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C’est un endroit idéal: une ferme en
zone inondable, coincée entre une
autoroute et un stand de tir, avec
des avions militaires qui passent
par-dessus. Idéal en tout cas pour accueillir
une quarantaine de chiens polaires dont le
vacarme n’importunera personne.
Des chiens maltraités, abandonnés,
attachés à des arbres, déposés devant la
porte, dans une caisse ou laissés pour
quelques jours avec la promesse de venir les
rechercher après les vacances – «personne ne
revient évidemment». Voilà comment les
animaux arrivent chez Carine Mettraux,
fondatrice de «SOS chiens polaires» à
Payerne (VD).
Telle Sissi, chienne blanche âgée
aujourd’hui de 14 ans, «une vieille dame,
qui soure d’un cancer des os» et dont
personne ne voulait parce que peu sportive
mais qui s’est montrée «extraordinaire toute
sa vie avec les enfants ou dans le milieu
du handicap».
Le dernier arrivé, il y a quelques jours, un
jeune chien d’une année et demie, était dans
une famille qui a contacté Carine. «Un troi-
sième enfant venait de naître, donc moins de
temps pour le chien. Et puis un husky avec
un bébé, ce n’est pas vraiment conseillé.»
Les SPA appellent aussi parfois. Les
polaires, il faut le dire, sont des chiens
souvent abandonnés. «Ce sont des animaux
particuliers qui aiment être dehors, se
balader même quand ils sont vieux. Si on en
prend un, mieux vaut savoir que ça bouge.»
Les futurs propriétaires ne sont pas
suffisamment informés
Avec aussi une tendance marquée à la fugue.
«Vous pouvezbien sûr l’éduquer, lui ap-
prendre à faire assis-debout-couché, il y aura
toujours un moment où votre chien va cher
le camp, suivre une piste. Nous, ici, on ne
s’amuse pas à les lâcher.» «SOSchiens po-
laires» dispose d’un terrain d’entraînement où
les chiens peuvent courir. Des bénévoles
viennent également les promener – en laisse,
en trottinette, en kart, à ski de fond, mais tou-
jours attachés.»
Selon Carine Mettraux, les vendeurs,
souvent pressés de réaliser une bonne aaire
et de se débarrasser de l’animal, n’informent
pas susamment les futurs propriétaires sur
les caractéristiques d’un chien qui «reste
quand même un chien de traîneau, donc de
meute». Qu’il vaut donc mieux ne pas laisser
seul. «Il faudrait en prendre au moins deux,
même s’il n’est pas nécessaire que le deuxième
soit forcément un husky.»
Les chiens polaires, Carine y est arrivée par
hasard. Pour ses 20 ans, elle voulait s’orir un
akita inu, un chien japonais. «Mais ça coûtait
trop cher, je travaillais à l’époque dans une
pouponnière pour 800 francs par mois.»
Une amie lui signale alors des malamutes qui
sont à vendre. Des malamutes?
Carine n’a jamais entendu parler de ces bêtes-
là. Des chiens de traîneau de l’Alaska. C’est
ainsi qu’Aphrodite entre dans sa vie.
Plus tard, éducatrice dans une école à Châ-
teau-d’Œx (VD), elle se rend compte que le
meilleur moyen de faire marcher les enfants
ou de faire du ski de fond avec eux sans qu’ils
râlent, «c’était de prendre ma chienne avec».
Après Aphrodite, il y aura Zeus, un mâle aux
yeux vairons, puis Cheyenne qui a servi de mo-
dèle pour le logo de l’association. Car peu à
peu, Carine s’est mise à récupérer les chiens
polaires dont les gens ne voulaient plus. En
une année, elle arrive à vingt-sept: «Cheyenne
est le premier chien maltraité que j’ai récupé-
ré. Elle a été séquestrée pendant sept ans dans
une maison, chez des toxicomanes où elle a
été lancée contre les murs, bâillonnée, une
histoire à faire froid dans le dos.»
Longtemps Carine avait pensé qu’un chien
maltraité serait forcément très agressif et
même irrécupérable. «AvecCheyenne, je me
suis aperçue que je me trompais sur toute la
ligne. Depuis onze ans que je récupère des
chiens, aucun ne m’a déçue. Ils sont là quand
on a besoin d’eux, ils sont volontaires,
Reportage
Pour husky
sonnele glas
Fondatrice de l’association «SOS chiens polaires», à Payerne
(VD), Carine Mettraux se bat pour rendre une vie normale à
des animaux trop souvent abandonnés, maltraités, malades
ou jugés trop vieux.
Texte: Laurent Nicolet Photos: Jeremy Bierer
«Sissi», la vieille chienne blanche, vient se faire cajoler par Carine Mettraux. A l’entrée du domaine, le cimetière des huskies appelé «le temple» (au centre).
SOCIÉTÉ |MM17,20.4.2015 | 17