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INTRODUCTION : 
  La  thrombocytémie  essentielle  (TE)  est  un  syndrome  myéloprolifératif  Philadelphie 
négatif  caractérisé  par  une  élévation  isolée  des  plaquettes  sanguines.1  Comme  les  autres 
syndromes myéloprolifératifs (hors leucémie myéloïde chronique), environ 60 % des patients 
sont  porteurs  d’une  anomalie  moléculaire  sous  la  forme  d’une  mutation  activatrice  de  la 
tyrosine  kinase  JAK2  (JAK2V617F).  Il  s’agit  donc  d’une  pathologie  tumorale,  clonale, 
susceptible d’évoluer vers des hémopathies plus agressives, plus actives de type myélofibrose, 
syndrome myélodysplasique, voire leucémie aiguë. Néanmoins une telle évolution reste rare, 
touchant environ 5 % des patients seulement après 10 à 15 années d’évolution. En revanche, 
la  TE  s’accompagne  d’un  risque  vasculaire  élevé  et  les  premières  années  d’évolution  sont 
essentiellement marquées par des accidents thrombotiques, aussi bien artériels que veineux, et 
hémorragiques.  Les facteurs de risque  de  développer  de telles complications  vasculaires les 
plus puissants actuellement mis en évidence sont un âge supérieur à 60 ans et l’existence d’un 
antécédent d’évènement vasculaire. La quantité de mutant JAK2V617F présente dans le sang 
ainsi  qu’un  chiffre  de  leucocytes  élevé  pourraient  être  de  nouveaux  facteurs  pronostics 
récemment  mis  en  évidence  dans  des  études  rétrospectives  en  ce  qui  concerne  le  risque 
vasculaire.  Paradoxalement,  malgré  ce  risque  vasculaire  et  ce  risque  d’évolution  vers  la 
leucémie  aiguë  au  long  terme,  de  nombreuses  études  ont  montré  que  la  TE  n’altérait  pas 
l’espérance  de  vie  des  patients  en  comparaison  à  une  population  appariée  pour  l’âge  et  le 
sexe. De tels résultats sont obtenus si la prise en charge des patients est rigoureuse. Ainsi, les 
patients  de  faible  risque  vasculaire  (de  moins  de  60  ans  et  sans  antécédent  vasculaire)  sont 
habituellement  traités  par  aspirine  à  doses  anti-agrégantes.  Pour  les  patients  de  haut  risque 
vasculaire, un traitement cytoréducteur (par hydroxyurée ou anagrélide le plus souvent) pour 
ramener le chiffre de plaquettes dans des valeurs normales est ajouté à l’aspirine. L’utilisation 
de ces traitements cytoreducteurs nécessite une surveillance biologique et une adaptation des 
doses  aux  chiffres  de  plaquettes  pour  éviter  une  inefficacité  ou  une  toxicité  pouvant  être 
source de complications, notamment hémorragiques.  
 
La  TE  présente  donc  le  paradoxe  d’être  une  maladie  cancéreuse  mais  n’altérant  pas 
l’espérance  de  vie  des  patients.  Cette  apparente  contradiction  est  parfois  difficile  à 
comprendre par les patients, rapidement inquiets du diagnostic d’une pathologie tumorale. A 
l’inverse,  du  côté  des  hématologues,  ces  maladies  (qui  sont  la  plupart  du  temps 
asymptomatiques)  sont  souvent  considérées  comme  peu  graves  en  comparaison  avec  les 
autres  hémopathies  malignes.  Il  semble  que  le  temps  consacré  à  l’éducation  des  patients