Changements climatiques sommes-nous prêts? Claude Villeneuve Professeur titulaire Département des sciences fondamentales Université du Québec à Chicoutimi Les temps changent • Pendant la plus grande part de l’histoire humaine, les problèmes environnementaux ont été une affaire locale ou régionale • Depuis 50 ans, nous avons découvert les dimensions planétaires de l’empreinte écologique des humains • Les changements climatiques induits par l’activité humaine sont le problème global le plus étudié actuellement et cela ne saurait que s’amplifier dans les prochaines décennies Pourquoi? • Les causes sont multiples • Elles sont proportionnelles à notre consommation d’énergie et aux transformations que nous faisons subir au territoire pour la satisfaction de nos besoins • Il existe des boucles de rétroaction positive par lesquelles les effets amplifient les causes • Les seuils de résistance du système ne sont pas connus • Les effets ne sont ni immédiats, ni proportionnels • L’inertie du système est grande et le retour à l’état de référence est incertain Les composantes de la machine climatique • Les déterminants du climat sont l’énergie incidente provenant du rayonnement solaire. L’albédo des surfaces, la couverture nuageuse et l’effet de serre • Le climat terrestre est influencé par de multiples facteurs naturels et anthropiques Source GIEC 2007 Source IEC AR4, 2007 L’empreinte humaine • Nous modifions la composition de l’atmosphère par nos activités • Cette modification s’est amplifiée depuis le début de l’âge industriel en raison: – – – – D’un usage accru des carburants fossiles De la déforestation et de l’artificialisation des surfaces De la consommation de viande De l’augmentation du nombre de personnes et du niveau de richesse Évolution récente de l’atmosphère Le climat et nous • Dès le paléolithique, les humains ont colonisé tous les continents sauf l’Antarctique • Ils se sont installés de manière durable sous tous les climats • Les impératifs d’adaptation au climat et à sa variabilité locale ont profondément marqué la diversité culturelle et le patrimoine bâti • Le changement induit dans la composition de l’atmosphère par notre activité provoque un réchauffement mesurable à l’échelle planétaire Une variable « permanente » • Toutes les espèces vivantes qui se maintiennent dans un milieu donné doivent être adaptées aux variations habituelles de ses conditions climatiques • Ces paramètres sont définis par les caractéristiques statistiques de la courbe normale de Laplace-Gauss • Une moyenne se caractérise par un écart-type dont l’ampleur témoigne de la variabilité • La probabilité d’un événement particulier diminue de manière logarithmique à mesure qu’on s’éloigne de la moyenne et des bornes de l’écart-type Un déplacement des moyennes, même modeste, peut signifier des changements très importants dans l’intensité des extrêmes Une augmentation de la variabilité climatique présente aussi une occurrence accrue des extrêmes Le changement climatique actuel présente à la fois une augmentation de la moyenne et de la variabilité La vulnérabilité • Lorsque les paramètres normaux auxquels nous sommes adaptés sont dépassés par l’intensité d’un événement climatique, des dommages vont survenir • Le calcul des probabilités basé sur une variabilité normale du climat permet d’établir les calculs de primes pour les assureurs en tenant pour acquis que le climat du passé est représentatif du climat de l’avenir. Un nouveau portrait à court terme La vapeur d’eau et la température 9 000 m3 48 000 m3 304 000 m3 - 20 0c 00c + 30 0c Atmosphère de faible énergie Sec Mouillé Atmosphère de forte énergie Sécheresses Inondations Des constats • La température moyenne planétaire a augmenté d’un degré depuis un siècle • Les glaces permanentes sont en fonte accélérée • Les espèces animales et végétales migrent en altitude et vers les pôles • La fréquence et l’intensité des épisodes climatiques exceptionnels (5 sigmas) augmentent Les déterminants • En 2050 – 9 milliards d’habitants – Urbanisés à 80% – 3 milliards de voitures – Doublement de la consommation de carburants fossiles – 2 milliards de têtes de bétail ruminant • Nous n’avons pas encore d’outil efficace pour infléchir les tendances de façon durable Elle aura 37 ans en 2050 Les conséquences • Augmentation de la vitesse de fonte • Augmentation des évènements climatiques exceptionnels • Transformation des écosystèmes • Stress hydriques • Augmentation accélérée du niveau de la mer Sommes-nous condamnés à vivre les changements climatiques? • Il est à peu près impossible d’infléchir la tendance d’ici 2020 – Les engagements de Copenhague sont insuffisants – Les pays ne mettent pas en place les efforts nécessaires pour les réaliser – Kyoto 2 ne réunit que des pays responsables de 15% des émissions mondiales – Les solutions techniques ne sont pas au point et restent très coûteuses à mettre en œuvre Pour les assureurs? • Les dommages causés par les extrêmes climatiques risquent de s’amplifier dans les prochaines décennies en proportion directe de: – La vulnérabilité du milieu construit et des infrastructures – L’intensité et la fréquence accrue des évènements climatiques exceptionnels – L’augmentation du niveau de la mer Aux États-Unis • Les pertes liées aux précipitations abondantes sont à leur maximum historique dans la période 2008-2011 • Les pertes moyennes liées aux tempêtes hivernales ont doublé depuis 1980 • Depuis 1980, les feux de forêt ont détruit des superficies maximales en 2005, 2006, 2007, 2010 et 2012. En 2012, ils ont causé plus d’un milliard de dollars de dommages • La sécheresse de 2012 a été la plus coûteuse depuis 1988 • Les modèles montrent que les dommages vont augmenter de 20 à 30% d’ici 2030 Une réaction possible? S’adapter? • L’adaptation vise d’abord à diminuer la vulnérabilité des populations et des infrastructures – – – – – – – Meilleures prévisions météo Mesures de sécurité publique plus efficaces Protection des zones sensibles Relocalisation des actifs à risque Recalibrage des infrastructures Protection du patrimoine bâti Mieux prendre en compte le risque climatique Des pistes pour les assureurs (Leurig et Droglolecki 2013) • Faire les calculs de risque, non plus en fonction du climat passé, mais en intégrant les nouveaux risques climatiques • Soutenir la recherche sur la prévision climatique régionale et nationale, particulièrement pour les évènements violents • Développer et utiliser des modèles permettant d’anticiper les effets des évènements violents Des pistes pour les assureurs (Leurig et Droglolecki 2013) • Ajuster les primes et les réserves aux risques résiduels • Informer les clients, les entreprises et les municipalités des nouvelles conditions d’assurances et des moyens de réduire la vulnérabilité • Faire la promotion des réductions d’émissions de gaz à effet de serre Pour les investisseurs et les agences de notation (Leurig et Droglolecki 2013) • Encourager les compagnies d’assurances à divulguer leurs risques liés au climat • Faire leurs propres analyses de ces risques • Entretenir un dialogue avec les compagnies d’assurances sur les risques climatiques, les bonnes pratiques en cette matière et leurs répercussions sur la sécurité financière des entreprises Pour les autorités réglementaires (Leurig et Droglolecki 2013) • Obliger la divulgation des risques climatiques • Intégrer l’analyse des risques climatiques dans l’analyse des risques financiers des entreprises • Créer des outils partagés pour aider les compagnies d’assurances à intégrer les risques liés au climat • Travailler avec les assureurs et leurs clients pour mieux comprendre les risques liés aux changements climatiques et les moyens de réduire la vulnérabilité Prévention • Nous sommes entrés dans un nouveau mode d’évolution du climat dans lequel les paramètres changent de façon non linéaire • Les assureurs ne peuvent plus se contenter de mutualiser le risque en assumant que le passé est garant de l’avenir • Il faut une vision prospective d’ici 20 ans pour préserver la rentabilité des entreprises, mais aussi pour faire évoluer la société afin de prévenir les impacts et diminuer la vulnérabilité En conclusion • Les changements climatiques sont une réalité. Il faudra à la fois s’y adapter et investir des efforts inédits pour en diminuer les causes, en prévoir et en limiter les impacts • Les sociétés d’assurances peuvent et doivent en prendre acte et agir en conséquences, sans quoi leur rentabilité est menacée, tout comme la sécurité de leurs commettants En conclusion • Les compagnies d’assurance, en travaillant à protéger leur rentabilité financière, peuvent favoriser l’adaptation des individus, des collectivités et des entreprises aux changements climatiques. Il faut pour cela agir de façon ouverte et proactive avec différents acteurs et se poser en promoteurs de la lutte aux changements climatiques et comme citoyens corporatifs exemplaires en la matière.