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Shisme en Islam : le Wahhabisme exclu du sunnisme
Date : 19 octobre 2016
Michel Lhomme, philosophe, politologue ♦
Le Wahhabisme exclu du sunnisme, cette actualité a eu très peu d'échos médiatiques en
France. Elle est pourtant une information des plus importantes pour ses éventuelles
répercutions religieuses mondiales y compris dans notre pays. Nous dirons même qu'elle est
une information de premier plan.
Dans le but de définir l'identité « des gens du sunnisme et de la communauté sunnite », une
conférence inaugurée par le cheikh d'Al-Azhar, Ahmed al-Tayeb, s'est tenue dans la capitale
tchétchène Grozny en septembre dernier. Elle a réussi à rassembler quelque 200 dignitaires
religieux, oulémas et penseurs islamiques, venus d'Égypte, de Syrie, de Jordanie, du Soudan
et d'Europe soit les plus grandes personnalités religieuses islamiques du moment telles que
le Grand Mufti d'Égypte, Cheikh Chawki Allam, le conseiller du président égyptien et le
représentant du Comité religieux au Parlement égyptien, Cheikh Oussama al-Zahri, ou encore
l'ancien grand Mufti d'Égypte, cheikh Ali Jomaa, sans compter le grand Mufti de Damas, cheikh
Abdel Fattah al-Bezm, le prédicateur yéménite Ali al-Jiffri, ou encore le penseur islamique
Adnan Ibrahim.
Dans le communiqué, les participants à la conférence ont convenu que « les gens du sunnisme
et ceux qui appartiennent à la communauté sunnite sont les Asharites et les Maturidites, au
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niveau de la doctrine, les quatre écoles de jurisprudence sunnite, au niveau de la pratique, et
les soufis, au niveau de la gnose, de la morale et de l'éthique ». Cette conférence a donc exclu
le wahhabisme salafiste de la définition du sunnisme, voire du cadre de la communauté sunnite
! C'est un événement capital, un vrai schisme musulman. D'ailleurs, les participants à la
conférence ont qualifié cette décision de « changement radical et nécessaire pour pouvoir
rétablir le vrai sens du sunnisme, sachant que ce concept a subi une dangereuse déformation
suite aux efforts des extrémistes de le vider de son sens pour l'accaparer et le réduire à leur
perception ».
Par là, l'Arabie saoudite tafkirite et wahabiste a rejoint les impies et pour le sunnisme les
mécréants. Dans ce contexte, les participants sunnites ont émis une série de recommandations
notamment une dirigée contre Al-Jazeera et toutes ces microchaînes locales : « créer une
chaîne de télévision afin de faire parvenir aux citoyens un message véridique de l'Islam et lutter
contre l'extrémisme et le terrorisme ». A aussi été recommandée « la création d'un centre
scientifique en Tchétchénie pour surveiller et étudier les groupes contemporains, leurs principes
et pour former une base de données fiables, qui permettra de réfuter et de critiquer de manière
scientifique la pensée extrémiste ». Les participants ont suggéré que ce centre porte le nom de
Tabsir qui signifie « clairvoyance » en arabe. La conférence a insisté sur la nécessité de «
revenir aux écoles de grande connaissance », en allusion aux institutions religieuses sunnites
identifiées comme étant les universités d'Al-Azhar en Égypte, Qarawiyin au Maroc, Zaytouna en
Tunisie et Hadramawt au Yémen. La conférence a donc exclu clairement les institutions
religieuses saoudiennes, en particulier l'Université islamique de Médine.
L'Arabie Saoudite se retrouve peu à peu au pied du mur piégé par ses exactions et ses
débordements au Yémen où dernièrement, les USA ont été furieux de ses derniers
bombardements meurtriers dont elle ne les aurait pas prévenu .
La réaction saoudienne ne s'est pas faite attendre
Une campagne médiatique virulente s'est déclenchée, parrainée par les institutions religieuses
et politiques en Arabie saoudite et dénonçant l'alliance russo-sunnite des polythéistes !
Rappelons que Ibn Taymiyya, mort en prison en 1328 avait déjà été déclaré « déviant » par les
érudits sunnites de son temps et que lorsque Mohammad Ibn Abd Al-Wahhab a fait couler le
sang des musulmans en ressuscitant la doctrine taymiyienne au XVIIIe siècle, son mouvement
a immédiatement été condamné par l'ensemble du monde sunnite comme une résurgence
du kharidjisme.
En France, on a cependant relevé de drôles de réactions dans la communauté musulmane que pour d'autres causes, on qualifierait d'ailleurs de « complotistes » - accusant la conférence
de Grozny de n'avoir aucune valeur parce qu'elle ne serait qu'une manœuvre poutinienne. On
notera de fait la concordance surprenante des autorités musulmanes françaises avec la
politique internationale de la France, principal allié en effet du wahhabisme international ?
Pourtant, en France, se posera aussi très vite une autre question de poids dans la mesure où
les principales mosquées dont celle de Bordeaux comme les principaux centres culturels dont la
Maison de la Culture Arabe si chère à Jack Lang sont en fait financées par l'Arabie Saoudite ?
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Comment après une telle condamnation théologique par les plus hautes instances de l'Islam
sunnites, les jeunes musulmans français vont-ils pouvoir se permettre de continuer à fréquenter
des mosquées financées par l’Arabie saoudite ? Ou le fameux Islam de France a-t-il décidé
d'assumer le schisme musulman en choisissant clairement son camp celui de l' Islam de
combat, l'Islam du drapeau vert et du sabre de la charia dans les mains, l'Islam de la conquête
dénoncée par les sages soufies ? En ce cas, la distinction déjà quasiment artificielle en France
entre un Islam modéré et un Islam radical n'aurait même plus sa raison d'être, la France ne
serait rien d'autre qu'une terre wahhabite elle-même condamnée par l'Islam traditionnel.
En attendant, maniant à la fois le chantage sur les bons de trésor américains et sa bonne foi,
l'Arabie saoudite se prépare à un rendez-vous historique avec les marchés .
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