Le Vademecum philosophique.com La religion III.
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visées individuelles. D'un autre côté, religion et morale répondent également au registre d’un
appel subjectif. Elles ont alors la "force d'un élan".
Bergson emprunte à Auguste Comte la distinction des deux pôles statique et dynamique qui, comme
ordre et progrès, organisent les sociétés.
Cependant, autant la première morale - celle qui veut l'ordre - est relativement facile à
formuler, autant la seconde, qui est élan, progrès, est à peine compréhensible. La morale de
l'Evangile, note Bergson, frise constamment le paradoxe et la contradiction : si la richesse est
un mal, comme elle le soutient, ne nuit-on pas aux pauvres en leur abandonnant nos biens
comme elle nous le prescrit ? C'est que le langage est plus apte à rendre les choses que les
progrès, écrit Bergson. Les idées défendues par l'Evangile sont issues en grande partie d'une
émotion antérieure à toute représentation. L'intention d'une maxime heurtant la justice,
comme celle qui enjoint de tendre l'autre joue à celui qui nous frappe, n'est pas de justifier une
obligation mais d'induire un état d'âme. Elle marque comme une exigence vitale. En quoi, la
religion est conduite, encore une fois, plus que réflexion. La morale, même détachée de la
pression sociale, se fonde moins que jamais sur la raison. Et quant à la religion, elle peut
pratiquement être définie comme une réaction contre le pouvoir dissolvant de l'intelligence et,
par exemple, contre la représentation lucide de l'inévitabilité de la mort ou contre la tentation
raisonnable de ne penser qu'à soi. Dès lors, l'originalité de Bergson, plus que de distinguer
deux sources opposées de la morale et de la religion, est d'inscrire l'évolution de celles-ci -
qu'elles soient pression ou aspiration, religion "statique" ou "dynamique" - dans une histoire
générale de la vie.
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La religion et l’histoire de la vie.
Dans un cas, morale et religion veulent l'ordre et dans l'autre le progrès. Or ce sont là,
selon Bergson, les deux principes structurants du développement des vivants ; principes qui
trouvent leur plein achèvement, le premier dans les sociétés d'insectes et le second chez les
hommes - ou plutôt chez certains hommes entraînant les autres.
Les communautés d'hyménoptères, selon Bergson, sont au bout de l'une des deux principales lignes de
l'évolution animale. Les sociétés humaines se tiennent à la pointe de l'autre. Ces deux types de sociétés se font