Résumé de la thèse - Université Bordeaux Montaigne

publicité
Résumé de la thèse
Les relations entre l’Etat et la religion constituent un facteur parmi d’autres dans
l’histoire de chaque pays. De ce point de vue, le Kazakhstan ne fait pas l’exception car ici ces
rapports bilatéraux se sont déroulés différemment, chaque période de son histoire qui
dépendait du statut du pays et des circonstances qui ont déterminé l’évolution de la situation.
L’islamisation du pays est passée par plusieurs étapes, d’abord commençant par les
conquêtes arabes en Asie centrale, lorsque l’extrême sud du Kazakhstan a fait partie du califat
Omeyyade, ensuite l’islam se répand de manière pacifique dans les territoires habités par les
différentes tribus turcophones au cours des siècles. Pendant le règne de la dynastie des
Qarakhanides, l’islam devient la religion officielle avec son instauration par Satouq Boghra
khan. Au XIIIème siècle l’invasion de Gengis-khan arrête momentanément le processus de
l’islamisation qui va reprendre son rythme à partir du XIVème siècle en Horde d’Or après
l’assimilation des gengiskhanides. Un de ses régents, Özbek-khan a fait de l’islam la religion
officielle en 1312. Le Khanat kazakh, créé au milieu du XVème siècle, continue les traditions
des pays post-mongols comme Mogholistan et Etat d’Aboulkhaïr-khan, en s’appuyant dans la
législation sur la charia et les coutumes locales.
La colonisation des steppes kazakhes par les Russes à partir du XVIIIème siècle va
basculer l’état des choses. Il est connu que les Tatars et les Bachkirs ont subi les répressions
sévères du point de vue religieux une fois que les territoires des khanats d’Astrakhan, de
Kazan et de Sibir ont été occupés par les Russes. Avec l’arrivée de Catherine II au pouvoir, la
politique de l’Empire russe par rapport à l’islam change radicalement. Afin de renforcer le
contrôle sur les nomades kazakhs, le gouvernement russe contribue à la construction des
mosquées et des écoles religieuses au Kazakhstan tout en y envoyant les mollahs tatars. Les
Tatars étant un peuple proche des Kazakhs linguistiquement et culturellement parlant,
devraient être intermédiaires entre les Russes et les Kazakhs.
L’instauration de l’Assemblée spirituelle des musulmans d’Orenbourg à Oufa marque
l’institutionnalisation de l’islam et servira à l’Etat russe de contrôler la vie religieuse de ses
sujets. La désignation des mollahs fidèles à l’Empire relevait de sa compétence et ces derniers
y passaient l’examen des connaissances religieuses et plus tard aussi de la maîtrise de la
langue russe. L’utilisation des Tatars dans la régulation des relations avec les Kazakhs en tant
que mollahs, instituteurs, interprètes et intermédiaires dans les affaires commerciales a amené
à l’augmentation de leur influence sur les Kazakhs. Les résultats obtenus se sont donc avérés
contraires aux buts de la Russie, car au lieu de se rapprocher de la culture russe et de
s’intégrer à l’Empire, les Kazakhs, à partir du milieu du XIXème siècle, commencent à
s’intéresser davantage à l’islam. Ce phénomène a été expliqué par les administrateurs russes
comme la conséquence de l’impact des Tatars, la tatarisation de la steppe, ce qui était
analogue à l’islamisation.
De ce fait, à partir du milieu du XIXème siècle, la politique de la Russie vis-à-vis de
l’islam change, en choisissant de limiter l’influence de cette religion sur les Kazakhs. La lutte
contre la tatarisation, considérée comme la cause de l’islamisation, commence. Une série de
mesures sont prises pour empêcher cette influence : le tatar est remplacé par le kazakh dans
les écritures, l’alphabet cyrillique est utilisé au lieu de l’arabe, les interprètes tatars sont
écartés par leurs collègues kazakhs qui ont terminé les écoles russes ou par des Russes
connaissant le kazakh familier. Toutes les écoles ministérielles et religieuses sont transférées
sous la compétence du Ministère de l’instruction populaire.
Après le retrait des Kazakhs de la direction de l’Assemblée, toute la vie spirituelle des
régions Torghay, Oral, Aqmola et Semey a été soumise au Ministère des affaires intérieures et
sur place aux gouverneurs généraux et militaires, dans la région de Turkestan au ministre de
l’armée. Il n’y avait que le khanat de Bökey qui était restée dépendante de l’AMSO. Ce
morcellement dans la gestion était caractéristique des pays colonisateurs pour la réalisation de
la politique consistant à « diviser pour régner ».
Les projets des directions spirituelles ont été discutés en Russie à plusieurs reprises à
la charnière du XIXème et XXème siècles, ce qui était le résultat de la demande de la
population du Kazakhstan d’établir un muftiyat afin de gérer toute la vie spirituelle et
appliquer le principe de non-intervention des pouvoirs laïques. Pourtant le gouvernement n’a
pas pris de décision concrète jusqu’à la révolution de 1917.
La première décennie du pouvoir soviétique a été une période plutôt favorable pour ce
qui est des relations entre le gouvernement communiste et les musulmans, car l’Etat a essayé
de gagner leur confiance. Lorsque la campagne contre les religions a commencé, elle a visé
essentiellement l’orthodoxie, et l’islam a été épargné temporairement, car les mollahs
proclamaient qu’il n’y avait pas de contradiction entre la charia et le communisme. Les efforts
du clergé et des croyants ont porté leurs fruits : la participation dans les congrès musulmans
en 1923 et 1926, la création de la direction kazakhe au sien de la DSCM, l’organisation des
muhtasibats et mutawalliyats. Le clergé demandait des droits politiques et civils, la création
d’établissements pour la préparation du clergé, l’ouverture d’écoles religieuses réformatrices,
l’égalité des femmes en droit et leur fréquentation de la mosquée. Les imams les plus actifs
ont établi un projet de règlement sur l’exonération des impôts pour les mollahs.
Vers la fin des années 1920, l’attaque de l’Etat contre la religion a désormais touché
l’islam. Dans la période allant de 1928 à 1940, il a organisé, via ses services spéciaux, une
campagne massive pour éradiquer l’islam. Les organisations religieuses étaient perçues
comme un concurrent économique. C’est pourquoi les offensives antireligieuses ont été
principalement menées lors des grandes actions socio-économiques comme l’industrialisation
et la collectivisation. Et les méthodes pour résoudre les problèmes étaient radicales, ce qui a
provoqué la protestation et la résistance de la population. Cette lutte antireligieuse visant la
suppression de l’islam a causé un dégât énorme à la culture spirituelle des Kazakhs et d’autres
peuples musulmans de l’URSS. La suppression des communautés, la poursuite et
l’extermination physique des mollahs et des imams, la fermeture des mosquées et des écoles
religieuses ont affaibli les bases de l’islam pour de longues années. De plus, la famine des
années 1931-1932, provoquée par la collectivisation forcée et la mort massive, a contraint les
survivants à l’obéissance du diktat de l’Etat.
L’avènement de la Deuxième Guerre Mondiale a relâché temporairement la tension
dans les rapports Etat-religion vu la situation difficile. Les organisations religieuses ont dû
apporter une contribution matérielle durant cette guerre, car c’était la condition de leur
rétablissement. Le pouvoir se montrait conciliant avec les croyants dans les moments
difficiles ou lors de l’organisation des campagnes politiques comme pour l’adoption de la
Constitution, les élections pour le Conseil supérieur.
Après la guerre, l’Etat a créé les directions musulmanes, et les organisations
religieuses se sont retrouvées sous le contrôle du Comité de la sécurité de l’Etat. L’orientation
qui tendait à éradiquer la religion est restée intacte malgré les changements de la structure
socio-politique et des relations publiques dans la deuxième moitié du XXème siècle. De plus,
l’absence de dialogue amoindrissait considérablement les droits d’une partie de la population
du pays.
L’apogée des relations entre l’Etat soviétique et l’islam s’est déroulée dans les années
1980. Les idéologues prédisaient la décadence et la perte de l’islam en URSS, mais ils ont été
confrontés à son renouveau. Prenant le conflit de la modernisation et des traditions en
Afghanistan pour la révolution socialiste, le gouvernement a introduit l’armée dans un pays
musulman en ignorant un facteur important, le fait que l’islam était l’étendard politique du
tiers-monde. Le gouvernement agissait de la même manière en Afghanistan qu’à l’intérieur de
l’URSS en ignorant le rôle de la religion. La longue confrontation s’est terminée avec le recul
de l’Etat, qui retire ses armées en 1989. En même temps, l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev
et sa Perestroïka et glasnost contribue au renouveau religieux qui commence à partir de 1986.
L’indépendance a donné un nouveau souffle aux relations entre l’Etat et la religion au
Kazakhstan. Le renouveau religieux, commencé déjà dans la deuxième moitié des années
1980 avec la Perestroïka, à trouvé sa suite dans les années 1990. La législation souple et
libérale de ces années a permis de constater les changements dans le domaine religieux. Le
nombre de mosquées et d’organisations religieuses a considérablement augmenté. L’aide des
Etats musulmans et l’activité des missionnaires dans le pays a assuré cette liberté. Ce facteurlà a conduit à la diversification des mouvements musulmans au sein du Kazakhstan et, petit à
petit, au développement autonome de structures islamiques avec une interprétation différente
de celle des pouvoirs officiels.
La Direction spirituelle des musulmans du Kazakhstan, créée à la veille de
l’indépendance, est restée faible du point de vue organisationnel et n’exprimait pas ses
propres positions.
Elle était soumise aux pouvoirs, ce qui était très critiqué par la
communauté musulmane du Kazakhstan. Cela a également favorisé l’apparition des voies
alternatives de l’islam, financées par des pays étrangers comme l’Arabie Saoudite, le Pakistan
etc. La lutte pour le pouvoir au sein de l’organisation dans les années 1990 a fini par la
nomination des imams kazakhs au lieu de ceux d’origine et a engendré le mécontentement de
ces communautés non-kazakhes. D’autre part, le régionalisme s’est superposé sur l’origine
ethnique, car les Kazakhs de l’Ouest étaient mécontents de la désignation des imams du Sud.
Dans la deuxième moitié des années 1990, la politique de l’Etat s’est durcie en raison
du renforcement de l’extrémisme religieux dans les pays d’Asie centrale. La question de la
sécurité a poussé le gouvernement du Kazakhstan à renforcer le contrôle des organisations
religieuses à partir des années 2000. L’Etat était inquiet, avant tout, de l’apparition épisodique
de membres des partis islamiques sur le sol kazakh. Le problème s’est dégradé lorsqu’une
série d’actes terroristes ayant une cause religieuse s’est produite, en 2011, pour la première
fois depuis l’indépendance du Kazakhstan. La nouvelle législation concernant la religion a été
adoptée la même année à la suite de ces événements, législation qui a restreint de nouveau la
sphère religieuse. En même temps, elle a reconnu deux religions : l’islam sunnite et
l’orthodoxie en tant que religions historiques au Kazakhstan. Cette loi pourtant n’a pas résolu
le problème du terrorisme religieux, elle a, au contraire, servi de déclencheur pour d’autres
actions sanglantes, et celles-ci n’ont pas cessé de croître en 2012. Le futur montrera si la
conception de « l’islam modéré », élaborée par l’Agence aux affaires religieuses sera
couronnée du succès.
Téléchargement