P. Rullier note à ce sujet : « Il semble que pendant longtemps, et on ne sait pourquoi, la médaille sans agrafe ait été considérée comme plus “honorable” que la médaille avec agrafe, alors que la première pouvait n’être que le résultat d’un long séjour exempt de danger dans un territoire salubre et que la seconde donnait la preuve de la participation à une campagne de guerre ou à une mission périlleuse10. » Agrafes du modèle normal Pour compliquer la tâche des collectionneurs, les agrafes du modèle spécial et du modèle oriental existent également en modèle normal. Les agrafes du modèle spécial en or ont été fabriquées également en argent. Les agrafes munies à l’origine d’une pince à rabattement ont enfin été fabriquées avec une barrette de serrage. Outre celles que nous avons déjà citées, deux agrafes supplémentaires du modèle normal et avec barrette de serrage ont été attribuées : SOMALIE (1942) et EXTRÊME ORIENT à partir de 1946. Agrafes non réglementaires La Monnaie de Paris ne possédant pas le monopole de la frappe des médailles et agrafes, l’on rencontre de nombreuses variantes des agrafes de la médaille coloniale, par exemple agrafe MAROC 1925, au modèle oriental. Il existe aussi un grand nombre d’agrafes non réglementaires, à l’intitulé parfois pittoresque : COLONIALE, COLONIES, FRANCE D’OUTREMER, HAUT MÉKONG ou HAUT NIL (voir annexe). 8 L’appellation de l’expédition est un hommage et renvoie évidemment à la première Croisière Noire organisée par André Citroën avec des autochenilles en 1924-1925. 9 Agrafe AFRIQUE attribuée par décret du 28 mai 1934 (J.O. du 12 juin 1934). 10 Symboles et Traditions n° 38, p. 15. 26 Fabrication Dès l’origine de sa diffusion, le recours aux fabricants privés s’est imposé par la quantité de décorations attribuées à l’origine : en 1902, la Marine a distribué 20 000 médailles et la Guerre 80 000. Avant la Première Guerre mondiale, le rythme passe de 25 000 à 10 000 par an. Les événements du Maroc dans les années vingt maintiennent le rythme annuel des attributions à 30 000. La fin des grandes opérations coloniales fait tomber ce chiffre à 1 000 par an de 1929 à 1939. Dans son livre sur cette décoration, Jean Hass estime que, depuis 1893, au moins un million d’exemplaires de la médaille et « probablement une quantité double d’agrafes » ont été distribuées par l’Etat ou vendues dans le commerce11. concession est toujours mentionnée sur les pièces militaires des intéressés. Comme pour la médaille coloniale précédemment, on note quelques variantes, comme une médaille avec un module réduit de 25 mm de diamètre. Francis-Henri Courroy note : « Le processus mondial de la décolonisation étant réalisé et l’attribution de cette médaille ne paraissant plus se justifier, certains se posèrent même la question de l’utilité de ce changement de nom d’une médaille qui, comme d’autres, allait entrer dans le domaine de l’histoire12. » Agrafes de la médaille d’outre-mer On attendit effectivement dix-sept années… C’est Yvon Bourges, ministre de la Défense, qui crée en décembre 1979 les quatre premières nouvelles agrafes en vermeil (bande de bronze doré de 10 mm de large, bordée sur le pourtour) pour accompagner la médaille d’outre-mer : agrafes TCHAD13, MAURITANIE14, LIBAN15 et ZAÏRE16. Le texte précise que les services accomplis sur lesdits territoires au titre des accords de coopération ne donnent pas droit à l’attribution de la médaille d’outre-mer. Cependant, les militaires qui ont été amenés à participer activement aux opérations, bien que servant au titre de la coopération, peuvent être en fait proposés. Depuis 1979, de nouvelles agrafes ont été créées : ORMUZ17, MOYEN-ORIENT18, CAMBODGE19, SOMALIE20 et RWANDA21. La liste s’est allongée ces dernières années avec les opérations conduites au TIMOR ORIENTAL, en ARABIE SAOUDITE, à HAÏTI, en RÉPUBLIQUE LA MÉDAILLE D’OUTRE-MER Le 6 juin 1962, le général de Gaulle, président de la République française, signe le décret substituant l’appellation médaille d’Outre-Mer à l’appellation médaille coloniale dans tous les textes législatifs ou réglementaires relatifs à cette médaille. L’insigne de la médaille d’outremer est celui de la médaille coloniale. Seule l’inscription portée au revers est modifiée, en 1962, les mots médaille coloniale étant remplacés par médaille d’Outre-Mer. Désormais, de simples instructions ou des décisions ministérielles fixent les conditions d’attribution. Comme pour la médaille coloniale, un brevet numéroté est remis au titulaire et la 11 Jean Hass, op. cit., p. 41. 12 Francis-Henri Courroy, op. cit., p. 31. 13 Décision ministérielle n° 205842 du 14 décembre 1979 pour les actions menées par les militaires et assimilés au Tchad, depuis le 15 mars 1969. Antérieurement, dès le 15 juin 1970, les militaires français qui ont reçu la croix du mérite tchadien pour avoir participé à ces opérations ont été autorisés à porter cette décoration étrangère. 14 Décision n° 205843 (même date) pour la Mauritanie du 1er novembre 1977 au 29 juin 1990. 15 Décision n° 205844 (même date) pour le Liban, depuis le 22 mars 1978. 16 Décision n° 205845 (même date) pour le Zaïre du 13 mai 1978 au 29 juin 1990. 17 Pour les actions menées dans le golfe Persique et le golfe d’Oman du 30 juillet 1987 au 1er juillet 1990. 18 Décision n° 36928 du 20 décembre 1990 pour les opérations Salamandre, Artimon, Busiris, Daguet, Méteil, Phère, Libage, Ramure et Merrain. 19 Décision n° 1645 du 18 janvier 1993 pour le Cambodge à compter du 12 novembre 1991. 20 Décision 18189 du 10 janvier 1993 pour l’opération Oryx à compter du 7 décembre 1992. 21 Décision du 27 août 1995 pour les opérations entre le 22 juin et le 30 septembre 1994 27 CENTRAFRICAINE, en CÔTE D’IVOIRE et en RÉPUBLIQUE DU CONGO. Soulignant la rémanence de certains théâtres d’intervention de l’armée française, quelques agrafes de la médaille d’outre-mer reprennent les intitulés de celles de la médaille coloniale : TCHAD, MAURITANIE, SOMALIE, CÔTE D’IVOIRE. En effet, récompensant les services accomplis par les militaires et civils lors de leur participation aux campagnes, expéditions, missions politiques ou scientifiques dans les territoires d’outre-mer, les 51 agrafes de la médaille coloniale portent témoignage d’actes de courage et de dévouement et symbolisent également les souffrances supportées, pour accomplir leur mission, par tous ceux qui servirent la France dans les colonies et territoires d’outre-mer. Après la décolonisation, la médaille d’outre-mer témoigne à son tour de l’engagement des forces militaires françaises en soutien des nouveaux Etats africains, puis, sur tous les continents et souvent dans le cadre des NationsUnies, dans le rétablissement et le maintien de la paix ou dans l’action humanitaire, nouvelle forme de la présence de la France outre-mer. En un tableau synoptique saisissant, les 65 agrafes des médailles coloniales et d’outre-mer décrivent toute l’histoire de l’armée française depuis deux siècles sur les théâtres tropicaux. Ces deux décorations restent uniques en leur genre. Au cours de leurs cent quatorze années d’existence (1893-2007), elles illustrent cent soixante dix-huit années de campagnes de guerre et d’opérations (1829-2007) menées par près de six générations de combattants ! Et ce n’est pas fini… La médaille d’outre-mer sans agrafe Comme on l’a vu précédemment, les conditions d’attribution de la médaille coloniale sans agrafe étaient assez rigoureuses. Pour la médaille d’outre-mer, un arrêté du 23 décembre 1964 indique que « les séjours accomplis dans les départements ou territoires ci-après désignés ouvrent droit à l’attribution de la Médaille d’outre-mer, sans agrafe : Guyane, Côte des Somalis, Archipel des Comores, Terres Australes et Antarctiques Françaises, Territoires des Etats Africains et Malgache, où la France entretient, soit des Forces Françaises, soit des missions militaires de coopération technique ». L’arrêté ne précise pas si une condition de durée de séjour est exigée. Un arrêté du 3 novembre 1988 précise cette liste de territoires22. CONCLUSION « Une médaille passe-partout » ? Alors la médaille coloniale, « une médaille passe-partout23 » selon l’expression de Jean Huon ? Oui en un sens, car elle a joué son rôle et rempli sa double mission de simplification et d’économie. Pourtant sa création n’interrompt pas la frappe d’autres médailles commémoratives : dès 1895, à peine deux ans après l’apparition de la médaille coloniale, la République crée la médaille de Madagascar, première des médailles commémoratives postérieures à celle qui est censée les remplacer toutes ! Depuis, une quinzaine ont vu le jour qui, paradoxe, font parfois double emploi avec la médaille coloniale. Il est donc avéré que les concepts d’économie et de simplification sont finalement malvenus dans le domaine des récompenses qui sanctionnent l’engagement patriotique, les vertus civiques et militaires et le service du pays… La médaille commémorative française Reste que l’extension du champ d’intervention de l’armée française hors des limites de l’ancien « pré carré » et de ce qui fut l’empire colonial l’a conduite ces dernières années sur des théâtres plus continentaux en Europe de l’Est et en Asie. Le gouvernement a fait frapper en 1995 une nouvelle médaille commémorative pour récompenser les soldats24 : elle est baptisée tout simplement médaille commémorative française. Trois agrafes ont déjà été attribuées : ALBANIE, EX-YOUGOSLAVIE, AFGHANISTAN. 22 « La Guyane, les Terres australes et antarctiques françaises et les territoires des Etats africains et malgache où la France entretient soit des forces françaises, soit des missions militaires de coopération technique : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Guinée Bissau, Guinée équatoriale, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mayotte, Niger, République centrafricaine, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo, Zaïre. » 23 Jean Huon, « La médaille coloniale et la médaille d’outre-mer », Militaria n° 79, p. 7. 24 Décret n° 95-1098 en date du 9 octobre 1995 portant création d’une médaille commémorative française (J.O. du 13 octobre 1995). 28 29 La médaille coloniale reste un objet de choix pour les collectionneurs qui tentent de retrouver l’ensemble des agrafes qui ont été émises depuis plus de cent ans. Souhaitons pour les générations futures qu’un monde plus apaisé ne conduise pas la médaille commémorative fran- çaise à connaître le même destin exceptionnel que la médaille coloniale. Et qu’en quelque sorte la limitation du nombre des guerres et conflits conduise à une moindre émission de barrettes commémoratives… Bibliographie sommaire HASS Jean, La Médaille coloniale, un drapeau, un empire, Beldocene, 1997. BOEM 30, 42, 307. COURROY Francis-Henri, La Médaille coloniale 1893-1993, la France Outre-Mer racontée par les décorations, Ville d’Epinal, 1993. HUON Jean, « La médaille coloniale et la médaille d’outre-mer », Militaria n° 79, mai 1991. Décorations officielles françaises, Monnaie de Paris, 1956. RULLIER P. (lieutenant-colonel), « La médaille coloniale », Symboles et Traditions n° 38. DROIT Michel (dir.), Ordres et décorations de France, Editions du Grand Rond, 1981. RULLIER P., « À propos de la médaille coloniale d’Indochine », Symboles et Traditions n° 127, juillet-septembre 1988. HASS Jean, « La médaille coloniale en Indochine », Symboles et Traditions n° 115, juillet-septembre 1985. STIOT R. D. (commissaire général), « La médaille coloniale et ses agrafes », Symboles et Traditions n° 70. HASS Jean, « La médaille coloniale de l’Etat français », Symboles et Traditions n° 123, juilletseptembre 1987. SOUYRIS-ROLLAND André, Guide des ordres, décorations et médailles militaires, 1814-1963, Paris, Public-Réalisations, 1982. 30 Annexes 51 agrafes réglementaires de la médaille coloniale ADRAR AFRIQUE AFRIQUE ÉQUATORIALE FRANÇAISE AFRIQUE FRANÇAISE LIBRE AFRIQUE OCCIDENTALE AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE ALGÉRIE ASIE BIR-HAKEIM BIR-HACHEIM 1942 CENTRE AFRICAIN COCHINCHINE COMORES CONGO CÔTE DES SOMALIS CÔTE DES SOMALIS 1940-1941 CÔTE D’IVOIRE CÔTE D’OR DAHOMEY DE L’ATLANTIQUE À LA MER ROUGE ÉRYTHRÉE ÉTHIOPIE EXTRÊME-ORIENT FEZZAN FEZZAN TRIPOLITAINE GABON-CONGO GUINÉE FRANÇAISE GUYANE HAUT-MÉKONG ILES DE LA SOCIÉTÉ ILES MARQUISES INDOCHINE KOUFRA LAOS ET MÉKONG LIBYE MADAGASCAR MAROC MAROC 1925 MAROC 1925-1926 MAURITANIE MISSION SAHARIENNE NOSSI-BÉ NOUVELLE-CALÉDONIE SAHARA SÉNÉGAL ET SOUDAN SOMALIE TCHAD TONKIN TRIPOLITAINE TUNISIE TUNISIE 1942-43 61 agrafes non réglementaires de la médaille coloniale 1895 1925 MAROC 1926 1940 CÔTE DES SOMALIS 1941 1942 TUNISIE 1943 AFL AFRIQUE ORIENTALE AFRIQUE ORIENTALE FRANÇAISE AGADIR ALGÉRIE 1906 ANTI-ATLAS ATLAS BÉNIN BIRHAKEIM 1942 CAMEROUN CASABLANCA CENTRAFRIQUE CHINE CHINE 1895 COLONIAL COLONIALE COLONIES CÔTE FRANÇAISE DES SOMALIS DAKAR EXTRÊME ORIENT FEZ FEZZAN 1942 FORMOSE FRANCE D’OUTRE-MER GABON GRAND BASSAM GUADELOUPE HAUT MÉKONG HAUT NIL HAUT OUBANGUI INDO-CHINE KUFRA LÉGION ÉTRANGÈRE MADAGASCAR 1895 MAROC 1925-26 MAROC 1926 MAROC 1926-1927 MAROC 1927-28 31 MAROC 1927-1928 MAROC 1928-1929 MARRAKECH MOYEN ATLAS NOUVELLE CALÉDONIE OCÉANIE ORIENT QUANG TCHÉOU WAN 1898-1899 RIF SIAM SOUDAN SUD ORANAIS SUD TUNISIEN TAFILALET TAZA TOGO TRIPOLI TUNISIE 42-43 TUNISIE 1942-1943 14 agrafes de la médaille d’outre-mer CAMBODGE CÔTE D’IVOIRE HAÏTI LIBAN MAURITANIE MOYEN ORIENT ORMUZ RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE RÉPUBLIQUE DU CONGO RWANDA SOMALIE TCHAD TIMOR ORIENTAL ZAÏRE 2 agrafes non réglementaires de la médaille d’outre-mer ARABIE SAOUDITE DÉTROIT D’ORMUZ 3 agrafes de la médaille commémorative française AFGHANISTAN ALBANIE EX-YOUGOSLAVIE . Autres médailles commémoratives postérieures à 1893 Médaille de Madagascar 1895-1896 (1896) agrafe 1895 BLÉSSÉS, AFRIQUE, ALLEMAGNE, ATLANTIQUE, EXTRÊME ORIENT, FRANCE, GRANDEBRETAGNE, ITALIE, LIBÉRATION, MANCHE, MÉDITERRANÉE, MER DU NORD, NORVÈGE, URSS, 1941, 1942, 1943, 1944, 1945 Médaille de Chine 1900-1901 (1902) agrafe 1900 CHINE 1901 Médaille du Maroc 1909-1912 (1909) trois agrafes de type oriental : CASABLANCA, OUDJA, HAUT GUIR – agrafe MAROC (1913) Médaille de la campagne d’Italie (1953) Médaille des services volontaires de la France libre (1946) agrafe croix de Lorraine Médaille de 1870-1871 (1911) agrafes ENGAGÉ VOLONTAIRE et 1870-1871 Médaille française des opérations en Corée (1952) Médaille de 1914-1918 agrafe ENGAGÉ VOLONTAIRE Médaille de la campagne d’Indochine (1953) Médaille des opérations au Moyen-Orient (1957) agrafe MOYEN-ORIENT Médaille de Syrie-Cilicie (1922) devenue médaille du Levant (1923-1939) agrafes LEVANT, LEVANT 1925-1926, LEVANT 1941 (1941) Médaille des Dardanelles (1926) Médaille des opérations en Afrique du Nord (1958) agrafes ALGÉRIE, TUNISIE, MAROC, SAHARA Médaille d’Orient (1926) Médaille de la reconnaissance française Médaille du Levant (FFL, 1941-1943) Illustrations : Jean Huon, Musée des troupes de marine, Antoine Champeau Médaille de 1939-1945 (1946) agrafes ENGAGÉ VOLONTAIRE, DÉFENSE PASSIVE, 32 33 34 La médaille commémorative de la Grande Guerre par Ivan CADEAU Capitaine, officier chargé de recherche au département Terre du Service historique de la Défense Les sources évoquant la médaille commémorative de la Grande guerre sont rares au Service historique de la défense (SHD). On trouve, en effet, en tout et pour tout un seul carton qui traite du sujet, encore faut-il noter que ce dernier s’intéresse normalement à la Médaille interalliée, dite médaille de la Victoire : ce qui témoigne de l’étroit lien qui existe entre ces deux décorations. En revanche, la consultation du Journal Officiel des débats parlementaires, tant à la Chambre des députés qu’au Sénat, fournit une synthèse intéressante et complète de la genèse de la médaille. Enfin, de nombreux ouvrages généralistes présentent plus ou moins bien cette médaille commémorative, notre préférence allant à l’ouvrage de Anchel et Caillé, paru en 1933, Histoire des décorations françaises contemporaines. l’Etat à contribution, tant pour la réalisation de la médaille en elle-même que pour sa remise aux futurs ayant-droits… La médaille commémorative de la Grande guerre, qui voit le jour le 23 juin 1920, un an et demi après l’armistice, se veut le reflet de la France en guerre, de toute la France en guerre. Dans l’esprit de ses promoteurs, elle doit être le symbole de l’Union sacrée des premiers jours d’août 1914, et ainsi englober tous ceux qui, militaires comme civils, ont œuvré, chacun à sa façon, à la défense du pays. A ce titre, elle n’apparaît donc pas purement comme une décoration militaire. En effet, si elle est acceptée par le monde combattant, celui-ci va bientôt lui préférer la médaille interalliée de la Victoire, la « vraie » médaille du combattant, qui sera créée quelques mois plus tard. D’autre part, la commémorative 14-18 frustrant les exigences des associations d’anciens combattants ne va pas empêcher ces derniers de continuer leur lutte pour une meilleure reconnaissance de leurs droits. C’est notamment le cas des engagés volontaires de la guerre, que l’autorisation du port d’une agrafe sur le ruban de la commémorative 14-18 ne suffit pas à satisfaire. Introduction L’idée de création d’une médaille commémorative de la Grande guerre apparaît très tôt dans le conflit. En effet, dès le début de l’année 1915, naît le désir de voir instituer une médaille commémorant la guerre en cours. Cette idée s’inscrit parfaitement, par ailleurs, dans la tradition des médailles commémorant les campagnes et guerres du XIXe siècle, et plus particulièrement celle de la guerre de 1870 (même si cette dernière ne fut instituée que fort tardivement, en 1911 seulement). Toutefois, il faut attendre la fin des hostilités pour que le débat soit relancé. C’est le gouvernement lui-même qui en est l’initiateur, contrairement à d’autres décorations nées après guerre de la volonté et de la lutte d’associations d’anciens combattants. L’appui du gouvernement explique ainsi la relative rapidité avec laquelle la loi instituant la commémorative Grande guerre est votée. Il convient cependant de préciser que cet appui s’accompagne de la ferme volonté de ne pas mettre les finances de En effet, le contexte social dans lequel apparaît la médaille est profondément marqué par l’apparition de nouveaux groupes sociaux : ceux des anciens combattants et victimes de guerre. Or, l’immédiat après-guerre est pour ces derniers le temps des désillusions. Après avoir chaque jour risqué leur vie et parfois avoir été profondément marqué dans leur chair, les poilus découvrent un pays qui ne leur fait pas la place qui leur semble due. Aux difficultés à retrouver un emploi s’ajoutent des difficultés morales. Aussi, le monde combattant, qui commence à s’organiser sérieusement à cette même période, est-il particulièrement vigilant quant à 35 ses droits et quant aux décisions politiques et économiques qui le concernent. serait destinée qu’aux militaires, décoration qui serait de surcroît susceptible d’être conférée au cours des hostilités. Il n’est pour l’heure pas question d’autres catégories de personnels, que ce soient des sapeurs-pompiers, des policiers, ou même des ambulancières. Ainsi après nous être, dans un premier temps, intéressés à la genèse de la médaille et à sa création, nous terminerons par l’évocation des réactions des anciens combattants, face à une décoration qui ne leur est pas propre. Sept mois après l’armistice, en juin 1919, la question est de nouveau soulevée. Sous l’impulsion du gouvernement, il revient au député Henri Tasso de présenter le projet devant la Chambre. M. Tasso, futur maire de Marseille, est lui-même un ancien combattant. Mobilisé comme maréchal des logis dans l’artillerie lourde, il gagne ses galons de sous-lieutenant sur le champ de bataille et est cité trois fois à l’ordre de l’armée, notamment pour son courage devant Verdun. La création d’une telle médaille « est urgente et nécessaire, dit-il. Il est indispensable, il est normal de perpétuer le souvenir de souffrances imposées à notre patrie par ceux qui voulaient lui ravir ses richesses et ses libertés. Il faut que la marque de ce souvenir soit répandue le plus tôt possible dans tous les coins du territoire »3. Genèse de la médaille commémorative de la Grande guerre Croix de guerre et médaille commémorative française Nous le disions en introduction, l’idée d’une commémorative de la guerre qui débute en août 1914 apparaît dès l’année suivante. C’est d’ailleurs au cours de cette même année 1915 que l’on commence à utiliser l’expression « Grande guerre », en raison de l’ampleur du conflit et de sa violence, jusqu’alors inconnue. En fait, la mention de cette médaille est contemporaine du débat passionné qui agite le gouvernement, la Chambre des députés, les sénateurs et le haut commandement, au sujet de la création d’une Croix de guerre, qui aurait pour objet de récompenser le courage et la bravoure des soldats sur le champ de bataille. En janvier 1915, dans son célèbre discours réclamant farouchement cette croix des braves, le colonel Driant oppose cette décoration à la future médaille commémorative qui, elle, dit-il, «sera donnée à tous»1. Quelque temps plus tard, au mois de septembre, le ministre de la guerre, Alexandre Millerand, qui s’était d’ailleurs battu pour limiter la portée de la Croix de guerre, relance l’idée d’une médaille commémorative qui serait « une marque tangible de la participation à l’immense lutte »2. En effet, ce même mois, est déposé un projet de loi portant création d’une décoration qui serait attribuée à la fin des hostilités à tous les soldats mobilisés, et dans l’immédiat, mais à titre provisoire, aux militaires dégagés de leurs obligations par suite de réforme ou de blessure. On le voit, cette proposition, qui reste toutefois lettre morte, porte sur une décoration qui ne Ainsi, et nous empruntons ici la formule de Anchel et Caillé dans leur ouvrage sur l’histoire des décorations françaises paru en 1933 : « il fallait réunir dans une même pensée ceux qui s’étaient offerts aux balles comme ceux ou celles qui, à l’arrière, s’étaient consacrés au salut de la patrie »4. On le voit, le projet initial a considérablement évolué puisqu’il ne s’agit plus seulement d’honorer les poilus, mais de rendre hommage à la Nation en armes. Cette proposition de loi est par ailleurs grandement facilitée par le fait que, parallèlement aux débats consacré à la médaille commémorative française de la Grande guerre, un autre est en cours visant à l’institution d’une médaille interalliée de la Victoire, destinée, elle, aux seuls combattants. Médaille interalliée ou française ? En effet, en mars 1918, alors que se poursuivent les opérations, est émise l’idée de créer une médaille qui symbolise l’effort commun de tous les pays de l’Entente. Le député BouillouxLaffont déclare ainsi qu’il « nous semblerait par- 1 Croix de guerre – Valeur militaire. La marque du courage. SHD/Ministrère de la Défense, 2005, p. 94. 2 http://medaille.decoration.free.fr. 3 R. Anchel, P.-F. Caillé, Histoire des décorations françaises contemporaines, Javal et Bourdeaux éditeurs, Paris, 1933, p.101. 4 Ibid. 36 La loi du 23 juin 1920 ticulièrement heureux, particulièrement juste de ne pas créer une médaille commémorative, uniquement française, mais de voir plus loin et plus haut »5. Cette médaille, interalliée, revêt un caractère extrêmement important pour les anciens combattants, car, contrairement à la commémorative 14-18, cette médaille serait leur médaille, celle des seuls poilus. Elle permettrait immédiatement de reconnaître un combattant qui a connu le feu, d’un combattant de « l’arrière ». Le projet de loi portant sur la création de la médaille commémorative de la Grande guerre est discuté à la Chambre le 18 mars 1920 et déposé au Sénat le 21 mai pour être finalement adopté par lui le 8 juin, après quelques amendements au texte initial. Malgré un relatif consensus sur le texte, quelques amendements sont demandés. Les discussions les plus vives portent sur les ayant-droits. Le député Blaisot, député du Calvados mort en déportation à Dachau en janvier 1945, est l’un des rapporteurs du projet. Il dénonce notamment l’Article 2 de la loi qui attribue « aux gardes civils, agents de police et sapeurs-pompiers des villes bombardées le droit au port de la médaille »7. « Prenez garde, dit-il, car si vous vous engagez sur cette voie, je ne vois pas pourquoi vous ne donneriez pas la médaille commémorative à toute la population ! »8. Est alors précisée une dernière fois la nature exacte du projet, et les polémiques prennent fin : « Si la médaille interalliée de la Victoire doit être réservée aux seuls combattants (…), la médaille commémorative est un insigne analogue à celui de 1870, qui doit être accordé de la façon la plus large possible à tous ceux qui peuvent exciper un fait de guerre »9. La seconde intervention est motivée par des questions budgétaires. M. Henri Paté, rapporteur de la commission des finances, réclame et obtient la suppression de l’article 6 de la loi qui ouvrait droit à un crédit pour la réalisation de la médaille et sa remise aux intéressés. « A l’heure où nous en sommes et étant donné l’état des finances publiques, déclarait-il, je suis persuadé que ceux qui ont droit à la médaille commémorative (…), que certains attendent avec impatience, consentiront à se l’offrir eux-mêmes »10. Ainsi, il revient aux ayant-droits de se procurer, à leurs frais, la décoration. Nulle cérémonie de remise de la médaille ne serait organisée. Peutêtre, et sans doute, cela a-t-il dû se faire à A la séance du conseil supérieur de la guerre tenue le 7 mars 1921 où sont une nouvelle fois discutées les conditions d’attribution de cette médaille de la Victoire, le général de Serrigny souligne d’ailleurs que cette commémorative « ne peut être distribuée à tout le monde »6. Il ajoute de plus que les sociétés d’anciens combattants attachent une grande importance à cette différenciation. Elles n’acceptent en effet dans leurs rangs que les titulaires de la médaille de la Victoire, signifiant véritablement pour eux l’emblème des combattants. En effet, les conditions d’attribution de cette médaille fixée dès 1919, stipulent, en autres, qu’il faut avoir passé au minimum trois mois en unités combattantes pour pouvoir prétendre à son port. Ce qui pour la plupart des Alliés, qui n’ont envoyé que des corps expéditionnaires, ne pose pas de difficultés majeures, provoque l’exclusion de fait, en France, d’un très grand nombre de personnes, militaires comme civils, qui se sont dévoués et ont œuvré pour le salut de la patrie et ce, tout au long du conflit. Pour cette raison est acceptée en 1919 l’idée de création deux médailles, aux fonctions différentes. La médaille commémorative française de la Grande guerre est cependant la première a être créée. 5 Ibid., p. 94. 6 SHD. 1N24. Séance du Conseil supérieur de la Guerre tenue le 7 mars 1921 au palais de l’Elysée. 7 Journal Officiel, Article 2 de la loi du 23 juin 1920 portant création d’une médaille commémorative dite « de la Grande guerre ». 8 Journal Officiel des débats parlementaires à la Chambre, Année 1920, Adoption d’un amendement de M. Saget de p. 616. 9 Ibid. 10 Ibid., Adoption d’un amendement de M. Paté, p. 617. 37 quelques occasions, mais les ayant- droits se l’achetaient et la portaient sans autre forme de manifestation Ces questions réglées, la loi est votée le 23 juin 1920. La médaille commémorative de la Grande Guerre, que l’on trouve fréquemment sous la désignation de médaille commémorative 14-18, est née. léristique française puisque qu’à l’anneau traditionnel se substitue un type de bélière proche du modèle britannique. Au revers sont gravés les mots « République française » semés de feuilles de chêne et de laurier avec, au centre, l’inscription « Grande guerre 14-18 ». Il existe deux autres types, avec différentes variantes, le dernier, fort rare, présente, sous le menton de la femme coiffée, une tête de coq gaulois. Le choix de la médaille Entre le vote de la loi et le décret d’application du 22 janvier 1921, un concours pour le choix de la médaille est ouvert par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Concours qui donne lieu à la réalisation de 73 maquettes. Les 25 et 26 janvier 1921, le grand public est admis à visiter, au Grand Palais, l’exposition des différentes maquettes. Le jury, composé des rapporteurs du projet, des trois représentants des ministères de la Guerre, de la Marine et des Colonies, de membres de l’administration des Beaux-Arts, de sculpteurs et de graveurs, une quarantaine de personnes au total, retient dans un premier temps six projets. Ces derniers sont présentés aux Français à travers l’hebdomadaire l’Illustration du 29 janvier 1921. Finalement c’est la médaille du graveur-médailliste Morlon qui est retenue. Morlon, auteur de plusieurs médailles, deviendra célèbre au début des années trente avec le type Morlon des pièces de monnaie présentant la République coiffée du bonnet phrygien. Le ruban d’une largeur de 36 millimètres de largeur est coupé dans le sens de la longueur de onze raies blanche et rouge (6 blanches pour 5 rouges). Il ne nous a pas été possible de comprendre les raisons qui ont motivé le choix de ces couleurs, couleurs déjà utilisées pour la médaille commémorative de l’expédition d’Italie. La médaille en elle-même, en bronze, du module de 33 mm représente sur son avers une effigie symbolique coiffée du casque Adrian modèle 1915 tenant un glaive antique audessous de la garde en croix. Appuyée sur la ligne de l’épaule un faisceau de laurier. Ce sont également des feuilles de laurier mêlées à des feuilles de chêne qui, au sommet, joignent la médaille à la bélière. Bélière rare dans la pha- Tous modèles confondus, la médaille commémorative de la Grande guerre a été frappée à des millions d’exemplaires, sans qu’il nous ait été possible d’en connaître le nombre exact. Conditions d’attribution L’article 2 de la loi du 23 juin 1920 accordait la médaille : « à tout militaire ou marin présent sous les drapeaux ou à bord des bâtiments armés par l’Etat, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918, ainsi qu’aux marins du commerce et aux infirmières, infirmiers, médecins, pharmaciens, administrateurs bénévoles ayant servi entre ces mêmes dates aux armées ou à l’intérieur et aux gardes civils, agents de police et sapeurs-pompiers des villes bombardées. Auront droit à la médaille commémorative également les dames employées comme automobilistes, téléphonistes et secrétaires dans les formations organiques des armées relevant du commandement en chef, à la condition qu’elles aient rempli ces fonctions pendant au moins six mois »11. Le décret d’application du mois de janvier 1921 précise un peu plus tard encore davantage la liste des ayant-droits. Aucun justificatif n’est nécessaire, aucun diplôme n’est délivré pour le port de cette décoration. En revanche, les intéressés doivent être en mesure, le cas échéant, de pouvoir justifier les droits à ce port par une pièce d’identité (livret militaire, titre de permission, attestation de service…). La satisfaction de nombreux Français qui attendaient effectivement une telle marque de reconnaissance est toutefois accompagnée de la réaction mitigée du monde combattant. 11 SHD. 1N24. Loi du 23 juin 1920 portant sur la création d’une médaille commémorative dite de la « Grande guerre ». 38 INSATISFACTION DU MONDE COMBATTANT Ainsi, la commémorative Grande guerre est acceptée, mais s’adressant à la Nation tout entière, elle n’entame en rien la volonté de reconnaissance accrue du monde combattant dans de nombreux domaines, y compris dans celui des décorations. Les années 20 sont le reflet de cette lutte, où ligues et associations s’érigent en groupes de pression face aux gouvernements et parlementaires. La création de la Croix du combattant en juin 1930 sera l’un des aboutissements de cette lutte, cette dernière étant explicitement destinée « à signaler tous ceux qui, au péril de leur vie, ont défendu la patrie ». Satisfaction et réticence Au sortir de la Grande guerre, de nouveaux groupes sociaux apparaissent : les anciens combattants et victimes de guerre. Ils sont environ 6,5 millions sur l’ensemble des mobilisés de la guerre. Ils seront encore 5,8 millions en 1930.12 Le 20 novembre 1917, un an avant la signature de l’armistice, Clemenceau avait lors d’un discours resté célèbre à la Chambre utilisé cette phrase choc : « Ils ont des droits sur nous »13. Ces droits, les anciens combattants entendent bien les faire valoir, d’une part pour permettre une meilleure reconnaissance de leur statut, d’autre part afin de les distinguer des civils et des « embusqués » de l’arrière. Cependant, le monde des anciens combattants est pluriel et lui-même soumis à différents intérêts, c’est notamment le cas des engagés volontaires, dont la distinction par la commémorative de la Grande guerre n’apparaît que comme une étape vers une meilleure reconnaissance. Aussi, si la création de la médaille commémorative correspond à ce souci de reconnaissance, elle ne satisfait pas entièrement les poilus. L’octroi de cette décoration à toute une série de personnels qui n’a jamais connu le feu ni les tranchées heurte en effet la sensibilité et la susceptibilité de beaucoup, qui ne se sentent pas distingués suffisamment du reste de la nation. Or, et c’est dans une certaine mesure le propre d’une décoration, la reconnaissance des actions accomplies doit être visible de tous mais également intelligible par tous. Ce que ne permet pas la médaille commémorative de la Grande guerre, qui en rassemblant trop empêche toute distinction. Agrafe « Engagé volontaire » et croix du combattant volontaire. L’article 3 de la loi instituant la médaille commémorative stipule que les engagés volontaires de la guerre ont droit au port d’une agrafe « engagé volontaire », à l’instar de ce qui avait prévalu pour la médaille commémorative de la guerre de 1870-71. Sont considérés comme engagés volontaires, tous ceux qui, « vieux ou jeunes, dégagés des services militaires ou non, susceptibles d’appel dans les deux ans, se seront engagés au cours de la Grande guerre»14. Il en est de même des officiers de complément qui, bien que libérés dès le temps de paix par leur âge de cette obligation militaire, sont restés volontairement dans les cadres de la réserve ou de la territoriale. L’octroi de cette agrafe ne les satisfait pourtant pas, puisqu’au cours des années 20, plusieurs propositions d’amendement à la loi vont être déposées dans le sens d’un élargissement du texte initial. Certaines demandes paraissent d’ailleurs abusives ; ainsi, une proposition de novembre 1927 propose de considérer comme engagés volontaires « tous ceux qui ont Certes, la création de la Médaille interalliée de la Victoire va réparer ce qui est perçu comme une injustice, en rendant un véritable hommage aux seuls combattants. Le fait que cette dernière ait bénéficié du solide soutien du maréchal Foch rehausse d’autant sa valeur. Mais, au moment où est créée la commémorative 14-18, si la décision et les conditions d’attribution de la médaille de la Victoire sont arrêtées (janvier 1919), il faut attendre la loi du 20 juillet 1922 pour voir sa naissance officielle. 12 Antoine Prost, Les Anciens combattants. 1914-1940, Archives Gallimard Julliard, 1977, p.73. 13 http://www.assemblee-nationale.fr. Intervention de M. Georges Clemenceau du 20 novembre 1917. Extrait des Annales de la Chambre des députés. 14 SHD. 1N24. Loi du 23 juin 1920 portant sur la création d’une médaille commémorative dite de la « Grande guerre ». 39 demandé à reprendre du service actif dans les six mois qui ont précédé la mobilisation générale »15. La réponse du ministère de la Guerre, négative, ne parvient qu’en mars 1929 : « Sans vouloir examiner les motifs, d’ailleurs les plus divers, qui les ont amenés à demander leur réintégration dans l’armée, on peut dire que leur acte est difficilement comparable à celui des hommes qui, sans nulle contrainte, s’enrôlèrent après la déclaration de guerre pour la défense du pays menacé »16. que le statut spécifique de ces poilus soit reconnu. A partir de cette date, la médaille commémorative de la Grande guerre perd son agrafe, devenue dès lors sans objet. Conclusion Dans l’esprit de ses créateurs, la médaille commémorative de la Grande guerre est à rapprocher de la médaille commémorative de 1870-71. Elle est la marque de la défense de la France, par des Français, civils ou militaires, combattants du front, ou non. Elle est le symbole de la mobilisation du pays contre l’ennemi ; à ce titre elle veut rassembler le plus largement possible. Mais si cette médaille contente une grande partie du peuple français et reconnaît leur action, elle reste, par son caractère trop « civil » et trop général, une médaille de « second ordre » pour les poilus qui entendent bien, au début des années vingt, faire reconnaître la spécificité de leur communauté. Le débat est pourtant loin d’être clos et est relancé par la création de la Croix du combattant. En effet, les engagés volontaires veulent encore se distinguer de la masse des soldats pour voir reconnaître leur action propre. Ils ont finalement gain de cause cinq ans plus tard avec la création d’une croix du combattant volontaire instituée par la loi du 4 juillet 1935. A noter que cette croix est également attribuée aux combattants volontaires de la guerre de 1870-1871. Il aura fallu attendre 17 ans pour 15 SHD. 1N24. Proposition de loi n° 5076 du 21 novembre 1927 tendant à modifier la loi du 23 juin 1920 et à étendre la réglementation et le port de l’agrafe « engagé volontaire » de la médaille commémorative de la Grande guerre. 16 SHD. 1N24. Ministère de la Guerre. Cabinet du ministre. 2e bureau, note n° 44 121 du 5 mars 1929. 40 La médaille commémorative de la guerre 1939-1945 par André PASCUAL Je vais vous parler de la médaille commémorative de la deuxième guerre mondiale, mais il me paraît nécessaire au préalable de vous présenter très brièvement l’histoire du second conflit mondial et de ses conséquences pour la France. Quant à la France, elle va connaître la défaite en mai 1940 et subir l’occupation nazie. Ce sera la prise du pouvoir par le maréchal Pétain et la création de l’Etat français avec sa capitale Vichy en zone libre. Ce sera aussi l’appel du 18 juin 1940 du général Charles de Gaulle, la résistance, la renaissance d’une armée française libre et la victoire. Mais les sacrifices consentis par notre pays sont importants. Les pertes humaines se chiffrent à plus de 210 000 morts militaires et 330 000 victimes civiles. Le poids économique de la guerre, c’est d’abord le pillage direct des ressources nationales par l’occupant, en denrées agricoles, en produits industriels, auquel s’ajoutent les indemnités monétaires qui représentent à partir de 1943 pratiquement la moitié des dépenses publiques (25 millions de marks par jour). Les destructions du capital productif, des immeubles, ont été évaluées à près de 45 % de la production nationale. Encore faut-il ajouter les destructions d’infrastructures : routes, ponts, voies ferrées, ports et l’impact qualitatif causé par l’absence de recherche et de progrès techniques pendant toute la durée de la guerre. En outre notre pays est divisé entre ceux qui ont suivi la légalité du maréchal Pétain et ceux qui ont rejoint la légitimité du combat de la France libre du général de Gaulle. Depuis 1943 celui-ci est à la tête du commandement en chef des armées de la France combattante et du comité français de libération nationale qui devient le gouvernement provisoire de la République française le 3 juin 1944 à Alger. Grâce à l’action du général de Gaulle et après l’épisode tragique de l’épuration, les institutions républicaines reprennent toute leur place. La réconciliation nationale s’impose. La France retrouve son statut de grande nation. Mais le général de Gaulle qui est contre le « régime des partis » démissionne le 20 janvier 1946. Le 23 mars 1933, Hitler devient chancelier du Reich. L’idéologie totalitaire du National Socialisme va pouvoir s’imposer. Contre ce totalitarisme l’opposition allemande se montre impuissante, quant à l’armée, force organisée qui pourrait se dresser contre lui, elle veut avant tout reconstituer une force militaire qui permette à l’Allemagne de retrouver sa place de grande nation continentale. Hitler va pouvoir avec la complicité de l’armée tourner le traité de Versailles et préparer le peuple allemand à une guerre de revanche qui fera oublier l’humiliation de la défaite de 1918. 1936, Hitler fait réoccuper la rive gauche du Rhin par ses troupes. 1938, l’Autriche est annexée sans que les démocraties occidentales réagissent. Printemps 1939, les nazis entrent dans Prague, la Tchécoslovaquie n’existe plus. Londres et Paris forment des protestations platoniques et pensent avoir sauvé la paix grâce aux accords de Munich. Hitler continue sa manipulation des démocraties, il est persuadé qu’il peut envahir la Pologne sans risque de guerre mondiale. Le 1er septembre 1939 la Pologne est envahie. Le 3 septembre 1939 l’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne nazie : la 2e guerre mondiale est déclenchée. Elle va durer cinq ans et provoquer la mort d’environ 38 millions de personnes. Elle se déroulera sur de nombreux théâtres d’opérations, Europe, Afrique, Asie. Elle se terminera par la victoire des Alliés sur l’Axe. Le 8 mai 1945, l’Allemagne nazie signe à Berlin la capitulation sans conditions. Le Japon, après l’explosion atomique d’Hiroshima, capitulera également le 2 septembre 1945. 41 42 Norvège, pour les opérations du 12 avril 1940 au 17 juin 1940, Afrique, pour les opérations du 25 juin 1940 au 13 mai 1943, Italie, pour les opérations du 1er décembre 1943 au 25 juillet 1944, Libération, pour les opérations du 25 juin 1940 au 8 mai 1945, Allemagne, pour les opérations du 14 septembre 1944 au 8 mai 1945, Extrême-Orient, pour les opérations du 7 décembre 1941 au 15 août 1945, Grande-Bretagne, opérations aériennes du 28 novembre 1942 au 8 mai 1945, URSS, opérations aériennes du 28 décembre 1942 au 8 mai 1945, Atlantique, opérations maritimes, Méditerranée, opérations maritimes, Manche, opérations maritimes, Mer du Nord, opérations maritimes. Le 23 janvier 1946, Félix Gouin est élu président du gouvernement provisoire, c’est sous ce gouvernement qu’est instituée la médaille commémorative française de la deuxième guerre mondiale par décret du 21 mai de la même année. Cette médaille est accordée à tout combattant militaire ou civil d’unités subordonnées à l’autorité du gouvernement français ayant lutté contre l’Allemagne nazie et ses complices. Exceptionnellement les étrangers remplissant les conditions requises peuvent en être décorés. La médaille a été dessinée par Josse et gravée par Simon. Elle est en bronze de forme hexagonale. L’avers représente un coq aux ailes déployées dressé fièrement sur des chaînes brisées qui se détache sur un fond de croix de Lorraine. Le revers est occupé au centre par une petite branche de laurier avec sur le pourtour l’inscription République Française en lettres capitales. Au dessous des feuilles de laurier apparaît sur trois lignes la mention « Guerre 1939-1945 ». Un segment circulaire de 2 mm de largeur surmonte la médaille et porte le ruban d’une largeur classique de 37 mm. Celui-ci est à fond clair bordé de deux bandes vertes de 4 mm, elles-mêmes encadrées de deux fines lignes rouges d’un millimètre chacune. La bande centrale est coupée en son milieu sur toute la longueur par des « V » de couleur rouge. Le ruban peut être orné de barrettes portant l’indication des campagnes auxquelles a pris part le titulaire. Ces barrettes étaient au départ au nombre de 13 : France, pour les opérations du 3 septembre 1939 au 25 juin 1940, Par décret du 2 août 1949, une barrette Défense Passive vient récompenser les personnels ayant subi un bombardement, participé à un combat ou titulaire d’une pension d’invalidité au titre de cette organisation. Le décret du 11 août 1953 instaure une barrette Engagé Volontaire qui distingue les personnes qui peuvent prétendre à ce titre pour la Guerre 1939-1945. Comme toutes les médailles commémoratives de campagnes, elle peut également comporter l’étoile rouge pour blessure de guerre. Une barrette spéciale a d’ailleurs été créée par des fabricants privés. Les titulaires peuvent prétendre également au port des barrettes au millésime des années de guerre 1939, 1940, 1941, 1942, 1943, 1944, 1945. 43 bleue médiane représenterait les océans, d’où vient la délivrance et qui unissent le continent et l’empire colonial, les deux bandes vertes l’espoir et l’affirmation de la victoire, le vert étant à la fois la couleur de l’espérance et celle de la couronne des lauriers du triomphe, enfin les liserés rouges et les V de la même couleur qui surchargent le centre du ruban, le sang versé pour obtenir la liberté. Il est à noter qu’il est peu courant de surcharger ainsi les rubans, en général ils comportent des couleurs verticales, rarement horizontales, et parfois des attributs métalliques et non pas tissés dans la trame du ruban comme dans ce cas. Il est à noter que la barrette Italie a été supprimée lors de la création de la médaille commémorative de la campagne d’Italie par la loi du 1er avril 1953. Il existe aussi des barrettes non officielles, Autriche qui fait référence à l’arrivée des formations françaises au Voralberg, Campagne d’Italie, Alpes 1939-1945, Corse qui se rapporte à la barrette Libération, Ile d’Elbe qui se rapporte à la barrette Italie. Les premières barrettes ont été fabriquées en bronze par la Monnaie de Paris. Par la suite en respect du texte législatif ces barrettes ont été produites en métal argenté. Plusieurs fabricants privés ont créé leurs propres modèles, il s’agit de Mourgeon, Arthus-Bertrand, Chobillon, Delande et Aubert. Bien entendu ce système des barrettes nous fait penser à la Médaille d’OutreMer, anciennement médaille coloniale, sur le ruban de laquelle se positionnent les barrettes correspondant aux différents théâtres d’opérations. Elle nous fait penser également à une médaille beaucoup plus récente qui a été créée en octobre 1995, la médaille commémorative française où là aussi le même mode de représentation a été adopté. On peut citer aussi la médaille de la Défense nationale créée en 1982, mais dans ce cas on panache à la fois les lieux géographiques avec les différentes composantes d’armes de la défense nationale (Infanterie, Gendarmerie, Génie, etc.). Les textes législatifs précisent que la décoration peut être portée si sa mention figure sur une des pièces militaires de l’ayant-droit, aucun diplôme n’étant délivré. Mais, comme bien souvent, cette précision n’est pas tout à fait respectée, car on trouve diverses autorisations de port, des certificats d’attribution ou des diplômes souvenir qui remplacent ce diplôme inexistant. Ces documents sont délivrés soit par les autorités militaires (bureau des archives militaires de Pau, formations combattantes : FFI/MLN/ RÉSISTANCE), soit par des autorités civiles (Mairie, Préfecture pour les médailles comportant la barrette Défense Passive), ou par des associations reconnues d’anciens combattants. La médaille peut être remise au récipiendaire soit lors d’une prise d’armes, soit lors d’une commémoration officielle par une autorité militaire ou civile, ou par un camarade déjà titulaire de la décoration. Il n’y a pas de cérémonial imposé sinon le classique « ouvrez le ban, fermez le ban ». Bien que cette récompense ait été attribuée à plusieurs milliers de personnes, il n’existe pas à ma connaissance d’association particulière des titulaires de cette médaille. Les intéressés se regroupent plutôt au sein d’associations d’anciens combattants. Il faut remarquer que si dans beaucoup de pays à chaque campagne ou guerre correspond une médaille commémorative, en France est privilégiée la médaille représentative comportant des barrettes d’opérations. La médaille existe en plusieurs modèles tous frappés par la Monnaie de Paris, sauf le modèle de fabrication locale certainement originaire d’Afrique du Nord. Il existe un modèle qui comporte une bélière un peu plus réduite que le deuxième ; quant au troisième c’est le modèle actuel vendu depuis 1962 en finition dorée. La symbolique de l’avers de cette médaille est à la fois simple et forte. C’est en effet le coq gaulois, emblème de la Nation, qui se dresse pour combattre la tyrannie et briser les chaînes de l’occupation nazie, sous l’égide de la croix de Lorraine des Français libres. En ce qui concerne le ruban n’ayant aucune base officielle, je vous propose une interprétation qui me paraît plausible : la large bande En conclusion, je pense que la création de la médaille commémorative de la guerre 19391945 a été tout-à-fait positive, car d’une part elle reconnaît publiquement des mérites individuels circonstanciés et d’autre part elle a participé pleinement à la démarche nécessaire de la réconciliation nationale. 44 Les médailles commémoratives de Corée, d’Indochine et du Moyen-Orient par Marcel MARION gène sur tous les plans (armement, vitesse et rayon d’action) mais l’entraînement est très poussé. D’abord un petit rappel historique sur l’Indochine, sans vouloir reprendre des dates trop éloignées. La 2e Guerre Mondiale débute le 2 septembre 1939 ; elle se déroula, comme vous le savez tous, par une inaction pendant six mois, et en deux mois nous capitulons. Sous le commandement du capitaine de vaisseau Berenger, nos cinq bâtiments attaquent, le 17 janvier 1941, l’escadre thaï et lui cause de sérieux dommages, plusieurs bâtiments coulés, d’autres endommagés ; après cet exploit, la marine siamoise est mise hors état de nuire et nos adversaires ne se risqueront plus à sortir de leur port. La victoire de Koh Ghang est la seule victoire navale française de la seconde guerre mondiale. Elle a eu des conséquences très positives sur nos adversaires et surtout sur les Japonais, ce qui a permis une relative tranquillité pendant les quatre années que dura notre présence avec l’occupant japonais. Que se passe-t-il en Indochine ? Pratiquement rien, sauf l’emprisonnement des cadres du parti communiste indochinois, mais les chefs Pham Van Dong et Vô Nguyên Giap se sauvent en Chine, ce même Giap que nous retrouverons plus tard. L’Indochine est maintenant sous le régime de Vichy, les Japonais, le 19 juin 1940, exigent la fermeture et le contrôle de la frontière de Chine ; le 23 juillet, l’amiral Decoux remplace le général Catroux au gouvernement général, Catroux sur le chemin du retour en France en profite pour s’évader à Singapour et rejoint de Gaulle. La fin de l’administration française en Indochine aura une date précise, le 19 mars 1945. Ce jour-là, les Japonais attaquent toutes les garnisons françaises qui se défendront vaillamment avec leur armement désuet ; il y aura 2 500 morts dans leurs rangs ; les civils et les militaires seront emprisonnés ; ils ne seront libérés qu’en septembre 1945. Depuis sa création, par le P.C.I. du 10 au 19 mai 1945, le Viet Minh joue un jeu très caché, les Japonais l’ont armé, et les Américains aussi sous prétexte d’antijaponais ce qui est très contestable. Quand Leclerc reprend pied en Indochine, en fin 45 pour le sud et début 46 pour le Tonkin, il trouve une administration Viet Minh en place et cela est difficile à gérer. Les incidents se succèdent, avec en novembre 46 de sérieux accrochages à Haiphong et Langson, puis le 19 décembre, l’insurrection généralisée. La guerre d’Indochine commence, vous connaissez la fin. Ceci est un petit résumé, mais ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui. Seulement il n’y a pas que les Japonais qui s’intéressent à l’Indochine. Depuis 1907, la France garantissait les frontières du Cambodge et du Laos, le Siam avait dû rendre au Cambodge les provinces de Battambang et de Siem Reap et certains territoires au Laos. Le Siam, voyant la France battue, a voulu profiter de cette situation, et en novembre 1940, l’armée thaïlandaise tente de franchir la frontière et, dans les mois qui suivent, l’aviation thaï bombarde Vientiane, Pakse, Sisophon etc. L’armée et l’aviation française ripostent de leur mieux, et la marine envisage un coup de force. Cependant, la marine thaïlandaise dispose d’une flotte importante, deux garde-côtes cuirassés modernes, deux autres plus anciens, une dizaine de torpilleurs tout neufs, quatre sous-marins, des avisos, des dragueurs ; pour leur faire face, nous n’avons que des forces bien moindres, un croiseur, le La Motte-Picquet, des avisos coloniaux, Dumont d’Urville et Amiral Charner, des avisos anciens Tahure et Marne, la division est hétéro- Jusqu’en 1945, les militaires et les fonctionnaires en Indochine recevaient des décorations comme 45 la médaille coloniale ou la médaille de la garde indigène, des douanes, des chemins de fer et la croix du Mérite de l’Indochine française, plusieurs autres : cambodgienne, laotienne ou annamite ; mais les plus prestigieuses étaient les ordres du million d’éléphants et du parasol blanc (Laos) et du dragon d’Annam. Nous en reparlerons tout à l’heure. Estimant que, malgré le peu d’effectifs engagés, cette unité avait grandement servi la cause de notre pays dans le monde faisant revivre, selon les termes d’un communiqué allié, « la gloire de la Marne et de Verdun », le gouvernement créa par décret du 8 janvier 1952 la médaille commémorative française des opérations de l’Organisation des Nations-Unies en Corée. Je fais une parenthèse à l’Indochine, car au point de vue chronologique, avant la médaille commémorative d’Indochine, une autre médaille fut créée. Le modèle de la médaille a été dessiné par l’héraldiste Robert Louis, qui dessina « l’aile armée des troupes aéroportées ». La maquette fut réalisée par le graveur Delannoy. *** La médaille est décernée aux militaires du détachement français des Nations-Unies en Corée et aux personnels de la marine ayant séjourné deux mois sur ce théâtre d’opération, et aux étrangers ayant servi sous commandement français et qui ont rempli les conditions de concours pouvant prétendre au port de cette décoration. La médaille commémorative française des opérations de l’Organisation des Nations Unies en Corée Le 25 juin 1950, la Corée du nord, soutenue par la Chine, franchit la frontière de la Corée du Sud. Les Etats-Unis, sous l’égide de l’O. N. U., envoyèrent leurs unités stationnées au Japon. La France décida le 23 août de participer à ces opérations. Le 25 octobre 1950 s’embarquait à Marseille un corps faiblement instruit d’un millier de volontaires. En pleine campagne d’Indochine, la France ne pouvait qu’apporter un appui symbolique au général Mac Arthur, commandant des forces de l’O. N. U. en Corée. Mais ce bataillon de Corée, sous les ordres du général Magrin-Vernerey, dit Monclar, inspecteur de la Légion étrangère, qui prit les galons de lieutenant-colonel pour commander ce bataillon, eut une conduite exemplaire : jeté en plein combat dès son arrivée, au moment de la retraite sur le Yalou il se couvrit de gloire tant lors de la guerre de positions qui suivit, que dans la contre-offensive victorieuse du 38e parallèle. Après la suspension des hostilités en juillet 1953, il fut envoyé en Indochine. Il débarqua à Saigon le 1er novembre. Il est à noter (ce qui est assez exceptionnel) que l’insigne est fourni gratuitement avec le diplôme correspondant (Instruction du 12 février 1952, paragraphe IV). La distinction comporte : un ruban aux couleurs de la France et de l’O. N. U. disposées en rayures verticales : - pour l’O. N. U. 20 mm de largeur, bleu clair avec au centre une raie verticale blanche ; - pour la France 8 mm de chaque côté des couleurs précédentes, le bleu étant aux extrémités (soit d’un côté trois raies bleu d’outremer foncé, blanche, vermillon écarlate ; de l’autre côté trois raies, vermillon, blanche, bleue). une médaille : ronde, en bronze, au centre les armes de la Corée enfermées dans une figure géométrique à huit lobes, ces armes sont posées sur une torchère enflammée dont l’extrémité est rattachée à la bélière et dépasse vers le haut ; le tout est posé sur un fond rayé rayonnant et entouré de deux rameaux d’olivier. Au revers : l’inscription Médaille commémorative française des opérations de l’Organisation des Nations Unies en Corée entourée, des mots République Française. La bélière est formée d’un motif de la largeur du ruban et symbolisant l’architecture de la toi- Rotinat, Président de la commission de Défense nationale du Conseil de la République, invita le gouvernement les 23 et 29 août 1951 à créer une médaille particulière pour ce bataillon qui a forcé l’admiration du haut commandement de l’O. N. U. 46 ture d’une petite pagode (ou pagodon). Elle est de la largeur du ruban, comme la médaille commémorative de la Grande Guerre, le fait est assez rare pour être signalé. Œuvre de Robert Louis, le symbolisme de cette décoration est particulièrement riche au point de vue héraldique ; le fond guilloché rappellerait « le pays du matin calme », nom légendaire de la Corée ; la torchère, le souvenir des soldats tués au combat ; les huit lobes, la liberté ; les rameaux d’olivier, l’O. N. U. Quant aux armes de la Corée, il s’agit de la figure du yin et du yang, les deux principes de l’univers, entourée de quatre trigrammes (trois lignes coupées ou pleines) qui symbolisent ici le ciel, la terre, l’eau et le feu. Les pertes du bataillon s’élèvent à 262 tués, 1008 blessés et 7 disparus. Un monument à la mémoire des combattants français a été inauguré à Suwon à l’initiative du gouvernement de Séoul. Les conditions de concours sont les mêmes que pour les médailles commémoratives des deux guerres mondiales. Huit ans après le début de la campagne, commencé avec le général Leclerc, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, contre le Viet Minh, le gouvernement créa le 1er août 1953 une médaille commémorative de la campagne d’Indochine destinée à être attribuée tant aux combattants des formations régulières qu’à ceux des forces supplétives. Depuis 1950, plusieurs députés en avaient émis l’idée et leur projet avait été soutenu par Raphaël Leygues, au nom de la commission de Défense de l’Assemblée de l’Union française. La médaille commémorative d’Indochine Lors du conflit indochinois, la Croix de Guerre des T. O. E. récompensait les actions d’éclat individuelles. Mais, il fallait laisser à tous les combattants une marque tangible de leur participation à cette campagne lointaine. Certes, la médaille coloniale était attribuée, avec la barrette Extrême-Orient, à certains personnels, mais elle en excluait d’autres, les autochtones, par exemple, qui se battaient avec le corps expéditionnaire. Le bataillon français a été décoré, à titre collectif, de la Présidential Unit Citation par la République de Corée. De ce fait, tous ceux qui ont servi dans cette unité au moment de la campagne ont droit au port de la barrette en laiton doré encadrant un ruban blanc avec la cocarde coréenne bordée de deux bandes vertes avec deux petits liserés rouges. Créé un an avant la fin des opérations, le modèle de la médaille a été dessiné par le général Carlier, directeur de la Symbolique militaire au service historique de l’Armée de terre, déjà auteur de la médaille commémorative de la campagne d’Italie ; la maquette a été réalisée par le graveur Muller. Les caractéristiques en ont été fixées par le décret de création, complété par l’arrêté du 28 août 1953. Le ruban est un rappel de celui de la médaille commémorative de l’expédition du Tonkin instituée le 6 septembre 1885. La médaille est décernée aux militaires ayant participé à la campagne d’Indochine dans une formation régulière ou supplétive pendant au moins quatre-vingt-dix jours entre le 16 août 1945 et le 11 août 1954 et aux personnels civils de la marine marchande, de l’aviation civile, embarqués sur des navires ou membres d’équi- 47 page d’appareils de navigation aérienne, ayant assuré pendant quatre-vingt-dix jours au moins, des transports de troupes ou de matériel à destination ou à l’intérieur de l’Indochine, entre les mêmes dates. Le délai de quatre-vingt-dix jours n’est pas exigé des personnels blessés ou cités lors de la campagne. Le général Carlier, auteur de la médaille, a fait deux rappels par les principaux symboles figurés : celui de l’ordre du dragon d’Annam dont la bélière était à peu près identique (créée en 1850 par l’Empereur d’Annam puis ordre colonial français de 1896 à 1950) ; et celui de l’ordre du million d’éléphants et du parasol blanc (ordre laotien créé en 1927) dont la très belle médaille était composée de trois têtes d’éléphants accolées. La distinction comporte : un ruban : sept raies jaunes et vertes alternées (quatre jaunes et trois vertes) et bordé de vert des deux cotés ( le ruban de la médaille du Tonkin comportait trois raies jaunes et quatre raies vertes alternées et était bordé de jaune des deux côtés) ; une médaille : ronde, en bronze, un naja à sept têtes supporte un cartouche rectangulaire où est marquée l’inscription Indochine en relief, avec au dessus un éléphant tricéphale, entouré des mots République Française ; au revers : une couronne de chêne et de laurier entourée de l’inscription Corps Expéditionnaire Français d’Extrême-Orient ; une bélière : un dragon tortillé (le caractère esthétique de cette bélière est assez rare pour être signalé). Aucun diplôme n’est délivré. La possession d’une pièce militaire justifiant leurs titres donne aux intéressés le droit au port de la médaille. Les personnels civils doivent présenter une attestation de participation établie par le général commandant en chef des forces en Indochine. Un décret du 26 mai 2005 a institué une journée nationale d’hommage aux morts pour la France en Indochine. La date retenue est celle du 8 juin. Précisons que les pertes françaises en Indochine sont évaluées à 75 200 tués et 63 300 blessés. La médaille commémorative française des opérations du Moyen-Orient Le 30 octobre 1956 la France et la GrandeBretagne envoient un ultimatum à l’Egypte et à Israël en guerre, afin de préserver la paix au Moyen-Orient. Ils leur ordonnent de retirer leurs troupes de chaque côté du canal de Suez, sur une zone de plusieurs kilomètres. L’Egypte refusant, les forces franco-britanniques débarquent à Port-Saïd et à Port-Fouad, les 5 et 6 novembre. Elles occupent la zone du canal jusqu’à El Kantara. A l’initiative de la diplomatie internationale, cette action est arrêtée avec l’arrivée des Casques bleus, le 15 novembre 1956. Le corps expéditionnaire français, en alerte depuis le mois de septembre, est commandé par le général Beauffre pour l’armée de terre et par l’amiral Barjot pour la Marine nationale. Un décret du 22 mai 1957 crée la médaille commémorative française des opérations du Moyen-Orient. Une instruction du 30 octobre 1957 précise, à l’usage de l’Armée de mer et de la Marine marchande, les détails d’application de ce décret. 48 La médaille est décernée, sans conditions de durée de séjour, aux militaires français qui ont participé entre le 1er septembre 1956 et le 22 La possession d’une pièce militaire justifiant leur participation aux opérations donne aux intéressés le droit au port de cette décoration. Les ayants-droit qui ne possèdent aucune pièce officielle peuvent recevoir de l’autorité militaire qui détient leurs pièces matricules une autorisation de porter cette décoration. décembre 1956 inclus, aux opérations qui se sont déroulées dans la zone géographique comprise entre les parallèles 20° et 36° N et les méridiens 24° et 40° E, et aux ressortissants français non militaires, en particulier équipages des navires marchands et des appareils de l’aviation commerciale, dans les mêmes conditions La distinction se compose d’un ruban, bleu, coupé dans le sens de la longueur de trois raies jaunes ; d’une médaille frappée et gravée par l’administration des monnaies et médailles ; elle est ronde, en bronze, portant l’effigie d’une République casquée, cuirassée à l’antique, entourée des mots République Française ; au revers, l’inscription Médaille Commémorative Française des opérations du Moyen-Orient 1956. Cette médaille est la reprise, en ce qui concerne son avers, de la médaille commémorative du Maroc (1909) due au graveur Georges Lemaire. Elle est en bronze (et non en argent) comme l’avaient été la médaille commémorative de Syrie-Cilicie (1922) et la médaille commémorative d’Orient et des Dardanelles (1926) et qui, toutes deux avaient repris le modèle de celle du Maroc (qui était, elle, en argent). La bélière est formée de deux branches de laurier entourant un croissant (la médaille du Maroc avait deux branches d’olivier et un croissant, les médailles d’Orient et des Dardanelles et Syrie-Cilicie avaient deux palmes et un croissant). L’agrafe, en bronze, porte l’inscription MoyenOrient. 49 La médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre par Jacques MEYNIEL Contexte historique, politique et militaire se manifeste pourtant une activité de rébellion armée, par le fait même qu’il s’agit là de deux protectorats étroitement liés à la France par l’histoire et la tradition, certes, mais également et surtout par des traités reconnus sur le plan international. A partir des premières semaines de l’année 1952, alors que la France se trouve durement engagée en Indochine, un mouvement de contestation violente prend naissance en Tunisie, sous l’impulsion du Néo-Destour et de ses chefs, Salah-ben-Youssef et Habib Bourguiba. Cette agitation encore sporadique prend la forme, d’abord dans le bled, d’embuscades sur les routes, d’attaques à main armée sur des gendarmeries, des postes militaires, tandis que le terrorisme urbain ne prendra naissance qu’un peu plus tard. Il va sans dire que le commandement militaire français prend très rapidement les mesures de sauvegarde nécessitées par le rétablissement de l’ordre. Par ailleurs, ce qu’on pouvait craindre, l’agitation politique, doublée d’actions de rébellion et de terrorisme se manifeste, à son tour au Maroc, où les autorités politiques et militaires françaises, après avoir déposé et exilé le Sultan Mohammed V pour avoir mis en cause, par une évidente mauvaise volonté, le bon fonctionnement des institutions du Protectorat, prennent là aussi les mesures conservatoires de maintien de l’ordre. Les agitateurs agissant généralement sous couvert du parti de l’Istiqlal et des adhérents à l’Union Générale des Travailleurs marocains, mouvements politiques et radicaux, très opposés à la présence française, se montrent de plus en plus agressifs. Ce qui amène le commandement militaire français à renforcer, dans la mesure des disponibilités, les garnisons au Maroc. Cependant, en raison de la guerre d’Indochine, les moyens militaires de la France se trouvent alors limités. On peut même ajouter à cette lourde servitude la nécessité de respecter les engagements pris vis-à-vis de l’Alliance Atlantique, pour la défense de l’Allemagne dans le cadre de la guerre froide (OTAN). D’autre part, la France ne peut juridiquement pas se considérer - stricto sensu – en guerre dans ces deux territoires d’Afrique du Nord où En conséquence de quoi, rien n’empêche leurs gouvernements respectifs de réclamer –par la voix populaire notamment- une plus grande autonomie, première étape d’un parcours, comme on le verra, hélas, plus tard, qui mène vers une indépendance pleine et entière. Autre difficulté, dans cette situation délicate, l’impossibilité de mettre en œuvre des troupes françaises issues de la conscription dans des opérations de guerre proprement dites, sans l’accord du Parlement. Il ne reste alors disponibles que les quelques troupes professionnelles non encore engagées sur un autre théâtre d’opération. Mais, finalement, la situation en Afrique du Nord va évoluer, d’une part, par l’indépendance accordée d’abord à la Tunisie, puis enfin, au Maroc (avec en particulier, la restauration de Mohammed V sur son trône). D’autre part, l’Algérie qui est demeurée calme jusqu’alors, va voir se déclencher, lors de la Toussaint 1954, une tentative sérieuse d’insurrection générale, certes encouragée par les exemples tunisiens et marocains et le retrait de la France d’Indochine à la suite de la regrettable conférence de Genève la même année. Là, la seule contrepartie favorable, c’est que cet accord international, sanctionnant un abandon total de la présence française en ExtrêmeOrient, va permettre le rapatriement assez rapide sur une Algérie, très démunie de moyens militaires, de forces parfaitement aguerries. Il faut ajouter également que le gouvernement français d’alors, demeurant dans l’impossibilité juridique de décréter l’état de guerre dans ses départements d’Algérie, va toutefois pouvoir obtenir du Parlement un accord permettant l’engagement sur ce théâtre de troupes issues de la 50 spécialement pour ce conflit une « Croix de la valeur militaire » et comme, par définition, tout le monde ne peut naturellement y prétendre, on va également créer une « médaille commémorative d’Afrique du Nord » dans sa première appellation qui deviendra, par la suite la « médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre ». Et ceci, dans le souci bien compréhensible et fort louable d’honorer les quelque deux millions de Français de souche et de musulmans qui ont servi la France dans ses divers territoires d’Afrique du Nord entre 1952 et 1962. Et dont l’abandon ne fut absolument pas la conséquence d’une quelconque inaptitude à gagner une guerre –car c’en était finalement une – qui nous était faite. conscription, avec la possibilité d’accroître, en fonction des besoins militaires, la durée du service, voire le rappel de classes plus anciennes, de spécialistes et de cadres de réserve. Toutefois, comme il n’était pas légalement possible de faire mention d’un état de guerre, on pourra seulement évoquer une situation dite de « maintien de l’ordre et de rétablissement de la sécurité ». On peut donc alors aisément en déduire que « la guerre d’Algérie n’existe pas ! » Devant cet état de chose, il s’avère donc impossible de distinguer les combattants (qui, officiellement, n’existent pas en tant que tels !...) les plus valeureux avec une quelconque Croix de Guerre d’un type existant. On va donc créer 51 tions, aux opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Afrique du Nord, tels les policiers, gardes champêtres, infirmiers responsables sanitaires d’un regroupement, infirmiers itinérants dispensant l’assistance médicale gratuite. Conditions et mode d’attribution de la médaille Comme on a pu le voir ci-dessus, en vue de commémorer les opérations dites « de maintien de l’ordre » en Afrique du Nord, qui se sont déroulées entre 1952 et 1962, une nouvelle médaille commémorative fut créée par le décret n° 58-24 du 11 janvier 1958. Ce décret abrogeait celui du 12 octobre 1956, instituant une « médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Afrique du Nord ». Cette médaille a pour but de récompenser les militaires ayant participé pendant 90 jours au moins aux opérations définies ci-dessus dans une formation régulière et supplétive sur les territoires et pendant les périodes suivantes : en Tunisie, entre le 10 janvier 1952 et le 2 juillet 1962 au Maroc, entre le 1er juin 1953 et le 2 juillet 1962 en Algérie, entre le 31 octobre 1954 et le 1er juillet 1964 au Sahara, entre le 31 octobre 1954 et le 27 juin 1961 Le délai de 90 jours n’est pas exigé pour les personnels qui ont été décorés de la « Croix de la valeur militaire », ou ayant été blessés lors de ces opérations. CARACTÉRISTIQUES Ruban. Largeur 36 m/m Couleurs : rouge écarlate, avec une large raie centrale verticale bleue de 14 mm, et sur chaque bord séparé de celui-ci par un liseré rouge écarlate de 1mm, une bande verticale blanche de 5 mm. Agrafes. Il existe quatre agrafes rectangulaires en maillechort doré : Algérie, Tunisie, Maroc, Sahara. Insigne. Médaille ronde en bronze, du module de 30 mm. Avers, gravure de Georges Lemaire, dessin du général Carlier. Revers, gravure de Raymond Tschudin. Sur l’avers, effigie de la République casquée, entourée de la légende République Francaise. Sur le revers, une couronne de chêne et de laurier entourant l’inscription centrale : « Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre ». Elle peut également être remise, à condition de satisfaire aux exigences précitées, aux personnels mis à la disposition du commandement militaire et ainsi qu’à toute personne ayant pris part, en raison de son emploi ou de ses fonc- Bélière. Elle est formée de deux branches de laurier. 52 Conclusion une seule, celle de Sainte-Hélène, était offerte aux ayants droit qui, de plus, pouvaient en en faisant état, obtenir quelques subsides du gouvernement en cas d’extrême pauvreté. Toutes les autres devaient être acquises par les récipiendaires, Il ne m’est évidemment pas possible de faire une véritable synthèse en quelques minutes d’une journée passionnante, avec des interventions diverses et riches en renseignements de tous ordres. Comme je l’avais annoncé lors de mes quelques mots d’introduction, nous avons revécu les heures tragiques ou glorieuses de notre histoire avec une particulière acuité en ce qui concerne la guerre – un peu oubliée – de 1870 ou les événements les plus récents liés aux engagements de la deuxième guerre mondiale ou des opérations d’Outre-Mer (et notamment en Afrique du Nord). la plupart d’entre elles étaient ouvertes aux étrangers ayant combattu à nos côtés ou au sein de nos unités : il semble que le nombre de ceux qui en ont bénéficié ait été assez faible, sauf en ce qui concerne celle de Sainte-Hélène, les médailles commémoratives des guerres mondiales comme les médailles d’Outre-Mer ont été largement ouvertes aux civils et ceci a été, notamment après la « Grande Guerre », un sujet de polémique pour les associations d’anciens combattants. Avant d’essayer de regrouper quelques-uns des éléments communs à toutes les « commémoratives », je voudrais faire deux remarques un peu personnelles … Tout d’abord, je voudrais souligner combien l’évocation de Sainte-Hélène est importante pour moi, puisque j’ai eu la chance d’une « escale » en 1974 avec la Jeanne d’Arc que je commandais, escale qui m’a laissé un très profond souvenir en mettant mes pas dans ceux de l’Empereur durant son exil de six ans sur cette île inhospitalière … Tout en remarquant que, paradoxalement, les archives anciennes ont été parfois plus faciles à appréhender que celles correspondant à des faits plus récents, je voudrais souligner que seul Monsieur Beauvais a pu explorer les archives du Calvados, en fournissant des éléments régionaux très intéressants. Enfin, il faut s’étonner (ou… se réjouir de l’impuissance des « technocrates ») que la « médaille commémorative française de 1995 » ne soit pas la seule à être décernée aujourd’hui pour les actions menées par nos armées depuis vingt ans … mais que la médaille d’Outre-Mer continue à être attribuée (avec la barrette appropriée) lors de conflits situés dans ces pays de notre ancien « Empire Colonial ». Ensuite, une remarque de marin … pour souligner l’importance de l’action des marins dans nos conflits d’Outre-Mer (ce qui est bien normal !). Les textes du dix-neuvième siècle traitent en effet des « militaires et des marins » alors que les « troupes de marine » faisaient partie intégrante de la Marine jusqu’en 1900, et il est amusant en 2007 de constater l’évolution du vocabulaire puisque, apparemment alors, les marins ne pouvaient être considérés comme des militaires !!! Je ne saurais conclure ces quelques mots sans remercier : - le Comité d’Organisation qui, sous la présidence de Monsieur Le Roc’h Morgère, directeur des Archives départementales du Calvados, qui nous accueille dans ses locaux, était composé de M. Leconte, directeur de l’ONAC du Calvados, M. Marion, représentant l’ANAI, M. Bénard, représentant les ACPG, M. le Colonel Marchetti, ancien adjoint au délégué militaire départemental du Calvados, Mme Leclerc et M. Joël Beauvais, secrétaire et instigateur de cette journée, en tant que représentant du Souvenir napoléonien en BasseNormandie, Mais, en revenant aux médailles commémoratives, je voudrais souligner que nous n’avons évoqué aujourd’hui que la plupart d’entre elles et, en tous cas, les plus importantes mais je ne peux résister à l’envie de citer devant vous : la médaille frappée par Charles VII en 1451 lors de la fin de la guerre de Cent ans pour célébrer « l’expulsion des Anglais ». Elle aurait été remise aux combattants qui pouvaient la porter au bout d’un cordon. Deux médailles ne correspondant pas à une action militaire mais à une guerre civile, baptisées médaille commémorative de juillet remise aux « émeutiers » des journées de juillet 1830 (27, 28 et 29 juillet) et médaille commémorative des « blessés » de février 1848 (22, 23 et 24 février). - les intervenants qui ont su nous passionner tout en respectant leur temps de parole, - les auditeurs qui ont bien voulu manifester leur intérêt pour ces médailles commémoratives, auxquelles sont très attachés tous nos anciens combattants et qui portent dans leurs rubans les souvenirs des gloires ou des douleurs de notre pays. Venons-en aux éléments communs ou, au contraire, spécifiques des médailles dont nous avons entendu parler en détails aujourd’hui : Amiral Brac de la Perrière 53 Table des matières Discours d’ouverture par l’Amiral BRAC DE LA PERRIÈRE............................... 5 La médaille de Sainte-Hélène dans le Calvados, 1857-1870 par Joël BEAUVAIS .................................................................................................... 6 La médaille commémorative de la guerre de 1870-1871 par Daniel WERBA .................................................................................................... 12 La médaille coloniale par Antoine CHAMPEAUX Lieutenant-colonel, conservateur du musée des troupes de marine.............................. 20 La médaille commémorative de la Grande Guerre par Ivan CADEAU Capitaine, officier chargé de recherche au département Terre du Service historique de la Défense ........................................................................... 34 La médaille commémorative de la guerre 1939-1945 par André PASCUAL.................................................................................................. 41 Les médailles commémoratives de Corée, d’Indochine et du Moyen-Orient par Marcel MARION ................................................................................................. 45 La médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre par Jacques MEYNIEL ............................................................................................... 50 Conclusion par l’Amiral BRAC DE LA PERRIÈRE.................................................................... 53 REMERCIEMENTS Louis LE ROC'H MORGÈRE, directeur des Archives du Calvados, remercie ses secrétaires Mesdames Marie-Aline Pivet, Catherine Montaigne et Sophie Lechevallier-Boissel pour leurs travaux de secrétariat, de saisie et de corrections, ainsi que toute l’équipe de l’Imprimerie du Conseil général du Calvados, 54 Médaille de la guerre de 1870-1871 (cf page 16), avec la devise “Oublier, jamais” DIRECTION DES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES 61, RUE DE LION-SUR-MER 14000 CAEN TEL. : 02.31.47.18.50 I.S.B.N. 978-2-86014-098-0 Brochure gratuite. Ne la vendez pas, offrez-la! Mise en page et impression : imprimerie du Conseil général du Calvados