Évaluation de l`influence des Nouvelles Technologies à l`école

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Évaluation de l’influence des Nouvelles Technologies à l’école
primaire : une nécessaire référentialisation
Jacques Audran
Doctorant
Université de Provence - Laboratoire CIRADE
Département des Sciences de l’Education
Résumé :
Une des préoccupations politiques du moment, en matière d’éducation, est d’évaluer
l’influence de ce que l’on nomme communément les Technologies de l’Information et de
la Communication sur le système éducatif. Une entrée possible consiste à concevoir un
système de références dont l’un des éléments peut être l’analyse de pages sur le World
Wide Web. Toutefois examiner des pages électroniques sur Internet rend délicate
l’élaboration d’une méthodologie propre à construire une grille d’hypothèses fiable.
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Évaluation de l’influence des Nouvelles Technologies à l’école
primaire : une nécessaire référentialisation
1. INTRODUCTION
1.1 Technologies et réseaux à l’école
On assiste, dans le champ éducatif, à une entrée en force de ce qu’il est convenu
d’appeler les réseaux de communication. Se connecter à Internet est devenu, semble-t-il,
un objectif prioritaire pour les responsables de la politique éducative des pays
occidentaux. Des programmes de connexion à Internet, le “ réseau des réseaux ”, très
volontaristes sur le continent nord-américain, tracent une sorte de “ voie à suivre ”,
rarement discutée, ni remise en cause, et l’objectif affiché des gouvernements européens
semble être de combler un “ retard ”, que les médias stigmatisent sans cesse. Comme le
montre WOLTON (1999), le thème du “ retard ” constitue souvent l’argument principal
du discours politique dominant et privilégie la focalisation sur le développement des
technologies de la communication au détriment de la réflexion sur les liens qui peuvent
exister entre les systèmes techniques et l’évolution des modèles sociaux et culturels.
L’orientation de ce travail de recherche est marquée par le souci de mettre en évidence
ces liens souvent peu visibles. Selon la distinction faite par WARIN (1993), les travaux
d’évaluation portant sur les politiques publiques peuvent s’inscrire soit dans la
construction d’une “ aire d’intelligibilité ” permettant de mieux comprendre le rôle des
acteurs dans le contexte, soit dans le repérage des “ dysfonctionnements ou des
efficacités de ces politiques. Le travail présenté ici s’inscrira délibérément dans la
première catégorie d’approche, et s’intéressera tout particulièrement à décrire la
méthodologie développée.
1.2 Une évaluation nécessaire
Bien que l’on n’ait pas une idée précise du bénéfice que l’on peut attendre de la
diffusion et la banalisation du recours aux réseaux informatiques dont l’Internet
constitue l’archétype, il semble impensable que les nouvelles générations ne soient
formées à l’usage de ce nouveau médium. Sur le plan sociétal, certains penseurs
entrevoient des transformations radicales des rapports aux média (Mc LUHAN, 1968)
ou l’apparition d’une intelligence collective (LEVY, 1997). En conséquence, nombreux
sont les chercheurs dans le domaine de l’éducation qui défendent l’idée qu’il est
indispensable de former les jeunes à l’usage de ces nouvelles technologies (PERRIAULT,
1989) (BARON, BRUILLARD, 1996) et de promouvoir dans le système éducatif “ la
nécessité d'un minimum de culture générale "informatique" s'appuyant sur un socle
raisonné de connaissances et de savoir-faire progressivement appris tout au long de la
scolarité (POUZARD, 1998) afin que les nouveautés technologiques puissent être
versées au bénéfice du plus grand nombre. Toutefois, nous sommes encore dans une
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période de transition où l’on ne perçoit pas clairement la nature des transformations
induites par l’adoption de ces technologies par les acteurs du système éducatif et
l’élaboration de méthodologies d’évaluation des politiques d’éducation engagées sur ce
terrain particulier, prend ici toute son importance.
2. CADRE DE LA RECHERCHE
2.1 Un objet virtuel
Cette communication porte sur les résultats d’une recherche menée en Sciences de
l’Education, constituant la première phase d’une thèse qui étudie l’influence de l’usage
des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication sur le
fonctionnement des groupes institutionnels en éducation. Elle vise plus particulièrement
à examiner le cas des écoles primaires disposant d’un site sur le World Wide Web
(appelé, plus loin, simplement Web) sur Internet. Ces sites Web sont constitués de pages
électroniques fondées sur l’utilisation de liens hypertextes, et dont les contenus, très
divers, peuvent aller de la simple présentation sommaire de lieux, de personnes, jusqu’à
la mise “ en ligne de travaux extrêmement élaborés et notamment de documents
multimédia interactifs. On accède à ces pages à l’aide d’une adresse réticulaire ou URL
que l’on peut obtenir à partir de sites spécialisés, de sites moteurs de recherche, ou que
l’on peut relever dans la presse écrite, dans les média de masse ou encore simplement
connaître par le canal du bouche à oreille. En conséquence, ces adresses peuvent être
célèbres comme très confidentielles. Ces pages électroniques sont hébergées par des
serveurs dont la localisation géographique est sans rapport avec le lieu d’émission, et
sont accessibles en tout point du globe pour peu que l’on dispose d’un micro-ordinateur
et d’une liaison avec un fournisseur d’accès à Internet à travers un réseau de
télécommunication (téléphone, réseau câblé, réseau hertzien).
Pourquoi choisir ces pages comme objet d’évaluation ? Le fait de travailler sur des
produits issus de l’école primaire présente l’avantage de permettre la perception des
orientations choisies par le ou les auteurs et de distinguer plus facilement ce qui est
produit par l’adulte du travail des élèves. On peut constater qu’un nombre grandissant
d’établissements se connectent à Internet et disposent donc aujourd’hui d’une adresse
électronique de messagerie (e-mail). Toutefois, fin 1998, en France, seulement une
école connectée sur dix, a construit un site sur le Web (AUDRAN, 1998). Pour un
total de 60732 écoles primaires (élémentaires et maternelles) en France métropolitaine et
DOM, j’ai pu recenser, au 1er janvier 1999, 625 sites scolaires (sur 659 adresses URL
obtenues durant l’année 1998, certains sites ayant disparu entre temps). Cette quantité,
déjà importante (un site peut inclure des dizaines de pages) reste toutefois raisonnable
sur le plan des données brutes si l’on s’en tient à analyser des éléments clés comme les
pages d’accueil (home pages), les rubriques, les liens internes et externes, les adresses
réticulaires. Ces “ écoles sur le Web ”, constituant à peine plus du centième des écoles
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primaires de France, ont un caractère nettement pionnier qui situe clairement ce travail
dans la catégorie des études de phénomènes naissants.
2.2 Le site Web scolaire, un objet provisoire d’évaluation
Dans le cadre d’une précédente recherche portant sur l’usage du courrier électronique
par des enseignants et élèves débutants (AUDRAN, 1998), j’ai pu constater que la nature
des échanges réalisés répondait peu, dans la pratique, à l’intention et la programmation
initiale de l’enseignant. Cet écart contraignait plutôt ce dernier à insérer dans sa pratique
éducative une forme de “ bricolage des signes au sens où l’entend LEVY-STRAUSS
(1962), c’est à dire la prise en compte d’une forme expérimentale d’apprentissage
destinée à intégrer les questionnements induits par les difficultés à se comprendre, à
coordonner des projets marqués par des cultures et des intentionnalités éloignées de
celles qui présidaient lors de la mise en place de l’activité. Travailler sur des sites Web
réalisés par les acteurs (enseignants et élèves) d’écoles primaires me conduit à compléter
ce travail de proximité par l’étude, à distance, de pages élaborées par des personnes qui
ont dépassé le stade de la simple découverte, qui ont réalisé des choix quant à
l’orientation des documents qu’elles diffusent vers un large public potentiel. Ce dernier
est constitué de plusieurs centaines de millions d’internautes qui sont majoritairement
issus du monde culturel occidental. A ce stade, et compte tenu de l’orientation
anthropocentrique de ma recherche (RABARDEL, 1995), plusieurs interrogations
surgissent : Qui sont donc les acteurs qui ont construit les pages hypertextuelles de ces
écoles pionnières, consultables à l’échelle planétaire ? Qui sont les enseignants
expérimentés, engagés dans une telle construction. Quels sont leurs projets politiques et
pédagogiques sous-jacents ? Coïncident-ils avec le projet politique gouvernemental ?
La simple analyse de pages sur Internet ne peut bien sûr fournir les réponses à
l’ensemble de ces questions, mais ce travail quasi-ethnographique fournit toutefois des
indications précieuses. On conçoit aisément que la construction d’un site scolaire ne
constitue qu’une pratique d’accompagnement pour l’enseignement et l’apprentissage. Un
site Web, en soi, est un produit et comme tel, porte un nombre important d’indicateurs et
d’indices permettant d’élaborer des hypothèses sur les procédures, les motivations, qui
ont présidé à sa construction. A l’inverse, il sera plus hasardeux de se prononcer sur les
processus d’apprentissages que cette construction a permis d’enclencher chez les
acteurs, éléments qui éclaireraient davantage une recherche portant sur le bénéfice
attendu de l’introduction des technologies dans le système scolaire, mais qui
demanderont plus de proximité au terrain. L’étude à distance des sites me semble
constituer, comme travail préparatoire à une analyse approfondie de proximité, un
terrain riche d’enseignements qui peut considérablement aider à la construction de
nouvelles grilles destinées à instrumenter une recherche de proximité et donc améliorer
l’intelligibilité de la situation.
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2.3 Intérêts et limites de la méthodologie
L’étude et l’analyse de pages électroniques, donc porteuses des caractéristiques du
virtuel (LEVY, 1996), conduit à examiner la problématique de l’évaluation sous quatre
angles de vue spécifiques : la distance à l’objet évalué, les contenus proprement dits, ce
en quoi elles peuvent être représentatives sur le plan humain et leur évolution temporelle.
2.3.1 La distance
Parcourir depuis un ordinateur distant un site Web présente tout d’abord l’avantage
de travailler sur un “ produit automatiquement publié ”, comme le souligne CHANDLER
(1998). Tout comme l’écriture constitue une forme d’“ enregistrement automatique ” du
langage, la mise “ en ligne de pages électroniques automatise la publication d’écrits.
L’évaluation s’en trouve facilitée en terme d’accès et de disponibilité, n’interfère pas sur
la situation à évaluer et porte sur un genre d’écrit qui a la particularité d’être révisable à
tout moment par son auteur (ses auteurs), donc pouvant refléter les idées ou l’état
d’esprit de l’auteur (ou des auteurs) à un moment donné. Les pages Web sont le plus
souvent des pages de présentation, à mi-chemin entre ce qui est du domaine public (le
terme anglo-saxon de home pages est, à ce titre, révélateur) et du domaine privé. “ Un
petit trou que vous percez dans le mur pour laisser le monde entrer ” selon l’expression
de John SEABROOK journaliste au New-Yorker.
2.3.2 Les contenus
En conséquence, le Web transforme ainsi l’évaluateur, de l’autre côté du mur, en
voyeur. Cette posture d’évaluateur-voyeur est typiquement inscrite dans un moment de
lecture et, comme telle, soumise aux limites des cadres d’interprétation (ECO, 1979) qui
dépendent de la stratégie de l’auteur comme celle du lecteur. Le texte (et a fortiori
l’hypertexte) anticipera un “ lecteur modèle ”, le lecteur trouvera son “ auteur modèle ”.
Ce mélange d’authenticité et de falsification potentielle rend ce support d’écrit aussi
complexe à analyser qu’un récit de fiction. Ce sont donc les régularités, les persistances
et autres invariants qui guideront prioritairement la recherche sur les contenus au risque
pour l’évaluateur, faute également d’un travail sur soi, de ne voir se refléter que le
modèle de pensée du moment ” (VIAL, 1997).
2.3.3 La représentativité
Si l’atout principal d’un site Web est qu’il constitue une manière commode de se
présenter (CHANDLER, 1998), cette auto-présentation relève selon TURKLE (1998) de la
construction identitaire. Les pages électroniques sont l’occasion pour l’auteur de dire ce
qu’il pense, ce à quoi il est attaché, de montrer ses compétences (techniques ou
pédagogiques) soit explicitement soit de façon implicite. Néanmoins, on ne sait pas
toujours qui a élaboré ces pages, quelle est leur origine (qu’est-ce qu’un “ original ” sur
le Web !). Ces sites se présentent eux-mêmes majoritairement comme des “ sites
d’école ”, même si parfois une équipe réduite (une seule “ classe ” pour reprendre le
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