Annecy
Toponymie
Les Romains s’installent à partir de -50 dans la plaine des Fins (plane, saine, à l'écart des marécages et des crues
du lac, au sol facile à travailler, permettant de creuser facilement des puits...) sur l'emplacement d'un village
allobroge et y fondent le vicus de
Boutae
(mention
Ad Bautas
dans l'Itinéraire d'Antonin, corrigée en Boutae sur
une inscription lapidaire). Boutae, la « cité des bœufs » ? En fait, ce sont des antiquaires de la Renaissance qui ont
tiré l'étymologie fantaisiste de « cité des bœufs » (
civitas bovis
). En effet, ne serait-il pas plus raisonnable et
vraisemblable de voir dans le nom du vicus gallo-romain de
Boutae
, découvert dans une inscription à Meythet (C.I.L.,
XII, no 2532), celui d'un nom d'homme celtique,
Boutus
, bien connu dans l'épigraphie latine ?
Le nom d'Annecy, au contraire, viendrait de celui d'une importante villa romaine, située sur le coteau d'Annecy-le-
Vieux et centre d'une exploitation agricole, d'un
fundus
qui a pu s'appeler
Aniciacus
du gentilice d'un propriétaire
de la famille des
Anicii
, célèbre dans l'histoire du Bas-Empire. En tout cas, au VIIIe siècle après J.-C., un grand
domaine sur la colline d'Annecy-le-Vieux (devenu un
fiscus
royal au siècle suivant) était connu sous le nom d'
Anicius
,
ou
Aniciacus
, ou encore
villa Aniciaca
.
Le site actuel d'Annecy correspond à la localité fortifiée d'Annecy-le-Neuf qui est apparue à la fin du XIe siècle
(première église Saint-Maurice d'Annecy-le-Neuf) au pied d'une tour de défense édifiée sur le dernier contrefort
du Semnoz et qui a pris le pas sur Annecy-le-Vieux.
Histoire
Annecy possède une longue histoire depuis son origine comme bourgade gallo-romaine (essor du vicus de Boutae au
Ier siècle) dans la plaine des Fins, suivie par son implantation sur la colline d'Annecy-le-Vieux au VIIIe siècle, puis
au pied du Semnoz au XIe siècle (Annecy-le-Neuf). Son rôle dans la Réforme catholique, dite Contre-Réforme, aux
XVIe siècle et XVIIe siècle siècles fait d'elle la « Rome des Alpes ». Résidence des comtes de Genève au
XIIe siècle ; capitale du comté de Genevois, puis de l'apanage de Genevois, Faucigny et Beaufort, ensuite de
Genevois-Nemours dans les États de Savoie ; capitale de la province de Genevois, puis siège de l'une des deux
intendances de Savoie dans les États sardes, la ville devient brièvement française de 1792 à 1815 à la suite d'une
invasion militaire, puis définitivement le 24 mars 1860, date de l’Annexion de la Savoie à la France. Voici ci-dessous
les périodes et les faits historiques les plus marquants de la commune d'Annecy.
Héraldique
Les armes de
Annecy
se blasonnent ainsi :
De gueules à une truite d'argent posée en bande
.
On sait très peu de chose sur ce blason. Annecy a pris la truite pour emblème à la fin du XVe siècle.
Il symbolise l'activité de pêche relative à la présence du lac au bord duquel se situe la ville
Préhistoire et époque gallo-romain
L'Empire romain à son apogée.
La rive nord du lac d'Annecy est occupée au moins dès 3100 av. J.-C. Les tribus gauloises des Allobroges atteignent
très tôt les Préalpes de Savoie et les rives des grands lacs, certainement dès le début du IVe siècle av. J.-C.. En 121
av. J.-C., les Allobroges sont vaincus par le consul Quintus Fabius Maximus « allobrogique ». Puis, malgré une forte
résistance et des rébellions contre les lourds impôts romains, les Allobroges sont définitivement battus par les
légions romaines en 62 av. J.-C., ce qui ouvre leurs terres à la colonisation. Après leur victoire, les Romains
s’installent, à partir de -50, dans la plaine des Fins au nord du lac d’Annecy et fondent le vicus de Boutae sur
l'emplacement d'un village gaulois qui succède, au Ier siècle av. J.-C., à un
oppidum
juché sur le roc du Semnoz.
Entre le deuxième et le cinquième siècle, l'agglomération de Boutae regroupe plus de 2 000 habitants sur vingt-cinq
hectares. Le vicus, centre artisanal et commercial très actif, dispose entre autres d'un grand et d'un petit forum,
d'une basilique (édifice civil), de temples, de thermes, d'un théâtre et de divers entrepôts de marchandises, mais
pas d'un aqueduc, car les puits sont nombreux. L'économie de subsistance des Gaulois est convertie par les Romains
en économie de marché. La cité occupe une position stratégique au carrefour de trois voies romaines : au nord, la
voie menant à
Genua
(Genève) ; au sud, la voie menant à
Casuaria
(Faverges) ; au sud-ouest, la voie menant à
Aquae
(Aix-les-Bains). Boutae se trouve aussi sur la voie impériale menant au col du Petit Saint-Bernard qui relie la Gaule
et l'Italie, voie attestée par l'Itinéraire d'Antonin, et également non loin de l'axe stratégique permettant de relier
Genève à Lyon et à Vienne. À la chute de l'Empire romain, les grandes invasions engendrent une telle insécurité que
la ville dépérit complètement.
Les grandes invasions et le début du Moyen Âge
Avec l'affaiblissement de l'Empire romain, de nombreux peuples barbares déferlent sur la Gaule. En 259, le vicus
subit une importante attaque, est rasé et sa population massacrée. Les survivants se réfugient dans les grottes du
mont Veyrier. Reconstruit, Boutae connaît un nouvel essor au siècle suivant, mais, lors des grandes invasions du
début du Ve siècle, le vicus est définitivement détruit. Les Burgondes occupent la région qui est annexée par les
Francs au VIe siècle. L'insécurité grandissante contraint les habitants à abandonner la plaine pour les collines
voisines, comme l'atteste le domaine agricole de la villa « Anniciaca » (colline d'Annecy-le-Vieux) au VIIIe siècle,
qui devient un domaine royal au siècle suivant.
Le château d'Annecy
Il faut attendre le XI
e siècle pour voir la ville renaître au pied d'une tour de défense édifiée sur le dernier
contrefort du Semnoz. Un texte de 1107 confirme la naissance d'Annecy-le-Neuf sur les rives du Thiou et fait une
première mention d'une église Saint-Maurice sous le château. Ce dernier et la bourgade d'Annecy-le-Neuf se
développent sous le comte Amédée Ier (de Genève). Elle a alors l'apparence d'un gros village avec de nombreuses
étables. En 1132, une maison forte est édifiée sur l'île au milieu du Thiou. En lutte permanente avec les évêques de
Genève, les comtes de Genève finissent, à la fin du XIIe siècle, par se réfugier à Annecy où ils occupent le manoir
de Novel au fond de la plaine des Fins, puis le château qu'ils agrandissent au XIIIe siècle. La ville devient donc
capitale du comté. Le XIVe siècle est marqué par le long règne du comte Amédée III de Genève de 1320 à 1367,
date à laquelle les franchises d'Annecy sont confirmées. La comtesse Mahaut de Boulogne, épouse du comte, donne
naissance au dernier des comtes de Genève, Robert, au château d'Annecy. Celui-ci provoque le Grand Schisme
d'Occident en devenant le pape Clément VII, en résidence à Avignon. En 1394, Robert de Genève fait ériger
l'église Notre-Dame-de-Liesse, nécropole des comtes de Genève, en une collégiale qui, devenant le centre d'un
pèlerinage très populaire, confère à Annecy un immense prestige.
Annecy, ville savoyarde
Après le décès de Clément VII en 1394, le comté de Genève est acquis en
1401 par le comte de Savoie Amédée VIII. Le comté de Genève se trouve
démembré en un comté de Genève proprement dit (avec la ville et ses environs
qui conservent une grande autonomie) et un comté de Genevois avec Annecy
pour capitale. Pour rallier les habitants, qui ne voient pas d'un bon œil leur
rattachement à la maison de Savoie, le duc crée en 1434 l'apanage de
Genevois et Faucigny qu'il confie à son fils cadet, Philippe de Savoie. Cet
apanage disparaît à la mort sans postérité de ce dernier en 1444, mais il est
reconstitué de 1460 à 1491 au profit de Janus de Savoie, fils de Louis Ier de
Savoie, qui fait d'Annecy sa résidence officielle alors qu'il est comte de Genevois, baron de Faucigny, seigneur de
Beaufort-Ugines-Faverges-Gourdans. De nouveau capitale d'apanage, Annecy bénéficie de la sage administration de
Janus de Savoie et des fastes de sa cour. C'est à ce moment-là que sont établis les principaux organes du
gouvernement du comté : conseil comtal, chambre des comptes, procureur fiscal, juge mage.
À la mort de Janus, Annecy est de nouveau rattaché à la Savoie de 1491 à 1514. En 1514, Charles III de Savoie
inféode le Genevois et les baronnies de Faucigny et de Beaufort à son frère Philippe. Annecy est alors de nouveau le
centre d'un apanage allant du Genevois à Ugine. Philippe (duc de Nemours en France en 1528) est le premier prince
de la dynastie des Genevois-Nemours qui se prolonge jusqu'en 1659 (à la mort d'Henri II, dernier duc de Genevois-
Nemours, le 14 janvier). En fait, c'est Jacques de Savoie-Nemours qui devient le premier duc de Genevois, le comté
ayant été érigé en duché en 1564 par Emmanuel-Philibert qui entend s'attacher et surveiller ce prince trop
français à son gré qu'est Jacques de Nemours,
fleur de toute la chevalerie
selon Brantôme. L'administration du
bourg d'Annecy est alors de la responsabilité d'un conseil général, assemblée des bourgeois de la ville, qui élisent
des syndics pour trois ans. À partir de 1491, un conseil étroit dit des Douze, comprenant les quatre (puis, deux)
syndics et des conseillers, prend en charge les affaires de la ville.
Annecy « Venise des Alpes »
À partir de 1536, lors du triomphe de la réforme calviniste à Genève, les chanoines de la
cathédrale Saint-Pierre s'installent à Annecy ainsi que des ordres religieux catholiques comme
les clarisses. L'évêque y séjourne habituellement à partir de 1568. À cette époque, une série de
beaux monuments sont construits comme le logis de Nemours au château, la cathédrale Saint-
Pierre, la maison Lambert et le clocher de la collégiale Notre-Dame-de-Liesse…
Portrait de saint François de Sales
Plan d'Annecy à la fin du XVIIe siècle.
À partir de 1560, la Savoie du Nord et Annecy, placés en un point
stratégique sur la ligne de partage des confessions, deviennent une
citadelle avancée de la Contre-Réforme. Si le premier évêque de
Genève à résider de façon permanente à Annecy est Ange
Giustiniani (1568-1578), les débuts de la Réforme catholique
datent effectivement de son successeur, Claude de Granier (1578-
1602). Cependant, c'est François de Sales - enfant du pays (son
père l'envoie à l’âge de six ans au collège de La Roche, puis au
collège d'Annecy, fondé par Eustache Chappuis en 1549, où il est
un bon élève) - évêque de Genève en résidence à Annecy de 1602 à
1622, qui, après avoir lui-même prêché, jette les bases d'une
solide réforme du clergé et d'une transformation des mœurs et
des mentalités dans son diocèse. Il marque de façon durable la ville et toute la région grâce à son prestige
intellectuel et spirituel. Bien plus, son rayonnement s'étend à toute l'Europe catholique avec l'immense succès de
l'un de ses deux plus célèbres ouvrages,
L'introduction à la vie dévote
. Ainsi Annecy devient la « Rome des Alpes ».
Dès 1606, vingt-huit ans avant la fondation de l'Académie française, François de Sales (canonisé en 1666) et le
président Antoine Favre (du Sénat de Savoie) créent, à la mode italienne, l'Académie florimontane (« fleurs et
montagnes »). En 1610, François de Sales et Jeanne de Chantal fondent l'ordre de la Visitation. Dans le cadre d'un
vaste mouvement des ordres nouveaux, nés de la Réforme catholique, Annecy accueille les capucins en 1592, les
visitandines en 1610, les barnabites en 1614, les annonciades de Saint-Claude en 1638, les bernardines réformées
en 1639, les lazaristes en 1641, les cisterciennes de Bonlieu en 1648. La présence religieuse est donc très
importante à Annecy qui compte treize maisons religieuses pour 5 000 habitants. La moitié de la ville appartient à
différents ordres religieux qui possèdent non seulement les églises et les couvents, mais aussi des ateliers, des
moulins et de vastes terres et forêts. Ces ordres religieux, qui ont la charge de l'éducation et des hôpitaux pour
les malades et les pauvres, font travailler les artisans et les commerçants locaux.
La Révolution française
Les idées germes de la Révolution sont connues et répandues parmi les
bourgeois d'Annecy grâce aux nombreux Savoyards qui vivent à Paris, sans
oublier l'Encyclopédie, les écrits de Voltaire et du genevois Jean-Jacques
Rousseau que l'on trouve dans les bibliothèques privées des notables
annéciens. Dans la nuit du 21 au 22 septembre 1792, les troupes françaises du
général Montesquiou envahissent par surprise le duché de Savoie, obligeant
l'armée sarde du vieux général Lazary ainsi que de nombreux fonctionnaires
et membres du clergé à se réfugier au Piémont à Turin, capitale des États de
Savoie depuis 1562. Fin octobre, l'Assemblée des Allobroges, réunie dans la cathédrale de Chambéry, déclare la fin
du despotisme, la suppression des droits souverains de la maison de Savoie, de la noblesse, des redevances et
droits seigneuriaux, de la milice et la création du département du Mont-Blanc où Annecy n'est que chef-lieu de
district. Une municipalité républicaine, avec à sa tête l'avocat Jean-François Favre, est élue, mais le véritable
pouvoir demeure entre les mains de la société jacobine des Amis de la liberté et de l'égalité qui compte 110
membres, toute la bourgeoisie de la ville. L'accueil fait aux troupes françaises a été de prime abord plutôt
enthousiaste, car les hauts fonctionnaires ont pris la fuite et les habitants ont le réel sentiment d'être libérés.
Cependant, la mobilisation en masse des hommes, les réquisitions militaires payées en assignats dévalorisés,
l'augmentation des impôts, la crise économique consécutive à l'exil des nobles et des religieux (90% des prêtres
sont réfractaires), la politique anti-religieuse des représentants de la Révolution (expropriation et obligation du
serment à l'Église constitutionnelle), la répression du représentant en mission Albitte (emprisonnement des
suspects, déchristianisation : interdiction du culte catholique, fermeture et saccage des églises, destruction des
insignes et des objets du culte, clochers, cloches, croix...) finissent par exaspérer la population et la poussent à se
révolter (près d'Annecy, émeutes de Faverges, de Thorens, révolte de Thônes : 86 morts...). En 1797, sous le
Directoire, les colonnes mobiles du général Pouget pourchassent les déserteurs et les prêtres insermentés (70 sont
déportés en Guyane). En revanche, durant cette période, les importants marchés de France sont accessibles, les
capitaux genevois disponibles et ainsi de nombreuses fabriques s'installent au bord du Thiou (notamment à Cran, au
bas de la colline de Gevrier) pour profiter de la force hydraulique et du savoir-faire industriel des Annéciens. En
effet, dès la fin du XVe siècle, à l'intérieur d'un enclos fortifié d'une douzaine d'hectares, la ville (qui avait déjà
près de deux mille habitants) avait affirmé son importance administrative, commerciale et artisanale (surtout dans
le textile et la métallurgie grâce aux "artifices" hydrauliques sur le Thiou). À partir de 1795, l'industrie textile se
développe fortement grâce à des Genevois comme Jean-Samuel Farzy qui charge son compatriote Poncet d'établir
une fabrique d'indiennes à Annecy. En 1811, la manufacture de coton emploie un millier d'ouvriers...
La Restauration sarde
En 1815, une grande fête célèbre la réintégration d'Annecy au sein du royaume de Piémont-Sardaigne (les ducs de
Savoie étant devenus rois de Sardaigne vers 1720). En 1822, la ville, capitale de la province du Genevois, recouvre
son siège épiscopal avec un diocèse en son nom propre : Annecy et non plus Genève-Annecy. En 1842, Annecy
accueille l'une des deux intendances générales du duché de Savoie. En 1860, juste avant l'annexion de la Savoie à la
France, la ville compte environ dix mille habitants. La période sarde de 1815 à 1860 est marquée par de grands
travaux d'urbanisme (assainissement, percement et pavage de rues, de places, construction de ponts, de quais et
d'immeubles, notamment l'hôtel de ville en 1848, aménagement de la rive du lac : création du Jardin public, de l'île
des Cygnes, du pont des Amours, de l'avenue d'Albigny et du champ de Mars...), par une modernisation certaine (eau
potable, éclairage au gaz...) et par un important essor économique (en 1850, institution de la Banque de Savoie ; en
1858, la manufacture de coton emploie deux mille personnes...) : Annecy devient un des plus grands centres
manufacturiers du royaume...
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