Georges-Auguste Legault 131
Interactions Vol. 8, no 1, printemps 2004
travail, nous ne pouvons pas le faire par des règlements. On ne peut
pas forcer la vertu avec des règlements. Par ailleurs, l’instauration de
règlements peut être contre-productive. Un beau règlement sera
vertueux, mais pratiquement pas applicable.
J.B. À votre avis, existe-t-il une différence significative entre les différents
secteurs de l’économie québécoise, par exemple, entre la fonction
publique et la fonction privée, en matière d’éthique professionnelle?
G-A. L. Avant tout, distinguons l’éthique professionnelle des organisations
de celle qui, prise au sens fort du terme, concerne la personne qui est
membre d’un Ordre professionnel. L’Ordre professionnel, en tant que
« créature » juridique depuis plus de 20-30 ans, a rendu la pensée des
professionnels conforme, ce qui fait que les gens pensent de la même
manière. L’éthique professionnelle est alors vue uniquement comme
un droit, des normes et des contraintes déontologiques. Cette façon
de concevoir l’éthique a eu comme conséquence, la réduction de
l’aspect valoriel de la profession et elle a créé une approche de la
déontologie du commandement où les gens ont peur de leur syndic.
En ce qui concerne l’éthique dans la fonction publique ou l’entreprise
privée, il y a un écart considérable. Pourquoi? D’une part, parce que,
dans la première, il se vit une crise d’identité importante. Jadis, le
fonctionnaire avait une identité forte, car c’était un idéal d’être au
service de la population. Cette identité reposait sur des valeurs. De
nos jours, le fonctionnaire n’a plus d’identité, il ne possède plus les
valeurs structurantes requises par une identité collective. Donc, on vit
un problème du « vivre ensemble » collectif des fonctionnaires qui
sont en perte d’identité, de références communes et de valeurs
partagées. Par conséquent, les valeurs organisationnelles doivent se
redéfinir au niveau de la fonction publique.
D’autre part, la mission de l’entreprise privée change. Auparavant, elle
ne produisait que des biens matériels. De nos jours, elle se dirige de
plus en plus vers les services à la clientèle. Avec cette transformation,
le discours de l’éthique dans l’entreprise doit être revu et orienté vers
des préoccupations de responsabilité sociale. On reconstruit une
identité de l’entreprise privée, tandis que la fonction publique est en
perte d’identité. De ce fait, la conception de l’éthique dans la fonction
publique et privée est assez partagée, même si, dans chacun des cas, le
thème de la responsabilité sociale est de plus en plus à l’avant-scène.