Santé animale pour la santé humaine
Un savoir local contre les maladies du bétail
Lettre dinfo, Décembre 2015
Biovision
Un avenir pour tous, naturellement
2 | Thème
« Avec ce projet, nous avons des bases
pour aider les prochaines générations à vivre
avec le changement climatique »
Dr Douglas Machuchu
vétérinaire et chef d’équipe de VSF
à Isiolo, Kenya
Dromadaires contre sécheresse
(depuis 2010)
Connaissances locales contre
maladies animales (depuis 2014)
Avec la réintroduction de dromadaires, des semi-
nomades des zones arides et semi-arides ont
testé une alternative face au changement
climatique. L'élevage traditionnel de bovins,
d’ovins et de caprins a aussi été optimisé.
Activités dans l’année à venir :
Livraison à conditions favorables d’un dro-
ma daire à 50 autres personnes défavorisées
Formation d’autres éleveuses et éleveurs
au stockage, au traitement et à la vente du
lait de chamelle
Formation aux soins de santé préventifs et
au traitement des maladies animales les
plus courantes
Budget du projet 2015 – 2016 : 318’000 US$
Dons au ccp 87-193093-4
Santé animale pour
la santé humaine
La vie des peuples pasteurs
dépend en grande partie du
bien-être de leurs animaux.
En Afrique de l’Est, leur
situation ne fait qu’empirer.
Dans le nord du Kenya,
Biovision aide à améliorer la
santé des gens et des bêtes.
Les chèvres sont soit saines soit mortes –
telle est la devise des petits éleveurs. En
eet, une chèvre peut mourir subitement si
une maladie est diagnostiquée et soignée
trop tard. Pour faire face à de telles pertes,
les pasteurs
dans les zones arides et semi-
arides d’Afrique
de l’Est ont tendance à
garder de grands troupeaux en espérant
qu’un certain nombre survivront.
Mais ces dernières années, la région a été
frappé à plusieurs reprises par des séche-
resses qui ont décimé le bétail et plongé
les gens dans la misère. Dans ces contrées
déshéritées, les conditions météorologiques
extrêmes semblent s’accumuler. Du coup,
l’érosion augmente et les pâturages se
rétrécissent. Les prairies restantes, soumises
à une pression croissante, sont souvent
surexploitées.
Les soins de santé et le traitement
des maladies
Dans le nord-est du Kenya, Biovision cherche
avec Vétérinaires Sans Frontières Suisse
(VSF) et la population locale des moyens
d’échapper à ce cercle vicieux. Deux projets
sont en cours. Le premier, « Connaissances
locales contre maladies animales », met
l’accent sur le bien-être des animaux, les
soins, la détection précoce et le traitement
des maladies les plus courantes du bétail.
Objectif : des animaux en bonne santé, donc
des personnes en bonne santé, avec une
meilleure résistance aux conditions de vie
impitoyables. Au total, 2’000 éleveuses et
éleveurs, ainsi que leurs familles, bénéficient
de ce projet depuis dix-huit mois.
Camélidés plutôt que bovins
Dans le comté d’Isiolo, on a pris conscience
que les dromadaires pouvaient être une stra-
tégie d’avenir. Ce n’est pas le moindre succès
du deuxième projet intitulé « Dromadaires
contre la sécheresse », lancé par Biovision
et VSF dans la même région. En Afrique de
l’Est, l’élevage de camélidés avait fortement
diminué depuis un siècle, car les bovins
étaient économiquement plus intéressants.
Pourtant, avec l’irruption des sécheresses
extrêmes, le dromadaire est une bien meil-
leure aaire. Il surclasse aussi les chèvres et
les moutons. Il peut survivre jusqu’à deux
semaines sans eau et dévore avant tout les
feuilles d’acacia, toujours disponibles même
dans l’aridité la plus extrême.
Résistance aux eets du changement
climatique
Depuis 2013, la population dans la zone du
projet est sensibilisée aux avantages du
dromadaire. Au total, 50 chamelles gravides
ont été remises à des conditions abordables
à des personnes particulièrement défavori-
sées – notamment des mères célibataires.
Les bénéficiaires ont été formés à l’élevage,
aux soins et au traitement hygiénique du lait
de chamelle. On a aussi abordé la régulation
consciente entre troupeaux et utilisation
durable des pâturages dans les zones arides.
Les vétérinaires et des assistants locaux ont
été également formés à cet eet.
Avec ces deux projets modèles, Biovision
contribue aux stratégies permettant d’atténuer
les eets du changement climatique. | pl
Plus d’informations :
www.biovision.ch/ASAL-fr
Éthiopie
Somalie
Ouganda
Soudan
Tanzanie
Kenya
Lac
Victoria
Océan
Indien
Merti Sericho
Garba Tula
Oldonyiro
Nairobi
Isiolo
Wila Mohamed, assistant vétérinaire à Merti, avertit le propriétaire d’une chèvre
blessée du risque d’infection aiguë des plaies ouvertes (photo ci-dessus).
Biovision a permis à 50 personnes vivant une situation défavorisée d’acheter à des
conditions favorables une chamelle gravide et de recevoir une formation à
l’élevage, aux soins de santé et au traitement du lait (en bas à gauche).
L’amour des animaux est une condition importante pour un élevage réussi.
Les propriétaires de dromadaires apprécient leur nouveau troupeau.
Il leur garantit une vie meilleure et plus sûre (en bas à droite).
4 | Commentaire
Andreas Sicks
Responsable programmes
et partenariats
Au début des années nonante, j’ai pris
connaissance comme étudiant en géographie
du changement climatique mondial. Le Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat (GIEC) prédisait un avenir sombre
pour la Terre. De mes études, je savais aussi
que les deux tiers de l’Afrique ont des
précipitations annuelles qui ne permettent
pas de saison agricole permanente. Avec
le changement climatique, cette situation ne
ferait qu’empirer. Par exemple, la quantité
mais aussi la fiabilité des précipitations
seraient en forte diminution.
Aujourd’hui, les prévisions du GIEC sont
largement confirmées. Les bouleversements
générés par l’homme ont rendu la vie
encore plus dicile dans de nombreuses
régions d’Afrique.
Tous les signes indiquent tempête. Il est
urgent d’investir immédiatement dans des
systèmes de culture appropriés et dans
leur diusion. En Afrique de l’Est, Biovision
y contribue en mettant en place, avec
ses partenaires et les personnes touchées,
des mesures qui atténuent les graves
conséquences du changement climatique.
Des méthodes agro-écologiques augmentent
la rétention de l’eau et la fertilité du sol,
renforçant ainsi la résilience face à cette
rapide évolution.
Mais cela ne sut pas. Il faut maintenant
enfin des décisions et des mesures qui
limitent ecacement la hausse de la
température pour pouvoir contrôler l’impact
des changements en cours. La balle est à
Paris, à la Conférence climatique.
Déjà aujourd’hui, l’Afrique est douloureuse-
ment frappée. Durant le 20e siècle, les tempé-
ratures ont augmenté à travers le continent
d’un demi-degré en moyenne. LAfrique de
l’Est se réchaue encore plus vite. Selon les
stations de mesure au Kenya, en Ouganda,
au Rwanda et au Burundi, une hausse de
1,54° s’y est produite entre 1966 et 2006.
Cette évolution s’est accompagnée d’une
augmentation des événements climatiques
extrêmes. Durant les 25 dernières années,
les inondations et les sécheresses ont doublé
.
La Somalie, l’Éthiopie, le Kenya et la Tanzanie
ont été touchés en 2006 par des inondations
massives. En 2011/2012, la région a connu la
pire sécheresse depuis 60 ans.
Et ce n’est qu’un début. Selon les dernières
estimations du Groupe d’experts intergou-
vernemental sur l’évolution du climat (GIEC),
les températures vont encore augmenter en
Afrique de 1,5 à 4° jusqu’en 2100, selon les
diérents scénarios d’émissions.
LAfrique et l’Asie du Sud sont les plus
touchées
Alors qu’elle n’est pratiquement pour rien
dans les causes du changement climatique,
l’Afrique porte un énorme fardeau. C’est ce
que montre un rapport publié récemment par
la firme britannique Maplecroft, spécialisée
dans les analyses de risques. Par ailleurs,
il y a un danger extrêmement élevé de dégâts
massifs pour 32 pays. Presque tous sont en
Afrique et en Asie du Sud.
C’est l’agriculture qui est particulièrement
vulnérable. Le réchauement de l’atmosphère
est connecté à un changement radical dans
les régimes de précipitations. Les simula-
tions du modèle du Climate Service Center
allemand (CSC) prévoient une diminution de
20 % des pluies hivernal au sud et au nord de
l’Afrique et une hausse de près de 10 % des
précipitations sur toute l’année en Afrique
de l’Est.
90 % de la production agricole en Afrique
est tributaire de la pluviométrie, et donc
particulièrement vulnérable à la baisse des
précipitations. Mais une augmentation peut
aussi être problématique. On prévoit qu’elle
Le changement climatique
menace lagriculture africaine
Entre ceux qui ont causé
le réchauement planétaire
et ceux qui en sont les
principales victimes, le débat
est inégal. C’est l’Afrique
qui est particulièrement
touchée, alors qu’elle
n’engendre que
3 % des
émissions mondiales
de
gaz à eet de serre.
Elle subit maintenant des
conséquences de plus en
plus dramatiques.
Contexte | 5
Hansjakob Baumgartner
Biologiste et journaliste indépendant à Berne
se produira principalement sous la forme
de pluies violentes. Elles provoqueront
des inondations, détruiront les récoltes et
éroderont le sol.
Baisse des rendements en Afrique
Dans les zones froides et tempérées de la
planète, avec une hausse moyenne de 1 à 3° par
rapport à la période 1980 – 1999, le potentiel
de rendement agricole devrait encore légère-
ment augmenter. Mais pour l’Afrique, le GIEC
estime qu’une hausse de 1 à 2° baisse globale
des rendements.
Le Center for Global Development à Washing-
ton prévoyait en 2007 le potentiel de crois-
sance des rendements pour l’agriculture, en
se basant sur une hausse de 4,4°. Mais pour
l’Afrique, les récoltes chuteraient d’ici 2080
de 16 à 27 %, voire de 60 % dans certains pays.
Selon le dernier rapport du GIEC, de fortes
pertes de production dues aux sécheresses
et aux précipitations extrêmes pourront se
produire dans les années 2030 – 2040.
Lévolution à long terme fait l’objet de deux
scénarios. Selon le scénario optimiste, on
parviendra à réduire à temps les émissions
de sorte que la hausse de la température ne
dépassera pas 2° d’ici 2080 par rapport
au début de la société industrialisée : c’est
l’objectif déclaré de la politique climatique
internationale. Même ainsi, l’Afrique courra
des risques très élevés pour son agriculture,
mais ils pourront être réduits à un niveau
tolérable par des mesures d’adaptation
aux nouvelles conditions climatiques. En
revanche, si les températures moyennes pro-
gressent de 4° comme l’indique le deuxième
scénario, actuellement le plus probable,
les conséquences pour l’agriculture seront
catastrophiques. Dans ce cas, les mesures
d’adaptation ne pourront pas faire grand-
chose.
En espérant des mesures contraignantes
Même si enfin, après la Conférence des Nations
Unies sur les changements climatiques à
Paris, les pays industrialisés et émergents
commençaient sérieusement à réduire leurs
émissions, le réchauement continuera de
confronter l’agriculture africaine à des défis
immenses. Elle a besoin de meilleures tech-
niques d’irrigation, permettant une utilisa-
tion plus ecace de l’eau. Elle a besoin de
variétés résistantes à la sécheresse, proté-
geant le sol du dessèchement et de l’érosion.
Elle a besoin de développer des systèmes
intégrés d’élevage et de cultures agricoles.
Tout cela doit être abordable et applicable
pour des petits agriculteurs. Bref, c’est une
agriculture écologique et paysanne telle que
la soutient Biovision en Afrique, qui apparaît
comme la solution la plus adaptée à la situa-
tion. | Hansjakob Baumgartner
En Afrique, le nombre de catastrophes
météorologiques comme les sécheresses ou
les inondations a doublé depuis 20 ans
(photos de gauche).
L'évolution pronostiquée dans la
production agricole d’ici 2080,
caue par le changement climatique,
y compris de possibles
augmentations de la fertilité.
(Carte bae sur Cline, 2007)
0 – 15 % de baisses de rendement
15 – 50 % de baisses de rendement
0 – 15 % de hausses de rendement
15 –35 % de hausses de rendement
Aucune donnée
1 / 8 100%