Le virus GB-C / Hépatite G (GBV-C/VHG) : à la recherche d un

VIROLOGIE
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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 9 - novembre 1998
utilisation de techniques sensibles pour éliminer les
échantillons infectés par les virus des hépatites A, B
et C a diminué le nombre des pathologies liées à ces
virus et augmenté la proportion des hépatites “non A, non B et
non C” post-transfusionnelles. Des enjeux médicaux (préven-
tion de la transmission d’agents infectieux), scientifiques
(caractérisation d’agents infectieux nouveaux) et commerciaux
(diagnostic, dépistage, traitement) ont motivé les chercheurs de
plusieurs firmes commerciales.
La poursuite et la reprise des travaux de Deinhart sur la trans-
mission expérimentale aux primates d’agents infectieux à tro-
pisme hépatique (1)conduisirent à mettre en évidence, chez les
tamarins infectés, deux groupes de Flaviviridae. La caractéri-
sation de ces virus “GB” A et B (GB correspondant aux ini-
tiales du chirurgien ayant développé une hépatite aiguë après
exposition au sang et dont les échantillons ont servi de source
pour les transmissions expérimentales) a encouragé la recherche
d’agents infectieux voisins chez l’homme. La découverte, en
Afrique de l’Ouest, de sujets infectés par le GBV-C (un virus
relativement proche des GBV-A) a été pour la première fois
décrite par J. Simons dans le groupe de I. Mushahwar (société
Abbott) (2). Ces travaux concrétisaient la caractérisation de
nouveaux agents en détectant leur génome par l’analyse diffé-
rentielle des séquences nucléiques présentes dans deux échan-
tillons du même individu. Cette approche élimine les séquences
homogènes des deux échantillons pour amplifier les séquences
nucléiques spécifiques de l’échantillon intéressant. On se sert
du temps dans les transmissions expérimentales (avant et après
inoculation pour les virus GB) ou de la localisation dans
d’autres modèles (par exemple peau saine ou sarcome de Kaposi
pour les séquences de l’herpès humain n° 8). Une approche plus
“classique” (depuis la caractérisation du génome du VHC) s’ap-
puie sur l’expression protéique des séquences nouvelles carac-
térisées, pour les cribler avec les anticorps des patients infec-
tés. Elle a été utilisée avec succès par J. Linnen dans le groupe
de J.P. Kim (société Genelabs Technologies) pour caractériser
le génome du virus de l’hépatite G (VHG) (3). Des différents
GB virus isolés (GBV-A, B, C), seul le GBV-C/VHG infecte
l’homme.
Le virus GB-C /hépatite G (GBV-C/VHG) :
à la recherche d'un pouvoir pathogène
C. Delaugerre
1
, A. Servant
1, 2
, A. Cécille
1
, L. Guillevin
2
, P. Dény
1
RÉSUMÉ.
Deux groupes industriels identifiaient, en 1995-96, de nouveaux virus : les virus GBV-C (Abbott) et le virus de l'hépatite G
(Genelabs), tous deux isolés à partir de patients virémiques présentant une hépatite. La comparaison de la structure génomique avec des
banques de données affiliait ces virus aux Flaviviridae, représentés en pathologie hépatique par le VHC. Le GBV-C et le VHG, homologues à
environ 95 %, sont considérés à ce jour comme deux virus d'un même genre. Bon candidat pour rendre compte des hépatites post-transfu-
sionnelles non A-E encore incomprises, ce virus a fait l'objet de recherches, notamment en transfusion sanguine. En effet, il se transmet par
voie parentérale. Le génome viral est retrouvé chez 1 à 4 % des donneurs de sang et persiste jusqu'à dix ans chez certains patients. N'expliquant
certainement pas à lui tout seul ces hépatites post-transfusionnelles non A-E, il a été incriminé dans certains cas d'hépatites fulminantes ou
chroniques, mais des résultats récents tendent à diminuer fortement son rôle pathologique. Bien qu’il soit associé couramment au VHC, aucu-
ne complication de la maladie liée au VHC ne lui a été imputée à ce jour, rendant finalement le GBV-C/VHG “orphelin” de pathologie hépa-
tique ou d'autre maladie. Ces résultats sont soutenus par l'absence de réplication virale dans le tissu hépatique, rapportée par plusieurs
équipes.
Son mode particulier de découverte, sa variabilité plus modeste que celle du VHC malgré son caractère ubiquiste, la discussion autour de la
présence ou de l'absence de la capside en font cependant un modèle original. Aujourd'hui, la question du dépistage systématique en transfusion
sanguine par biologie moléculaire (car la présence d'anticorps détectés par ELISA ne signe qu'une infection passée), même si elle est peu conce-
vable, reste à notre sens ouverte, car il est peut-être encore trop tôt pour conclure à une parfaite innocuité à moyen ou long terme de ce virus.
Mots-clés :
VHG - Hépatite G - GBV-C - Hépatite virale - Flaviviridae.
1.
Service de bactériologie, virologie, hygiène.
2.
Médecine interne hémato-immunopathologie, Hôpital Avicenne, URF de
santé, médecine et biologie humaine, “Léonard-de-Vinci”, Université Paris-
Nord, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny.
L
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 9 - novembre 1998
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Dans les symposiums parallèles organisés par les deux firmes
commerciales au sein des congrès scientifiques en 1995-96,
trois questions émergeaient :
Les virus GB et le VHG appartenaient-ils au même groupe
viral ?
Quelles étaient les caractéristiques de la pathologie induite ?
La ressemblance (même lointaine) avec le virus de l’hépatite
C permettait-elle d’appliquer les connaissances si rapidement
acquises au début des années 90 (quasi-espèces, variabilité
génétique, échappement immunitaire, impact des thérapeu-
tiques par l’interféron...) directement du VHC au virus GBV-
C/VHG ?
Nous souhaiterions, au cours de cette brève revue, tenter de
répondre à ces trois questions à la lumière de nombreuses publi-
cations sur le sujet concernant ce “harmless G virus”(4),encore
libellé “flavivirus humain orphelin” (5) ou virus “dit de l’hé-
patite G” (6) et qui pose le problème de sa transmission san-
guine (7, 8). Pour notre part, nous utiliserons la dénomination
proposée par A.J. Zuckerman : virus GBV-C/VHG (9).
LE VIRUS DE L’HÉPATITE G ET LE GBV-C
APPARTIENNENT-ILS À UN MÊME GROUPE VIRAL ?
La réponse au prime abord est incontestablement oui ! Le sus-
pense s’est affaibli en raison de la caractérisation successive de
séquences génomiques complètes de virus GBV-C/VHG
d’Afrique (n = 2) (10, 11), d’Amérique du Nord (n = 2) (3), du
Japon (n = 4) et de Chine (n = 1) (12, 13, 14). La comparaison
des séquences totales conduit effectivement à rapprocher
ces virus des Flaviviridae. Ces derniers sont des virus enve-
loppés, dont le génome est constitué d’un ARN de polarité posi-
tive. Son organisation génomique comprend successivement
(figure 1) :
Une région 5’non codante de 560 nucléotides jouant un rôle
d’interaction privilégiée de l’ARN avec les ribosomes cellu-
laires afin de traduire le cadre de lecture ouvert.
Le cadre de lecture ouvert exprimant une polyprotéine dont
les fonctions putatives sont définies par comparaison avec les
autres génomes connus des Flaviviridae : si une incertitude
demeure sur l’existence ou non d’un gène codant pour la cap-
side (voir infra), les gènes d’enveloppe E1 et E2 sont constam-
ment retrouvés et sont suivis par les régions “non structurales” :
NS2/NS3/NS4/NS5a et NS5b, elles-mêmes prolongées par une
région 3’non codante.
Une région 3’ non codante remarquablement conservée de
315 nucléotides (12).Comme on le voit sur la figure 1, la struc-
ture schématique rappelle très clairement les génomes du GBV-
B et du VHC ou d’autres pestivirus par sa longueur et son orga-
nisation. Cependant, l’homologie de la polyprotéine est
seulement de 28-28,4 % avec le virus GBV-B et de 26,8-29 %
avec la souche prototype du VHC (3, 10) (rappelons que deux
séquences nucléotidiques aléatoires ont une similarité de 25 %).
Chez les Flaviviridae, l’homologie la plus grande est observée
vis-à-vis du GBV-A (43,8-48 %) (3, 10).
L’analyse des séquences nucléotidiques partielles de nombreux
isolats permet d’avoir des informations dans les régions non
codantes, NS3 et NS5a pour des isolats d’origine géographique
variée (Mongolie,Afrique, Nicaragua, Japon, Corée, Taïwan...).
Il est donc tentant d’aborder la variabilité génétique du virus
GBV-C/VHG sous le même angle que celle du virus C. La com-
paraison de l’ensemble des neuf souches virales dont le génome
complet est disponible en août 1997 montre probablement l’exis-
tence d’au moins trois “types” (sous-espèces ?) de virus GBV-
C/VHG (13, 12) (figure 2, p. 436). L’étude collaborative de
M. Mukaide et coll. reprenant les différentes séquences publiées
en 5’ non codant, ajoutées à de nouvelles séquences partielles,
Génome du virus GBV-C/VHG 9 400 nucléotides
5' non
codante
E1 E2 NS2 NS3 4 NS4b NS5a NS5b
Capside
discutée
Glycoprotéines
d'enveloppe
Hélicase
protéase ARN polymérase
ARN dépendante
Les Ac anti-E2 seraient neutralisants
3' non
codante
Figure 1. Représentation schématique du génome du virus GBV-C/VHG. Le génome est composé de trois régions : une région de régulation de la traduc-
tion (5' non codante), une portion codante centrale, une zone de régulation de la réplication en 3'. L'organisation de la portion codante en gènes structu-
raux et non structuraux incite à rapprocher le génome du GBV-C/VHG des flaviviridae. On remarque cependant que le gène de la capside semble absent
dans la majorité des isolats séquencés. En effet, plusieurs signaux initiateurs “AUG” sont présents en phase, mais seul l'AUG situé immédiatement en amont
du gène E1 est constamment retrouvé au sein des souches.
VIROLOGIE
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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 9 - novembre 1998
retrouve également trois branches monophylétiques : une “afri-
caine”, une “ubiquiste” et une “asiatique” (15). Ces données ont
été confirmées récemment par les principaux groupes travaillant
sur le sujet (16, 17). Ainsi, le VHG (souche d’Amérique du
Nord) n’appartient pas au même groupe que le GBV-C africain.
Nous avons repris l’ensemble des séquences disponibles dans
la banque de séquences (GenBank) en août 1997, et nous avons
retrouvé une distribution voisine en analysant les 2 030 nucléo-
tides de région NS3 des isolats dont la séquence complète est
publiée (figure 2). Si une arborescence avec trois groupes prin-
cipaux est majoritairement dessinée, le faible nombre de
séquences complètes (en particulier pour les isolats africains)
et le faible score de rééchantillonnage de ce groupement
(rééchantillonnage permettant de valider l’arbre obtenu) lais-
sent entendre que d’autres génotypes, en particulier africains,
pourraient être prochainement caractérisés. Ainsi, le VHC et le
GBV-C, bien qu’appartenant au même genre viral, sont proba-
blement tous deux chefs de file de deux groupes viraux diffé-
rents. Cependant, on n’atteint pas la très grande diversité du
VHC, où les isolats de génotypes différents sont parfois éloi-
gnés de plus de 30-35 % des nucléotides.
Cette diversité moins grande pourrait être liée à une variabilité
plus modeste du virus GBV-C/VHG par rapport au VHC.
Appuyant cet argument, l’observation isolée du virus d’une
patiente hémodialysée aborde l’évolution de la souche virale à
8,5 ans d’intervalle (trois séquences complètes pour chaque iso-
lat) (13). Les résultats montrent une grande conservation avec,
au sein des 31 mutations observées, seulement 5 mutations non
silencieuses. Ces mutations confèrent au génome un taux de
mutation par nucléotide et par an de 3,9 10-4(inférieur à ce qui
est habituellement décrit pour le VHC : 1,4 à 1,9 10-3). Une sta-
bilité apparente plus grande du génome viral était constatée,
sans évidence de zones “hypervariables”. Il existe, en effet, une
contrainte du génome viral non seulement dans la survenue de
mutations non silencieuses, mais également pour des mutations
silencieuses (17). Chez cette patiente hémodialysée, infectée
secondairement par le VHC, un taux élevé de mutations dans
les régions hypervariables du gène E2 de la glycoprotéine d’en-
veloppe du VHC indiquait que le taux de mutation modeste du
génome du GBV-C/VHG ne semblait pas lié à une immuno-
dépression de la patiente (13).
UN VIRUS SANS CAPSIDE
Très classiquement, dans la définition structurale des virus, la
capside représente un élément majeur. L’enveloppe virale de
nature phospholipidique est certes inconstante, définissant des
“virus nus” ou “enveloppés”, mais il n’est cependant pas habi-
tuel pour un virus d’être délété dans le gène de la capside. Or,
des comparaisons virales GBV/Flaviviridae ont fait émettre
l’hypothèse d’une absence partielle, voire complète, de région
codant pour la capside pour les virus GBV-C/VHG et GBV-A
(3, 12, 10, 16).
Pour J. Linnen et coll. (3), les 58 aa de la région NH2 termi-
nale posséderaient cependant un pourcentage de résidus argi-
nine (19 %) proche de celui retrouvé dans la protéine de la cap-
side (protéine de 191 aa) du VHC : 18,3 %. Mais cette région
paraît être de longueur variable (12, 16). En ce qui concerne
l’initiation de la traduction, quatre sites ont été évoqués : la
Groupe africain
Groupe asiatique
Asie, Japon, Pérou,
Chine (?)
Groupe ubiquiste
États-Unis, Europe
(Allemagne, Grèce,
Royaume-Uni),
Australie, Argentine
78 %
92 %
U36380 (Afrique de l'Ouest)
U63715 (Afrique de l'Est)
U75356 (Chine)
D90601 (Japon)
D87262 (Japon)
D87263 (Japon
D87255 (Japon)
U44402 (États-Unis)
D90600 (Japon)
U45966 (États-Unis)
0.1
gbv-A.NS3
Figure 2. Étude phylogénétique des ADN
complémentaires des génomes de GBV-
C/VHG dans la région NS3 (codant pour la
protéase/hélicase). Les résultats représentés
correspondent à l'analyse par méthode de dis-
tance sur 2 030 bases de la région NS3. Les
applications Dnadist (distance), Dnapars
(parcimonie) et Dnaml (maximum de vrai-
semblance) du programme PHYLIP version
3,572 ont apporté la même topographie des
regroupements (non représenté). Le virus
GBV-A a été choisi comme “outgroup”. Un
rééchantillonnage des données est indiqué en
pourcentage. Les groupes encadrés repré-
sentent les isolats classés groupe 1 (africain
de l'Ouest), 2 (ubiquiste) et 3 (asiatique) selon
Muerhoff et coll., 1997.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 9 - novembre 1998
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position 214 pour un isolat (protéine de 114 aa), la position 353
(67 ou 68 aa), la position 463 (31 aa) et enfin, retrouvée pour
tous les isolats, la position 562 (14 aa) (18) où le codon méthio-
nine précède une zone codant pour le peptide signal hydro-
phobe précédant la région E1. De plus, in vitro, la présence de
523 nucléotides de la région 5’non codante privilégie l’initia-
tion de la traduction à partir de ce codon méthionine proche de
la région E1 (19).
L’hypothèse de virus “sans capside” est donc encore évoquée.
Des explications alternatives sont cependant imaginées.
L’hypothèse d’un virus “helper” qui complémenterait le GBV-
C/VHG dans sa capside a été suggérée ; le virus C apparaissait
comme un bon candidat compte tenu de la très haute fréquence
d’association d’infection. La participation d’une protéine cel-
lulaire dans la construction de la particule serait une alterna-
tive très intéressante qu’il faudrait explorer. Enfin, si l’on sort
du modèle Flaviviridae,on pourrait imaginer un épissage alter-
natif qui, dans un autre cadre de lecture, trouverait une protéine
de capside codée par le virus GBV-C/VHG. Récemment, une
nucléocapside virale s’équilibrant en gradient de césium à une
densité de 1,18 g/ml a été décrite (20).Cependant, pour d’autres
auteurs, la dégradation de l’ARN viral après traitement au NP40
à une concentration dégradant les membranes suggère que
l’ARN du VHG est moins bien protégé que l’ARN du VHC,
qui demeure amplifiable après un tel traitement (21).
RÉPLICATION
Pour comprendre la physiopathologie du GBV-C/VHG, l’étude
de la réplication virale dans le foie, avec toutes les difficultés
techniques qu’elle représente, n’a pas réussi à incriminer ce
virus dans une pathologie hépatique. En effet, deux équipes ont
étudié l’hypothèse d’une réplication de ce virus dans le tissu
hépatique chez des patients atteints de maladie hépatique chro-
nique porteurs ou non du VHC (22, 23, 24). Malgré la présence
du génome viral (= ARN brin “positif”) dans le sérum et par-
fois même en quantité très faible dans le foie, aucune détection
de l’ARN brin “négatif” (reflétant l’intermédiaire de la répli-
cation) n’a été retrouvée dans ces études. Le foie ne paraît donc
pas être le site primaire de réplication de ce virus ; cela concorde
avec l’analyse actuelle du pouvoir pathogène hépatique, comme
nous allons le voir. De fait, le tropisme du virus reste à décou-
vrir puisque la recherche de la réplication du GBV-C/VHG dans
les cellules mononucléées sanguines est également peu pro-
bable.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic de l’infection par le GBV-C/VHG repose prin-
cipalement sur la détermination moléculaire de l’ARN viral par
RT-PCR (transcription inverse puis amplification génique).
Quelle que soit la technique utilisée (“maison” ou kits com-
mercialisés dont les résultats sont très concordants (25, 26), les
régions génomiques choisies généralement pour l’amplifica-
tion sont le 5’non codant (5’NC), la région NS3/hélicase et la
région NS5. Très récemment, Andronov et coll. ont testé six
paires d’amorces spécifiques des régions 5’NC et/ou NS5a (27).
L’étude de chaque région a montré une sensibilité d’environ
95 % mais l’amplification en parallèle des deux régions est l’ap-
proche la plus sensible, car elle permet l’élimination des faux
négatifs dus à l’hétérogénéité génétique des virus. L’approche
sérologique par mise en évidence des anticorps anti-E2
par ELISA,quant à elle, n’apporte qu’une information
tardive puisque ces anticorps sont des marqueurs d’infection
passée (22).
UNE PRÉVALENCE APPAREMMENT LARGE
ET UN POUVOIR PATHOGÈNE PROBABLEMENT LIMITÉ
Orientées par une recherche dans un contexte de pathologie
post-transfusionnelle, les données se sont rapidement accumu-
lées depuis la mise en évidence des virus GBV-C/VHG, sans
qu’un pouvoir pathogène soit clairement établi. Cependant, lors
de la rencontre avec les virus GBV-C/VHG, on note :
Une prévalence d’infection, qui, appréciée par la mise en évi-
dence de l’ARN viral, est importante dès qu’un contexte trans-
fusionnel est souligné. Cela s’explique par une prévalence éga-
lement relativement élevée dans la population des donneurs de
sang (tableau I) (28-33).
Un portage chronique qui paraît élevé. Avec un suivi d’une à
neuf années, une détection chronique du GBV-C/virus G a été
retrouvée dans trois cas sur quatre (75 %). Ce taux passe à 87 %
en cas d’infection C associée (34). Le faible nombre de cas
décrits ne permettait cependant pas de mettre en évidence une
pathologie hépatique liée au GBV-C/VHG.
En ce qui concerne les pathologies hépatiques, les données sont
en revanche controversées.
Tableau I. Prévalence de l'infection au GBV-C/VHG chez les
donneurs de sang appréciée par la recherche de l'ARN viral.
Pays Nombre Référence
de positifs
sur nombre
de donneurs
testés (%)
France 21/500 (4,2 %) Loiseau et coll.,
Transfusion 1997 ; 37 : 645-50.
États-Unis 7/500 (1,4 %) Alter et coll.
N Engl J Med 1997 ; 336 : 747-54.
Italie 1/100 (1 %) Fiordalisi et coll.
J Infect Dis 1996 ; 174 : 181-3.
Allemagne 5/106 (4,7 %) Heringlake et coll.
Lancet 1996 ; 348 : 1626-9.
Australie 4/100 (4 %) Moaven et coll.
Med J Aust 1996 ; 165 : 369-71.
Japon 1/129-200 Nakatsuij et coll.
J Viral Hepat 1996 ; 3 : 307-16.
(0,5-0,8 %) Orito et coll.
Virus Res 1996 ; 46 : 89-93.
VIROLOGIE
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Au cours des hépatites post-transfusionnelles, le virus de l’hé-
patite G ne rend certainement pas compte de la totalité des hépa-
tites résiduelles non liées au B ou au C. En effet, la prévalence
dans ce contexte (hépatite post-transfusionnelle “non A-E”) ne
dépasse pas 12,3 % (35). Ce taux, plus élevé lors d’une autre
infection virale B ou C, reflète probablement le risque commun
de transmission sanguine (34). Dans un travail récent de T.L.
Yashina et coll.,l’ARN du VHG a été retrouvé chez un seul
patient sur 28 (4 %) présentant une hépatite “non A-E”, alors
que ce virus était présent chez 41 % des individus infectés par
le VHC (9/22) (36). Cela suggère que le VHG n’est pas l’agent
étiologique principal des hépatites post-transfusionnelles
encore inexpliquées.
Pour les hépatites fulminantes, M. Yoshiba, S. Heringlake et
coll. ont mis en évidence dans deux études une prévalence de
GBV-C/VHG dans 50 % des cas [3 cas sur 6 (37) et 11 cas sur
22 (31)]. Cette prévalence significativement plus élevée que
dans la population de donneurs de sang faisait émettre l’hypo-
thèse d’un rôle du GBV-C/VHG dans la genèse des hépatites
fulminantes (HF), en particulier en présence de mutations du
gène NS3, majoritairement mais non exclusivement retrouvé
dans ce contexte (31). Cependant, ces données sont modulées
par deux autres études (38, 39). Pour ces deux groupes, l’étude
soigneuse du calendrier des transfusions au cours de l’hépatite
fulminante élimine un rôle initial du virus, mais traduit sa trans-
mission associée aux transfusions reçues.
Dans le contexte des hépatites cryptogéniques, le portage chro-
nique du virus G/GBV-C pourrait s’associer de façon signifi-
cative à une élévation des gammaglutamyl transpeptidases et
des phosphatases alcalines (40). Cependant, le virus ne serait
qu’occasionnellement pathogène pour le foie. Si un groupe ita-
lien évoque une positivité de l’ARN du VHC chez 39 % des
patients atteints d’hépatite cryptogénique (32), les prévalences
habituellement retrouvées seraient plus proches de 12 %-14 %
des cas (41, 40).
Dans le contexte d’infection virale C, de très nombreux auteurs
ont montré que le virus G/GBV-C s’associait fréquemment à
la pathologie liée au VHC [12 % (42), 15 % (43), 21 % (44),
26,5 % (45), 66,7 % (46)]. Cette association confirme la trans-
mission par la transfusion et les conduites exposant au sang
(injections intraveineuses...). Il n’est donc pas rare de mettre
en évidence, à l’occasion du diagnostic d’une infection par le
VHC, une infection associée au virus GBV-C/VHG qui peut
être antérieure, conjointe ou postérieure (13). En revanche, avec
le recul dont nous disposons, il ne semble pas y avoir d’aggra-
vation des hépatopathies liées au VHC lorsque l’infection par
le VHC s’associe à une infection par le GBV-C/VHG (43, 44).
Un groupe italien note cependant un score moyen de stéatose
plus important dans le groupe infecté par le GBV-C (45). Ces
données doivent être modulées par le fait que les personnes
infectées par le C et le GBV-C/VHG paraissent plus jeunes que
les patients infectés par le C seul (45, 47). Le virus est, en effet,
retrouvé en cas de toxicomanie i.v. dans plus de 30 % à 85 %
des cas (44, 48, 49, 50). On ne peut exclure un biais lié à la
durée du suivi après contamination GBV-C/VHG qui serait
moindre que lors d’une contamination au VHC.
Dans le contexte de pathologie dysimmunitaire, on retrouve
peu le virus GBV-C/VHG. Heringlake, dans le groupe de
M.P. Manns, s’est intéressé aux patients atteints d’hépatite auto-
immune (HAI), et n’a pas retrouvé de prévalence d’infection
par le GBV-C/VHG plus importante qu’au cours des hépato-
pathies cryptogénétiques (type I, II, III respectivement 6,7 %,
10 % et 12,5 % versus 12 % pour les cryptogénétiques) (41).
Au cours du lichen plan, le génome du GBV-C/VHG n’a été
retrouvé que dans le contexte d’une infection associée au VHC
(51). Pour notre part, nous avons recherché un lien entre des
vascularites et une infection par ce virus (A. Servant et coll.,
soumis pour publication). Nous avons recherché par amplifi-
cation génomique de la région NS5a la présence du génome du
GBV-C/VHG dans le sérum de 56 patients atteints de vascula-
rite. Nous avons retrouvé 7 % de patients infectés (tableau II).
Parmi les quatre patients infectés par le GBV-C/VHG, trois
étaient co-infectés par le VHB et le dernier avait eu une trans-
fusion sanguine. Ces résultats suggèrent qu’il n’y a pas de rela-
tion de cause à effet entre le GBV-C/VHG et la survenue d’une
vascularite, la prévalence d’infection par le GBV-C/VHG étant
voisine de 10 %-15 % dans le contexte d’infections au VHB.
Quel rôle peut-on attribuer au GBV-C/VHG dans les aplasies
médullaires ? Les observations initiales d’aplasies médullaires
associées au GBV-C/VHG ont conduit de nombreux auteurs à
rechercher ce virus dans ce contexte. En résumé, il n’est actuel-
lement pas possible d’attribuer à ce virus un rôle causal dans
les aplasies médullaires (52, 53).
COMMENT LE GBV-C/VHG SE TRANSMET-IL ?
Il y a apparemment un paradoxe entre une prévalence plus éle-
vée d’infection à GBV-C/VHG que d’infection à VHC chez les
donneurs de sang et l’âge moins élevé des individus infectés.
Compte tenu du modèle de l’infection par le VHC, on peut évo-
quer soit un portage chronique, encore plus élevé pour le GBV-
C/VHG, soit des modes différents de transmission. Les travaux
de Stark (54) et de Tacke (55) apportent quelques arguments
de réponse. Chez les toxicomanes, contrairement au VHC où
la prévalence augmente avec le temps, la prévalence de l’ARN
du GBV-C/VHG diminue avec l’ancienneté de la toxicomanie
(> 5 ans). En effet, cette prévalence passe de 53 % (21/40
patients avec une toxicomanie < 5 ans) à 29 % (17/59 pour une
Tableau II. Prévalence de la réplication au GBV-C/VHG appré-
ciée par la PCR de la région NS5a chez 57 patients atteints de
vascularite.
Vascularite Nombre Résultat (%)
de patients positif
testés
Micropolyangéite 11 1 9,1
Maladie de Wegener 9 0
Maladie de Churg et Strauss 7 0
Périartérite noueuse classique 10 0
Périartérite noueuse
liée au VHB* 19 3 15,7
Total 56 4 7,1
* Patients porteurs de l'AgHBs.
1 / 7 100%
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