Les virus de l`Ail : état de la recherche et moyens de lutte

Sauve qui peut ! n°09 (1996)
Les virus de l'Ail : état de la recherche et moyens
de lutte
par Hervé Lot et Brigitte Delécolle
INRA, Pathologie végétale, domaine Saint-Maurice, 84143 Montfavet cedex.
Comme la plupart des espèces à multiplication végétative, l'Ail est chroniquement infecté par
plusieurs virus. Depuis les premiers travaux sur la " mosaïque ", les recherches sur les
éléments du complexe viral ont bien progressé ces dernières années, en particulier à l'INRA
de Montfavet, grâce à la technique de l'immunoélectromicroscopie. L'identification, la
caractérisation et la détection de plusieurs virus ont été conduites, permettant ainsi d'améliorer
la sélection sanitaire et la prévention contre ces virus. Ainsi, on a pu mettre en évidence trois
virus dont les effets sur les rendements peuvent être considérables. D'autres virus dont les
effets sont faibles ou méconnus, sont assez généralement répandus sur tous les continents.
1. Les virus pathogènes
- Le virus de la Bigarrure de l'oignon (Onion Yellow Dwarf Virus, OYDV) est un virus de
la famille des Potyviridae transmis par pucerons selon le mode non persistant. C'est un virus
d'importance majeure répandu mondialement. Il est responsable de symptômes de mosaïque
graves en stries jaunes et de pertes de rendement parfois supérieures à 50%.
- Le virus de la Striure du poireau (Leek Yellow Stripe Virus, LYSV) a été détecté en
France dans les années 1990. Il s'agit aussi d'un potyvirus transmis par pucerons selon le
mode non persistant et mondialement répandu. En début de végétation le LYSV provoque des
symptômes de mosaïque verte visible sur les feuilles âgées ou intermédiaires ; par la suite ces
symptômes s'intensifient et des stries apparaissent sur les jeunes feuilles. La croissance des
plantes est moins affectée que dans le cas de l'OYDV, mais les baisses de rendement peuvent
être importantes (de 30 à 60 % selon les variétés). L'infection simultanée avec l'OYDV accroît
les symptômes, la réduction de croissance et l'effet sur le rendement.
- Le virus du Nanisme de l'ail (Garlic Dwarf Virus, GDV) est un virus de la famille des
Reoviridae. Il provoque des symptômes caractéristiques de plantes atteintes de nanismeÆ: la
pseudo-tige ne se développe pas, les entre-noeuds sont très courts et donnent à la plante un
aspect bloqué en " tulipe ". Les feuilles sont épaissies et parfois violacées à leur extrémité, les
bulbes sont petits, mous, d'aspect spongieux avec des tuniques épaissies et ils contiennent peu
de caïeux. Ce nouveau virus dont la caractérisation a été réalisée en 1993, n'a été isolé jusqu'à
présent qu'en Ardèche et erratiquement dans la Drôme. Sa dissémination naturelle par vecteur
(cicadelle ?) n'a pu être mise en évidence. Celle-ci semble pouvoir être limitée par une
épuration soigneuse, rendue aisée par une symptomatologie caractéristique et le fait que les
plantes atteintes ont peu de caïeux viables.
Un antisérum spécifique du GDV a été récemment obtenu. La méthode ELISA (1) est efficace
et les modalités d'application du test sont en cours d'achèvement.
Les souches de LYSV comme celles d'OYDV infectant l'ail, semblent avoir une certaine
spécificité pour cet hôte. En effet, en conditions naturelles de dissémination comme en
infection artificielle, les isolats LYSV de poireau ou les isolats OYDV d'oignon n'infectent
pas (ou avec grande difficulté) l'ail.
Des antisérums ont été obtenus vis-à-vis de ces deux virus, et la méthode ELISA est pratiquée
avec succès. Ces tests sont utilisés pour le contrôle des nouvelles variétés indemnes de virus,
ainsi que dans le schéma de certification de l'état sanitaire des semences d'ail.
2. Les autres virus souvent associés aux virus pathogènes infectant l'Ail
- Le virus latent commun de l'ail (Garlic Common Latent Virus, GCLV) est un virus, transmis
par pucerons et appartenant au groupe des Carlaviridae. Il est présent dans toutes les variétés
d'ail cultivées dans le monde occidental, et plus rarement dans les variétés d'Asie du sud-est.
Il n'est pas responsable de symptômes et ne semble pas affecter les rendements.
- Le virus latent de l'échalote (Shallot Latent Virus, SLV) est un autre Carlavirus qui
prédomine dans le monde asiatique. Ses effets sur les symptômes et les rendements semblent
négligeables, mais sa variabilité est plus importante que celle du GCLV, ce qui rend sa
détection plus aléatoire.
- Les virus transmis par acariens :
Récemment dans plusieurs pays du monde, des virus non reliés à une famille de virus connue,
et transmis par acariens (Eriophyidés) ont été mis en évidence dans l'ail et dans d'autres
Allium. Des virus morphologiquement et sérologiquement similaires ont été identifiés par
notre laboratoire, dans plusieurs clones et variétés d'ail. Leur effet sur les symptômes et le
rendement est encore méconnu.
La mise au point d'une méthode de diagnostic est à l'étude, mais est retardée par les difficultés
inhérentes à la purification et à la large variabilité de ce type de virus.
3. les moyens de lutte
Actuellement, les seules méthodes de lutte sont axées sur la prévention.
La production et l'utilisation de semences d'ail indemnes de virus pathogènes, et cela pour
tous les types variétaux cultivés en France, est en constante augmentation. Les variétés
sélectionnées par sélection clonale, ou régénérées par culture de méristèmes, sont contrôlées
actuellement pour l'absence des trois virus pathogènes. Les tests de dépistage de l'OYDV et
du LYSV sont intégrés dans le schéma de sélection sanitaire aboutissant à la certification des
lots de semences. Ce schéma suit des normes précises d'isolement, de protection sous serre ou
sous tissu " insect-proof " suivant les générations, d'épuration et de contrôles divers.
L'utilisation d'aphicides est très peu efficace quand il s'agit de lutter contre les potyvirus
transmis selon le mode non persistant. Par contre, l'emploi de tissus " insect-proof "
correctement posés sur des sols bien désherbés, s'est montré parfaitement efficace et justifie
son coût. Cette méthode de prévention des épidémies est actuellement très largement utilisée
dans les cultures de multiplication de semences.
De nouvelles pistes de recherches sont explorées avec la découverte de résistance à l'OYDV
et au LYSV chez certains clones d'origines étrangères. L'étude de l'hérédité de cette résistance
devrait être possible puisqu'il s'agit de clones capables de produire quelques graines viables.
Le transfert de ces gènes dans d'autres clones nécessitera des techniques de génie génétique.
Note
(1) Méthode d'identification virale basée sur la réaction spécifique antigène-anticorps.
Encadré
Les espèces domestiques du genre Allium
Sous-genres et Sections
Espèces domestiquées
Noms communs
RHIZIRIDEUM (14 sections)
Rhizirideum
A. tuberosum
Ciboulette chinoise
Sacculiferum
A. chinense
Rak'kyo
Schoenoprasum
A. schoenoprasum
Ciboulette
Cepa
A. oschaninii
Echalote grise
On cultive aussi, de la section Cepa, des hybrides cepa x fistulosum diploïdes (A. proliferum
ou oignon vivipare, A. wakegi en Extrême Orient, auquel appartient l'échalote indonésienne "
Sumenep "), triploïdes : échalote américaine " Delta Giant ", ou tétraploïdes : " Beltsville
bunching onion ", et des triploïdes comportant deux génomes cepa et un génome inconnu
(galanthum pour van der Meer, mais non pour Hanelt).
CALOSCORDUM (1 section, pas d'espèce cultivée à des fins alimentaires)
Sous-genres et Sections
Espèces domestiquées
Noms communs
ALLIUM (5 sections)
Allium
A. sativum
Ail
A. porrum
Poireau
A porrum, ainsi qu'A. polyanthum (tétraploïdes à goût de poireau), ainsi que des tétraploïdes
et hexaploïdes de morphologie et de goût intermédiaire entre ail et A. polyanthum sont
regroupés par la plupart des auteurs récents en une grande espèce, A. ampeloprasum.
· MELANOCROMMYUM (16 sections) (pas d'espèce cultivée à des fins alimentaires)
Sous-genres et Sections
Espèces domestiquées
AMERALLIUM (15 sections)
(non attribuée)
(non attribuée)
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