Il est frappant de constater qu’aujourd’hui aucune définition commune de la transition
écologique, partagée par l’ensemble des composantes de la société n’existe réellement.
Pour élaborer cette définition, il convient d’aller au bout de ce que l’on entend par transition
écologique dans l’ensemble de ses aspects, des plus économiques aux plus “psychologiques”.
Commençons donc par définir l’expression de transition écologique. Contrairement à certains
raccourcis du débat public ou du discours politique, la transition écologique n’est pas réductible
à la “transition énergétique”. Elle renvoie à une redéfinition en profondeur des modes de vie
et de relations entre les êtres et la nature, des systèmes de pensée et d’action, et de la relation
au temps. Elle propose une transformation globale du modèle de développement actuel.
La transition énergétique a une place à part dans cette dynamique. Elle est à la fois centrale
et partie d’un tout. Inscrite à l’agenda politique français, elle conduit à se poser des questions
concrètes, à entrer dans la réalité des modifications techniques, économiques, budgétaires et
sociales à assumer pour transformer nos modes de vie. La transition énergétique représente en
quelque sorte une étape obligée pour que la transition écologique soit considérée comme une
perspective et non plus comme aujourd’hui un sujet de réflexion intellectuelle, de prospective,
voire une utopie.
La transition écologique est une révolution sociale et culturelle, et ses conséquences sur le
travail sont de plusieurs ordres.
La transition écologique modifie la nature et la place du travail dans le domaine économique,
mais plus encore dans l’organisation sociale, la culture, et les valeurs. En économie, de nouvelles
filières industrielles, une autre relation à l’énergie, les liens entre recherche et innovation
nécessitent une modification de la structure des emplois mais aussi de notre système de
formation et de nos manières de travailler. On pense à la mobilité, à la formation professionnelle,
à l’organisation des entreprises, à de nouvelles formes de créativité. Dans l’organisation sociale
et la culture, la place du travail est à repenser dans cette “nouvelle société” où le productivisme
et la croissance sont remis en cause, où les échanges non marchands, l’attention portée aux
nouvelles générations, le souci de la liberté, du temps pour soi et de la démocratie redéfinissent
les rôles sociaux et relativisent la réussite, l’argent, la consommation.
La réduction du temps de travail fait ainsi partie de manière structurante du projet écologiste. Et
ce pour deux raisons : parce qu’elle permet de partager l’emploi, ce qui pour les écologistes est
intrinsèquement lié à la volonté d’établir l’égalité des droits entre générations, et parce qu’elle
conduit à l’organisation différente des temps de vie en donnant toute leur place à des activités
choisies, solidaires, bénévoles, amicales, familiales. Cette place de la réduction du temps de
travail s’appuie également sur la relativisation de la croissance ; celle-ci n’est pour les écologistes
ni un objectif, ni une condition nécessaire pour créer des emplois. Sur ce point, ils sont d’ailleurs
Lucile Schmid
Transition écologique et modification du travail