structure), en retour, les éléments ne sont rien d’autre que la structure. Il déstratifie les
représentations hiérarchisées du linguiste. Il soumet la structure à la contrainte du minimal,
projetant le paradigme sur le syntagme : la chaîne est quelconque, elle est saisissable d’un
seul regard en un instant, il n’y a pas de métalangage. Or la linguistique structurale se
constitue en écartant de la langue et du langage ce qu’il y aurait de propre à la langue et au
langage, c’est-à-dire ce qui concerne l’intentionnalité du sujet, elle ne considère pas la langue
comme une traduction de la pensée et de la représentation, elle la considère dans les
conditions de son fonctionnement. C’est la combinaison des deux structuralismes, le faible
qui réduit son objet au terme minimal, un trait purement différentiel, au structuralisme fort qui
poursuit la réduction à la structure elle-même, qui permet à Lacan de développer la théorie de
la chaîne signifiante, si bien qu’il peut énoncer que c’est en tant qu’il est structuré comme un
langage, et non pas en tant qu’il serait une langue, que l’inconscient connaît la métaphore et la
métonymie. Il thématise la conséquence du structuralisme réduit à une théorie de la chaîne
quelconque, « il la concentre en un seul nom, celui de sujet ».
On sait que Saussure s’était intéressé aux anagrammes dans la poésie latine, se
demandant s’il ne s’agissait pas des traces d’une activité secrète du poète, si ce texte sous le
texte relevait du hasard ou d’une intention d’auteur. On sait qu’il a préféré se taire et
abandonner cette recherche, sans doute pour préserver la scientificité de la linguistique. En
posant la différence comme propriété minimale et suffisante pour établir son programme, la
linguistique a pu se développer, mais n’a pu que rencontrer cette faille subjective qui la
traverse de part en part. C’est pour échapper à la circularité du signifiant qui ne peut que
représenter sa différence pour un autre signifiant, que Lacan relève que, parmi les propriétés
non quelconques de la structure quelconque, il y a émergence de ce trait différentiel qui est le
sujet, d’où sa formule canonique : le sujet est ce qui est représenté par un signifiant pour un
autre signifiant. Sans que cela ait été explicitement dit, tous les linguistes ont abandonné le
programme structuraliste. Hjelmslev a rencontré le vide, Chomsky s’est écarté de la
linguistique, Jakobson « là où Benveniste voyait dans les stigmates de la langue, ce qui lui est
radicalement autre, pronoms personnels, temps verbaux, performatifs les adopte de telle sorte
que rien ne s’y lit plus que les voies élégantes d’une Raison poétique ». « Mais le linguiste
rencontre la limite de son savoir » là où le poète se tait, « la langue se montre à lui d’un point
sur lequel il n’a pas de prise, car c’est le point de manque irréparable. Le réel de la langue fait
irruption par le réel d’un manque ». Désormais le langage est objet de la science par les
propriétés qu’il est le seul à avoir, et non par les propriétés minimales qu’il partagerait avec la
structure quelconque. Pour Lacan, l’adieu à la linguistique est explicite : « ainsi la référence,
dont je situe l’inconscient, est-elle celle à qui la linguistique échappe » (Autres écrits, p.489).
Ce qui importe éventuellement ce sont des sujets linguistes, comme témoins, non d’une
science réussie, mais des failles qui la refendent, leurs propres failles, d’où l’apparition dans
le séminaire Encore du terme de « linguisterie ».
Michel Foucault expose son projet d’une description pure des faits de discours : « cette
description se distinguera facilement de l’analyse de la langue ». Il écrit : « Une langue
constitue toujours un système pour des énoncés possibles : c’est un ensemble fini de règles,
qui autorise un nombre infini de performances. Le discours, en revanche, est l’ensemble
toujours fini et actuellement limité des seules séquences linguistiques qui ont été formulées ;
elles peuvent bien être innombrables […], elles constituent cependant un ensemble fini ». La
constitution du discours pose une question : comment se fait-il que tel énoncé soit apparu, et
nul autre à sa place ? C’est à cette question entre autres que Lacan a apporté sa réponse en
montrant que le sujet issu du cogito impliquait la venue du sujet tel que Freud a su le
reconnaître.
« Lorsque dans un groupe d’énoncés, on peut repérer et décrire un référentiel, un type
d’écart énonciatif, un réseau théorique, un champ de possibilités stratégiques, alors on peut