Parce quÊappréhender lÊUnivers ne peut se réduire à la vision du ciel étoilé, les astronomes nÊont de cesse depuis près de quatre cents ans de tenter dÊobserver lÊinfiniment petit émanant du ciel afin de comprendre cet Univers, infiniment grand, qui nous entoure. Telle la partie émergée dÊun iceberg, la lumière que perçoit notre flil nÊest quÊune infime partie dÊun vaste ensemble : les rayonnements électromagnétiques. Permettant de capturer les longueurs dÊondes de lÊensemble du spectre électromagnétique, les satellites dÊobservation sont devenus, au fil de leurs évolutions, des outils essentiels pour étudier les étoiles et les planètes qui nous entourent, décrypter des phénomènes tels que la naissance de lÊUnivers. Des ondes radios aux rayons gamma, cÊest une fenêtre gigantesque que la spectrométrie a permis dÊouvrir sur lÊUnivers. © ESA C.CARREAU Regarder vers l’Espace Scruter Le satellite européen Planck a cartographié lÊUnivers en captant les microondes. Après avoir recueilli de nombreuses informations sur la Voie Lactée, il a poursuivi ses relevés pour dévoiler lÊaspect de lÊUnivers tel quÊil était il y a 380 000 ans. Planck a tiré sa révérence en début dÊannée. Les chercheurs doivent encore décortiquer quelques 1000 milliards de chiffres qui détiennent peut-être la clé de lÊUnivers. 28 / LATITUDE 5 / N°97 / JUILLET 2012 La galaxie Pinwheel (ou M101), à quelques 21 millions d'années-lumière de la Terre, dans la constellation de la Grande Ourse. Cette image multi-spectrale combine les données dans l'infrarouge, le visible, l'ultraviolet et les rayons X, à partir de 4 télescopes spatiaux de la Nasa. Ces images composites permettent aux astronomes de voir comment les caractéristiques d'une partie du spectre correspondent à celles observées dans d'autres parties. Tout objet dont la température est supérieure au zéro absolu (-273°C) émet des perturbations qui se propagent sous forme d’oscillations ou d’ondes. Chaque onde se distingue par sa longueur caractéristique -sa longueur d’onde- c’est-à-dire la distance séparant les deux crêtes de l’onde. Par France Barra-Portigliati n absorbant ou en émettant certaines longueurs dÊondes, chaque atome donne sa signature spectrale. Il est ainsi possible dÊidentifier les éléments chimiques et les composés présents dans une source lumineuse et, par conséquent, de connaître la composition exacte dÊune atmosphère. Grâce à la spectroscopie, outil fondamental de diagnostic à lÊorigine de lÊastrophysique moderne, les astrophysiciens peuvent étudier les atmosphères stellaires, les nuages moléculaires denses et froids, comprendre la formation des trous noirs, le milieu intergalactique, les phénomènes de fusion thermonucléaire ou encore le fond de radiations laissé par le Big Bang et ce afin de mener à bien leur quête de la compréhension de lÊUnivers. A quoi correspond chaque longueur dÊonde ? Quelles sont leurs spécificités et quÊapportent-elles à la compréhension de lÊUnivers ? Petit tour dÊhorizon de ces lumières visibles et surtout invisibles qui nous entourent. E De 1-10 nm à 10 m Les longueurs dÊondes visibles sont comprises entre 400 et 750 nanomètres (nm). En-deçà se situent les ultraviolets, les rayons X et gamma (0,0001 nm), au-delà les infrarouges, les micro-ondes et les ondes radio (10 m). © 2012 CNES Voir l’invisible © FERMI GAMMA-RAY SPACE TELESCOPE, NASA Les rayons gamma Générés par la désintégration radioactive de certains éléments et par certains processus astrophysiques intenses comme les explosions stellaires, ils sont associés aux ondes qui transportent le plus dÊénergie. Grâce à eux, on constate que lÊinteraction des rayons cosmiques avec les gaz interstellaires génère une forte émission de rayon gamma le long de la Voie lactée. Ces rayons sont observés entre autres par les satellites de la Nasa Fermi et Integral (INTErnational Gamma Ray Astrophysics Laboratory), construits à lÊinitiative de lÊESA. Les physiciens peuvent ainsi étudier des particules aux énergies bien plus importantes que celles observées dans les accélérateurs de particules basés au sol. © ENASA/SDO/AIA/HELIOVIEWER Eruption solaire de classe M5.3 ayant atteint un niveau maximal le 4 juillet 2012. Image capturée en UV par l'Observatoire de Dynamique Solaire (SDO) (lancé en 2010 par la Nasa, il doit permettre de comprendre comment et pourquoi le champ magnétique du Soleil change). © FERMI GAMMA-RAY SPACE TELESCOPE, NASA Les rayons X Ils ne peuvent être captés depuis la Terre car lÊatmosphère constitue un écran presque totalement opaque à ce type de rayonnement. LÊenvoi de satellites dÊobservation au-delà de lÊatmosphère terrestre est donc essentiel pour capter ces signaux. Les informations récoltées permettent entre autres dÊobserver les naines blanches, de confirmer lÊexistence de trous noirs et dÊapporter de précieuses informations sur la structure de notre galaxie. Pouvant collecter les ÿ rayons X faibles Ÿ indétectables par le satellite Chandra de la Nasa, le satellite européen XMM-Newton (X-ray Multi-Mirror) -équipé de multiples miroirs permettant de dévier les rayons vers les détecteurs- peut récolter des informations très précises sur la structure de lÊUnivers. Les ultraviolets, UV Les imageurs UV sont tapissés de pixels qui réagissent à la réception de photons en émettant des électrons. Grâce à leur résolution, ils permettent dÊobserver de nombreuses étoiles chaudes, des naines blanches aux étoiles géantes, et bien sûr notre Soleil, connu pour émettre des rayons UV. LÊobservation de ces astres dans lÊultraviolet renseigne les scientifiques sur leur température, leur mouvement ou encore leur composition chimique. Regarder le ciel en UV permet dÊidentifier les étoiles jeunes et de recueillir des informations sur leur évolution. Issue dÊune collaboration entre lÊESA et la Nasa, le satellite SoHO (Solar and Heliospheric Observatory) a pour principale mission de collecter des informations sur le Soleil. Sa position lui permet également de détecter un grand nombre de comètes. LATITUDE 5 / N°97 / JUILLET 2012 / 29 © IRAS – NASA, NIVR (AGENCE SPATIALE NÉERLANDAISE) ET SERC (AGENCE DE LA RECHERCHE BRITANNIQUE) © HUBBLE-NASA / RETOUCHE NICK RISINGER SKYSURVEY.ORG La lumière visible CÊest la lumière que notre flil perçoit, mais pour voir la galaxie il faut bien entendu un télescope. La lumière parvient sur un écran qui, à la manière dÊune rétine artificielle, transforme les impacts de photons en impulsions électriques. Les images prises par le télescope américain Hubble ont permis des avancées scientifiques majeures. Quant au télescope spatial français Corot (COnvection ROtation et Transits planétaires), il a pour mission de traquer des exoplanètes de type tellurique comme la Terre et d'observer les oscillations lumineuses des étoiles pour mieux comprendre leurs structures internes qui guident leurs évolutions. Le logiciel Chromoscope dont sont tirées ces photos -à lÊexception des ondes UVétait initialement destiné à une exposition de la Royal Society sur les satellites Planck et Herschel de lÊESA. Ce logiciel permet au grand public d'explorer notre galaxie, la Voie lactée, dans différentes longueurs d'ondes grâce à un savant mixage d'images recueillies par divers satellites d'observation de l'Univers tels que Planck pour l'ESA ou Hubble, Fermi et Rosat pour la Nasa. DÊautres vues sont consultables sur le site chromoscope.com Le rayonnement infrarouge, IR LÊobservation en infrarouge renseigne sur la température des corps et permet dÊétudier les zones froides et poussiéreuses de lÊUnivers. Ces ondes, émises par la matière interstellaire à une température de quelques dizaines de degrés au-dessus du zéro absolu, sont en majorité absorbées par lÊatmosphère terrestre. Il est donc essentiel de les observer depuis lÊEspace. Lancé en 1983, le satellite IRAS fut le premier à révéler le cflur de notre galaxie : la Voie lactée. Ses succès poussèrent lÊESA à lancer son propre système dÊobservation infrarouge Iso, et la Nasa conçut Spitzer. Récent successeur dÊIso, le satellite Herschel sÊintéresse à la formation des galaxies et des étoiles en utilisant ce rayonnement. En 2010, il a permis de dévoiler lÊexistence de cinq galaxies jusquÊalors inconnues dont la lumière a mis environ 10 milliards d'années pour parvenir à la Terre. Développé par la Nasa avec le concours des agences spatiales européenne et canadienne, le James Webb Space Telescope succédera dÊici quelques années au satellite Hubble dans lÊobservation des infrarouges. © PLANCK,ESA / LFI AND HFI CONSORTIA (2010) © HASLAM, NCSA ASTRONOMY DIGITAL IMAGE LIBRARY, MAX PLANCK INSTITUTE Les micro-ondes Ces ondes permettent dÊobserver les gaz et poussières froids du milieu interstellaire. LÊUnivers est entièrement baigné par un rayonnement micro-ondes de faible énergie que lÊon appelle le rayonnement cosmologique fossile ; ces ondes auraient été émises à peine 380 000 ans après le Big-Bang et constitueraient le plus vieux rayonnement de lÊUnivers. Les satellites Cobe et la sonde Wmap ont ainsi permis dÊestimer lÊâge de lÊUnivers à 13,7 milliards dÊannées. Les ondes radios Elle ont été les premières utilisées dans le domaine spatial. Au sol, les radiotélescopes enregistrent les signaux radio provenant du ciel. A la manière dÊun miroir réfléchissant la lumière visible, la surface métallique dÊun radiotélescope reflète les ondes radio. Une petite antenne accordée sur la longueur dÊonde voulue reçoit alors le signal incident qui est ensuite relayé vers des amplificateurs. Plus une onde a été émise il y a longtemps, plus sa longueur dÊonde parait grande. Ce sont donc les ondes radios qui nous donnent les images les plus anciennes de lÊUnivers. Les astrophysiciens ont ainsi obtenu en 1992 la première image de lÊUnivers tel quÊil était 380 000 ans après le Big-bang. 4 Pour aller plus loin, consultez cette vidéo sur la galaxie Andromède vue par les satellites de lÊESA : www.esa.int/export/esaSC/SEM5IUYGRMG_index_0.html 30 / LATITUDE 5 / N°97 / JUILLET 2012