étroitement liée aux disputes du début du XX siècle sur la ‘glorification du Nom’ [ndr.
Imeslavie]; la manifestation de l’être était organisée sur la base d’une analyse minutieuse (67
catégories) de la nature du « nom » et du « mot ». Pour Losev , le nom représentait un
moment particulier de la rencontre du « sens », inhérent à la pensée humaine et du « sens »
immanent à l’être de la chose. Dans son traité philosophique, Losev affirmait que dans le
monde, y compris la nature non-vivante, tout est sens, et que, pour cette raison, la philosophie
de la nature et la philosophie de l’esprit s’unissent dans la Philosophie du nom, en tant
qu’auto-découverte du sens. Le nom dans son expression achevée, est compris comme
l’« idée », saisissant et soulignant l’ « eidos », l’être essentiel de la chose. Il acquiert son plus
grand accomplissement et sa plus grande profondeur quand il embrasse la couche secrète et
« mystique » de l’être, quand il se découvre comme un mythe, pensé lui-même non point
comme une fiction, mais au contraire comme auto-manifestation complète et ultime et
connaissance par soi-même de la réalité. Selon Losev, la philosophie du nom coïncide avec la
conscience que l’être peut avoir de lui-même et, en général, avec la philosophie, car le nom,
compris ontologiquement, est le sommet de l’être qui s’atteint dans son auto-découverte
immanente. En 1930, parurent une série de publications comportant une critique acerbe de
« La dialectique du mythe » de Losev (L.M. Kaganovitch, M. Gorki, et autres). Le philosophe
était qualifié d’ennemi de classe, d’obscurantiste, de réactionnaire, de membre des Cents
Noirs et de monarchiste. Les conclusions de la commission d’enquête conduirent à
l’arrestation et au transfert dans un camp de travail du canal de la Mer blanche. Après sa
libération en 1933, Losev se consacra exclusivement, pendant presque 20 ans, à l’activité
pédagogique dans le domaine de la philologie classique. En 1943, on lui accorda le titre de
Docteur en sciences philologiques pour l’ensemble de ses travaux. Au début des années 50,
après de nombreuses années de silence imposé, commence une nouvelle période de création
philosophique. Le bilan de cette période fut la publication d’environ 400 travaux scientifiques
(près de 30 monographies). Parmi ces livres de Losev, une place à part revient à l’ouvrage de
8 tomes Istorija antičnoj estetiki [Histoire de l’esthétique antique], Ellinističeski-rimskaja
estetika [L’Esthétique hellénique et romaine], Estetika Vozroždenija [L’Esthétique de la
Renaissance], Problema simvola i realističeskoe iskusstvo [Le Problème du symbole et de
l’art réaliste], Vladimir Soloviev i ego vremja [Vladimir Soloviev et son temps]. Dans toute la
série de ses travaux tardifs, Losev tenta dans une certaine mesure de rapprocher son
enseignement philosophique du marxisme, mais il ne parvint pas à une réelle synthèse. Pour
ce penseur qui fut un captif du platonisme toute sa vie, il apparut impossible de marier le style
de la pure philosophie et le système idéologisé à l’extrême du marxisme de cette époque.