Chapitre VI
D’un équilibre européen
(1871-1890) à la Première
Guerre mondiale
Deux traits majeurs : la prépondérance du jeune Empire allemand, l’accentuation des
revendications des minorités nationales, la volonté de la France de sortir de son isolement, puis la
crainte de la puissance allemande au RU et en Russie sont les traits dominants de cette période.
Outre l’équilibre puis les troubles européens, l’expansion coloniale reprend.
I. L’EQUILIBRE EUROPEEN (1871-1890) ET LE SYSTEME BISMARCKIEN
1. Le premier système bismarckien
Le Reich, une fois créé en 1871, est à la fois la première puissance militaire et la première
puissance économique du continent européen. La France est affaiblie par sa défaite. Elle est
marquée, après tergiversations, par l’instauration de la IIIe République et l’émergence d’un très
fort nationalisme, particulièrement à droite. Le mythe de l’« Alsace-Lorraine » est entretenu par
l’école, les images d’Épinal, les romans, le culte de l’armée, etc. Ces tendances sont suffisamment
fortes pour que Bismarck maintienne l’isolement diplomatique de la France. Ce maintien est
d’autant plus important pour le chancelier que la France, économiquement, se relève très vite de
sa défaite. Surtout, sa puissance financière est très forte. Son armée est également très rapidement
remise sur pied.
Bismarck veut désormais consolider le Reich et le mettre à l’abri d’une guerre de revanche
(était contre l’annexion de l’Alsace-Moselle). En raison de l’annexion, estime qu’il est nécessaire
de se préparer à une guerre de revanche et à repousser l’échéance de cette guerre en isolant la
France. C’est l’objet des « systèmes bismarckiens » (réseau d’alliance isolant la France). Utilise
l’opposition de principe contre la France républicaine considérée comme héritière de la
Révolution d’États voulant une conservation de l’ordre social, politique et international. Pourtant
la IIIe République n’est pas révolutionnaire. La majorité républicaine finit par assouvir son
impérialisme vers l’acquisition de territoires extra-européens.
Le premier système bismarckien et marqué par l’« Entente des Trois Empereurs ». Dans
un premier temps, Bismarck favorise la répression, par les Français eux-mêmes, en 1870 (Thiers),
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de la Commune. Accepte le paiement anticipé en 1872 de l’indemnité de guerre, et, donc, le
retrait des troupes allemandes du territoire français.
Mais le régime de l’« Ordre moral » puis la République elle-même (1875) mène à
l’émergence d’un État capable de mener une guerre de revanche. Donc, Bismarck négocie avec la
Russie et l’Autriche-Hongrie un accord. Vienne se dirige vers les Balkans (décomposition de
l’Empire Ottoman) et peut être soutenue par l’Allemagne, tant que les intérêts de la Russie dans
les mêmes Balkans ne sont pas trop menacés. La Russie se tourne également vers cette région, et,
toujours, vers les Détroits. Relations économiques germano-russes sont bonnes. Bismarck
utilisant de l’argument de la France révolutionnaire réussit à intégrer la Russie et l’Autriche-
Hongrie. Une série de traités est signée en 1873 : alliance défensive et consultation en cas de
conflit sur les Balkans. En 1874, l’Italie rejoint ce système.
Première crise en 1875 entre l’Allemagne et la France : politique militaire de la France
(formation d’un plus grand nombre d’officiers). Berlin distille l’idée d’une guerre préventive.
Londres demande à Berlin de calmer le jeu, le tsar ne veut pas d’une nouvelle défaite de la France
(Allemagne serait trop puissante) et intervient personnellement. L’échec du premier système
bismarckien est manifeste : l’isolement de la France n’est pas parfait, la Russie se méfie de Berlin.
La crise balkanique de 1875-1878 va encore aggraver la situation. Situation explosive :
Serbie et Roumanie (les deux duchés sont réunis en 1856) veulent accroître leur influence, Russie
les soutient, l’Autriche-Hongrie veut des territoires sous domination ottomane, la Bulgarie, le
Monténégro, la Grèce revendique soit une indépendance complète et la Grèce une extension de
son territoire. 1875 : mauvaise récolte dans la région, associé à la propagande serbe : insurrection
en Herzégovine. 1876 : Bulgarie entre en insurrection. Épreuve de force entre un nouveau sultan
et les Bulgares. Massacres qui indignent l’opinion publique européenne (action du libéral
Gladstone). Les gouvernements n’interviennent pas et le Sultan finit par rétablir la situation
militaire.
Conférence à Constantinople en décembre 1876 : n’apporte aucune solution, le Sultan ne
concède rien. Russie et Autriche-Hongrie interviennent alors : Russie intervient et l’Autriche-
Hongrie reçoit, pour prix de sa neutralité, la Bosnie-Herzégovine. Moscou arrive aux portes de
Constantinople, cependant RU s’oppose à toute domination russe sur les Détroits. 1878 : traité
de San Stefano : nombreuses annexions russes en Asie Mineure et en en Europe. Bosnie-
Herzégovine reçue par l’Autriche-Hongrie. Création d’une Grande Bulgarie indépendante.
Londres et Vienne refusent le traité : risque de guerre contre la Russie. Bismarck propose
alors un congrès, à Berlin, en juin et juillet 1878. Bismarck ignore pendant ce congrès les délégués
turcs et des peuples balkaniques, ne traitent qu’avec les grandes puissances. Son but est de
maintenir une forme d’entente entre Saint Petersbourg et Vienne. Conclusion du congrès est très
peu favorable à la Russie par rapport à San Stefano. Serbie et Monténégro deviennent
indépendants, Autriche-Hongrie administre la Bosnie-Herzégovien, qui reste ottomane. La
Roumanie s’étend. Mais la « Grande Bulgarie » n’est finalement pas créée. L’Angleterre barre la
route vers les Détroits à la Russie et obtient Chypre.
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Ce congrès ne résout pas le problème des tensions entre Autriche-Hongrie et Russie, mais
montre une certaine détente entre Berlin et Paris, cette dernière étant invitée au Congrès. La
Russie considère l’Entente des Trois Empereurs comme terminée.
2. La Triple Alliance : second système bismarckien
Double direction de Bismarck : fait de l’alliance avec l’Autriche-Hongrie la base de son
système, mais tente d’éviter un rapprochement de la Russie avec la France. Pour cette dernière,
Bismarck encourage la politique de colonisation (Indochine, Tunisie, Afrique), qui reprend, afin
de la détourner de l’Alsace-Lorraine.
D’où nouveau système diplomatique :
Alliance formelle est signée en 1879 avec Vienne, avec alliance militaire si la
Russie agresse l’un des deux signataires et neutralité si autre agresseur,
Face à ce traité, la Russie, pour ne pas rester sans allié en Europe, accepte de
rester proche de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, pour s’assurer de leur
neutralité en cas de conflit avec l’Angleterre.
Un nouveau traité des trois empereurs est signe en 1881. Prévoit neutralité en
cas d’agression contre l’un des signataires.
En 1882, l’Italie adhère à ce système (question tunisienne) : la Triple alliance.
Assistance à l’Italie en cas d’agression par la France.
Le RU restant neutre, l’isolement de la France est complet.
3. Apogée du système bismarckien
Vienne et Saint Petersbourg cherchent à étendre leur influence respective dans les
Balkans. Progrès de Vienne sont spectaculaires. Serbie et Bulgarie cèdent à l’influence
autrichienne. Le traité de 1881 n’est, pour cette raison pas renouvelé en 1887 par la Russie.
Parallèlement, en France, la vague boulangiste inquiète Bismarck. Ce dernier va cependant
l’utiliser pour renforcer son système d’alliances. Avec l’Italie, il renforce la Triplice en la rendant
offensive contre la France, notamment en cas d’attaque contre la Tripolitaine. Le RU accepte de
soutenir l’Italie contre la France, car cette dernière est en conflit avec l’Angleterre au sujet de
l’Égypte.
La Russie, pas encore mûre pour une alliance avec la France, conclut un traité secret de
« contre-assurance » en 1887 avec Berlin : cette dernière promet un appui diplomatique à la
Russie sur les Détroits et la Bulgarie, contre la neutralité de la Russie en cas de guerre défensive
contre Paris. La France est profondément isolée.
Mais ce système diplomatique est fragile. Bismarck tente de remplacer la Russie par le RU
en 1889. Londres refuse. Bismarck se tourne à nouveau vers la Russie, pour renouveler le traité
de « contre-alliance ». Guillaume II, nouvel empereur, souhaite abandonner l’alliance avec la
Russie. Les deux hommes entrent en conflit et Bismarck doit, en 1890, donner sa démission.
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L’Allemagne de Guillaume II délaisse alors le rôle d’arbitre qu’elle jouait depuis 1871 et
entre dans une nouvelle phase de sa diplomatie : la Weltpolitik.
II. LA FIN DE LEQUILIBRE
1. Les débuts de la Weltpolitik
Deux conceptions s’opposent :
Équilibre continental de Bismarck, ne correspond plus à l’évolution
économique et sociale du Reich : se voit dans la politique coloniale : pour
Bismarck, colonisation est inutile, mais a céder et accorder son soutien aux
initiatives prises en Afrique, ou dans le Pacifique. Pourquoi a-t-il dû céder ?
Comme les autres puissances européennes développées, l’Allemagne a besoin
de débouchés extérieurs, donc s’engage sur la voie de l’impérialisme. C’est la
seconde conception, appuyée par Guillaume II.
Cette nouvelle politique est mondiale et se nomme la Weltpolitik. Pour ce faire, Guillaume
II renforce l’armée, en premier lieu la marine de guerre, qui, à la veille de 1914, est capable
d’affronter celle du Royaume Uni.
Vaste effort de propagande entrepris pour populariser la Weltpolitik auprès de la
population. Essor des premiers mouvements pangermanistes (Ligue pangermaniste en 1891).
Idées reprises par Ratzel (géopolitique) ou Max Weber (sociologue, évolue après). Réveil
de la race germanique, apte à dominer les autres peuples. Émergence aussi de la notion de
Mitteleuropa (Autriche, Est de la France, Balkans, Empire Ottoman…).
2. Weltpolitik met fin à l’isolement de la France
Bismarck voulait à tout prix éviter une alliance entre la Russie et la France qui encerclerait
l’Allemagne. Ses successeurs pensent que l’alliance franco-russe est impossible, en raison de
l’opposition radicale entre les philosophies des deux régimes.
Mais la Russie a un talon d’Achille : ses finances. Pour développer son industrialisation, a
besoin de capitaux extérieurs. Berlin les fournit jusqu’en 1887, puis la Reichsbank bloque les fonds.
La France s’engouffre dans cette faille : Dès novembre 1888, un accord entre des banques
parisiennes et le ministère des finances russes est conclu.
En 1890, le traité de contre-alliance est abandonné par l’Allemagne. En 1891, la Triple
Alliance est resignée, bruyamment. Le gouvernement Français bloque alors un accord financier
entre la banque Rothschild avec la Russie et le lie à la conclusion d’un accord politique. Le RU,
en outre, approuve le renouvellement de la Triplice. La Russie a peur que l’Angleterre ne joigne la
Triplice, donc veut se rapprocher de la France. Un accord politique très général et secret est
conclu en août 1891. 1892 : convention militaire est signée : alliance défensive, mais jouant dès la
mobilisation, pas de paix séparée.
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Le Reich allonge la durée du service militaire, engage une guerre douanière contre la
Russie : permet la ratification (1893-1894). Met en place en Europe un mécanisme d’alliance
rendant une guerre tout-à-fait possible, y compris pour des événements bénins.
Parallèlement, la France affaiblit la Triplice en se rapprochant de l’Italie : cette dernière
échoue à coloniser l’Éthiopie en 1896, donc se tourne vers l’Europe. Or, l’ennemi en Europe est
l’Autriche-Hongrie. Aussi des problèmes économiques : Italie a besoin du marché français. Le
contentieux tunisien est réglé à la fin du XIXe siècle (1896), puis accord commercial en 1898.
Nouvel accord, secret, en 1900 : la France promet de laisser la Tripolitaine à l’Italie, l’Italie laisse
la France intervenir au Maroc. 1902 : accord secret assurant neutralité italienne en cas de guerre
allemande contre la France. Cependant, l’Italie ne rompt pas avec les puissances centrales.
III. LES RIVALITES INTRA-EUROPEENNES
S’expriment dans plusieurs régions :
En Orient, particulièrement dans les régions balkaniques sous domination
ottomane. En Grèce, en Macédoine : mais à la fin du XIXe siècle, les Puissances
européennes ne sont pas encore prêtes à une nouvelle guerre européenne,
Tensions anglo-russes : en Asie : Russes ne menacent pas directement l’Inde,
mais menacent la sphère d’influence britannique (permet en retour de faire
pression pour les Détroits).
Crises anglo-françaises :
En Asie : problème des frontières : France veut le Siam (Thaïlande), RU
veut indépendance du Siam pour servir de tampon entre Inde et
colonies Françaises d’Indochine. Siam laisse le Laos à la France et la
crise s’arrête là.
En Afrique, plus grande ampleur : 1898 : Fachoda : France a lâcher
l’Égypte à l’Angleterre. Mais essaye ensuite d’aller au Soudan, que le RU
est en train de conquérir. Quelques soldats français (tirailleurs
sénégalais) se heurtent à des troupes britanniques. Mais la France qui
cède dans cette affaire.
Or au moment de Fachoda, le Royaume Uni tente de se rapprocher de l’Allemagne. Il
s’agit pour l’Angleterre d’essayer de maîtriser la concurrence allemande (économie, course aux
armements navals). Face à cette concurrence, deux politiques : l’affrontement ou la négociation.
Dans un premier temps, tentative, donc de négociation : RU propose une limitation de la marine
allemande contre une alliance. Or Guillaume II refuse ces conditions : l’Allemagne met à cet
accord des conditions trop importantes pour que ce rapprochement ne réussisse. Échec.
Donc, le Royaume Uni se tourne vers la France. Fachoda a résolu les problèmes de
concurrence coloniale : c’est la conclusion de l’« Entente Cordiale » le 8 avril 1904 : la France
cède définitivement l’Égypte, en échange d’un soutien britannique au Maroc. Début de ce qui
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