Dépistage des cancers du sein : essais randomisés La mortalité par cancer du sein n’est pas tout Tous les essais randomisés du dépistage des cancers du sein par mammographies ont eu pour critère principal d’évaluation la mortalité par cancer du sein. Il s’agit en général de la mortalité telle qu’elle peut être interprétée à partir des certificats de décès. Mais cette mortalité attribuée aux cancers du sein ne reflète pas la totalité de la mortalité influencée par le dépistage. En plus des décès déclarés comme conséquence d’un cancer du sein, devraient être aussi comptabilisées les morts liées au dépistage et à ses conséquences, principalement les gestes diagnostiques et les traitements des cancers dépistés : morts liées à des accidents anesthésiques ou chirurgicaux au cours des procédures de diagnostic ou de traitement, et celles liées à l’irradiation due aux examens radiologiques répétés ou à une radiothérapie (1). La non-prise en compte de ces morts dans les essais constitue un biais dans l’évaluation du dépistage (1). La mortalité par cancer du sein se heurte parfois à l’imprécision dans l’évaluation des causes de décès (1). Par exemple, en l’absence de résultats d’examen anatomopathologique pour l’ensemble des femmes décédées, une mort considérée comme due aux Synthèse Cochrane 2012 : pas de preuve solide d’efficacité du dépistage La mise à jour en 2012 d’une synthèse méthodique Cochrane avec méta-analyses que nous avions présentée en 2007 a retenu les mêmes essais randomisés que la synthèse de l’Uspstf sans les données corrigées de l’essai des deux comtés suédois (11). Par rapport à la synthèse Cochrane précédente, un essai supplémentaire a été recensé, l’essai dit Ukcccr, qui a inclus des femmes âgées de 40 ans à 49 ans (6,11). Pas d’efficacité du dépistage si on ne retient que les essais jugés de meilleure qualité. Cette métaanalyse Cochrane, des trois essais dont la randomisation et la méthodologie ont été jugées de qualité métastases de cancer du sein peut être confondue avec une mort liée à un autre cancer. Rapporter la mortalité totale présenterait l’avantage d’intégrer tous les effets, attendus ou non, du dépistage (1). De plus, cela permettrait de s’assurer que le dépistage destiné à l’ensemble des femmes n’augmente pas la mortalité totale. Cependant, la mortalité due au cancer du sein ne représente qu’une petite fraction de l’ensemble des décès (a). La mise en évidence d’un effet faible, dans un sens ou dans l’autre, sur la mortalité totale nécessiterait des essais de longue durée et portant sur un très grand nombre de personnes, à l’échelle d’une population, ce qui n’apparaît pas réalisable en pratique (1). ©Prescrire a- En France, en 2008, la mortalité par cancer du sein représentait 4,4 % de la mortalité totale des femmes tous âges confondus, et 13 % de la mortalité des femmes âgées de 45 ans à 65 ans (réf. 2). 1- Prescrire Rédaction “Pièges et difficultés de l’évaluation des dépistages des cancers : l’exemple des cancers du sein” Rev Prescrire 2006 ; 26 (271) : 304310. 2- Aouba A et coll. “Données sur la mortalité en France : principales causes de décès en 2008 et évolutions depuis 2000” BEH 2011 ; 22 : 249255. correcte par les auteurs (près de 300 000 femmes incluses), n’a pas montré de réduction statistiquement significative de la mortalité par cancer du sein par dépistage mammographique après environ 13 ans de suivi (RR 0,90 ; IC95 : 0,79 à 1,02) (11). Ce résultat n’a pas été modifié quand l’analyse a été restreinte aux femmes âgées de 50 ans ou plus à l’inclusion (11). La méta-analyse de l’ensemble des essais, y compris ceux dont la randomisation a été jugée médiocre (près de 600 000 femmes en tout), de moindre niveau de preuves, a montré une réduction de la mortalité par cancer du sein : environ 6 morts par cancer du sein évitées pour 10 000 femmes invitées au dépistage après 13 ans de suivi (RR = 0,81 ; IC95 : 0,74 à 0,87) (11). L’analyse restreinte aux femmes âgées de 50 ans ou plus, a abouti à 16 morts par cancer du sein évitées pour 10 000 femmes invitées au dépistage suivies pendant 13 ans (p < 0,0001) (11). Aucun effet mesurable du dépistage mammographique n’a été observé ni sur la mortalité totale, ni sur la mortalité par cancer (incluant le cancer du sein), après 7 ans à 13 ans de suivi (11). Plus de mastectomies et de radiothérapies chez les femmes dépistées. Le nombre de mastectomies, renseigné dans quatre essais totalisant 250 000 femmes, a été plus élevé dans le groupe mammographie, avec 106 mastectomies totales pour 10 000 femmes, versus 92 pour 10 000 femmes dans le groupe témoin (p < 0,0001) (11). Le nombre de femmes traitées par radiothérapie n’a été rapporté que dans deux essais (totalisant environ 100 000 femmes) (11). Dans le groupe mammographie, 115 femmes pour 10 000 ont eu une radiothérapie versus 89 pour 10 000 dans le groupe témoin (p < 0,001). Synthèse britannique de 2012 : moins de morts par cancer du sein avec le dépistage de 50 ans à 70 ans Devant les controverses autour du dépistage mammographique organisé des cancers du sein, l’association de lutte contre le cancer Cancer Research UK et le ministère de la santé britanniques ont missionné un panel de spécialistes pour faire le point sur les données d’évaluation de ce dépistage dans le contexte du programme britannique. Au Royaume-Uni, les femmes âgées de 50 ans à 70 ans sont invitées à un dépistage par mammographie tous les 3 ans. Les auteurs ont été qualifiés d’indépendants, car aucun n’avait, au préalable, participé à des publications sur le dépistage des cancers du sein (12). La synthèse méthodique avec méta-analyses, que ce groupe a publiée en 2012, a inclus les mêmes huit essais randomisés que ceux retenus pour la méta-analyse Cochrane, sans les données corrigées de l’essai des deux comtés suédois (11,12). Après analyse de la méthodologie des essais, les auteurs n’ont PAGE 840 • LA REVUE PRESCRIRE NOVEMBRE 2014/TOME 34 N° 373 Téléchargé sur prescrire.org le 13/11/2014 par ANDRE SOARES Copyright(c)Prescrire. Usage personnel exclusivement