Vers une éthique improbable - L`histoire de la philosophie

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Para uma ética improvável – A história da filosofia como desmitologização do
conceito do sujeito
Vers une éthique improbable - L’histoire de la philosophie comme
démythologisation du concept du sujet
Christiane Peyron-Bonjan (Université de Provence)
Resumo
O pensamento moderno inventa o conceito de individualidade. Coloca-se então o problema da escolha ética
das acções pelo sujeito individual livre. A filosofia torna-se então a ciência dos valores universalmente válidos
ou mais especificamente a ciência daquilo a que a Escola de Baden (Windelband) chama «consciência normal».
Como «a especulação filosófica pode ir para além da mitologia desmistificando» (Mircea Eliade), podemos
perguntar se, hoje, o conceito de sujeito não é um mito... Com efeito, se se entra na lógica de um sujeito
entendido como um sistema, a individualidade é quase esvaziada. O sujeito é anulado, debatendo-se entre
difíceis ajustamentos às múltiplas normalizações discordantes e a subjectividade cristaliza num sistema
operante e operacional, verdadeiro autómato mecanicista.
Sob esta influência epistemológica da sistémica complexa, pretendemos pois ver como o conceito de ética
tende a desaparecer em favor dos conceitos de normas e de normalização porque «o que substituiu os valores
são direitos e normas em número crescente» (Yves Michaud). Os homens modernos já não são rejeitados em
si mesmos, mas perdidos para sempre enquanto vontade, desejo, projecto, finalidade. O «monitoring»
invadiu tudo. Aquilo que Horkheimer e Adorno tinham designado pela «estupidez da razão» aconteceu.
A ironia do projecto hipermoderno é o facto de a humanidade conseguir «controlar-se» e «pôr-se em
segurança». Heidegger lutava de resto contra isto com a sua acalorada defesa de um necessário retorno ao
desvendamento do Ser enquanto Ser da civilização helénica na sua Introdução a O que é Metafísica? Mas, ao
seguir este caminho, ele continuava ainda ligado ao fundamentalismo da filosofia da consciência, indicava
Habermas, consciência infelizmente perdida no avanço da história da filosofia... Todas essas considerações nos
levam pois a uma ética improvável que explicaria o emprego actual desta palavra como uma «palavramáscara» de todas as nossas imperfeições sociais.
Palavras-chave: sujeito ética, consciência, sistema complexo, mitologia
Résumé
La pensée moderne invente le concept d’individualité. Se pose alors le problème du choix éthique des actions par
le sujet individuel libre. La philosophie devient alors la science des valeurs universellement valables ou plus
précisément la science de ce que l’Ecole de Bade (Windelband) appelle la « conscience normale ». Comme « La
spéculation philosophique permet d’aller au delà de la mythologie en démythisant » (Mircéa Eliade), nous nous
demanderons si, de nos jours, le concept de sujet n’est pas un mythe … Car, si l’on entre dans la logique d’un
sujet entendu comme un système, l’individualité est quasi évincée. Le sujet est anéanti en se débattant entre de
difficiles ajustements aux multiples normalisations discordantes et la subjectivité se rigidifie en un système opérant
et opérationnel, véritable automate mécaniciste.
Sous cette emprise épistémologique de la systémique complexe, nous nous proposons donc de voir comment le
concept d’éthique tend à disparaître au profit de ceux de normes et de normalisation car « ce qui a remplacé les
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valeurs ce sont des droits et des normes en nombre grandissant ». (Yves Michaud). Les hommes modernes ne
sont plus rejetés en eux mêmes mais perdus à tout jamais en tant que vouloir, désir, projet, finalité. Le
« monitoring » envahit tout. Ce que Horkheimer et Adorno avaient appelé la « bêtise de la raison » est advenu.
L’ironie du projet hypermoderne est le fait que l’humanité en arrive à se « contrôler » elle-même et à se
« mettre en sûreté ». Heidegger luttait d’ailleurs contre cela avec son brûlant plaidoyer pour un nécessaire retour
au dévoilement de l’Etre en tant qu’Etre de la civilisation héllénique dans son Introduction à Qu’est ce que la
Métaphysique ? Mais, en prenant cette voie, il demeurait encore lié au fondamentalisme de la philosophie de la
conscience indiquait Habermas, conscience malheureusement perdue dans l’avancée de l’histoire de la
philosophie…Toutes ces réflexions nous conduisent donc à une éthique improbable ce qui expliquerait l’emploi
actuel de ce mot comme un « mot-masque » de toutes nos imperfections sociétales.
Mots clés : sujet, éthique, conscience, système complexe, mythologie
Cette réflexion s’ancre dans l’histoire de la philosophie afin de préciser, à partir de différentes visions du
monde, la présence où l’absence de tel ou tel concept. Par exemple, le colloque « Déontologie, éthique et
valeurs dans l’éducation » n’aurait pu s’intituler ainsi dans la Grèce antique puisque ni le mot de déontologie
ni le mot de valeurs n’existait… A partir d’un travail généalogique des concepts, nous tenterons d’impliquer
différentes définitions de l’éducation et par voie de conséquence la possibilité ou l’impossibilité de former les
éducateurs. En parallèle à la philosophie Foucaldienne et selon les différentes épistémè, nous nous essaierons
à plusieurs mises en scène des concepts d’éthique et de valeurs voire même à dessiner les contours de leurs
apparitions et disparitions.
La première mise en scène est celle de l’Antiquité. La pensée hellénique s’irrigue à partir du concept de
Kosmos, concept contenant de manière immanente les Formes Idéales du Bien, du Beau et du Vrai. Pour
l’homme grec, tout corps et tout esprit appartiennent ontologiquement au Monde des Idées. Dans la vie
terrestre, être un citoyen éduqué consiste simplement à retrouver l’Etre en tant qu’Etre grâce à la
connaissance. Dans cette vision du monde, se comporter de manière éthique équivaut
donc à refléter
l’équilibre, l’harmonie cosmique en toutes circonstances. L’adage de Delphes : « Connais-toi toi-même »
l’exprime fort bien. C’est pour ces raisons que l’éducateur, le maître socratique, se contente par le
questionnement, par l’ironie, de déclencher chez le disciple le processus de connaissance (dialectique
ascendante et descendante dans la philosophie de Platon). Pour résumer, dans cette épistémè hellénique,
l’Ethique n’est pas une utopie ; l’éducateur peut comme modèle en témoigner dans son existence auprès de
ses disciples. Et le Kosmos est la seule réalité ontologique.
I
QUATRE TOPIQUES DIFFERENTES DANS L’EPISTEME MODERNE
Mais la mise en scène Moderne dès le XVIème siècle réhabilite le monde sensible. Ce dernier acquiert valeur et
réalité contrairement à la simple apparence qu’il était dans la philosophie antique. Le Kosmos devient une
utopie et le concept d’individualité puis celui du sujet libre apparaissent. C’est avec le livre III de Nicolas
de Cuse dans La docte ignorance que s’inscrit la conquête de l’idée d’individualité. La vie psychique devient
une puissance infinie et active. Sans jamais prononcer le terme de sujet, Montaigne tente dans l’Apologie de
Raimond Sebond la description d’un individu singulier et la connaissance concrète de la vie d’un homme
déployant son activité dans un monde réel et concret. Puis, La Boétie précisera dans le Discours sur la
servitude volontaire que la structure fondamentale de cet individu est la liberté. Ainsi sont posés les
fondements de la compréhension de l’humain comme sujet individuel libre, soixante ans avant le Discours de
87
la Méthode. Dans les Méditations Descartes instituera la certitude du « je ». La mise en scène Moderne ouvre
la sphère de l’ego, élargie aux volontés, désirs, émotions, sensations, perceptions…
1 Première topique : Pour une éducation morale
Le sujet cartésien peut donc choisir ses actions et les réaliser grâce à son infini vouloir. Dans cette vision du
monde, être éducateur revient à permettre à chaque individu d’opérer les « bons » choix. Cela engendrera au
XVIIIème siècle le type d’une morale Kantienne dont le maître mot est impératif : « tu dois parce que du dois… »
Etre éduqué reviendra alors à respecter ces impératifs catégoriques ; impératifs soumis à des lois universelles
abstraites. Dans cette mise en scène, les maîtres enseignent les règles morales et leur transcription dans le
Droit ; on peut donc les former à ce type d’enseignement. Pour illustrer cela, rappelons des titres de livres
certes plus tardifs mais irrigués par ces présupposés rigoristes, tels L’éducation morale de E. Durkheim ou
Morale de l’instituteur de A. Ferré …
Néanmoins dans cette optique, le concept d’éthique est oublié au profit d’un devoir-être idéal et donc
utopique !... Car cette vision de l’éducation révèle un problème : comment passer de l’abstraction du devoir
être universel à l’action concrète ? Pour ces raisons le post kantien Windelband travaillera le concept de
« valeur ». Car si la morale ouvre sur un travail éducatif possible, elle demeure au demeurant dépendante
de la conscience d’un sujet capable de dire ce que telle ou telle décision vaudrait dans telles ou telles
circonstances… Cette notion de sujet capable sera comprise dans une perspective historique qui ira de la
philosophie morale Kantienne à l’Ecole de Bade.
2 Deuxième topique : Pour une prise de conscience des valeurs.
S’interroger sur les valeurs présuppose la perte du sol originaire du Kosmos grec dans lequel l’humain était
partie prenante non séparée de la Forme Idéale du Bien. Ce questionnement ne peut s’imposer que dans l’ère
post ontologique ; ère caractérisée par une situation où la référence à un Bien tenu pour fondamental est
ébranlée par la découverte de la pluralité des cultures, l’avènement des sciences modernes et le
désenchantement qu’elles provoquent avec la mathématisation et la mécanisation. Pour Hannah Arendt : « les
hommes modernes n’ont pas été rejetés du monde, ils ont été rejetés en eux mêmes. »1
La philosophie réfléchissant sur les valeurs est donc dans une certaine ambivalence car elle se situe à un
croisement entre un ensemble, de normes, de principes et de règles d’action, reçu dans l’existence sociale
mais elle nécessite aussi de la part du sujet le choix de ce qu’il estime préférable pour décider de telle ou
telle action. La décision bonne s’élabore, se construit dans un champ historique de normes ;2 elle est jugée en
fonction de finalités qui deviennent les valeurs qui guident l’action. Windelband radicalise la définition de la
valeur comme point de vue de l’idéal, définition proposée par Lange dans son Histoire du Matérialisme en
1865. Pour l’Ecole de Bade, il devient nécessaire de « compléter la réalité par un monde idéal produit par
l’homme lui-même, monde dont le statut est celui de la valeur qui n’a aucune existence ».3 Tous les actes
conscients dépendraient alors d’une science des valeurs universellement reconnues…ou plus précisément tout
homme devrait témoigner de ce que Windelband appelle la conscience normale (c’est à dire la « conscience
dans sa liaison systématique de toutes les normes qui ont une validité objective, mais exigent d’être
1
Arendt, H. [1958], (1983). Condition de l’homme moderne. Paris : Calmann-Levy, p. 285
2
au sens étymologique de « gnomon », outil matériel servant à tracer des lignes droites ou des angles droits (une
équerre). Cette équerre servant de modèle pour faire un tracé rectiligne. Transposé, c’est un outil mental pour
bien penser ou bien agir.
3
Windelband,W. [1884-1915], (2002). Qu’est ce que la philosophie ? et autres textes. int. et trad. E. Dufour, Paris :
Vrin
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subjectivement réalisées »).4 Si le concept de Loi est la fin visée par les sciences de la nature, celui de valeur
correspond à la prise de position volontaire d’un sujet permettant de distinguer dans la sphère de
l’individuel ce qui est essentiel de ce qui est secondaire.
Par analogie, on pourrait transposer ces réflexions au système éducatif car les éducateurs rencontrent en
permanence des situations particulières qu’il leur faudrait transformer en universaux concrets. Seule alors une
discussion se situant au niveau des actions pourrait dire au terme d’une longue histoire de l’enseignement,
encore à écrire, comment reconnaître ces universaux casuistiques. Là serait le véritable travail de réflexion,
d’argumentation, d’interprétation, de jugement et d’imagination des éducateurs (enseignants, conseillers
principaux d’éducation, chefs d’établissements ...) en prenant garde de ne jamais confondre la déontologie, le
règlement, l’organisation du travail avec le concept de valeur. On pourrait donc former les éducateurs et les
éduqués à la découverte des décisions préférables pour telle ou telle action. L’idéalité des valeurs aurait
remplacé la rigueur morale des devoirs.
3 Troisième topique : Vers une éducation d’exception
Si la découverte du concept de sujet a permis de construire les deux topiques précédentes sur la préférence
que devrait avoir les humains éduqués pour telle ou telle action, avec Nietzsche, la mise en scène
philosophique moderne va s’esthétiser et se focaliser sur la définition de l’homme éduqué. L’individualité est
hypostasiée. Le sujet s’invente, crée ses propres valeurs ; il est I’auteur de sa propre existence ; il fait de sa
vie une œuvre d’art, il atteint le sublime. Seule une haute éducation (Hohe Erziehung) ou éducation la plus
haute (Die Höchste Erziehung) peut former des auteurs.5 Il écrit dans une lettre à Emma Guerrieri-Gonzaguat
le 10 mai 1874 « je ne connais pas de but plus haut que de devenir un jour, d’une manière ou d’une autre, un
" éducateur " ». Qu’entend-il par cette éducation d’exception ? Pour la décrire, il s’appuie sur une sorte de
propédeutique constituée par un ensemble de règles et de préceptes.
Le premier d’entre eux est le respect de la nature6 et la passion de la vie solitaire. Car la nature est
l’élément primordial dont le monde est constitué et demeure le vecteur essentiel du développement de
l’homme : « Ma tâche : la déshumanisation de la nature et ensuite la naturalisation de l’homme… »7
Nietzsche définit aussi une posture favorable à la méditation, à savoir la solitude, processus qui permettra à
l’homme d’être au plus près de la nature. Naître sur la terre s’est se préparer à faire l’expérience de la
solitude. « Le défaut le plus répandu de notre type de formation et d’éducation : personne n’apprend,
personne n’aspire, personne n’enseigne à supporter la solitude. »8 Cette solitude n’est en rien entendue
comme un renoncement de l’homme mais ce dernier la choisit afin de pouvoir se retrouver. Cette solitude est
simultanément « libre, malicieuse et légère »9 et éprouvante. Mais l’homme en sort grandi et fortifié car elle
distingue, isole et est une vertu aristocratique procurant l’indépendance. On peut à ce sujet rappeler les trois
4
Windelband, W. (2000). Histoire et science de la nature. Etudes philosophiques. Paris : PUF. (Über die gewissheit
der erkenntnis, discours de Berlin 1873 et discours de Strasbourg 1894)
5
Cette argumentation et les traductions des textes seront fondées sur la synthèse de la thèse de philosophie de
l’éducation de Fabien Jigoudez soutenue à Nice en 2005 « Nietzsche et la Haute éducation ».
6
Nietzsche emprunte cette idée à Schopenhauer dans Contre la philosophie universitaire.
7
Nietzsche, F. [1850-1889], (1968-1997). Fragments posthumes, §11 & §211. Paris : Gallimard
8
Nietzsche, F. [1881], (1968-1997). Aurore § 443. Paris : Gallimard
9
Nietzsche, F. [1886], (1968-1997). Par delà le Bien et le mal §25. Paris : Gallimard
89
qualités attribuées aux « enfants »10 dans Ainsi parlait Zarathoustra , à savoir la solitude, l’obstination et la
prudence, qualités qui se muent dans Par-delà le bien et le mal en passion solitaire, courage et lucidité.
Le second précepte vise l’accroissement du respect de soi par l’ascèse. Seule cette dernière permet de
s’élever vers une nature « aristocratique » : « un certain ascétisme,… un renoncement volontaire… est l’une
des conditions favorables à une haute spiritualité » Et «les philosophes n’ont jamais traité l’idéal ascétique
sans quelque préjugé favorable ».11 Cependant Nietzsche n’entend pas l’ascèse comme celle octroyée dans la
formation des séminaristes mais plutôt comme gymnastique de la volonté, comme apprentissage du vouloir
et du promettre, tâches fondamentalement naturelles : « notre absurde monde de l’éducation croit pouvoir se
suffire de l’instruction, du dressage de cerveaux ; il n’a pas la moindre notion de quelque chose d’autre,
nécessaire en tout premier lieu —l’éducation de la force du vouloir— ; l’on est capable de vouloir si l’on
est capable de promettre ».12 Mais cette ascèse de l’esprit ne suffit pas pour l’auteur, il faut lui adjoindre
l’ascèse physique.
Grâce à ces deux ascèses, advient d’abord la notion de « montée vers l’homme naturel » : « un peuple n’étant
que le détour que prend la nature pour produire six ou sept grands hommes ».13 Puis, Nietzsche rappelle la
nécessaire synthèse des forces organiques et inorganiques dans le surhumain. Cette synthèse s’opère comme
une conquête, comme un défi permettant d’ouvrir le champ de la haute éducation. Elle se cristallise dans les
images de relief, de hauteur, des cimes d’une haute civilisation.
Cette propédeutique affirmée, Nietzsche se déclare dans sa maturité en faveur d’une éducation de
l’exception : « avenir de l’éducation : culture de l’exception ».14 L’éducation ne saurait être uniforme et
devrait être adaptée en fonction de la nature des éduqués. L’auteur rejette l’instruction et son caractère
« niveleur » :
« Le système éducatif supérieur allemand a perdu dans son ensemble ce qui est essentiel : une fin, et
également le moyen de parvenir à cette fin. Que l’éducation, la culture soit une fin en soi et qu’un éducateur
soit nécessaire —et non le professeur de lycée et l’érudit universitaire— voilà ce qu’on a oublié… ce qui
manque, ce sont des éducateurs eux-mêmes éduqués, des esprits supérieurs et distingués qui fassent leurs
preuves en toutes circonstances, par leurs paroles et leur silence, qui soient de vraies cultures vivantes,
mûries et délectables —et non pas les rustres savants que le lycée et l’Université offrent à la jeunesse comme
« nourrices supérieures ».15 C’est donc la première condition de l’éducation qui fait défaut, à savoir les
éducateurs ; de là selon ses écrits, le déclin de la culture allemande.
Nietzsche prône aussi la nécessité d’une lente maturation s’opposant par là même à la rapidité des cursus
universitaires ne visant qu’à la professionnalisation. 16 Afin qu’advienne ce qu’il entend par Haute Education,
un programme en trois points semble apparaître : apprendre à voir, apprendre la lenteur, renforcer la
volonté —point déjà évoqué lors de la réflexion sur l’ascèse—. Ce programme vise un but essentiel : savoir se
retenir, ne pas agir, ne pas réagir.
10
Les trois figures de l’homme : assujetti aux valeurs de la société (le chameau) devenu esprit libre (le lion) puis
l’advenue du surhomme (l’enfant) in Ainsi parlait Zarathoustra, 1883, III,3
11
Nietzsche, F. [1887], (1968-1997). Généalogie de la morale, §3, §7 & §9. Paris : Gallimard
12
ibidem, §10
13
Nietzsche, F. [1886], (1968-1997). Par delà le Bien et le mal §126. Paris : Gallimard
14
Nietzsche, F. [1850-1889], (1968-1997). Fragments posthumes, §12 & §1. Paris : Gallimard. p. 374
15
Nietzsche, F. [1889], (1968-1997). Crépuscule des Idoles, ce qui manque aux Allemands §5. Paris : Gallimard
16
Toute la distinction des sciences de l’éducation entre procédures (applications rapides) et processus (comprendre,
se projeter vers l’avenir…) se retrouve ici.
90
Pour l’apprentissage de la vue, l’auteur suggère une éducation esthétique développant les qualités
nécessaires à la contemplation car l’éducation de l’œil prépare l’éducation de l’esprit.17
Pour l’apprentissage de la pensée, Nietzsche privilégie deux moyens : la logique comme base et discipline du
raisonnement, la danse comme apprentissage de la force et de la souplesse, seules matrices solides en vue de
l’agilité future d’une pensée. Comme la danse de l’esprit et du corps sont au fondement de l’éducation
aristocratique, le langage du corps se doit de contrôler le jeu des instincts afin de canaliser la pluralité des
forces opposées à l’intérieur d’un même corps.18 Il faut d’abord limiter l’individu pour pouvoir l’orienter vers
un nouvel équilibre de ses facultés et vers sa réalisation totale ; ce qui s’oppose complètement à la décadence
voire à la dégénérescence des instincts. 19 Somme toute, il faut souligner l’importance du désir d’une
excellente constitution physique et spirituelle, seules conditions de la joie permise par la Haute Education.
La pensée de Nietzsche à propos de l’éducation se veut comme a-morale ; de plus, elle évacue l’éthique
au profit de l’esthétique. Cette « transmutation des valeurs » et cette hypostase de l’individualité se fonde
sur une utopie : le concept de « surhomme ». Cette « virtus » que seuls des êtres d’exception possèderaient
annihile la possibilité d’une éducation pour tous et par voie de conséquence toute démocratie. De plus, dans
cette vision nietzschéenne de l’éducation, l’éducateur est un être charismatique. Or, on ne peut former au
charisme !…
4 Quatrième topique : la mise en scène phénoménologique de la conscience éthique
Si la mise en scène moderne peut hypostasier le sujet de manière Nietzschéenne, elle peut aussi s’ancrer dans
le cogito. Cet autre focus, la conscience, a été choisi par Husserl, lecteur de Descartes. Ce concept irradiant la
phénoménologie est précisé par l’auteur comme cœur précieux de sa philosophie. Husserl décrit les contenus
et les significations qui apparaissent dans la conscience. Il abolit donc la distance entre le sujet qui connaît et
ce qui est connu. Par l’intentionnalité, la conscience est une activité donatrice de sens, elle ne reçoit pas
un objet tout constitué mais elle en constitue le sens par le mouvement même par lequel elle se dirige vers lui.
L’intentionnalité est cette activité par laquelle une conscience se pose comme contenu de pensée ou noèse et
pose par là même un objet pensé ou noème. La conscience naïve croit recevoir un monde tout constitué alors
qu’elle en est la source fondatrice. Le fait que la conscience soit activité garantit le primat de la conscience
sur l’objet. Par l’épochè20 phénoménologique, nous suspendons toute adhésion naïve au monde et au sujet et
atteignons la conscience…21
Heidegger en retravaillant la théorie Husserlienne invente les concepts de Dasein (être-le-là) et de
projet…Pour Heidegger, Descartes a eu le tort de ne rien dire du sum dans le cogito ergo sum. Selon lui, il faut
partir du Dasein et de ses existentiaux pour montrer l’expérientiel. Expérientiel inscrit en premier lieu dans
la banalité quotidienne, c'est-à-dire dans un rapport au monde plutôt utilitaire. Expérientiel inscrit en second
lieu dans le déploiement d’un projet possible ; pour ce faire, le deuxième « existential » serait sollicitude à
autrui ou être avec. Mais cette essentialité de la relation à autrui a souvent pour conséquence d’entraîner en
même temps la conscience dans l’anonymat du « ON » ; on étant entendu comme rapport impersonnel à
quelqu’un et à tous. Ce rapport impose alors le bavardage de la conscience collective comme banalité ce qui
17
Nietzsche, F. [1889], (1968-1997). Ce qui manque aux Allemands §6. Paris : Gallimard
18
ibidem §7
19
Nietzsche, F. [1889], (1968-1997). Crépuscule des Idoles « Divagations d’un inactuel » §41. Paris : Gallimard
20
Mise entre parenthèses du Sujet et du Monde rendue nécessaire afin de ne pas demeurer dans une philosophie de la
représentation, philosophie séparant le sujet du Monde.
21
Husserl indique dans ses cours que sa philosophie est une psychologie inventive de la conscience.
91
implique l’irresponsabilité et la déchéance du Dasein tombé parmi les choses ou les outils. Et cet être-là,
dévoilé par l’ustensialité de son rapport au monde de la technique et par l’anonymat de son rapport aux autres
devient déréliction et inauthenticité. Il faut donc passer par ce moment d’effondrement et d’angoisse pour
qu’advienne une conscience authentique : seule la compréhension de l’existence déchue permettrait
d’atteindre le troisième existential ou souci. L’anticipation de soi et le pouvoir être seraient révélés par la
mort ; seule la mort donnerait un sens au Dasein. On perçoit ici les fondements de l’existentialisme athée —
Sartre, Camus—.
Après avoir décrit ces trois existentiaux, que présuppose l’école phénoménologique pour éduquer ? En
instituant la philosophie comme « philosophie de la conscience développée à l’extrême » elle redécouvre
alors le plan transcendant de la valeur dans le règne intelligible, unique plan de référence possible pour que
l’individu fasse apparaître la sphère de la signification. Aucune signification ne serait possible sans l’expression
d’une prise de position par rapport à une valeur transcendante. Rickert, comme Husserl, comme Heidegger 22
font partie de ceux qui insistent le plus expressément sur la nécessité de considérer les actes en les travaillant
non avec des concepts de choses mais de sens. Vivre et être éduqué pour l’homme reviennent à pouvoir
toujours s’orienter et orienter le monde par rapport à des valeurs. Mais, en raison de la définition du
concept de la valeur comme point de vue de l’idéal, donc Universel Abstrait, cet idéal demeure fiction et ne
saurait être atteint comme le souhaitaient les partisans de cette école.
Alors, Ricoeur le maintiendra comme une sorte de pseudo-concept, compromis qui se situe en ce point où
universalité et historicité se confortent mutuellement plutôt qu’ils ne se dissocient comme cela est indiqué
dans Soi-même comme un autre. Cela demeure essentiel pour toute pensée de l’action humaine. De manière
analogique, l’éducateur pourrait s’enrichir de ces interrogations et suggestions quant aux valeurs à condition
de ne se laisser envahir, ni par une imposition de normes, ni par des mots « prêts à penser », ni par des
théorisations abstraites. Seuls des débats contradictoires, des récits pluriels et singularisés permettraient
l’entrée
des éduqués et des éducateurs dans le jugement éthique ; jugement présupposant le
renversement de perspectives et une lecture non hiérarchique des rapports entre éducateurs et éduqués car
ils sont en même temps fragiles et responsables. En entrant par la conscience intentionnelle et les
expérientiels on comprend mieux l’éthique de Ricœur.
Mais le concept d’IPSE présuppose un Universel abstrait sous jacent que l’on aurait aussi découvert dans le
concept du visage de l’autre de Levinas. Pour ce dernier, l’éthique signifie une relation avec autrui où l’un et
l’autre ne sont liés que par une intrigue signifiante. L’éthique est toujours pour l’autre car les humains ne sont
pas des unités séparées posées côte à côte. Pour Levinas, autrui se présente toujours de face avec son visage
visible et expressif. Dans le visage, il lit l’homme pour l’homme. Le visage fait appel à la sollicitude, et est en
ce sens pénétré d’une sorte de moralité immanente. Autrui, c’est la présence de l’impératif dans le corps
vulnérable. Accueille l’étranger. Ce désintéressement de soi arrache l’humain à l’effort de persévérer dans son
être—Spinoza— pour venir au secours d’autrui en agissant ou du moins en s’effaçant. C’est une responsabilité
pleine et entière dont parle Levinas : Répondre à et répondre de ses actes, ne jamais se décharger de cette
responsabilité. Car être, c’est être un gardien de son frère. Levinas va même jusqu’à parler d’une hémorragie
du pour l’autre. Car il n’y a jamais assez de la responsabilité pour autrui. Notre relation à autrui, en tant que
prochain, donne le sens de nos relations avec tous les autres humains. Or, il semble que cette résonance
22
Heidegger en dédiant sa thèse d’habilitation en 1915 à Rickert rend aussi hommage à cette école de Bade et tente
de redéfinir la philosophie comme philosophie ne prenant comme point de départ que les données immédiates de
la conscience. cf Heidegger, M. [1915], (1970). Traité des catégories et de la signification chez Duns Scot. Trad.
François Gaboriau. Paris : Gallimard et cf Rickert, H.(2007) Le système des valeurs et autres articles. Paris : Vrin
92
religieuse du vocable « prochain » réintroduise l’Universel Abstrait, utopie que Ricoeur et Levinas
voulaient dépasser…
II LA MISE EN SCENE HYPER MODERNE ET LA DECONSTRUCTION DU CONCEPT DE SUJET
Afin de ne pas réitérer les utopies morales et éthiques des mises en scène précédentes, les démarches
épistémologiques des sciences humaines ont progressivement déconstruit le concept de sujet… L’individualité
est quasi évincée au profit d’un système vivant en interaction permanente avec le macrocosme social, d'où
l'idée de J. De Rosnay de l'outil macroscope.23 Et le sujet commence à être soit réduit à une organisation de
structures interagissantes entre elles et avec les systèmes environnants, soit oublié au profit de la
scientificité.
La pensée structuraliste de ces sciences est explicitée ainsi par Foucault : « on dira qu'il y a science humaine,
non pas partout où il est question de l'homme, mais partout où on analyse des normes, des règles, des
ensembles signifiants qui dévoilent à la conscience les conditions de ses formes et de ses contenus ». Les
sciences humaines se seraient donc constituées historiquement autour du sujet transcendantal et auraient eu
tendance à oublier l’humain et les valeurs…
1 La disparition du concept de valeur
Cette première logique organisationnelle des sciences humaines sera incluse dans une autre logique
organisationnelle : celle régie par le concept clef de « système ». Il semble difficile d'entrer dans la logique
d’un sujet entendu comme un système sans faire allusion à la notion de fonction définie comme l'ensemble
des propriétés que ce dernier manifeste dans son environnement et des rôles qu'il y joue.
Y. Michaud dans son article Valeurs Normes et Evaluations opère une genèse historique de la
disparition du concept de valeur : « ce qui a remplacé les valeurs ce sont des droits et des normes en nombre
grandissant ». A partir de son constat, on se propose de voir comment
le concept d’éthique
tend à
disparaître. Si dans le règne de l’intelligible comme transcendance référentielle, les concepts de valeur et de
norme apparaissent encore fort souvent dans la première moitié du XXème siècle, le premier d’entre eux
disparaît au profit de l’évaluation tandis que le second demeure sous l’acception de normalisation des
pratiques par rapport à des critères et recoupe son sens étymologique originaire de mesure, de modèle
analogue à l’équerre.24
La norme perd le point de vue de l’idéal pour glisser vers l’idée de convention voire même d’ajustement
en fonction du critère de l’utilité. Ce critère provient de la thèse développée en 1714 dans La fable des
Abeilles par Bernard Mandeville : « le vice est aussi nécessaire dans un Etat florissant que la faim est
nécessaire pour nous obliger à manger. Il est impossible que la vertu seule rende jamais une Nation célèbre et
glorieuse » ; critère de l’utilité repris par Hume lors de sa critique de la philosophie morale classique qui a
tendance, selon lui, à oublier que la nature humaine est guidée avant tout par ses intérêts ; idée d’ordre
spontané poursuivie à l’aide du concept de main invisible d’Adam Smith dans La richesse des Nations et
rappelée par Friedrich Hayek.25
23
De Rosnay, J. (1975). Le macroscope. Paris : Seuil.
24
Cf. supra, note 2
25
Hayek, F. (1966). Lecture on a Master Mind : Dr. Bernard Mandeville. Proceedings of the British Academy, vol. 52.
p. 125-141
93
Alors dans un monde complexe et changeant ce critère d’utilité va recouvrir des natures différentes :
techniques, juridiques, sociales, religieuses… Elles vont sembler le fruit de l’utilité mais aussi de l’usage et du
hasard. Yves Michaud précise : « elles sont toutes également marquées par le conventionnel ; le collectif mais
aussi l’arbitraire et l’artifice ». La norme devient un simple impératif hypothétique au lieu d’être un impératif
catégorique.
Du fait de son appartenance à plusieurs microsociétés, le sujet humain entre dans un conflit de normes et se
voit obligé de jouer à l’intérieur de ces dissonances : d’où cette « fatigue d’être soi »26 de l’individu
hypermoderne27 rappelée sans cesse par le sociologue Alain Ehrenberg dans un monde de la performance ; de
là une sorte de maladie de l’insuffisance existentielle combattue par la suractivité ou le dopage…
On a ainsi glissé du point de vue de l’idéal de l’Ecole de Bade vers celui de la multiplicité de critères de
normalisation, critères si nombreux qu’ils placent en permanence l’individu dans une situation de double
contrainte (Ecole de Palo Alto),28 situation masquée par le mot lancinant de flexibilité convoqué en
permanence à notre époque. On pourrait sans aucune difficulté écrire : les réalités et l’utilitaire étant
premiers, l’homme devient une simple courroie d’ajustement à ces critères, un système se devant de
fonctionner…l’homme n’est plus sujet.
2. Du concept de régulation à une éthique improbable
La pensée systémique a donc anéanti ce sujet se débattant entre de difficiles ajustements aux multiples
normalisations discordantes. Dans cette approche, prise en son sens originaire cybernétique, le concept
de régulation ne vise que le maintien du système grâce à des pilotages et à des réseaux opérants. Il ne se
situe qu’au niveau organisationnel du système et se définit comme un ajustement d’éléments étrangers les uns
aux autres en vue du maintien d’un équilibre global par rapport aux perturbations. Pour parodier Claude
Bernard à propos des systèmes vivants : l’individualité se perd dans ses capacités à contrôler, maintenir ses
propres réactions par rapport à des perturbations exogènes. 29 Le jugement, la volonté, l’imagination,
l’inventivité de l’humain sont fort loin. L’éducation en son sens originaire est devenue inutile au profit d’un
fonctionnalisme triomphant.
D’ailleurs, en 1852, le positivisme d’Auguste Comte avait anticipé cette
manière de penser en définissant le politique comme régulation sociale. Le monde de la technicité et de
l’expertise assimile les humains, individus ou microsociétés à des systèmes qui doivent fonctionner coûte que
coûte grâce aux régulations et quels que soient les aléas. La subjectivité est rigidifiée en système opérant et
opérationnel, automate mécaniciste… Le monitoring envahit tout. Ce que Horkheimer et Adorno avaient
appelé la bêtise de la raison est advenu.30 Habermas indique à propos de ces auteurs : « la science moderne
a jeté son masque et a renoncé à l’exigence plénière de la connaissance théorique au profit de l’utilité
technique … les sciences ont été absorbées par la raison instrumentale ».31 Seules règnent en maîtres les
procédures : les structures, les organigrammes, les données, les objectifs, les formats. Toute éducation
devient hors jeu !...
26
Ehrenberg, A. (1998). La fatigue d’être soi, Dépression et Société. Paris : Odile Jacob.
27
Les sociologues entendent par hyper modernité les valeurs de la modernité poussées à l’extrême telles le
jeunisme, la performance…
28
Watzlawick, P., Weakland, J., & Fisch, R.[1974], (1993). Changements : Paradoxes et psychothérapie. Paris : Seuil
29
Bernard, C. [1865], (1993). Introduction à la médecine expérimentale. Paris : Flammarion
30
Horkheimer. M. & Adorno, T. [1947], (1983). La dialectique de la raison. Paris : Gallimard
31
Habermas, J. [1985], (1988). Le discours philosophique de la modernité. Trad. Christian Bouchindhomme et Rainer
Rochlitz. Paris : Gallimard. p. 134
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La conférence de Heidegger L’Essence de la technique32 anticipait déjà ces idées en les critiquant. L’ironie du
projet moderne est le fait que l’humanité en arrive à se « contrôler » elle-même et à se « mettre en sûreté ».
Heidegger luttait contre cela avec son brûlant plaidoyer pour un nécessaire retour au dévoilement de l’Etre en
tant qu’Etre de la civilisation hellénique dans son Introduction à Qu’est ce que la Métaphysique ?33 Mais, en
prenant cette voie, il demeurait encore lié au fondamentalisme de la philosophie de la conscience 34 indiquait
Habermas, conscience malheureusement perdue dans l’avancée de l’histoire des concepts…Toutes ces réflexions
nous conduisent donc à une éthique improbable ce qui expliquerait l’emploi actuel de ce mot comme un
« mot-masque » de toutes nos imperfections sociétales.
Mais si dans la pensée hypermoderne le concept de sujet est un mythe peut-on, pour éduquer, réellement en
finir avec la question du sujet ? 35 Les sciences de l’éducation ont un ancrage double : celui de leur
scientificité et celui de leurs finalités éducatrices (en dehors de toute connaissance scientifique). Aussi est-il
quasiment impossible de dégager les sciences de l’éducation de la notion d’éthique car quelqu’un qui y est
impliqué est toujours aussi un éducateur. Pour ces raisons, elles vont résister à l’avancée de l’histoire de la
pensée et à la déconstruction du sujet comme système complexe en maintenant un attachement
indéfectible à une éthique devenue improbable…
32
Conférence de 1949 publiée in Essais et Conférences. Paris : Gallimard, 1958. p. 23
33
Heidegger, M. [1929], (1968). Qu’est ce que la métaphysique ? Questions I. trad. Henri Corbin, Paris : Gallimard
34
ibidem, p.165
35
Foucault lui-même après avoir conclu le livre Les mots et les choses avec la disparition de l’homme reviendra dans
Dits et Ecrits vers l’idée d’un processus de subjectivation : processus indéfini épousant une multiplicité de
figurations en vue d’une éthique de soi.
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