Avril 2013 - Axe Seine, enjeu de sortie de crise Dans un contexte économique troublé, où la croissance est en panne, où la concurrence internationale est de plus en plus forte, où de nouveaux équilibres doivent être trouvés en faveur d'un système de production plus durable et plus respectueux de l'environnement, il faut inventer de nouvelles voies de développement. C’est indispensable pour que nos entreprises puissent continuer à produire de la richesse, à créer des emplois et à faire vivre nos territoires. Mais lesquelles? Peut-être simplement en changeant d'échelle de réflexion et en inventant de nouveaux espaces, qui s'affranchissent des frontières administratives ou des antagonismes qui n'ont plus lieu d'être pour se concentrer sur des objectifs et des intérêts à partager. Cessons d’opposer Paris et la province, ne regardons plus la Seine comme une ligne de démarcation qui divise la Normandie en deux, l’une Haute, l’autre Basse, dépassons ces poncifs archaïques qui opposent deux visions caricaturales de la Seine, envisagée tantôt comme un écosystème naturel à préserver, tantôt comme un fleuve à sacrifier à l’industrie. Le regard que nous portons sur notre territoire doit fondamentalement évoluer. Il nous faut plus d’audace pour imaginer de nouveaux territoires économiques. Nous disposons avec la vallée de la Seine d'un formidable atout pour structurer un nouveau territoire économique. Rares sont les régions en France qui bénéficient d'une telle opportunité. Et c'est à nous, acteurs économiques et acteurs politiques, ensemble, que revient la lourde responsabilité de ne pas gâcher cette chance. La dimension maritime gage de l’expansion économique… Tout l'enjeu de l'Axe Seine, en reliant Paris à la mer, est non seulement de donner à Paris une ouverture sur le commerce mondial, mais aussi de rapprocher la Normandie du plus important bassin de production et de consommation en France et en Europe. Cela permettra à la Vallée de la Seine de profiter de tous les flux et de toute cette dynamique générée par le développement de cet axe majeur. Il faut absolument faire pleinement vivre la Seine, c'est devenu une nécessité. 90 % des marchandises produites et consommées sont transportées par bateau, et la Manche est la mer la plus fréquentée du monde. La vocation maritime de la Normandie doit permettre à la région mais aussi à tout l'Axe Seine de pouvoir tirer profit de la croissance mondiale. L’histoire et la géopolitique le montrent bien : la dimension maritime a toujours été le gage de l’expansion économique. Et Paris, qui doit s’approvisionner sur les nouveaux marchés mondiaux, se fournir en énergie, traiter et recycler ses déchets, assurer son fret, avoir des cycles courts de proximité et des cycles longs transcontinentaux, ne pourra rejoindre les grandes métropoles européennes et mondiales qu'en se tournant vers la mer. Les ports concentrent tous les flux, de marchandises bien sûr mais aussi les flux financiers, culturels, les flux de données, les flux de matière grise Paris ne saurait donc se passer de Rouen et du Havre, et Rouen et le Havre ne sauraient se passer de Paris... Le développement de l'Axe Seine repose ainsi sur l’intérêt mutuel de Paris et de la Normandie de se développer non pas en parallèle ou en concurrence mais conjointement, grâce à cet accès naturel et rapide de la capitale à la mer qu’est la Seine. Osons un nouveau modèle économique Pour faire de l’Estuaire de la Seine le port de Paris, et pour développer ce nouveau modèle économique basé sur le maillage d'activités liées par des intérêts croisés, une synergie est à construire. Elle est en marche, et s'appuie sur des atouts majeurs. La réforme portuaire a permis aux ports français et normands de mieux défendre leurs positions, et HAROPA, qui est le 1er ensemble portuaire français, illustre bien cette capacité des structures et des acteurs locaux à s'inscrire dans une dynamique de coopération. Nous avons sur le territoire plusieurs filières d'excellence, des entreprises innovantes, des laboratoires de recherche, des pôles de compétitivité, des universités et écoles de renom. Le long de la Seine se sont naturellement implantées des activités structurantes, dans des secteurs clés. Avec 120 000 emplois répartis sur 2 760 établissements, la Vallée de la Seine est ainsi le premier territoire aéronautique de France, devant Toulouse. Représentant 14% de l'électricité française et 35% des capacités de raffinage, l'Axe Seine est également très présent dans le domaine de l'énergie, et saura jouer sa carte dans le contexte de la transition énergétique. Nos industries traditionnelles ont été capables de s'adapter, se moderniser, devenir plus sûres et plus propres, notamment grâce au développement de l'économie circulaire. Nous avons en outre la maturité, les compétences et les savoir-faire pour structurer de nouvelles filières, notamment l'éolien off shore ou les éco-mobilités. Mais pour que l'Axe Seine soit une réalité, un certain nombre de défis restent à relever Le premier est certainement de rattraper notre retard en matière d'infrastructures. La Ligne Nouvelle Paris Normandie (LNPN) doit permettre d’améliorer le système ferroviaire normand et de libérer la ligne actuelle, saturée, au bénéfice du fret ferroviaire. Aujourd’hui, 85% des conteneurs qui transitent par le port du Havre sont acheminés par camions : le report modal de la route vers le rail est un enjeu non seulement économique mais aussi majeur d’un point de vue environnemental. La LNPN, en améliorant la desserte de la Normandie en termes de fiabilité, de cadencement, de maillage et de temps de transport, doit aussi permettre d'en renforcer l'attractivité, touristique bien sûr mais aussi dans le domaine du tertiaire supérieur. Ce projet a également besoin d'une véritable gouvernance ; la nomination du délégué interministériel de l’Axe Seine est attendue parce que ce projet a besoin d’être porté, il a besoin d’une coordination forte, non seulement géographique mais aussi interdisciplinaire, les problématiques concernées étant en effet à la fois économique, industrielle, mais aussi ferroviaire, portuaire, fluviale, environnementale, universitaire, culturelle, touristique. Il faut aussi, fondamentalement, que chacun s'approprie ce projet, apporte sa pierre à la construction d’une stratégie commune, et accepte de voir grand. L'Axe Seine, c'est 15 millions d'habitants soit 23% de la population française, 700 000 entreprises qui représentent 4,5 millions d'emplois, 1 emploi industriel sur 5 en France, 128 millions de tonnes de trafics maritimes et fluviaux, 14 000 hectares de réserves foncières... C'est pour cette raison que depuis deux ans les CCI de l'axe Seine ont créé Paris Seine Normandie et travaillent ensemble sur les filières d'excellence et les projets de développement économique de ce territoire à grande échelle. L’Axe Seine, un modèle « d’altruisme intéressé » au service de l’économie nationale Ce projet est ambitieux. Il contribuera au développement de la vallée de la Seine mais plus largement encore, compte tenu du poids économique que représente cet axe, au développement du territoire national. Il revêt en ce sens un caractère d'intérêt général. La logique de projets partagés représente en effet un gisement majeur de croissance, de richesse et d’emploi. Ce territoire en construction a vocation à devenir un espace d’expérimentation, une vitrine d’innovations. Il pourrait même être un véritable enjeu de sortie de crise, qui permettra d'améliorer la compétitivité de l'économie française et de contribuer au redressement productif de la France. Le monde qui vient n’est écrit nulle part. Il convient dès aujourd’hui, ensemble, de construire l’avenir sans l’insulter, de relever les défis qui se posent à notre territoire, avec lucidité, intelligence, courage et inventivité. Mais face à la concurrence internationale, il faut aller vite si on veut que nos régions et notre pays restent parmi ceux qui comptent.