Comment construit-on le PIB ?
par Louis MAURIN, Alternatives économiques, n143 (12/1996), Page 68
A force de parler du PIB , on en oublie souvent sa signi…cation et son mode de
calcul. Petit voyage à l’intérieur du concept de base de la comptabilité nationale
.
PIB :ces trois lettres sont les plus utilisées par tous ceux qui scrutent
l’économie. Les moindres variations du Produit intérieur brut sont disséquées
quotidiennement. Jeu d’anticipation le plus pratiqué : essayer d’en prévoir les
variations dans les mois, voire les années, à venir. Pourquoi tant d’importance ?
Le PIB a vocation à représenter, d’un point de vue monétaire, la richesse na-
tionale créée une année donnée dans un pays. Un ensemble énorme : presque
7 700 milliards de francs pour la France en 1995 (en francs courants). Le mal-
heur, c’est que l’on se sert du PIB un peu comme un poste de télévision. A
force de l’utiliser, on oublie de se demander comment il fonctionne et surtout si
ce que l’on regarde représente bien la réalité des choses.
Il existe trois façons de mesurer le PIB , qui correspondent à trois manières
de décrire l’activité économique. La première est de se placer du côté de la
production : la création de richesses, c’est la valeur de tout ce qui est produit
moins ce qui a été utilisé pour cela. La deuxième consiste à observer comment
ont été utilisés ces produits, soit la somme de ce qui a été consommé, investi,
stocké et exporté, moins ce qui est arrivé de l’étranger, les importations . En…n,
la troisième méthode est d’évaluer les revenus qui sont distribués lors de la
production. Dans l’Hexagone, le principe de base de la construction, réalisée
par l’Insee, est simple : on utilise les trois méthodes en même temps et on les
croise (en langage de comptabilité nationale , on dit " faire la synthèse ").
La première façon de faire est donc de construire le PIB à partir de la pro-
duction. L’estimation de la valeur de la production pose, d’un point de vue
strictement comptable, un peu moins de di¢ cultés que le reste. En partie parce
qu’elle se rattache au chi¤re d’a¤aires des entreprises (les ventes), une grandeur
codi…ée par la comptabilité privée. Mais comment évaluer la production non-
marchande, l’activité des administrations publiques ? Le plus souvent, elle
n’est pas vendue ou son prix est sans rapport avec son coût. Les comptables
nationaux pouvaient essayer d’estimer la valeur marchande de ce type de pro-
duction. Exemple : combien coûterait l’école si on la con…ait au privé ? Mais
alors, comment évaluer le service que rend la Défense nationale, par exemple ?
Les comptables nationaux ne sont pas entrés dans ce type de débat. Les ad-
ministrations ne font pas de pro…ts : ils ont donc estimé que la valeur de la
production non marchande était égale à son coût, constitué des rémunérations
des salariés, des amortissements (consommation de capital …xe , en langage de
comptabilité nationale ) et des impôts.
Il reste tout de même quelques problèmes. Nouvel exemple avec la Défense.
Quand l’Etat achète un Mirage à Dassault Aviation, on considère qu’il s’agit de
consommation et non d’investissement (on ne calcule donc pas d’amortissement
). Pourquoi ? Parce qu’on considère que la durée de vie de l’avion est inconnue.
Il peut être détruit à tout moment en cas de con‡it (1).
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