Le Théâtre de Dunkerque sous la Révolution Par Albert Bril

Albert Bril / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 1
Le Théâtre de Dunkerque sous la Révolution
Par Albert Bril, Union Faulconnier Tome VIII
Transcrit, illustré et mis en page par Jean-Marie Muyls
L'histoire du théâtre révolutionnaire s'ouvre en 1789 avec le Charles IX de Chénier, dont les
« Feuilles » de l'époque qui nous restent ne mentionnent pas les représentations, mais qui dût sans doute
être joué ici, de même que les autres tragédies politiques à succès du même auteur : Henri VIII, Calas
(1791) et Caïus Gracchus (1792).
Source Internet
Marie Joseph Blaise Chénier
Les comptes de 1789 mentionnent : « Au sieur Monthurant fils, trésorier du Conseil, et à la veuve
Girardeau, tapissier, la somme de neuf cent quarante et une livres cinq sols trois deniers pour réparation
et embellissement à la salle d'exercice des écoliers du collège destinée pour une salle de concert, suivant
autorisation de M. l'Intendant du 8 février 1789. »
Le 7 novembre 1792, le sieur Ogez présente une pétition tendant à acquérir le terrain appartenant à
la commune, connu sous le nom de place de l'Egalité
(1)
, pour y construire une nouvelle salle de spectacle.
La question discutée, la demande est ajournée à huitaine.
Le 15 novembre, l'assemblée décide que le terrain de la place de l'Egalité comportant cinq cent
quatre-vingt-dix-huit toises, sera vendu publiquement dans les formes prescrites.
A cette époque, les jours ordinaires de spectacle sont les dimanches, mardis, jeudis et vendredis; le
spectacle commence à cinq heures et demie précises; le prix des places est de trente-six sols aux loges et au
balcon; vingt sols aux secondes loges; quinze sols au parterre et cinq sols au paradis.
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Voici le tableau de la troupe de cette saison :
M. Ogez, directeur. Acteurs et Actrices
Pour la tragédie et la comédie
MM. Devillepré, les premiers rôles; Dorsainpré, les pères nobles; Dupré, les jeunes premiers; Saint-
Vallier, les troisièmes; Sainty, les financiers; Goyez, les paysans; Marsy, premier comique; Castel, second
et les crispins; Sainty fils, troisième comique; Durand, les accessoires; Varennes, troisièmes amoureux;
M
mes
Valmond, première actrice; Lafond, jeunes premières; Masson, les troisièmes amoureuses; Sainty, les
rôles d'enfant; Fleury, les caractères et secondes mères nobles; Sainty, les caractères; Saint-Albin,
premières soubrettes; Dubroeil, soubrettes et accessoires; Dorsainpré, les accessoires.
Pour l'opéra-comique
MM. Fleury, première basse-taille; Rose, première haute contre; Varennes, les colins; Dupré,
seconde basse taille; Demerc, les colins; Castel, les trials; Goyez, les laruettes; M
mes
Guigue, première
chanteuse; Saint-Albin, premières duègnes; Sainty, secondes duègnes; Masso, troisième chanteuse; Gilles,
seconde et les dugazons; Sainty, les betsy.
Orchestre
MM. Guigue, maître de musique; Schmidt, Baescop et Philippe, premiers violons; Fremion père et fils,
flûte et hautbois; Hardi, basse; Poisson et Clapsien, seconds violons; Henry, alto; Antoine père et fils,
cors.
Notre bibliothèque communale possède cinq brochures de curieuses pièces de l'époque :
La première date du 3 novembre 1793 et a pour titre : Le Ministre de la République Française en
Hollande ou les deux émigrés, drame en prose en cinq actes, repsenté pour la première fois sur le
tâtre de Dunkerque, le deuxième jour de la deuxième décade du deuxième mois de l'an deuxième de la
République Française, une et indivisible, par Mariaucheau-Darcis. Imprimé à Dunkerque chez
Drouillard.
« La scène se passe à La Haye dans un salon de la maison de France. L'action se passe fort
peu de jours après la bataille de Gemmappe.»
En voici le sujet : « Le comte de Saint-Alban, émig en Hollande. recherche la main de la fille
du ministre Tourville, qui n'en veut pas. Elle aime un autre gentilhomme, Verseuil, également
émigré, que lere refuse depuis sa désertion. Saint-Alban soudoie un domestique pour arriver
jusqu'à celle qu'il aime et essayer de l'attendrir; n'y pouvant ussir, il jure de se venger. En effet,
Tourville reçoit l'ordre de quitter la Hollande dans les vingt-quatre heures. Il fait ses pparatifs de
part, quand survient Verseuil qui explique que s
'
il a émig c'est pour sauver son re d'une mort
certaine. La jeune fille arrive et Tourville, attendri, permet à Verseuil de les accompagner en France.
Soudain, un message leur apprend que les émigrés sont condamnés à mort. Tourville, atter, sacrifie
son affection au devoir. Mais, Saint-Alban vient de faire enlever sa fille. Le Grand Pensionnaire de
Hollande lui offre de la retrouver s'il veut souscrire au plan du Ministre de l'Angleterre et seconder
les mesures projetées par les Cours médiatrices pour ramener l'ordre en France. Tourville refuse. En
même temps, il reçoit une lettre de Verseuil qui a sauvé sa fiancée et meurt pour elle. »
Le 8 mars 1794, il est fait défense au directeur de spectacle de jouer Robert, chef de brigands,
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«
cette pièce pouvant être dangereuse sous un gouvernement révolutionnaire
. » On défend aussi
Blaise et
Colas « qui expriment des sentiments qui choquent les cœurs vraiment républicains. »
Le 13 juillet 1794, le représentant Guyot fixe à une par mois les représentations gratuites au
spectacle.
Le 15 décembre 1794, la représentation gratuite qui se donnait le troisième décadi de chaque mois est
supprimée.
Le 28 janvier 1795, on annonce, pour jouer incessamment, les Crimes de Carrier ou l'humanité
vengée. Sur la requête de l'agent national, attendu que le nom seul de Carrier doit être en horreur, la
représentation de cette pièce est provisoirement défendue.
Il parait que toutes les loges grillées ou particulières au spectacle ont été supprimées à la Révolution,
car, ici, nous voyons les directeurs Castel et Réant réclamer, le 13 germinal an III (2 avril 1795), le
rétablissement de ces loges, en arguant de l'exemple des théâtres de Paris. Considérant que ce
rétablissement pourrait entraîner à des désordres et à des violations de propriété et que l'exemple des
théâtres de Paris ne peut pas tirer à conséquence dans une petite ville très peuplée il n'y a qu'un théâtre
où les spectateurs se portent en foule, la requête des directeurs est rejetée.
Le même jour, la municipalité trouvant trop petite la loge qui lui est destinée au spectacle, arrête
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qu'elle sera fixée à l'amphithéâtre et nomme un commissaire pour la faire installer.
Nous devons placer ici, par ordre de dates (avril 1795), la seconde brochure conservée à la
bibliothèque communale. Elle a pour titre : l'Heureuse témérité, comédie en trois actes, en prose,
représentée pour la première fois sur le théâtre de Dunkerque, en floréal de la troisième année républicaine,
par le citoyen Guillemart, artiste dudit théâtre. Prix : 40 sols. A Dunkerque, chez Drouillard,
imprimeur, rue de Royer,184. Troisième année républicaine.
L'auteur met en scène une orpheline à marier (60.000 livres de dot). Constance c'est son nom
aime Saint-Fal, un enfant naturel rappelé brusquement en Amérique par sa famille qui le reconnaît et le
met en possession d'un ritage considérable, s'il épouse une riche et belle américaine. Constance a
une tante qui lui conseille d'épouser un riche seigneur du village, M. de Sordinville, à qui elle a d'ailleurs
signé un dédit de 40.000 francs les deux tiers de sa dot qui expire dans un délai de deux heures.
Constance qui entend bien ne pas épouser ni payer, a imaginé le petit truc suivant. Sachant Sordinville
poltron et avare, elle lui envoie ce billet anonyme : « J'adore, comme vous, la belle M
lle
Constance. Elle
m'a fait, ainsi qu'à vous, un dit de 40.000 francs. Vous êtes, dit-on, sur le point de l'épouser et j'arrive
pour vous en empêcher. Cependant, si vous êtes brave, il ne tiendra qu'à vous de me disputer la femme
et
de doubler votre argent. Vous viendrez, pour cela, dès qu'il fera nuit, sous le grand orme, nous y
apporterons nos titres et nous nous battrons. Le vainqueur les réunira seul et conservera le droit de les
faire valoir... Songez-y bien, on veille sur vous. Si vous cherchez à m'éviter, vous êtes un homme mort. »
Au rendez-vous, c'est Constance elle-même qui arrive avec des pistolets. Sordinville se sauve en oubliant
son dédit sous le grand orme et Saint-Fal se précipite sur le prétendu rival qui reste vainqueur et reconnaît
sa bien-aimée. Sordinville, touché, les institue ses héritiers et la noce se fait dans son château.
Le 29 mai 1795, le Conseil s'assemble à dix heures du soir. Il y a eu du tumulte au spectacle à
l'occasion du Réveil du Peuple, demandé à grands cris par les bourgeois et que des militaires vêtus en
carmagnoles (sic) ont empêché de chanter. L'autorité du conseiller municipal, chargé de la police du
spectacle, a été méconnue, des voies de fait ont eu lieu. Le général, le commandant temporaire assistent au
spectacle, un officier reconnu parmi les mutins y est appelé et est mis en état d'arrestation. Le spectacle est
fermé pendant quelques jours. Puis, tout se calme.
Le 22 juillet 1795, on défend au directeur de spectacle de faire jouer ou chanter d'autres airs que
ceux des pièces qu'il représentera.
La brochure du Tartufe révolutionnaire ou le Terroriste, comédie en trois actes, en prose, par
Balardelle, juge au Tribunal criminel de Bruxelles, éditée à Dunkerque, chez Drouillard, imprimeur du
Tribunal de commerce, quatrième année républicaine (1796), ne mentionne pas la date de création ici.
L'action se passe dans la maison de campagne du principal personnage, député de la Convention.
Voici une des tirades qui donne une idée de l'ouvrage :
Je respire enfin ! un grand crime est épargné. Réjouissons-nous d
'
avoir vu échouer ceux infernaux
que ces monstres avaient conçus. Remercions surtout la Providence des triomphes de la Patrie. Elle veille,
cette bienfaisante Providence, comme une mère tendre, à la conservation de la République. En vain des
mains criminelles auront poussé le char de la révolution sur les bords de l’abîme. En vain la
machiavélique Angleterre aura vomi sur nos bords les lâches agioteurs, les cruels émigrés. ces infâmes
assassins de leur Patrie : la liberté est partout victorieuse, et la paix qui vient à nous, précédée de la
victoire, va imprimer à jamais sur la Nation Française, le sceau de la gloire et de l'immortalité.
La même année (prairial an IV, mai 1796), on joue Geneviève de Brabant, tragédie en cinq actes, en
vers, par L.-F.-G. Beraud, de La Rochelle
(2)
, dont la brochure porte cette dédicace au citoyen Benezech,
ministre de l'Intérieur :
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Citoyen Ministre,
Vos lumières, votre goût pour la littérature, l'accueil favorable que vous faites journellement aux
amis des sciences et des arts, m'enhardissent à vous dédier cette pièce. L'hommage est bien faible, sans
doute, mais si vous l'acceptez, ma reconnaissance sera sans bornes et le succès infaillible. Les tyrans qui,
durant deux années consécutives, ont déchiré le sein de la France, m'ont fourni, plus que l'histoire, le
caractère de Golo ; c'est dans vos sentiments que j'ai puisé les vertus de Geneviève, son amour pour le
peuple et son attachement aux lois.
Salut et respect.
L.-F.-G. Beraud, de la Rochelle.
Le libretto porte cette dédicace à Buonaparte :
Toi qui fus mon ami dans un tems, où jouant avec l'étude des beaux-arts, tu en inspirais le goût à
quiconque obtenait ton estime, toi qui, depuis, as rempli la terre de ton nom, ne daigne pas l'hommage
que j’ose ici te faire; tu peux en blâmer la faiblesse, sans doute, mais non pas désapprouver la
glorieuse ambition de dire : je suis l'ami de Buonaparte.
Ad. Leroux.
Le 25 avril 1798, un glement pour la police du spectacle ordonne qu'un hymne patriotique soit
chanté tous les décadis et jours de fêtes nationales.
Le 19 brumaire an VII (9 novembre 1798), on ouvre une souscription en forme de tontine chez le
citoyen Castrique, notaire, rue des Vieux-Remparts, pour bâtir une belle salle de spectacle et une
maison à té sur le domaine du couvent des ci-devant Clarisses, faisant face à la grand'garde sur la
place de la Liberté
(4)
.
Source Internet
Portrait de Napoléon Bonaparte en 1798
Bonaparte était ici en 1798; il voulut aller à la comédie, on courut en foule pour le voir; mais,
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