VIROLOGIE
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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 9 - novembre 1998
Au cours des hépatites post-transfusionnelles, le virus de l’hé-
patite G ne rend certainement pas compte de la totalité des hépa-
tites résiduelles non liées au B ou au C. En effet, la prévalence
dans ce contexte (hépatite post-transfusionnelle “non A-E”) ne
dépasse pas 12,3 % (35). Ce taux, plus élevé lors d’une autre
infection virale B ou C, reflète probablement le risque commun
de transmission sanguine (34). Dans un travail récent de T.L.
Yashina et coll.,l’ARN du VHG a été retrouvé chez un seul
patient sur 28 (4 %) présentant une hépatite “non A-E”, alors
que ce virus était présent chez 41 % des individus infectés par
le VHC (9/22) (36). Cela suggère que le VHG n’est pas l’agent
étiologique principal des hépatites post-transfusionnelles
encore inexpliquées.
Pour les hépatites fulminantes, M. Yoshiba, S. Heringlake et
coll. ont mis en évidence dans deux études une prévalence de
GBV-C/VHG dans 50 % des cas [3 cas sur 6 (37) et 11 cas sur
22 (31)]. Cette prévalence significativement plus élevée que
dans la population de donneurs de sang faisait émettre l’hypo-
thèse d’un rôle du GBV-C/VHG dans la genèse des hépatites
fulminantes (HF), en particulier en présence de mutations du
gène NS3, majoritairement mais non exclusivement retrouvé
dans ce contexte (31). Cependant, ces données sont modulées
par deux autres études (38, 39). Pour ces deux groupes, l’étude
soigneuse du calendrier des transfusions au cours de l’hépatite
fulminante élimine un rôle initial du virus, mais traduit sa trans-
mission associée aux transfusions reçues.
Dans le contexte des hépatites cryptogéniques, le portage chro-
nique du virus G/GBV-C pourrait s’associer de façon signifi-
cative à une élévation des gammaglutamyl transpeptidases et
des phosphatases alcalines (40). Cependant, le virus ne serait
qu’occasionnellement pathogène pour le foie. Si un groupe ita-
lien évoque une positivité de l’ARN du VHC chez 39 % des
patients atteints d’hépatite cryptogénique (32), les prévalences
habituellement retrouvées seraient plus proches de 12 %-14 %
des cas (41, 40).
Dans le contexte d’infection virale C, de très nombreux auteurs
ont montré que le virus G/GBV-C s’associait fréquemment à
la pathologie liée au VHC [12 % (42), 15 % (43), 21 % (44),
26,5 % (45), 66,7 % (46)]. Cette association confirme la trans-
mission par la transfusion et les conduites exposant au sang
(injections intraveineuses...). Il n’est donc pas rare de mettre
en évidence, à l’occasion du diagnostic d’une infection par le
VHC, une infection associée au virus GBV-C/VHG qui peut
être antérieure, conjointe ou postérieure (13). En revanche, avec
le recul dont nous disposons, il ne semble pas y avoir d’aggra-
vation des hépatopathies liées au VHC lorsque l’infection par
le VHC s’associe à une infection par le GBV-C/VHG (43, 44).
Un groupe italien note cependant un score moyen de stéatose
plus important dans le groupe infecté par le GBV-C (45). Ces
données doivent être modulées par le fait que les personnes
infectées par le C et le GBV-C/VHG paraissent plus jeunes que
les patients infectés par le C seul (45, 47). Le virus est, en effet,
retrouvé en cas de toxicomanie i.v. dans plus de 30 % à 85 %
des cas (44, 48, 49, 50). On ne peut exclure un biais lié à la
durée du suivi après contamination GBV-C/VHG qui serait
moindre que lors d’une contamination au VHC.
Dans le contexte de pathologie dysimmunitaire, on retrouve
peu le virus GBV-C/VHG. Heringlake, dans le groupe de
M.P. Manns, s’est intéressé aux patients atteints d’hépatite auto-
immune (HAI), et n’a pas retrouvé de prévalence d’infection
par le GBV-C/VHG plus importante qu’au cours des hépato-
pathies cryptogénétiques (type I, II, III respectivement 6,7 %,
10 % et 12,5 % versus 12 % pour les cryptogénétiques) (41).
Au cours du lichen plan, le génome du GBV-C/VHG n’a été
retrouvé que dans le contexte d’une infection associée au VHC
(51). Pour notre part, nous avons recherché un lien entre des
vascularites et une infection par ce virus (A. Servant et coll.,
soumis pour publication). Nous avons recherché par amplifi-
cation génomique de la région NS5a la présence du génome du
GBV-C/VHG dans le sérum de 56 patients atteints de vascula-
rite. Nous avons retrouvé 7 % de patients infectés (tableau II).
Parmi les quatre patients infectés par le GBV-C/VHG, trois
étaient co-infectés par le VHB et le dernier avait eu une trans-
fusion sanguine. Ces résultats suggèrent qu’il n’y a pas de rela-
tion de cause à effet entre le GBV-C/VHG et la survenue d’une
vascularite, la prévalence d’infection par le GBV-C/VHG étant
voisine de 10 %-15 % dans le contexte d’infections au VHB.
Quel rôle peut-on attribuer au GBV-C/VHG dans les aplasies
médullaires ? Les observations initiales d’aplasies médullaires
associées au GBV-C/VHG ont conduit de nombreux auteurs à
rechercher ce virus dans ce contexte. En résumé, il n’est actuel-
lement pas possible d’attribuer à ce virus un rôle causal dans
les aplasies médullaires (52, 53).
COMMENT LE GBV-C/VHG SE TRANSMET-IL ?
Il y a apparemment un paradoxe entre une prévalence plus éle-
vée d’infection à GBV-C/VHG que d’infection à VHC chez les
donneurs de sang et l’âge moins élevé des individus infectés.
Compte tenu du modèle de l’infection par le VHC, on peut évo-
quer soit un portage chronique, encore plus élevé pour le GBV-
C/VHG, soit des modes différents de transmission. Les travaux
de Stark (54) et de Tacke (55) apportent quelques arguments
de réponse. Chez les toxicomanes, contrairement au VHC où
la prévalence augmente avec le temps, la prévalence de l’ARN
du GBV-C/VHG diminue avec l’ancienneté de la toxicomanie
(> 5 ans). En effet, cette prévalence passe de 53 % (21/40
patients avec une toxicomanie < 5 ans) à 29 % (17/59 pour une
Tableau II. Prévalence de la réplication au GBV-C/VHG appré-
ciée par la PCR de la région NS5a chez 57 patients atteints de
vascularite.
Vascularite Nombre Résultat (%)
de patients positif
testés
Micropolyangéite 11 1 9,1
Maladie de Wegener 9 0
Maladie de Churg et Strauss 7 0
Périartérite noueuse classique 10 0
Périartérite noueuse
liée au VHB* 19 3 15,7
Total 56 4 7,1
* Patients porteurs de l'AgHBs.