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Une même misogynie
La misogynie de l'islam politique, qui se nourrit du poids des traditions patriarcales encore très pesantes dans
la plupart des sociétés musulmanes, n'a pas besoin d'être démontrée. Le sort réservé aux femmes dans ces
sociétés et dans les programmes politiques des mouvements qui se réclament de l'islam politique illustre
cette misogynie maladive : longue est la liste des discriminations de toutes sortes que vivent les femmes.
Certes, le christianisme politique, du fait des mœurs des sociétés dans lesquelles il a vu le jour, ignore toute
une partie du programme de l'islam politique dans ce domaine (notamment en ce qui concerne la polygamie,
la question de l'héritage, de l'adoption, etc.). Cependant, ses réactions à l'égard des premières mesures en
faveur de l'ouverture de l'enseignement aux femmes ne sont pas très éloignées des conceptions prônées par
l'islam politique. Et ce sont des points de vue que développent tous les discours machistes, quelle qu'en soit
l'idéologie, religieuse ou non.
Ainsi, en réaction à la loi du 18 mars 1880 autorisant l'ouverture des externats de jeunes filles, un homme
politique libéral, Janet, disait : « ... plus délicates, elles doivent être élevées pour la simplicité de la vie
domestique, pour l'obéissance, pour la piété, pour les vertus douces et timides ; ce qui est un bien pour les
hommes est un danger pour elles ». Un autre s'offusque : « Au lieu de faire aimer à la femme le rôle secondaire,
inférieur, mais encore si grand qui est le sien propre, on lui répète qu'elle a droit à partager avec l'homme le
premier rôle ...c'est là tout simplement le renversement des lois de la nature, et c'est un véritable oubli des
conditions d'une société régulière telle que la religion catholique l'institue... ».
La littérature des pays musulmans, de l'islam politique comme de tous les conservateurs machistes qui ont
peur pour leurs privilèges, regorge de ce genre de regrets, d'indignations, d'invocations conjointes de la religion
et de la nature, dans l'espoir de retarder les échéances ou, quand il est trop tard, de retrouver le « paradis
perdu ».
En vérité, les positions du christianisme politique et de l'islam politique à ce sujet, comme à propos d'autres
questions, sont tributaires de l'évolution des opinions, des mœurs et de l'état de la société à laquelle ils ont
affaire.
Les mêmes revirements générateurs des mêmes adaptations
En effet, dans les deux cas, l'évolution de la société, le désespoir de restaurer l'ordre traditionnel défendu bec
et ongles contre la « modernité permissive » et l'« État sans dieu » ont vite eu raison du zèle montré dans
la défense de la monarchie de droit divin, d'un côté, et du Califat, de l'autre. Dans le cas du christianisme
politique, faute de mieux, l'Empire, la monarchie constitutionnelle au 19e siècle, puis le Régime de Vichy ont
été soutenus contre la République. Quant à l'islam politique, ses courants majoritaires ont très vite renoncé
à la restauration du Califat pour fonder leur espoir sur la monarchie saoudienne puis sur tel ou tel régime qui
affiche son rejet de la « modernité occidentale », de sa laïcité et de ses « faux droits de l'Homme », etc. et qui
proclame son attachement à la sharî`a comme unique ou principale source du droit.
Puis, de revirement en revirement, d'adaptation en adaptation, l'islam politique et le christianisme politique
ont atténué leur critique à l'égard de la démocratie et des droits humains qu'ils ne rejettent plus en bloc. Ils
ont graduellement intégré les droits auxquels ils ont réussi à trouver une certaine conciliation avec la norme
religieuse dont ils avaient renouvelé l'interprétation sous la pression de l'évolution des idées, des mœurs