dépasser aucunement ; je reconnais et je confesse que les craintes que
l’on exprime seraient légitimes. Mais dans les conditions actuelles de la
réalité, elles n’ont pas de fondement raisonnable. Jésus-Christ ayant
donné à l’Eglise enseignante un pouvoir tel que quiconque ne l’écoute
point avec une entière soumission doit être regardé comme un païen et un
public ai n, et que son partage, s’il no fléchit pas le céleste courroux, ne
saurait être que le feu éternel de l’enfer, comment se persuader que le
Sauveur a voulu nous laisser croire en même temps que l’Eglise pût nous
tromper jamais ! Il y aurait dans cette conduite une
horrible
tyrannie.
Mais, si nous n ’avions pas la parfaite certitude que jamais le corps ensei
gnant n’arrachera les bornes dans lesquelles il a plu au Seigneur de le
circonscrire, il est manifeste que nous pourrions et devrions craindre que
plus d’une fois, il no s’écartât du sentier de la vérité et ne nous entraînât
avec lui dans l’erreur. C’est pourquoi, si l’on pose en principe l’institu
tion divine de l’autorité doctrinale infaillible, dans la société chrétienne,
on doit reconnaître aussi, nécessairement, que cette autorité n’outrepas
sera jamais,
dans son enseignement,
la limite de ses droits, alors au moins
qu’elle exigera l’assentiment intérieur, absolu, universel.
Tout clair et concluant qu’il soit, ce raisonnement ne dissipera pas sans
doute tous les nuages. On ne m anquera pas d’invoquer l’histoire à ren
contre et de signaler a divers époques, dans le corps enseignant, des abus
de pouvoir énormes. Discutons brièvement les faits les plus généraux.
Au moyen âge, les représentants de l’autorité doctrinale ont souvent,
d’un accord unanime, dépassé les limites de leur pouvoir, et dans l’objet
de leur jugem ent, et dans les châtiments qu’ils y infligeaient, et dans les
moyens qu’ils avaient coutume de prendre pour en assurer l’exécution*
Souvent, ils appelaient a leur tribunal purement spirituel, des causes pure
ment politiques ; ils prononçaient, par exemple, sur la légitimité ou l’illé
gitimité des tributs ; prétendaient décider auctoritativement entre les
souverains, de la paix et de la guerre ; appelaient, eux-mêmes, les nations
aux armes, animaient leur ardeur par des promesses et des menaces ; pro
hibant, sous les peines les plus sévères, tout commerce avec les peuples
devenus l’objet de leur animadversion.
Et, ce qui est plus fâcheux encore peut-être, c’est qu’ils appuyaient
leurs jugements, en matière temporelle et spirituelle, des châtiments les
plus terribles de l’ordre matériel ; de la spoliation des biens, des honneurs,
des dignités même souveraines, du trône royal et impérial, de la privation
de la liberté, et, moyennant le ministère du magistrat séculier, de la vie
elle-même. Combien n’a-t-on pas vu de particuliers et de souverains ainsi
dépouillés de tout par sentence apostolique, et signalés au monde comme
des bêtes iauves sur lesquelles il fallait courir sus ! Divers empereurs de
Germanie, des rois de France, d’Angleterre et d’Espagne ont ainsi été
voués à l’anathêmo.