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primaires de France, ont un caractère nettement pionnier qui situe clairement ce travail
dans la catégorie des études de phénomènes naissants.
2.2 Le site Web scolaire, un objet provisoire d’évaluation
Dans le cadre d’une précédente recherche portant sur l’usage du courrier électronique
par des enseignants et élèves débutants (AUDRAN, 1998), j’ai pu constater que la nature
des échanges réalisés répondait peu, dans la pratique, à l’intention et la programmation
initiale de l’enseignant. Cet écart contraignait plutôt ce dernier à insérer dans sa pratique
éducative une forme de “ bricolage ” des signes au sens où l’entend LEVY-STRAUSS
(1962), c’est à dire la prise en compte d’une forme expérimentale d’apprentissage
destinée à intégrer les questionnements induits par les difficultés à se comprendre, à
coordonner des projets marqués par des cultures et des intentionnalités éloignées de
celles qui présidaient lors de la mise en place de l’activité. Travailler sur des sites Web
réalisés par les acteurs (enseignants et élèves) d’écoles primaires me conduit à compléter
ce travail de proximité par l’étude, à distance, de pages élaborées par des personnes qui
ont dépassé le stade de la simple découverte, qui ont réalisé des choix quant à
l’orientation des documents qu’elles diffusent vers un large public potentiel. Ce dernier
est constitué de plusieurs centaines de millions d’internautes qui sont majoritairement
issus du monde culturel occidental. A ce stade, et compte tenu de l’orientation
anthropocentrique de ma recherche (RABARDEL, 1995), plusieurs interrogations
surgissent : Qui sont donc les acteurs qui ont construit les pages hypertextuelles de ces
écoles pionnières, consultables à l’échelle planétaire ? Qui sont les enseignants
expérimentés, engagés dans une telle construction. Quels sont leurs projets politiques et
pédagogiques sous-jacents ? Coïncident-ils avec le projet politique gouvernemental ?
La simple analyse de pages sur Internet ne peut bien sûr fournir les réponses à
l’ensemble de ces questions, mais ce travail quasi-ethnographique fournit toutefois des
indications précieuses. On conçoit aisément que la construction d’un site scolaire ne
constitue qu’une pratique d’accompagnement pour l’enseignement et l’apprentissage. Un
site Web, en soi, est un produit et comme tel, porte un nombre important d’indicateurs et
d’indices permettant d’élaborer des hypothèses sur les procédures, les motivations, qui
ont présidé à sa construction. A l’inverse, il sera plus hasardeux de se prononcer sur les
processus d’apprentissages que cette construction a permis d’enclencher chez les
acteurs, éléments qui éclaireraient davantage une recherche portant sur le bénéfice
attendu de l’introduction des technologies dans le système scolaire, mais qui
demanderont plus de proximité au terrain. L’étude à distance des sites me semble
constituer, comme travail préparatoire à une analyse approfondie de proximité, un
terrain riche d’enseignements qui peut considérablement aider à la construction de
nouvelles grilles destinées à instrumenter une recherche de proximité et donc améliorer
l’intelligibilité de la situation.