e pistage du cancer du sein est actuellement au
ur d’enjeux de connaissance et de pratique cru-
ciaux pour l’avenir de la médecine. Dans le but de guérir les
c a n c e r s à leur début, on les a re c h e r chés de plus en plus
précocement. En France, l’augmentation massive des mam-
m o g r aphies de dépistage s’est accompage d’une flambée
du nombre de diagnostics histologiques et des tra i t e m e n t s
de cancers, alors que la mortalité a peu changé depuis plus
de 20 ans. Selon que ce résultat est examiné avec ou sans
lucidi, il apporte des éléments neufs, sources de pro g r è s
dans la connaissance de la maladie cancéreuse, ou alors il
nuit à la comphension de son histoire naturelle en voilant
les faits. Au niveau des pratiques, le questionnement de la
pertinence du dépistage du cancer peut susciter une
d é m a r che visant à re s t a u r er des soins respectueux des
v a l e u r s fondamentales de la profession médicale ou alors
p r ovoquer une sure n c h è re de mesures visant à consolider
des choix issus d’une synergie entre le politique, le tech-
nique et l’économique. Selon des estimations actuelles, c’est
en 2007 que le chiffre d’affaires des médicaments contre le
cancer va se hisser à la pre m i è re place au niveau mondial.
Depuis 2004, ane de la géralisation du dépistage org a -
ni en France, on assiste à un écartèlement pro g r essif des
messages délivrés aux decins. D’une part, des publica-
tions scientifiques font état des inconvénients des campa-
gnes de pistage et des incertitudes sur leur efficacité ;
d ’ a u t r e part, l’incitation au pistage est massivement
e n c o u r agée.
L’incitationaudépistage
susciteuneréflexion
éthique
La Convention Nationale organisant les rapports entre les
decins libéraux et l’A s s u r ance Maladie fut signée le 12
janvier 2005. L’avenant 23 [1], récemment finalisé, deman-
de que le médecin traitant, en coordination avec les gyné-
cologues, “développe une information positive sur le pis-
tage (qui doit s’inscrire parmi les actes naturels de simple
surveillance) afin de lever les éventuellesticences de ses
p a t i e n t e s ”.Lavenant vise à augmenter le taux de participa-
tion au pistage de 14% en 3 ans, soit de 66% à 80%. Il
p a r aît éthiquement discutable de subordonner une aug-
mentation tarifaire des médecins généralistes à un tel
objectif. Ainsi, il est deman aux médecins de pro m o u v o i r
des actes gratuits pour les femmes dont les conséquences
s a n i t a i r es et financières sont énormes. Des médecins gé-
ralistes ainsi que des gynécologues dicaux et obstétri-
ciens se sont alors interrogés sur le respect des gles de
ontologie. En effet, selon les flexions actuelles du
Conseil National de l’Ord re, “la décision médicale avec un
patient autonome est devenue aujourd’hui une décision
partagée et non plus une décision paternaliste” et “laci-
sion médicale ne doit reposer que sur les principes de
besoin et de nécessiet ne pas dépendre de toutes autre s
c o n s i d é r ations gestionnaires [2]. L’examen avec les patien-
tes des fices et des risques liés au dépistage devra i t
donc s’imposer.
Pour être éthiquement acceptables, les formes de prise en
c h a r ge économique du dépistage devraient résulter d’un
bat sur le choix des prestations de soin les mieux adap-
Ethique du dépis t a g e
ducancerdusein
Principe fondamental de l’éthique : Instaurer un débat
ouvert pour dynamiser l’évolution de la recherche et des
soins en cancérologie dans l’intérêt de la san publique
et des personnes sujets de soins.
Ethique
l
Selon des estimations actuelles,
c’est en 2007 que le chiffre d’affaires
des médicaments contre le cancer va se
hisser à la première place au niveau
mondial.
B . J U N O D * , A . - M . B E G U É - S I M O N * *
E . PA G A N E L L I * * *
J U I N 2 0 0 7S Y N G O F N ° 7 0 3 0
* Médecin de santé publique. Ecole nationale de la santé publique,
Département d’évaluation des risques liés à l’environnement et au
système de soins, Av Pr L. Bernard, CS 74312, 35043 Rennes Cedex,
**Médecin anthropologue. Faculté de Médecine Département de Santé
Publique 2 Av Pr Léon Bernard CS 34317 35043 RENNES Cedex
***Administrateur du SYNGOF. Gynécologue médicale représentant la
Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale
tées à l’intérêt des soignés en fonction des moyens disponi-
bles. Les femmes visées par le dépistage devraient avoir un
le de premier plan dans ce débat. L’ é c l a i r age objectif du
niveau d’intérêt du dépistage est cessaire à une allocation
rationnelle des re s s o u rces. Cette attitude prode d’une
re c h e r che d’authentici de lengagement professionnel.
La pratiquedicale implique des choix. Lamarc h e
éthique y contribue en fonction du savoir et de référe n t i e l s
de valeurs. La re c h e r che de la rité s’impose donc avant
tout positionnement éthique, avant tout engagement
fon sur le discernement entre ce qu’il convient de faire ou
de ne pas faire.
Dans un premier temps, cet article psente la nature des
d a n g e r s de l’application des critères de définition actuels du
cancer dans un contexte depistage. Des faits historiques
et épidémiologiques expliquent ensuite le pourquoi et l’am-
pleur du développement du pistage du cancer dans les
pays industrialisés. Une analyse économique associée aux
fices et aux inconvénients du pistage menée aux
Etats-Unis apporte un éclairage complémentaire d’aide à la
cision. La conclusion propose une approche re s p e c t u e u s e
des valeurs hippocratiques et l’application d’un principe
fondamental de l’éthique : l’instauration d’un débat ouvert
pour dynamiser l’évolution de la re c h e r che et des soins en
c a n c é r ologie dans lintérêt de la santé publique et des per-
sonnes sujets de soins.
Deuxpavésdanslamare
En mars 2005, le journal européen du cancer fait para î t re
dans deux nuros successifs un article de revue [3] et un
c o m m e n t a i r e éditorial [4] questionnant fondamentalement
la représentation classique du cancer et les pratiques de
soins en vigueur.
Le commentaire éditorial est admirablement construit par
un expert reconnu de l’épidémiologie du cancer : Gilbert
Welch. Il explique très simplement que le résultat de l’exa-
men au microscope d’un prélèvement ponctuel n’est pas
t o u j o u r s prédictif d’une véritable maladie cancére u s e .
P r euve en sont les nombreux diagnostics de cancers obte-
nus lorsqu’on les re c h e r che dans les seins de femmes-
es d’une cause indépendante du cancer [5-8]. D’autre s
p r euves proviennent de la comparaison de la fréquence des
diagnostics dans deux groupes de femmes où l’un est dépis-
té plus souvent que l’autre. Après plusieurs années de re c u l ,
on constate un nombre plus éle de diagnostics de cancers
dans le groupe pisté, sans compensation ulrieure [9].
A u t r ement dit, un inconnient du pistage est de détec-
ter des cancers quil eût mieux valu ignore r ” [ 10]. La fré-
quence des “ p s e u d o - c a n c e r s ” , les surdiagnostics non pré-
dictifs d’uneritable maladie cancéreuse, augmente d’au-
tant plus que les tumeurs examinées sont petites. La
f i g u r e 1 sume le message. Plus on piste, plus la fré-
quence des diagnostics augmente à cause des surd i a g n o s -
tics. Soignés inutilement, ils donnent alors l’illusion de l’ef-
ficacité des traitements et re n f o r cent à tort la confiance du
decin dans l’efficacidu dépistage. La revue “ o n c o l o g i e ”
a percu en français le résumé d’une communication sur
ce sujet au cours euroen d’oncologie de décembre 2005.
Au cours de la discussion, le graphique de la figure 2 a été
p r ojeté. Le nombre de diagnostics en excès à partir de 1980
jusqu’en 2000 correspond à la surface grisée. Il avoisine
2 0 0 000. Cette épidémie de diagnostics suivis de tra i t e-
ments mutilants et dangereux est un résultat plausible du
s u r diagnostic. Son ampleur repsente 3,6 fois l’épidémie de
Sida maladie, hommes et femmes inclus, obsere pendant
la même période en France.
L’ a u t r e publication a été signée par quatre cherc h e u r s tra-
vaillant chacun dans des lieux difrents, deux en Europe et
deux aux Etats-Unis. En s’appuyant sur des dizaines de
publications scientifiques, ils montrent que la chirurgie du
cancer du sein perturbe l’histoire naturelle de la ritable
maladie cancéreuse et stimule la manifestation des métas-
tases. Ce pnone a récemment é documenté par un
t r avail statistique portant sur tous les départements de la
F r ance tropolitaine. Du fait que le dépistage du cancer
du sein s’organise le plus souvent à l’échellepartementa-
le, on dispose en France de la possibilité de comparer des
situations contrastées. On observe en effet des différe n c e s
d’intensité de l’activi chirurgicale sur le sein pour les fem-
Ethique
J U I N 2 0 0 7S Y N G O F N ° 7 0 3 1
Figure 1
Il s’avère que l’intensification de
l’activité chirurgicale consécutive au
dépistage est associée significative-
ment à une mortalité par cancer du
sein plus élevée qu’attendue 3 ans
plus tard.
mes de différents départements, notamment aux âges
c h a r n i è r es par rapport à l’introduction ou à la cessation du
pistage, à savoir 50 ans, 70 ans et 75 ans. Il s’avère que
l’intensification de l’activi chirurgicale concutive au
pistage est associée significativement à une mortalité par
cancer du sein plus élevée qu’attendue 3 ans plus tard .
I n v e r sement, les départements où l’activi chirurg i c a l e
pour cancer du sein a peu augmenté ou a diminué aux âges
c h a r n i è r es ont une mortali par cancer du sein moins éle-
e trois ans plus tard. En application du code de la santé
publique, les préfets de 24 départements où la conjonction
d’une intense activichirurgicale concutive au pistage
et d’une forte mortalité par cancer du sein s’est avérée par-
t i c u l i è r ement prononcée ont é alertés du danger en avril
2 0 07 .
Lagenèseetl’extension
dudépistage
Pour poser son diagnostic avant l’apparition d’une sympto-
matologie perçue, le decin examine les patientes en
re c o u r ant à des outils toujours plus performants. L’ é v o -
lution des techniques en decine est donc étro i t e m e n t
liée au dépistage. L’ h i s t o i r e montre que cette intrusion de la
technique dans la pratique dicale a été re n f o r cée par
deux composantes issues de politiques institutionnelles
inpendantes des valeurs hippocratiques : la magogie,
puis, secondairement, le profit issu du marché des soins.
Un bre chirurgien a donné au pistage une ra i s o n
d ’ e x i s t e r. Halsted a affirmé en novembre 1894 que seule-
ment 3 femmes sur 50 avaient cidi à la suite de son
intervention à visée curative, la mastectomie radicale [11 ] .
Sa publication sème l’espoir. Des analyses historiques récen-
tes montrent qu’il a probablement à la tentation de
s é d u i r e ses colgues. La forme subtile de son texte va jus-
qu’à simuler la serve et la prudence qu’impose le doute
scientifique à propos de son résultat encourageant. Seu-
lement il n’annonce pas qu’en rité, sur les 25 pre m i è r e s
femmes oes pour lesquelles il dispose d’un suivi de 2 à
4 ans, 16 ontcidi et/ou sont décédées. Ce taux de 64%
est comparable à celui de toute autre intervention réalie
à l’époque sur le cancer du sein. Son annonce de 3 récidi-
ves seulement ne précise pas d’emblée qu’il s’est limité aux
seuls cas de nouvelles tumeurs apparaissant sur la cicatrice !
Depuis lors, les médecins ont cru à la possibilide guérir le
cancer du sein par une intervention chirurgicale pcoce. Ils
ont donc pratiq avec une intensité croissante la re c h e r-
che des petits cancers. Le surdiagnostic les a confors dans
l ’ i m p r ession de l’efficacité du traitement chirurg i c a l .
A la fin de la deuxme guerre mondiale, la socié améri-
caine pour le contrôle du cancer a renouveson bureau et
changé son nom. La présidente de l’American Cancer
S o c i e t y, Mary Lasker, a alors suivi les conseils de son mari,
un publiciste, pour dynamiser l’association. Albert Lasker
avait récemment fait un tabac en réussissant une campa-
gne publicitaire incitant les femmes américaines à pre n d re
une cigarette à la place d’un bonbon. Après ce coup
fumant, il a conseillé à sa femme de trouver une raison de
mobiliser les américaines sur le pistage du cancer. C’est
a l o r s qu’on déterra une publication de Papanicolaou datant
de 1928. La promotion du pistage s’est faite par des
c o n f é r ences et des articles, sans qu’on dispose d’aucune
p r euve de son efficacité. Dans les anes qui ont suivi,
l ’American Cancer Society avait acquis le soutien du
Congrès américain et de la population.
Ces circonstances ont sans doute contribué à ignorer une
explication lucide du défaut de fiabilité du diagnostic his-
tologique par Mac Kinnon, un médecin expérimenté en
anatomie pathologique et en épimiologie. Il explique par
le surdiagnostic un phénone observé de 1927 à 1947 au
Canada, identique à celui présenté pour une riode plus
cente en France sur la figure 2 : pendant 20 ans, la mor-
tali par cancer du sein ne change pas alors que la fré-
quence des interventions chirurgicales augmente consi-
rablement [12]. Lexamen histologique est utile pour con-
firmer la nature cancéreuse d’un processus tumoral. Mais
son défaut de spécificité est responsable du surd i a g n o s t i c ,
surtout lorsqu’il intervient ponctuellement dans le cadre
d’unpistage.
La suite de l’histoire du dépistage du cancer est devenue de
plus en plus manipulée, tant aux Etats-Unis qu’en Euro p e .
Pendant le dernier quart du XXè m e siècle, des essais contrôs
ont montré qu’il n’y a pas de différence de survie selon qu’on
p r atique une mastectomie radicale de Halsted ou une exé-
se moins mutilante. Ce résultat accrédite lhypothèse de la
dismination de métastases dormantes avant quun cancer
ait atteint une taille visible à l’œil nu. Mais depuis 1971 ,
l o r sque le président Nixon a déclaré la guerre au cancer en
incluant lepistage dans la stratégie de lutte, les pro p o s i -
tions en faveur d’une orientation de la re c h e r che et des
Ethique
J U I N 2 0 0 7S Y N G O F N ° 7 0 3 2
Figure 2
soins fondées sur la biologie, la clinique et l’épidémiologie
ont été ignoes, voire perçues comme des traîtrises nuisibles
à la bonne cause du combat enga contre le cancer [13,14].
Preuvessuédoisesde1985
contestéesen2006
En Europe, l’étude des deux comtés suédois publiée par
Tabar et collabora t e u r s en 1985 annonce une réduction de
30% de la mortalité par cancer du sein chez les femmes
ayant bénéfic d’un dépistage par mammographie [15].
cemment, une publication scientifique a montré l’incom-
patibilidu résultat de Tabar avec les données officielles
sur les femmes suivies pendant la meriode et dans les
mes lieux. La duction de la mortali consécutive au
pistage n’est donc pas établie. La tension provoquée par
la remise en question de la validide l’étude des deux com-
tés suédois à laquelle se rérent les pro g r ammes de dépis-
tage du cancer du sein en Europe a encore durci l’opposi-
tion entre connaissances et pratiques. Voici pourq u o i .
Larticle scientifique apportant la monstration de l’in-
compatibili des dones officielles avec les sultats favo-
rables au dépistage a été acceppour publication et mis en
ligne en mars 2006 sur le site du journal européen du can-
c e r. Une opération destinée à censurer cette publication,
mee par un radiologue américain exeant en Europe a
ussi dans un premier temps. L’article mis en ligne fut re t i -
, bien qu’il ait été accepté pour publication. Mais en
n o v e m b r e 2006, le Lancet a publié les faits inadmissibles
relatifs à cette censure [16] et une autre revue dicale a
finitivement publ l’article censuré précédemment [17].
Medline affiche ce scandale en donnant la référence de l’ar-
ticle censuré et en mentionnant ostensiblement qu’il a é
retiré (“ W I T H D R AW N ” ). Aps des articles publiés en 2006,
lebat scientifique ne s’est pas prolon publiquement.
Analysecoût-efficacité
Dans un article publié en 2005, le professeur Robert Ka p l a n ,
chef du département des services de sanà l’école de santé
publique de l’universi de Californie (UCLA) répond scien-
tifiquement à la question suivante : les re s s o u r ces sont-elles
utilisées raisonnablement pour dépister le cancer [18] ? Son
texte commence par décrire l’enthousiasme du public amé-
ricain pour le pistage. Il aborde ensuite le problème des
pseudo-maladies résultant de la définition histologique du
cancer et des biais dans l’interprétation des études cliniques
sur le pistage. Il montre que le dépistage privilégie forc é -
ment l’identification de lésions d’évolution lente et que les
essais contrôlés ne permettent pas de conclure à une duc-
tion de la mortalité. A ce stade de la flexion, il pose le pro-
blème du choix d’allocation des re s s o u r ces de la manière
suivante :s lors que des moyens sont consacrés au dépis-
tage, ils ne sont plus disponibles pour d’autres buts. Le
temps et la compétence médicale volus aux activis de
pistage ne sont alors plus accessibles aux femmes qui
présentent un problème de san. La technique économique
à laquelle il se réfère consiste à estimer le prix à payer pour
gagner une ane ajustée sur la qualité de vie (“ Q U A LY ” ) .
L’ e x e r cice a tôt fait de montrer que lepistage du cancer
n’est pas une priori.
Ethiqueetvaleurs
Chacun a son rérentiel de valeurs à partir duquel il donne
un sens à ses activis. Depuis longtemps, le pouvoir sur les
a u t r es, conféré par la force, largent, le savoir, la prétention
du savoir et la séduction constitue une valeur dere n c e
expliquant bon nombre de stragies individuelles et collec-
tives. En canrologie, le pouvoir du médecin prode d’a-
b o r d de la peur de la maladie cancéreuse et de la mort.
Lart est un autre moteur des activités humaines. L’art de la
decine dHippocrate donne des cs différentes du pou-
voir pour donner du sens aux actes médicaux. Il distingue
les situations où le decin peut améliore r , voire résoudre
un problème de san, de celles où son rôle consiste à dis-
cerner quand le mal est le plus fort. C’est au decin de
cider de ne pas s’engager dans l’acharnement théra p e u -
tique et de ne pas pre n d re linitiative d’investigations inuti-
les, voire néfastes. Les textes de l’école de Cos, datant d’il y
a plus de 2 000 ans, présentent ce discernement comme
une condition essentielle pour être un decin authen-
tique, par opposition au decin de nom. Selon Hippocra t e ,
le vrai médecin doit se référer à celui qui compte les sucs
et les échecs pour exercer ce discernement. Il finit ainsi
une des fonctions essentielles de l’épidémiologie clinique. Le
decin qui n’a pas la force de cara c t è re nécessaire pour
dissocier les cas où les soins sont justifiés ou non de à la
demande, surtout s’il s’agit d’une maladie répue tale.
H i p p o c r atenonce ce médecin comme un insen.
L’ e x e r cice de l’art médical respectueux des valeurs hippo-
c r atiques conre une plénitude de vie faite de découverte
de soi et des autres. Le conflit d’int est incompatible
avec le respect des règles de déontologie médicale. Il tro m -
pe la confiance des soignés. Il est préjudiciable à l’équilibre
de la soc.
Lintrusion massive de la technique dans la pratique médi-
cale trahit une peur panique de l’homme face à la mort qui
l’attend. En refusant d’accepter la réali de la mort, le
decin contribue à exproprier ses semblables d’un poten-
Ethique
Le temps et la compétence médicale
dévolus aux activités de dépistage ne
sont alors plus accessibles aux femmes
qui présentent un problème de santé.
J U I N 2 0 0 7S Y N G O F N ° 7 0 3 3
tiel de maturation et d’approfondissement de la compré-
hension de leur vie. Les pratiques actuelles en canro l o g i e
diminuent la perception des difformités du corps, annon-
ciatrices de la fin de la vie. La destruction de la tumeur
duit la durée pendant laquelle la patiente et son médecin
peoivent la maladie cancéreuse. Le re p é r age de cancers de
petite taille est une contribution à la limitation de cette
d u r é e .
Au niveau de la re c h e r che, la pratique actuelle du pistage
les cancers sont finis selon des critères histologiques
appliqs à des prélèvements ponctuels pose un pro b l è m e
éthique consirable. En effet, l’artefact du surd i a g n o s t i c
empêche l’acquisition de connaissances sur la maladie can-
c é r euse et sur ses causes. Lamonstration objective de ce
p r oblème existe pour d’autres tumeurs solides. Il a par
exemple été démontré que les diagnostics de pseudo can-
c e r s du poumon ne sont pas liés au tabac. Les c a n c e r s ”
pistés et confirs par l’histologie sont si nombreux qu’ils
masquent le lien de causalité el. Etant donné la con-
naissance actuelle du cancer du sein, il serait éthique de
revenir à l’observation de la dynamique des tumeurs pour
discerner quels soins sont adaptés.
L o r sque le patient ou son entourage perçoivent que cela
ne va pas, l’action du médecin est humainement justifiée.
Les résultats de l’épidémiologie clinique contribuent à
optimiser ses pratiques. Par contre, lors d’un dépistage, l’i-
nitiative d’entre p re n d r e une investigation ne pend pas
d’un signe d’appel. Cette situation exige qu’une re c h e r c h e
ait apporté la preuve expérimentale de son bénéfice avant
de l’appliquer.
Les études menées sur lepistage du cancer du sein n’ont
pas appor la preuve d’une duction de la mortali. Pa r
c o n t r e, elles montrent que le dépistage provoque le surd i a -
gnostic. De plus, l’hypothèse d’une accélération de la mani-
festation des tastases dans les organes vitaux concuti-
ve à l’intensification du dépistage a été confirmée par les
sultats de l’analyse des dones officielles disponibles en
F r ance.
Conclusion
La decine se trouve aujourd’hui devant une alternative.
Soit elle choisit l’authenticité et les pouvoirs technoscienti-
fiques ne font que graviter autour d’elle ; soit elle se laisse
phagocyter et instrumentaliser par la techno-science [19].
Nous assistons actuellement à une corruption de l’acte
dical par la déviation de la responsabili médicale à celle
d’une responsabilité à l’égard dune administration. Le re p é -
rage de cette situation mérite attention. En effet, des for-
mes analogues d’engagement de decins et de scienti-
fiques renoms entendus lors des procès de Nure m b e r g
ont suscité la naissance du premier code d’éthique par la
prise de conscience de leur dépendance vis-à-vis du pouvoir
[20]. La stragie actuelle d’intervention collective, “ b i o -
pouvoir” sur les corps, contredit l’affirmation des principes
d’autonomie et d’autotermination. Elle passe sous silence
la réflexion qu’ont les femmes sur le pistage. Elle institue
un decin traitant dén de sa liber de penser car
accomplissant les référentiels dogmatiques du moment. Elle
fait oublier que la médecine est un engagement pers o n n e l
du médecin garanti par une liber de prescription et par la
liberté de son intelligence.
La prise de conscience de la faillibilides sources scienti-
fiques de la connaissance doit être perçue non comme une
capitulation mais comme une condition de l’ouverture au
questionnement. L’éthique n’est-elle pas d’ailleurs une
d é m a r che intellectuelle de questionnement sur les fonde-
ments moraux des pratiques ?
Selon les données scientifiques dont on dispose à ce jour, le
dépistage du cancer du sein n’obéit pas à la pre m i è r e règle de
conduite du médecin : ne pas nuire ”. L’ o u v e r t u r e dun larg e
débat éthique est nécessaire pour réorienter les stra t é g i e s
actuelles de la re c h e r che et des soins en canrologie [21 , 2 2 ] .
Les médecins y ra p p e l l e r ont que les sources vives d’une pra-
tique reposent sur l’expérience personnelle et la “ s o p h i a ” ,
science avec conscience qui ne cooit pas lêtre humain en
termes de corps machine, mais comme être singulier.
R e m e r ciements
Ce texte a ficié de la quali de l’engagement de
Madame Eve Gallacier, chargée de la veille documentaire
au département de l’évaluation des risques ls à l’enviro n -
nement et aux services de soins à l’Ecole nationale de la
san publique. Nous la re m e r cions ici de ses contributions
p r ofessionnelles et humaines au service de la santé
publique.
Références
1 - P rojet de l’Avenant 23 à la Convention Nationale
o r ganisant les rapports entre les médecins liraux et
l ’A s s u r ance Maladie signée le 12 janvier 2005.
2 - Le patient, le médecin et la socié : dix principes pour
une confiance partagée. Ord r e National des decins,
Conseil National de l’Ord r e. Paris. Mars 2007. 12 p.
3 - Baum M, Demicheli R, Hrushesky W, Retsky M. Does sur-
gery unfavourably perturb the “ n a t u r al history of early
b r east cancer by accelerating the appearance of distant
Ethique
Etant donné la méconnaissance actuelle
du cancer du sein, il serait éthique de
revenir à l’observation de la dynamique
des tumeurs pour discerner quels soins
sont adaptés.
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